CHAPITRE 19

Le budget de l’Union européenne

NOTIONS À MAÎTRISER

Les huit grands principes budgétaires

Les ressources propres traditionnelles et les autres ressources propres

Les dépenses obligatoires et les dépenses non obligatoires

Le comité de conciliation

Le cadre financier pluriannuel ; la décision ressources propres

Les huit grands principes budgétaires de l’UE sont définis par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, il s’agit de :

– l’unité et la vérité budgétaire : un document unique rassemble l’ensemble des recettes et dépenses de l’Union européenne. Toutes les recettes et les dépenses de l’Union doivent être inscrites au budget ;

– l’universalité : d’une part, il est impossible d’affecter les recettes à des dépenses précises (règle de non-affectation), d’autre part, les montants des recettes et des dépenses doivent apparaître dans le détail (règle de non-contraction) ;

– l’annualité : le budget est voté pour un an (l’exercice budgétaire commence le 1er janvier pour s’achever le 31 décembre) et doit prendre en compte les programmes d’intervention prévus sur plusieurs années. En principe, les crédits non utilisés à la fin d’un exercice budgétaire sont annulés, mais le règlement financier fixe certaines conditions selon lesquelles ils peuvent être reportés sur l’exercice suivant ;

– la spécialité des dépenses : elles sont destinées à un but spécifique et ne peuvent être utilisées à d’autres fins. Chaque crédit est donc affecté à une dépense spécifique. Le budget est structuré en sections, titres, chapitres, articles et postes. Si les crédits sont précisément répartis, une certaine flexibilité de gestion pour les institutions est néanmoins prévue ;

– la bonne gestion financière : des objectifs vérifiables sont mis en œuvre selon des principes d’efficacité, d’économie et d’efficience. Les institutions doivent ensuite réaliser des évaluations ex ante et ex post conformément aux orientations définies par la Commission ;

– la transparence : l’établissement et l’exécution du budget ainsi que la reddition des comptes doivent respecter le principe de transparence. Cela se traduit notamment par la publication du budget et des budgets rectificatifs au Journal officiel de l’Union européenne ;

– l’unité de compte : l’euro est l’unité de compte pour l’ensemble des opérations concernant le budget1. Dans certaines conditions précisées par le règlement financier, certaines opérations peuvent être effectuées dans les monnaies nationales.

1 La procédure budgétaire de l’Union européenne

La procédure prévue à l’article 314 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) implique les trois pôles du triangle institutionnel (Conseil, Parlement européen et Commission) et offre l’un des meilleurs exemples de la confrontation entre logique gouvernementale et logique communautaire. Le Conseil y défend la logique intergouvernementale des États alors que la Commission et le Parlement cherchent à donner au budget une logique communautaire.

Le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 a réformé la procédure budgétaire, renforçant les pouvoirs du Parlement européen.

Les enjeux financiers du budget de l’UE sont plus faibles que ceux des budgets des États membres. Or son adoption voit les États membres négocier avec acharnement. Il y a une double opposition. D’une part entre « l’État fédéral UE » et les États membres, lesquels raisonnent le plus souvent en termes de juste retour. D’autre part, entre les institutions de l’UE : entre le Parlement européen (PE) et le Conseil de l’UE (Conseil). Aussi, la procédure doit prendre en compte ces tensions.

1.1 Le budget est négocié entre le Conseil et le Parlement européen

a L’élaboration budgétaire était partagée et prenait la forme d’un bras de fer entre Parlement européen et Conseil

Le traité de Rome de 1957 avait organisé une première procédure budgétaire. Le pouvoir budgétaire y était détenu par le Conseil dans le cadre d’une procédure en trois étapes avec un avant-projet (APB) proposé par la Commission, un projet établi par le Conseil et un budget définitif arrêté par le Conseil qui statuait sur les modifications apportées par le Parlement. Aussi, il y avait peu de tensions institutionnelles.

Les traités budgétaires de 1970 et 1975 sont venus réformer ces premières dispositions et donner des pouvoirs au PE. En effet, le traité de Luxembourg (1970) est venu distinguer les dépenses obligatoires (DO) des dépenses non obligatoires (DNO). Le traité de Bruxelles (1975) a rendu l’autorité budgétaire bicéphale : le PE a obtenu le dernier mot sur les DNO et la faculté de rejeter le budget. Il est aussi devenu compétent pour donner décharge à la Commission.

Le Conseil demeurait compétent pour fixer le niveau des DO, c’est-à-dire des dépenses qui découlent « obligatoirement » du Traité. Ces DO recouvraient essentiellement les dépenses de la politique agricole commune (PAC), les dépenses concernant les mesures de marché, les aides directes y compris les mesures relatives au marché de la pêche et les accords de pêche conclus avec des tiers, les dépenses résultant d’accords internationaux que l’Union a conclus avec des tiers, ainsi que les pensions. Ces dépenses obligatoires représentaient 40 % du budget annuel.

Le PE fixait, lui, le niveau des DNO. Ces dépenses étaient : le volet « développement rural » de la PAC, les actions structurelles (fonds structurels, fonds de cohésion), les politiques internes (transport, énergie), les aides de pré-adhésion et le financement d’actions extérieures ne découlant par d’accords internationaux (aide au développement, politique étrangère et de sécurité commune). Le PE était toutefois encadré par un taux maximal d’augmentation2 qui restreignait sa marge de manœuvre.

La procédure budgétaire, longue et complexe, suscitait des tensions entre le Conseil et le PE. Les tensions venaient de ce que le Conseil souhaitait réduire au maximum les crédits qu’il accordait et de ce que le Parlement s’employait à retrouver le niveau de crédits qu’avait proposé la Commission dans son APB.

b L’accord interinstitutionnel et sa projection pluriannuelle ont pacifié les relations

Constatant que la procédure budgétaire prévue dans le traité n’avait pas prévu le cas d’une confrontation persistante entre les deux institutions de l’autorité budgétaire, la Commission, le Conseil et le Parlement ont élaboré des règles de discipline budgétaire pluriannuelle et de concertation avec la signature d’accords interinstitutionnels. Ainsi, ont été négociées les « perspectives financières » du « paquet Delors I » (1988-1992) relatif à la réalisation du marché unique, puis celles du « paquet Delors II » (1993-1999) relatif au rattrapage des pays du Sud et de l’Irlande à des fins de préparation de la monnaie unique, puis « l’Agenda 2000 » pour la période 2000-2006 relatif à la préparation de l’élargissement, les perspectives financières pour la période 2007-2013 notamment relatives à l’impact de l’élargissement sur les finances de l’UE. Désormais, il s’agit d’un cadre financier pluriannuel (2014-2020)3.

Les règles procédurales de l’accord prévoyaient la réunion de « trilogues », réunissant des représentants des trois institutions avec le président du Conseil Ecofin (qui rassemble les ministres de l’économie et des finances des États membres), le président de la commission des budgets (COBU) du PE et le commissaire en charge des questions budgétaires. Ces réunions de concertation avaient pour objectif d’atteindre un accord entre les trois institutions sur le budget pluriannuel dans son ensemble. Ces réunions permettaient de fixer la classification des DO et DNO. L’accord interinstitutionnel prévoyait une programmation pluriannuelle des dépenses exprimée sous la forme d’un plafond de crédits d’engagement qui donnait, pour chaque rubrique de dépenses, un plafond global des crédits de paiement (les sommes qui seront effectivement dépensées) par an.

1.2 Le traité de Lisbonne réforme et clarifie la procédure budgétaire

a La procédure est plus rapide et plus lisible

L’article 314 TFUE supprime la distinction entre DO et DNO. Cela favorise le Parlement européen, lequel ne verra plus les DO lui échapper après une décision en dernier ressort du Conseil.

La Commission a toujours l’initiative en matière budgétaire et présente, sur la base de l’état prévisionnel des dépenses transmis par chaque institution, une proposition contenant le projet de budget4. Le Conseil fait ensuite une première lecture et transmet le projet au PE pour qu’il en fasse de même. Le PE a désormais 42 jours pour soit approuver le projet du Conseil, soit l’amender à la majorité de ses membres. S’il ne se prononce pas ou le fait hors délai, le projet est réputé adopté. Le Conseil fait ensuite une deuxième lecture et, soit adopte le projet à la majorité qualifiée, soit le rejette. Désormais, le mécanisme des lectures s’arrête là et, si désaccord il y a, le président du PE, en accord avec le président du Conseil, convoque un comité de conciliation.

b Le comité de conciliation facilite le dialogue entre le PE et le Conseil

La création du comité de conciliation est la grande nouveauté introduite par le traité de Lisbonne. Il réunit des membres du Conseil ou leurs représentants et le même nombre de représentants du PE. La Commission y participe également. Le comité de conciliation doit établir un projet commun à la majorité qualifiée des membres représentant le Conseil et à la majorité des membres représentant le PE. Si le comité de conciliation ne parvient pas à un accord, la Commission doit proposer un nouveau budget et la procédure budgétaire reprend du départ.

Si accord du comité de conciliation il y a, le projet commun doit être approuvé par le Conseil à la majorité qualifiée de ses membres, mais le Conseil peut également le rejeter ou ne pas statuer. Dans tous les cas, le projet est ensuite soumis au PE pour qu’il statue. Si le projet a été approuvé par le Conseil, le PE doit approuver l’accord ou ne pas parvenir à statuer afin que l’accord soit adopté. Si ni le Conseil, ni le PE ne parviennent à statuer, le budget est approuvé selon le projet commun. Si le PE décide, comme le Conseil, de rejeter le texte du comité de conciliation, une nouvelle procédure doit être engagée. Si l’une des deux institutions l’approuve et que l’autre ne peut statuer, un nouveau projet de budget doit être présenté par la Commission. Si le projet commun est approuvé par le Conseil mais rejeté par le PE, un nouveau projet de budget doit être présenté par la Commission. Si le projet du comité a été rejeté par le Conseil mais approuvé par le PE, le président du PE peut décider de confirmer l’ensemble ou une partie des amendements ! Il arrêtera le budget qui deviendra exécutoire.

c Le cadre financier pluriannuel

Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, les perspectives financières sont institutionnalisées dans le cadre financier pluriannuel (CFP). L’idée est d’inscrire l’annualité budgétaire dans un cadre global couvrant au moins cinq années (sept dans les faits) et se fondant sur un accord politique. Le CFP est proposé par la Commission et approuvé par le PE à la majorité de ses membres. Un CFP s’applique si le Conseil s’est exprimé à l’unanimité sur son règlement financier. Le 19 novembre 2013, le PE a approuvé le CFP pour la période 2014-2020. Le règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 a été adopté par le Conseil le 2 décembre 2013 après deux ans et demi de négociation.

Le budget de l’UE pour la période 2014-2020 est de 1 083 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 1 024 milliards d’euros en crédits de paiement5 (prix courants) – soit en moyenne 155 et 146 milliards d’euros par an. Les plafonds annuels – que les budgets de chaque année devront respecter – représentent 1 % du revenu national brut (RNB) de l’UE pour les plafonds de CE et 0,95 % pour les plafonds de CP. Les priorités affichées de ce CFP sont la recherche et l’innovation (Horizon 2020), les réseaux européens de transport, d’énergie et de télécommunication pour relier les États membres entre eux (mécanisme pour l’interconnexion en Europe), l’éducation y compris tout au long de la vie (Erasmus+), l’emploi des jeunes et la compétitivité des entreprises et des petites et moyennes entreprises européennes (programme COSME). Plus des deux tiers du budget soutiennent l’agriculture et la politique de cohésion en faveur des régions les plus défavorisées. Enfin, 20 % du budget devront servir des projets et des politiques liés au climat. À la faveur du réexamen à mi-parcours du CFP 2014-2020, le 14 septembre 2016, la vice-présidente bulgare de la Commission au budget et aux ressources humaines, Kristalina Georgieva, s’est félicitée des trois premières années qui ont honoré les priorités politiques définies, notamment en garantissant les investissements dans l’emploi et la croissance et en veillant à la sécurité. Aussi, la Commission a accordé un nouveau paquet de 6,3 Md€ toujours en faveur de ces priorités et a décidé d’assouplir l’usage du budget de l’UE (accès facilité aux fonds de l’UE, participation des citoyens, réglementation financière simplifiée), marquant là sa confiance. Il est permis d’y voir l’introduction d’une logique de résultats.

Les accords pluriannuels sont adoptés dans le cadre d’une « procédure législative spéciale » qui passe par l’unanimité au Conseil et l’approbation du Parlement européen. Les États membres disposent donc d’un véritable droit de veto sur la question du cadre financier. Les parlementaires, eux, se voient confier un rôle plus modeste puisqu’ils ne disposent pas d’un pouvoir de codécision en la matière. Le rôle limité du Parlement sur cette question déterminante vient contrebalancer la « concession » faite par les États aux eurodéputés qui, dans la nouvelle procédure budgétaire annuelle (article 314 TFUE), se voient confier un statut égal au Conseil (cf. supra).

2 La réforme des ressources propres de l’Union européenne

L’UE se distingue d’une organisation internationale classique notamment du fait qu’elle bénéficie de l’affectation directe de ressources propres, au lieu de contributions des États membres. Un tel système est toutefois complexe puisqu’il implique une redéfinition des ressources propres en fonction de l’évolution de leur rendement et des nouvelles missions dévolues à l’UE. En l’espèce, les États membres n’ont eu de cesse de les lire au prisme des soldes nets et à réclamer des transformations ou rabais à toute iniquité réelle ou supposée. C’est notamment l’organisation des ressources propres qui a nui à l’existence d’une Union politique et à la compréhension de sa valeur ajoutée pour tous.

2.1 Le système des ressources propres est complexe et peu équitable

De 1958 à 1970, le financement était traditionnel puisqu’assuré par des contributions des États membres. Cette période a servi de réflexion pour définir les ressources propres. En effet, dès le traité de Rome du 25 mars 1957 était prévu un système de ressources propres afin que le financement fût indépendant des États. La première décision relative aux ressources propres du 21 avril 1970 identifie des ressources indépendantes.

Les ressources propres traditionnelles (RPT) sont constituées des droits de douane sur les importations en provenance de pays tiers et des cotisations « sucre » et autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. Les RPT sont perçues par les États membres pour le compte de l’UE, qui gardent 20 % de frais de perception6. Les RPT ont représenté 12,9 % des recettes totales en 2016 (18,5 Md€).

La ressource TVA a été créée en 1970 et mise en œuvre à partir de 1979. Elle consiste en une assiette harmonisée de la TVA écrêtée à 50 % du RNB afin de ne pas désavantager les pays dont une part importante des revenus est consacrée à la consommation. Il demeure que ce système est parfois considéré comme inéquitable et pesant davantage sur les États membres plus modestes. A contrario, sont gagnants les États membres dont la perception de la TVA est peu efficace et/ou ceux dont l’économie souterraine n’est pas négligeable. Enfin, cette ressource est sensible à la consommation et donc à la conjoncture. La ressource TVA a représenté 13,1 % des recettes totales en 2016 (18,8 Md€).

Enfin, la ressource RNB correspond à une contribution directe des États membres. La ressource propre RNB a progressivement pris l’ascendant sur les autres ressources pour composer environ les trois quarts du budget européen. Au départ, il devait s’agir d’une ressource d’ajustement (« d’équilibre ») introduite en 1988, qui est devenue la plus importante. Son avantage est son rendement important et son caractère équitable. La ressource RNB a représenté 72,4 % des recettes totales en 2016 (104,6 Md€)7.

À noter qu’en marge du budget de l’UE subsiste un mode de financement intergouvernemental pour financer notamment le fonds européen de développement (FED), qui regroupe les aides en faveur des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ce fonds s’élève à 30,5 Md€ pour la période 2014-2020, soit en moyenne 4,4 Md€ par an (11e FED, entré en vigueur le 1er janvier 2015). De la même façon, un financement spécifique est prévu pour la politique européenne de sécurité et de défense et la coopération judiciaire pénale.

2.2 Une multiplication des exceptions conduisant à une perte de lisibilité

a À peine intégré, le Royaume-Uni a entretenu une relation (financière) ambiguë

En 1974, dès l’adhésion de son pays8, le Premier ministre Wilson critique le système européen de ressources propres et réclame un « juste équilibre entre les recettes et les dépenses », c’est-à-dire entre ce qu’un État membre apporte, financièrement à la Communauté et ce qu’il en reçoit. Sa revendication était fondée sur deux arguments. Premièrement, la part du Royaume-Uni dans les ressources de l’Union était plus importante que celle des autres États membres : le pays payait plus de droits de douane liés au montant élevé de ses importations agricoles, les recettes de sa TVA étaient bien plus élevées car à assiette plus large. Deuxièmement, le Royaume-Uni profitait peu de la PAC car sa population agricole était comparativement moins nombreuse.

Dès son arrivée au pouvoir, Margareth Thatcher a repris à son compte ces revendications, l’évolution de la structure des coûts et des dépenses de la PAC accentuant les déséquilibres : en 1978, le Royaume-Uni participait à hauteur de 24 % au budget de la Communauté économique européenne (CEE) mais ne bénéficiait que de 10 % de ses dépenses. La PAC représentait alors 70 % du budget communautaire. Au Conseil européen de Fontainebleau de 1984, les chefs d’État et de gouvernement ont reconnu « une charge budgétaire excessive » du Royaume-Uni et entériné le versement annuel aux Britanniques d’un « chèque » destiné à compenser ce déséquilibre.

Les décisions relatives aux ressources propres (DRP) du Conseil prises en mai 1985 ont défini des principes de base : le Royaume-Uni ne participe pas au financement de sa propre compensation ; celle-ci lui est accordée sous la forme d’une réduction de ses versements au titre de la TVA (si cela ne suffit pas, de ses contributions RNB) ; la charge financière correspondante est assumée par les autres États en fonction de leurs parts respectives dans la contribution d’équilibre (TVA d’abord, puis RNB à partir de 1988).

L’élargissement de 2004 aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO) provoque mécaniquement une diminution plus forte de la part du Royaume-Uni dans les dépenses de l’UE que dans les recettes en raison du secteur agricole important des nouveaux entrants et de leur niveau de vie inférieur. Néanmoins, une simple neutralisation de cet effet serait revenue à reconnaître une non-contribution du RU à l’effort d’élargissement. Or, le Royaume-Uni a été une force motrice de l’intégration des PECO. Le Premier Ministre Tony Blair a accepté, en 2005, une diminution du rabais au titre de l’élargissement.

Le 23 juin 2016, 51,9 % des électeurs britanniques ont voté en faveur du « Brexit » (le retrait du Royaume-Uni de l’UE). Le 29 mars 2017, en application de l’article 50 du traité sur l’UE dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne, le Premier Ministre Theresa May a notifié au Conseil européen son intention de sortir de l’UE. Les deux parties ont en principe deux ans pour négocier un accord fixant les modalités de sortie de l’UE.

b Une logique enclenchée : de nouvelles exonérations

Pour d’autres États ont été élaborés des « rabais sur le rabais ». Les conclusions du Conseil européen de Fontainebleau de 1984 avaient limité, dès l’origine, la participation de l’Allemagne au financement de la correction britannique. Ce premier « rabais sur le rabais » allemand (l’Allemagne ne s’acquittait alors que de 66 % de ce qui aurait dû être sa participation au chèque britannique) a ouvert une brèche dans la solidarité budgétaire européenne. La négociation des perspectives financières 2000-2006 voit émerger les revendications d’un « quartet des contributeurs nets mécontents » : la Suède, les Pays-Bas et l’Autriche s’étaient ainsi joints à l’Allemagne pour réclamer, et obtenir, une réduction de leur participation au financement du rabais britannique de 2/3.

Depuis le 1er janvier 2009 existent également des dérogations au taux d’appel uniforme de la TVA de 0,30 % en faveur des quatre contributeurs nets les plus importants, lesquels apportent une grosse part de financement au titre de la ressource propre RNB. Ainsi, le taux d’appel de la TVA a été réduit à 0,225 % pour l’Autriche, 0,15 % pour l’Allemagne et 0,10 % pour les Pays-Bas et la Suède. Enfin, au titre de la ressource RNB, les Pays-Bas et la Suède ont obtenu, dans le cadre des perspectives financières 2007-2013, un rabais forfaitaire annuel de respectivement 605 et 150 M€, devenus 695 et 185 M€ dans le CFP 2014-2020. En effet, ce dernier reconduit ces exceptions. Elles sont même étendues puisque le Danemark bénéficie d’un nouveau rabais sur sa contribution RNB d’un montant de 130 M€. Le rabais forfaitaire de l’Autriche sur la TVA a été renforcé (en compensation de la réduction de son taux d’appel réduit). Les taux réduits de TVA des Pays-Bas et de la Suède sont alignés à la hausse sur l’allemand (0,15 %).

Il convient de noter que les dispositifs et avantages des uns sont financés par les autres et notamment la France, laquelle n’a pas négocié de tels avantages mais finance ceux des autres. Pourtant, la France est elle aussi contributrice nette à l’Union européenne. Elle est le troisième contributeur net après l’Allemagne et le Royaume-Uni avec un solde net de – 6,1 Md€ en 2015 (selon la méthode de la Commission européenne, qui ne tient compte ni des RPT ni des dépenses administratives : – 14,3 Md€ pour l’Allemagne, – 11,5 Md€ pour le Royaume-Uni, – 3,7 Md€ pour les Pays-Bas, mais +9,5 Md€ pour la Pologne, +5,7 Md€ pour la Tchéquie, +5,1 Md€ pour la Roumanie, +4,9 Md€ pour la Grèce).

c Un « Brexit » coûteux en termes de dépenses à charge des autres États membres

En termes de retours de l’Union sur le territoire, le Royaume-Uni se place au 6rang des bénéficiaires en volume des politiques de l’Union avec des retours estimés à 7,5 Md€ en 2015, à comparer avec une contribution totale, en incluant les RPT, de 21,4 Md€ au budget de l’UE en 2015. Le Royaume-Uni, malgré son chèque, est ainsi le 2ou 3contributeur net de l’UE (selon les années), avec un solde net comptable de l’ordre de – 7 Md€ sur la période 2007-2014 (mais – 14 Md€ en 2015).

Il est évident que l’impact sur la contribution des autres États membres sera non négligeable. En admettant que la France en prenne en charge 1/7e, cela représenterait 1 Md€ si l’on se réfère à la période 2007-2014. Mais compte tenu de la participation importante de la France au rabais britannique, l’impact pourrait être plus supportable pour la France que pour l’Allemagne par exemple.

Plusieurs paramètres peuvent néanmoins influencer l’impact du Brexit sur les contributions nationales au budget de l’Union, entre autres :

– le maintien d’une contribution au budget de l’Union de la part du Royaume-Uni pour financer certains programmes ;

– la diminution ou le maintien des plafonds de dépenses du CFP actuel de l’Union ;

– la date effective du Brexit et, partant, de la cessation de sa contribution au budget ;

– le montant de la participation du Royaume-Uni au paiement du reste à liquider (RAL) et divers autres engagements (versement des pensions des fonctionnaires européens de nationalité britannique par exemple) ;

– le paiement ou non du chèque britannique l’année suivant la sortie.

2.3 Un nouveau « paquet ressources propres »

a Une décision au sein du cadre financier pluriannuel

Une nouvelle décision « ressources propres » (DRP), dite « paquet ressources propres », relative au CFP 2014-2020 a été adoptée par le Conseil le 26 mai 2014, après un vote du PE en session plénière le 16 avril 2014, puis ratifiée par les États membres. Les ressources propres restent les mêmes en 2014-2020 : ressources propres traditionnelles, ressource propre basée sur la TVA, ressource propre basée sur le RNB. Le « paquet ressources propres » s’applique rétroactivement au 1er janvier 2014.

Il convient de noter que la DRP demeure soumise à l’unanimité du Conseil et ratification par les États membres, ce qui traduit bien l’emprise des États membres (art. 311 TFUE). Ainsi, si le PE a pu gagner du pouvoir en ce qui concerne les décisions de dépenses, il ne maîtrise pas les recettes et ne garde qu’un rôle consultatif. Certes, le PE a obtenu, en 2011, d’être « pleinement associé » sans pour autant que les modalités de cette participation ne soient définies.

b L’absence de nouvelle ressource

Les idées qu’avait pu avoir la Commission pour renforcer l’autonomie financière de l’UE n’ont pas été retenues : une taxe sur les tabacs, sur les alcools, une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (IS), une taxe carbone pour remplacer, à tout le moins diminuer, la cotisation RNB. La Commission souhaitait également que le produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) européenne qu’elle proposait de créer (cf. chapitre 26), fût au moins partiellement affecté au budget de l’UE. Cependant, du fait de l’opposition de nombreux États dont notamment le Royaume-Uni et le Luxembourg, cette TTF ne sera au mieux instituée que dans le cadre d’une coopération renforcée et ne pourra donc pas bénéficier au budget européen.

Une nouvelle ressource autonome aurait pourtant présenté des avantages. Le projet porté par l’UE serait devenu plus lisible pour les citoyens. À ce stade, les institutions européennes sont dans une situation difficile car de dépendance à l’égard des États membres. Au-delà de la TTF et d’un IS commun, lequel impliquerait préalablement la définition d’une assiette harmonisée (cf. chapitre 27), pourraient être envisagées : une taxe carbone sous la forme de droits de douane compensant le dumping environnemental de certains importateurs (notamment des pays émergents) ; une TVA européenne qui s’ajouterait aux nationales et serait visible pour le citoyen ; une taxe sur les transports aériens au départ des aéroports européens.

3 Les dépenses de l’Union européenne

Les politiques de l’Union européenne, et donc ses dépenses, s’articulent autour de cinq rubriques (cf. tableau 1 infra).

Le 28 novembre 2016, le Conseil a donné son feu vert définitif au budget 2017 de l’UE en approuvant l’accord dégagé avec le Parlement européen le 17 novembre 2016. Le budget de l’UE pour 2017 a été adopté le 1er décembre 2016, lorsque le Parlement européen a confirmé l’accord. Il fixe le montant total des engagements à 157,9 Md€ et celui des paiements à 134,5 Md€. Si les crédits de paiement sont inférieurs à l’exécution du budget 2015 (– 4,7 %), les crédits d’engagement sont en hausse par rapport à ce même budget (+8,7 %) et représentent environ 1 % du revenu national brut de l’UE.

3.1 L’effort de l’UE en faveur de la compétitivité et de la cohésion est mis en avant (47 % des CE)

La sous-rubrique « compétitivité pour la croissance et l’emploi » ambitionne la bonne mise en œuvre d’une « croissance intelligente, durable et inclusive » de la stratégie « Europe 2020 » adoptée par le Conseil européen du 17 juin 2010. Pour ce faire, l’accent est mis sur la recherche, l’innovation, le développement technologique, la compétitivité des entreprises, les infrastructures d’envergure, l’éducation et l’agenda social. La partie gérée directement par la Commission (ou ses agences exécutives) se traduit par des appels à projet. Les États membres peuvent également se voir confier la gestion d’une partie des mises en œuvre au moyen d’agences nationales. La grande majorité des CE de cette sous-rubrique abondent les programmes Horizon 2020, MIE (mécanisme pour l’interconnexion en Europe), Erasmus+9 et COSME.

Le but principal de la sous rubrique 1b « cohésion économique, sociale et territoriale » est de réduire les inégalités de développement entre les différentes régions et États de l’UE. Le CFP vise à vérifier la bonne utilisation des crédits de cette sous-rubrique pour des projets et actions cohérents et bénéfiques sur le long terme. Les trois objectifs sont « l’investissement pour la croissance et l’emploi » (ICE), la « coopération territoriale européenne » (CTC) et « l’initiative en faveur de l’emploi des jeunes » (IEJ).

Le premier objectif flèche les crédits vers :

– les régions les moins développées (celles dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % du PIB moyen par habitant de l’UE, à savoir 71 régions dont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, auxquelles s’ajoute Mayotte depuis 2014) ;

– les régions en transition (53 régions dont l’Auvergne, la Basse-Normandie, la Corse, le Poitou-Charentes, la Franche-Comté, le Languedoc Roussillon, la Lorraine, le Limousin, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie) ;

– les régions développées (pour favoriser les compétitivités et ne pas laisser certains États membres avec trop peu de retours sur cette politique, régions dont le PIB est supérieur à 90 % du PIB moyen, soit la moitié des régions de l’UE) ;

– les États éligibles au fonds de cohésion (pour les 14 États membres dont le RNB par habitant en parité de pouvoir d’achat est inférieur à 90 % de la moyenne européenne) ;

– et les régions ultra-périphériques (dont les cinq régions françaises10 précitées) pour les régions d’outre-mer les moins développées.

La mise en œuvre de ces crédits (à l’exception de ceux du fonds de cohésion) est assurée par le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE). La CTC renforce les coopérations transfrontalières, transnationale et interrégionale. L’IEJ a été créée par le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 en faveur des régions dont le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) est supérieur à 25 % (100 régions dont 10 françaises).

3.2 La politique agricole demeure coûteuse du fait de sa pleine fédéralisation (37 % des CE)

La rubrique 2 « croissance durable : ressources naturelles » représente une grosse part du budget de l’UE. Elle regroupe notamment les dépenses de la PAC : les aides directes en faveur des agriculteurs, les mesures de soutien de marché, les aides au développement rural, à la pêche et à l’environnement.

L’article 39 TFUE assigne cinq missions à la PAC : accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique ; assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ; stabiliser les marchés ; garantir la sécurité des approvisionnements ; assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

Deux fonds principaux mettent en œuvre la PAC : le fonds européen agricole de garantie (FEAGA), lequel gère les aides directes aux agriculteurs et l’organisation commune des marchés (les cas échéants, interventions, restitutions aux exportations) ; le fonds européen agricole de développement rural (FEADER) finance le développement durable et notamment ses dimensions environnementale, qualitative, de bien-être animal et de développement régional. Enfin, sont également à identifier le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), le programme Life en faveur de l’environnement et de l’action pour le climat.

Une nouvelle réforme de la PAC trouve son origine dans l’accord politique du 26 juin 2013 entre le PE, le Conseil et la Commission. L’idée est une plus juste répartition des aides, notamment après les derniers élargissements et le phasing in imposé aux nouveaux entrants11, entre États membres et entre exploitants d’un même État membre. La nouvelle réforme vise également à favoriser les jeunes agriculteurs et les petites exploitations afin d’éviter les exploitations de type industriel, lesquelles respectent moins l’environnement, participent moins à l’aménagement du territoire et au développement durable mais concentrent une part importante des aides. Enfin, la PAC s’inscrit dans le cadre global du budget de l’UE respectueux de l’environnement puisque 30 % des aides ne pourront bénéficier qu’à une activité agricole bénéfique à l’environnement (cultures diversifiées, surfaces d’intérêt écologique).

Le développement rural ambitionne l’amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers, l’amélioration de l’environnement et de l’espace rural, et la diversification de l’économie rurale.

3.3 Les rubriques 3 à 5 sont plus faibles (15 % des CE)

La rubrique 3 « citoyenneté et sécurité » promeut le concept de citoyenneté européenne au moyen d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, d’un accès aux biens et services publics. L’objectif premier est de développer un sentiment d’appartenance à l’UE. Les crédits abondent des projets en faveur de la culture, l’éducation, les médias, la santé, la protection des consommateurs. Le volet justice s’emploie à favoriser la coopération judiciaire en matière civile et pénale, et d’accès au droit. La protection des droits des citoyens se traduit par des efforts de lutte contre les discriminations, pour la protection des données personnelles et des droits de l’enfant. Le budget de la rubrique 3 est en forte augmentation : multiplié par deux entre 2015 et 2017.

La rubrique 4 « l’Europe dans le monde » traite des actions extérieures de l’UE. Les efforts sont réalisés en matière de pré-adhésion afin d’aider de potentiels nouveaux membres (comme le Monténégro) à remplir les conditions d’adhésion et de sécuriser les frontières extérieures de l’UE ; en matière de voisinage afin de renforcer les coopérations politiques ; en matière de respect des libertés fondamentales au moyen de mesures de protection des sociétés civiles en lutte pour la démocratie, d’aides pour des élections libres et de protection des droits de l’homme en général ; en matière d’aide au développement en luttant contre la pauvreté, pour une bonne gestion des ressources en eau, pour la cohésion sociale et l’emploi ; en matière humanitaire en protégeant contre les catastrophes majeures et en venant en aide suite à des catastrophes naturelles ou humaines.

La rubrique 5 « administration » concerne les dépenses administratives des institutions de l’UE. Les coûts administratifs de l’UE représentent 6,0 % du budget, ce qui n’est pas disproportionné.

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Les élargissements successifs de l’UE et l’hétérogénéité économique accrue de cette dernière ont conduit à un affaiblissement de la solidarité financière entre États membres. La recherche d’une neutralité budgétaire de la participation à l’UE ou, à tout le moins, le souci de minimiser la contribution nette lorsqu’elle est positive, ont abouti à instituer le rabais britannique puis de multiples dérogations rendant moins lisible le financement de l’UE. La création d’une nouvelle ressource propre pourrait être un moyen d’accroître cette lisibilité mais est confrontée à des obstacles politiques, les États membres et leurs opinions publiques n’étant pas semble-t-il désireux d’instaurer un impôt européen. Le « Brexit » confirme le ralentissement du projet européen mais peut être facteur d’unité. L’élection présidentielle française de mai 2017 et les élections législatives allemandes de septembre 2017 ont témoigné d’un nouvel intérêt pour plus et/ou mieux d’Europe alors que ce sujet ne fédérait plus une majorité d’électeurs depuis plus de 20 ans. Gageons qu’une nouvelle dynamique est à l’œuvre.

SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS

• L’organisation budgétaire de l’Union européenne

• Quel rôle pour les institutions européennes lors de l’élaboration du budget de l’UE ?

• Les ressources propres

• Les mécanismes de juste retour

• Les dépenses du budget de l’Union européenne

• Le « Brexit »

RÉFÉRENCES

PLF pour 2017, annexe Relations financières avec l’Union européenne (jaune budgétaire).

Commission européenne, Cadre financier pluriannuel 2014-2020 et budget 2017 de l’UE, synthèse chiffrée.