NOTIONS ET DONNÉES À MAÎTRISER
La France fait partie de l’Union européenne et de la zone euro. À ce titre, elle a transféré son pouvoir monétaire. Avec les autres États membres, elle fait le choix de limiter le recours à l’autre levier, le budgétaire, la crise ayant douloureusement confirmé combien les déficits récurrents minent la soutenabilité de ses finances publiques. Aussi, le budget, son élaboration et son organisation pluriannuelle sont-ils contrôlés et ont-ils pour fin l’équilibre des comptes publics.
L’Union européenne (UE) a vocation à assurer une régulation économique, monétaire et budgétaire. Les États membres (EM) ont transféré une partie de leur souveraineté en la matière à des institutions communes, notamment à la suite de la crise de l’État providence. L’union économique et monétaire (UEM) a ainsi supprimé les monnaies nationales, retirant aux États membres de la zone euro leur politique monétaire. Leurs moyens d’action se trouvaient réduits à la politique budgétaire. Afin d’éviter qu’ils y recourent avec excès, des règles ont été édictées et notamment le pacte de stabilité et de croissance (PSC) qui concerne l’ensemble des EM.
La crise financière de 2008 a remis en cause cette gouvernance. 24 des 27 EM faisaient l’objet d’une procédure pour déficit excessif. L’insuffisance de cette gouvernance a favorisé une carence de solidarité entre les EM, notamment du fait de l’art. 125 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) qui pose un principe de non-renflouement (« no bail out »).
Or la nécessité de « sauver » des États de la périphérie, au premier rang desquels la Grèce, a appelé la création de nouveaux instruments comme le mécanisme européen de stabilité financière (MESF, règlement du 11 mai 2010), le fonds européen de stabilisation financière (FESF, accord du 7 juin 2010 entre les États de la zone euro) et, enfin, un dispositif introduit par un traité spécifique et remplaçant les deux dispositifs précédents : le mécanisme européen de stabilité (MES), entré en vigueur le 27 septembre 2012. L’objectif est qu’une entité commune émette des titres d’emprunt. Pour être récipiendaire de cette source de financement levée sur les marchés financiers par le MES, un EM doit se conformer aux exigences du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
Au-delà de la situation de crise et des plafonds de dépenses, l’absence de possibilité de policy mix – c’est-à-dire d’usage simultané et complémentaire des politiques monétaire et budgétaire – tant au niveau de l’Union européenne que des EM impose une coordination volontariste des politiques budgétaires à côté de la politique monétaire unique de Francfort (siège de la BCE).
Selon la théorie des zones monétaires optimales (ZMO) de Robert Mundell (1961), une zone monétaire est bénéfique à ses participants à plusieurs conditions. Si les entités – les EM dans le cas de l’UE – ne sont pas dans des situations économiques semblables, alors certaines pâtiront d’une politique monétaire qui leur est peu adaptée. Si une zone monétaire est utile en cas de choc symétrique, elle doit se doter d’instruments pour affronter les chocs asymétriques. Il s’agit, par exemple, de l’ajustement des prix et des salaires, de la mobilité des facteurs de production et notamment de la main-d’œuvre. Ainsi, si un choc provoque une perte de compétitivité d’une entité, elle pourra être compensée par une baisse des salaires et la flexibilité du marché du travail. Une autre solution (complémentaire) est la mobilité des salariés, lesquels peuvent quitter les zones à fort chômage pour rejoindre les entités qui offrent du travail. À défaut de ces deux moyens, une politique budgétaire commune permet de soutenir les entités momentanément en difficulté (voire d’atténuer la surchauffe des autres).
L’Union européenne connaît principalement des chocs asymétriques et son budget de l’ordre d’un point de PIB n’est pas en capacité d’assumer un rôle redistributif. Elle a donc besoin de mécanismes pour venir en aide aux EM les plus affectés par les chocs. Il s’agit des EM de la périphérie, qui sont en rattrapage et/ou sont très dépendants de l’extérieur comme l’Irlande dont l’offre de services a besoin de la demande américaine.
Dans ce contexte, le conseil Ecofin, formation du Conseil de l’UE qui réunit les ministres de l’économie et des finances, est l’institution de la coordination des politiques économiques en général et des politiques budgétaires en particulier. L’Eurogroupe, d’abord informel et définitivement institutionnalisé par le traité de Lisbonne (signé le 13 décembre 2007), réunit les ministres des finances des EM de la zone euro avec la BCE et la Commission. Parallèlement, le président de l’Eurogroupe peut participer (sans droit de vote) aux réunions des gouverneurs de la BCE. L’Eurogroupe est doté d’une présidence stable depuis 2004, elle est élue par la majorité des EM de l’Eurogroupe pour un mandat de deux ans et demi renouvelable. Depuis le 22 janvier 2013, son président est Jeroen Dijsselbloem (Pays-Bas).
Le traité de Maastricht (1992) visait une coordination des politiques économiques et une surveillance des politiques budgétaires des États membres dans l’optique de l’union économique et monétaire. Il revenait au Conseil d’adopter les grandes orientations de politique économique (GOPE) et d’assurer une surveillance multilatérale. Le contrôle des déficits publics excessifs reposait notamment sur deux critères principaux : un plafond du déficit public annuel à trois points de PIB et celui de la dette publique à soixante points de PIB. En cas de non-respect des critères de convergence, les EM ne pouvaient adhérer à la zone euro.
De l’origine de la règle des 3 % de déficit public
Les concepteurs des critères de Maastricht pouvaient estimer, selon des hypothèses néo-keynésiennes, qu’un faible déficit pouvait ramener la croissance à 3 %. Aussi, limiter le déficit à 3 % permettait de renouer avec la croissance sans pour autant accroître la dette en points de PIB. C’est le ministre de l’économie et des finances, Jacques Delors, qui a voulu faire du non-dépassement des 3 % une règle, nationale dans un premier temps. 3 % du PIB de 1982 représentaient les symboliques 100 milliards de francs et le déficit de 1982 était de 95 milliards de francs. Le « tournant de la rigueur » aura notamment pour objectif le respect de cette règle.
Cette règle, ensuite retenue pour les critères de Maastricht, repose sur la définition mathématique du solde public stabilisant le ratio dette/PIB, en faisant l’hypothèse d’une croissance potentielle de 5 % en termes nominaux et de 3 % en termes réels. Ainsi, lorsque la dette s’élève à 60 % du PIB et que la croissance est de 5 %, un déficit de 3 % permet de ne pas dégrader le ratio d’endettement : 5 %*60 % = 3 % (cf. chapitre 30).
L’application de ces critères s’est cependant traduite par un droit à 3 % de déficit quelle que soit la situation économique alors que la théorie keynésienne appelle un équilibre à moyen terme et donc une alternance de soutien à l’économie et de mise en réserve.
Les stipulations du traité de Maastricht ont été précisées en 1997 dans le pacte de stabilité et de croissance (PSC) adopté lors du Conseil européen d’Amsterdam des 16 et 17 juin 1997, lequel visait à instaurer les règles de fonctionnement de la zone euro après l’introduction imminente, en 1999, de la monnaie unique et ainsi garantir l’exemplarité des finances publiques. Les critères de convergence de Maastricht ont ainsi été repris dans le cadre du PSC.
Désormais, les EM s’engagent sur un objectif de moyen terme (OMT) de solde public, lequel doit tendre à l’équilibre. L’objectif était ainsi de permettre aux EM de se constituer, par le maintien d’une discipline budgétaire en périodes de haut de cycle, des marges de manœuvre pour les périodes de bas de cycle et pour faire face aux coûts induits par le vieillissement de la population. En effet, la conjoncture peut justifier un déficit ne pouvant dépasser en principe trois points de PIB. Pour mettre en œuvre cet OMT, chaque EM doit présenter annuellement un programme de stabilité pour l’année en cours et les trois prochaines. Il convient de prévenir et de corriger une possible déviation à l’OMT.
Le PSC, formalisé dans des règlements européens, comporte deux volets.
Le volet préventif1 consiste en le contrôle par la Commission européenne de la présentation annuelle, par l’EM, de son programme de stabilité. L’EM y dessine une trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire grâce notamment à des réformes structurelles et en fonction du contexte macro économique. La Commission, qui dispose de ses propres prévisions, vérifie la crédibilité du programme et saisit le conseil Ecofin qui rend un avis, le cas échéant, accompagné d’une recommandation.
Le volet correctif2 consiste en le contrôle par la Commission du respect des ratios de trois points de PIB de déficit et soixante points de PIB de dette. À noter qu’elle privilégie le critère du déficit. En cas de violation de ce critère, la Commission saisit le Conseil, après avoir réalisé un rapport, et lui adresse un avis. Si le Conseil considère qu’il y a déficit excessif, il recommande à l’EM de prendre des mesures correctrices dans un délai de six mois. Si l’EM ne s’est pas mis en conformité, le Conseil peut rendre publique sa recommandation et prononcer une mise en demeure. Enfin, tant qu’il n’y a pas mise en conformité, le Conseil peut décider de sanctions consistant en des dépôts non rémunérés de 0,2 à 0,5 point de PIB, lesquels peuvent devenir des amendes.
Le PSC a été révisé en 2005. Dans les années 2002, 2003, 2004, de nombreux États n’ont pas respecté le PSC, notamment la France et l’Allemagne, qui dépassaient les 3 % de déficit mais sont parvenues à convaincre la majorité du Conseil de ne pas approuver les sanctions proposées par la Commission. La surveillance multilatérale n’a pu fonctionner car le Conseil devenait un lieu de marchandage. Qui plus est, les critères du PSC semblaient trop simplistes car ne prenaient pas suffisamment en compte la situation économique, incitaient à la procyclicité (plus la croissance était importante et plus un État pouvait s’endetter, et inversement, à rebours des enseignements néo-keynésiens). D’autres facteurs macro économiques comme l’épargne des agents privés (qui peut compenser une partie du déficit public), le solde de la balance des paiements courants ou les différentiels de compétitivité entre les EM étaient absents de l’analyse.
Le but de la révision est de ne plus apprécier exclusivement les déficits courants mais de prendre en compte les évolutions budgétaires structurelles traduisant davantage les efforts réalisés par les EM en faveur du désendettement et de la croissance. Une attention particulière est portée sur les choix des EM en haut de cycle car c’est à ce moment que des gisements d’économie et de réforme existent.
Si les deux critères historiques sont préservés, le déclenchement de la procédure pour déficit excessif n’est pas automatique. L’idée est de ne pas pénaliser un État en bas de cycle en lui retirant toute marge de manœuvre. L’appréciation de la Commission est d’autant plus magnanime que l’État est actif en matière d’investissements publics ou de réformes structurelles (qui peuvent être coûteux à court terme). Il est prévu qu’un État membre ne soit pas soumis aux sanctions si son PIB décroît de 2 % ou plus ; il s’agit alors de « circonstances exceptionnelles ». Entre -0,75 % et -2 % de croissance, l’appréciation de la Commission est plus large et ce n’est qu’au-dessus de -0,75 % de croissance que les sanctions sont automatiques. Les États ont désormais plus de temps pour se conformer aux critères en cas de déviation : deux ans au lieu d’un. Enfin, afin d’éviter l’erreur des années 1990 et début 2000, qui ont vu coexister de forts taux de croissance et un endettement important, les États se sont engagés en 2005 à utiliser les marges de manœuvre dégagées par un déficit moins élevé que prévu (car c’est de cela dont il s’agit lorsqu’il est fait état de « cagnotte fiscale ») en haut de cycle à des fins de réduction de la dette et du déficit. Ainsi, la loi française de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 du 24 décembre 2014 prévoit d’affecter les surplus éventuels constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année exclusivement à la réduction du déficit public (art. 17).
Force est de constater que le PSC, même révisé et plus approprié, n’est pas encore intégré par tous. Au début de l’année 2017, 6 États membres, dont la France, faisaient encore l’objet d’une procédure pour déficit public excessif (DPE). Toutefois, la tendance et les évolutions sont encourageantes. En effet, en 2016, la Commission a clos ses procédures pour DPE à l’endroit de Chypre, de l’Irlande et de la Slovénie.
La France bénéficie d’un traitement particulier. Depuis 2013, grâce à la démonstration de son engagement, elle parvient à obtenir un report régulier de l’échéance du retour de son déficit sous la barre des 3 %. Le dernier effort de la Commission date du 27 février 2015 ; elle a accordé à la France un nouveau délai, jusqu’en 2017. La confiance de la Commission européenne est fondée puisque la France entame une baisse de son déficit. En effet, dans ses prévisions d’avril 2017, le gouvernement prévoit un déficit de 2,8 % pour l’année 2017.
Pour dépasser le PSC, a été installée une étude des projets de budgets des EM par la Commission et le Conseil Ecofin avant leur examen par leurs parlements nationaux. Cette intervention dans la procédure budgétaire nationale a été présentée par la Commission dans sa communication du 12 mai 2010 « renforcer la coordination des politiques économiques ». Ainsi est né le « semestre européen ». Chaque année, avant fin avril, les États membres soumettent leur programme de stabilité (dans la zone euro) ou de convergence (hors zone euro) et leur programme national de réforme (PNR) à la Commission. Les programmes de stabilité ou de convergence présentent la stratégie et la trajectoire à moyen terme des finances publiques (en avril 2017 a été présenté le programme de stabilité pour la France 2017-2020). Le PNR présente les réformes structurelles pour se conformer à la stratégie Europe 2020 pour une croissance économique « intelligente, durable et inclusive ». Le but est une prise en compte plus importante des engagements européens dès la réalisation du budget.
Une efficacité a également voulu être retrouvée, dans le contexte de crise, grâce au « six pack », composé de cinq règlements et une directive adoptés le 23 novembre 2011 qui modifient et complètent le PSC. Il y a désormais obligation, pour chaque EM, de réduire son endettement d’1/20e par an pendant trois ans lorsque le plafond des 60 % de PIB est dépassé. Les sanctions financières deviennent la règle. Le Conseil n’a plus à voter les propositions de la Commission en la matière, mais il doit dégager une majorité qualifiée qui s’y opposerait pour les faire éviter à l’EM (majorité inversée). Les sanctions font désormais partie des volets correctif et préventif. Il est obligatoire de se conformer à un cadre budgétaire pluriannuel d’au moins trois ans.
Enfin, le « two pack », composé de deux règlements du 21 mai 2013, prévoit la transmission à la Commission, lors de la préparation du budget national de l’année suivante, d’un « programme budgétaire » précisant comment serait résorbé l’écart entre la situation toutes choses égales par ailleurs et les objectifs de finances publiques. La Commission émet un avis sur ce programme et peut demander des modifications importantes dans un délai de 15 jours. Enfin, les pays en difficultés financières avérées ou potentielles bénéficient d’une surveillance économique et budgétaire renforcée.
Si les « packs » sont une actualisation et un enrichissement du PSC, la volonté intergouvernementale qui s’est imposée pendant la crise a conduit à un traité international distinct des traités européens : le TSCG qui s’appuiera toutefois sur les institutions de l’Union européenne.
Il a été signé à Bruxelles le 2 mars 2012 par les chefs d’État ou de gouvernement de 25 des 27 États membres d’alors. La volonté de non-participation du Royaume-Uni et de la République tchèque (puis de la Croatie après son adhésion le 1er juillet 2013) n’a pas rendu possible son intégration aux traités européens. Le TSCG reste donc un traité international multilatéral classique. À l’instar de la procédure utilisée pour les accords de Schengen, son intégration dans les traités européens est prévue à moyen terme (art. 16 TSCG : délai de 5 ans). Jusque-là, ce sont les traités européens – et donc les « packs » – qui primeront si contradiction il devait y avoir.
Le TSCG est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Il vise, de manière pérenne, à maîtriser les finances publiques des EM signataires afin notamment de les rendre éligibles à des aides conditionnées.
Il s’agit tout d’abord de s’assurer d’un équilibre structurel satisfaisant, considéré comme tel si « le solde annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme (OMT) (…) » avec une limite inférieure de -1 % de PIB lorsque les 60 % de dette sont respectés et de -0,5 % lorsqu’ils sont outrepassés. Désormais, le mécanisme de correction est automatique (et non plus dépendant d’un vote du Conseil) lorsque les écarts avec l’OMT sont importants ou lorsque la réalisation de la trajectoire présentée est compromise. Les sanctions sont également appliquées lorsqu’il y a une déviation de l’effort structurel qui concerne notamment la dépense publique. En ce qui concerne l’endettement de 60 %, des sanctions peuvent intervenir si sa réduction annuelle n’est pas assez rapide (inférieure à 1/20e de la différence avec les 60 % sur une période de 3 ans). Enfin, ce sont des institutions nationales indépendantes qui contrôlent le respect des règles.
Le TSCG exige de la part des EM la mise en place d’une obligation d’équilibre budgétaire, laquelle a vocation à interdire les déficits de fonctionnement. L’emprunt ne peut alors que financer des dépenses exceptionnelles, d’investissement, qui augmentent l’actif. L’idée est de ne pas faire porter par les générations futures des dépenses qui ne bénéficient qu’aux générations actuelles. Le budget des collectivités territoriales françaises est déjà organisé ainsi puisque les emprunts des collectivités territoriales ne peuvent abonder que la section « investissement » et non « fonctionnement » (cf. chapitre 14). La loi fondamentale allemande, révisée à cet effet en 2009, prévoit un déficit structurel maximal de 0,35 point de PIB depuis 2016, pour le Bund et nul pour les Länder dès 2020.
Toutefois, les règles d’or installées aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Espagne n’ont pas empêché des déficits réguliers, atteignant 10,3 % en Espagne en 2012 et une augmentation de la dette, laquelle est passée, au Royaume-Uni, de 36 % en 2003 à 89 % en 2016. Cependant, la meilleure situation financière est celle des pays scandinaves lesquels n’ont certes pas de règle d’or, mais des « freins à l’endettement » à l’instar du « debt brakes » suédois. En définitive, la règle d’or aura peu d’effet sans une volonté voire un courage politique. Or les réformes structurelles sont douloureuses et impopulaires, et les cycles électoraux courts. Le fonds monétaire international (FMI) invite, par ailleurs, désormais à une acception généreuse de la règle d’or et explique qu’une baisse des déficits doit être progressive afin de ne pas gripper la demande et donc les recettes publiques, tout particulièrement en cas d’ajustements structurels synchronisés.
Dès 2003, la France limitait la progression de la dépense de l’État à l’inflation grâce à la règle « zéro volume ». Dès juillet 2005, une réforme de la LOLF prévoyait que la loi de finances disposât sur l’utilisation d’éventuels surplus et la création d’une réserve de précaution pour chaque programme améliorant la régulation budgétaire.
En outre, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale sont soumises à un cadre pluriannuel depuis la réforme constitutionnelle de 20083 : la loi de programmation des finances publiques (LPFP). La LPFP fixe un plafond de dépenses et un plancher de recettes pour plusieurs années. La première LPFP a été votée en février 2009 pour la période 2009-2012 installant le premier budget triennal avec des plafonds par mission : fixes pour les deux premières années et indicatifs pour la troisième.
Dans sa circulaire aux ministres relative au lancement de la procédure budgétaire 2014 du 15 janvier 2014, le ministre délégué au budget demande, pour le budget triennal 2015-2017, que soit évaluée l’évolution tendancielle des dépenses par programme, en CP, pour les trois années. Est également demandée la présentation, pour les trois années, des propositions d’économies structurelles et l’évolution de leur rendement.
La loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 13 décembre 2012, qui met la France en conformité avec le TSCG, formalise les LPFP et précise l’application de l’article 34 de la Constitution. Les LPFP doivent prévoir un objectif de déficit structurel (hors effets conjoncturels) de 0,5 % du PIB au maximum. Une LPFP porte sur une période minimale de 3 ans (art. 4), doit préciser les objectifs de moyen terme (art. 1) en tant que cible de solde de déficit structurel pour l’ensemble des administrations publiques. Les LPFP doivent préciser la trajectoire pour atteindre l’objectif. Elles expliquent comment y parvenir et en quoi consiste le mécanisme de correction lorsque déviation de la trajectoire il y a. Un rapport annexé, et voté par le Parlement, précise les hypothèses et les méthodes retenues pour réaliser la programmation. Désormais, toute loi de finances et de financement de la sécurité sociale débute par un article liminaire qui présente les soldes structurels et effectifs de l’ensemble des administrations publiques (les soldes actualisés pour les lois rectificatives et les soldes des années échues pour la loi de règlement).
La loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a créé un Haut Conseil des finances publiques (HCFP), présidé par le premier président de la Cour des comptes qui rend un avis sur les hypothèses macro-économiques sur lesquelles se fondent les textes financiers, sur le réalisme des trajectoires des finances publiques présentées puis sa comparaison avec l’exécution une fois celle-ci connue.
À titre de comparaison, la Suède est dotée, depuis 2007, d’un « conseil de politique budgétaire » indépendant. Les six membres (dont un étranger), universitaires et anciens responsables de la politique économique, ne peuvent avoir de contacts informels avec le gouvernement et se cooptent. Ce conseil évalue la politique budgétaire, son exécution, sa soutenabilité sur le cycle économique et les hypothèses macroéconomiques retenues. Le Royaume-Uni a suivi en 2010 avec « l’agence pour la responsabilité budgétaire ». C’est dès 1947 que les Pays-Bas se sont dotés d’une telle structure : le « bureau central du plan ».
Le HCFP a la mission d’alerter publiquement le gouvernement et le Parlement sur un écart important à l’OMT lors de l’examen de la loi de règlement qui appelle la mise en œuvre du mécanisme de correction. Il a le pouvoir de déterminer si sont réunies les conditions des « circonstances exceptionnelles ». Dans un tel cas de figure, le gouvernement doit expliquer publiquement les raisons de l’écart et présenter les mesures prévues. Ces nouvelles mesures, qui trouveront notamment leur place dans le plus prochain PLF ou PLFSS, seront détaillées dans une annexe budgétaire. En plus de son président, siègent au HCFP : le directeur de l’INSEE, quatre magistrats de la Cour des comptes (deux femmes, deux hommes), quatre membres nommés respectivement par les présidents des deux assemblées et les présidents de leur commission des finances (deux femmes, deux hommes) et un membre nommé par le président du conseil économique, social et environnemental (CESE). Hormis le premier président de la Cour des comptes et le directeur de l’INSEE, les membres sont renouvelés par moitié tous les 30 mois.
L’article 3 du TSCG prévoit le déclenchement automatique d’un mécanisme de correction « si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif », il y a alors obligation de « mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts ». C’est l’article 4 de la loi organique qui prévoit ce mécanisme. Avant le dépôt de la loi de règlement, le HCFP, s’il constate des écarts entre l’exécution de l’année écoulée et les orientations de la LPFP, alerte publiquement le gouvernement et le Parlement sur la nécessité de déclencher ce mécanisme au moyen d’un avis rendu public. Le gouvernement doit expliquer la présence des écarts et présentés les mesures correctrices lors du débat d’orientation des finances publiques (juin). Ces mesures doivent permettre un retour à la trajectoire. Seules des conditions exceptionnelles peuvent justifier un écart.
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Les finances publiques évoluent désormais dans un cadre contraint par un ensemble de normes et de procédures destinées à favoriser, sinon y contraindre, leur maîtrise. Européen, ce cadre est partagé avec les autres EM de la zone euro et implique les institutions européennes, notamment la Commission. Pour autant, il est désormais résolument inscrit dans le droit national, où il s’articule avec les autres dispositions et principes régissant les finances publiques de la France.
SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS
• La règle d’or des finances publiques
• Le pilotage européen des finances publiques
• L’UE, la France et les packs
• La Commission européenne et la procédure budgétaire nationale
• La France est-elle encore budgétairement souveraine ?
RÉFÉRENCES
Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ; http://european-council.europa.eu/media/639232/08_-_tscg.fr.12.pdf
Loi organique no 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Programme de stabilité et programme national de réformes de la France ; http://www.economie.gouv.fr/programme-stabilite-et-programme-national-de-reforme
Direction générale du Trésor, juin 2006, « Le policy mix en zone euro et aux États-Unis de 1999 à aujourd’hui » ; http://www.tresor.economie.gouv.fr/file/326816
Robert Mundell, « A theory of optimum currency areas », American Economic Review, vol. 51, 1961, p. 509-517.