1. On trouvera une chronologie très détaillée dans l’édition du Théâtre complet de Marivaux par Henri Coulet et Michel Gilot, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1993-1994, 2 volumes.
On ignore la distribution des rôles lors de la création à la Comédie-Française, le 6 novembre 1734. Le registre du théâtre, que cite Frédéric Deloffre dans son édition du Théâtre complet de Marivaux (Classiques Garnier, 1968, t. II, p. 156) énumère La Thorillère, Montmeny, Fleury, Fierville, Dangeville jeune, Poisson, Mlle Du Boccage, Mlle Dangeville, Mme Grandval, Mlle La Motte. La Thorillère, qui jouait « les rôles à manteau, de Financier, de Père » fut sans doute le Comte, et Poisson, « que nous avons vu jouer avec tant de succès dans les rôles de Crispin », joua probablement celui de Frontin. Mme Grandval, à qui revenaient « les principaux rôles comiques » (selon Clément et La Porte, Anecdotes dramatiques, chez la Veuve Duchesne, 1775, qui nous ont fourni aussi les précédentes citations), dut être Hortense, et Mme Dangeville, célèbre pour la finesse avec laquelle elle faisait les soubrettes et les confidentes, était toute désignée pour jouer Marton. F. Deloffre pense que Fleury et Fierville eurent leurs rôles dans Le Retour imprévu de Regnard, qui figurait au même programme, que Montmeny était Rosimond et le jeune Dangeville Dorante. On verrait plutôt Dangeville dans le rôle de Rosimond, étant donné l’extrême jeunesse et l’espèce de naïveté du personnage – mais Montmeny avait plus d’expérience.
Il n’y eut alors que deux représentations à la Comédie-Française.
Du 3 décembre 2016 au 26 avril 2017, la Comédie-Française fera revivre la pièce, dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger, avec Florence Viala, Loïc Corbery, Adeline d’Hermy, Pierre Hancisse, Claire de La Rüe du Can, Didier Sandre, Christophe Montenez, Dominique Blanc et Ji Su Jeong (comédienne de l’Académie de la Comédie-Française).
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Dictionnaire universel de Furetière, 1690 (désigné dans notre édition par Furetière).
Abrégé du Dictionnaire universel français et latin vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux par Berthelin, 1762 (désigné par Trévoux).
Dictionnaire de l’Académie française, 1762 (désigné par Académie).
Encyclopédie, 1765.
Dictionnaire grammatical par l’abbé Féraud, 1786 (désigné par Dictionnaire grammatical Féraud).
Dictionnaire critique de la langue française par l’abbé Féraud, 1787 (désigné par Féraud).
1. N.B. Nous avons renoncé à recenser tous les articles de revues qui ont été consacrés au théâtre de Marivaux durant les dernières décennies.
Acteurs
1. À propos de la distribution lors de la création, voir plus haut « Le Petit-maître corrigé à la Comédie-Française ».
Acte I
1. « Vous m’avez appelé » : Marivaux lui-même avait dû omettre l’accord du participe puisque le copiste du manuscrit de la Bibliothèque nationale qui avait écrit « appelée » a biffé l’e muet final.
2. « Rêver » : « penser, méditer profondément sur quelque chose » (Académie).
3. En parlant du mariage comme d’une « nouveauté curieuse » et en demandant si le prétendant n’est pas du « goût » d’Hortense, Marton parodie le style des petits-maîtres. Nous retrouverons semblable imitation un peu plus bas.
4. « C’est de lui dont je veux te parler » : construction classique de la relative, qui subsiste auprès de la tournure plus récente (généralisée dans l’édition de 1781) : « C’est de lui que… » On rencontrera plus loin des cas similaires.
5. « Fille d’esprit » : « Vous êtes fille d’esprit, vous pénétrez les mouvements des autres, vous lisez dans les cœurs », disait Lucile à Lisette dans Les Serments indiscrets (IV, IX).
6. « Figure » : c’est l’apparence générale. Le premier adjectif par lequel Rosimond est qualifié est « joli ».
7. « Honnête homme » : le mot a divers sens, sur lesquels Marivaux a souvent joué ; ici : homme qui a la civilité et les qualités morales de la bonne société. Au début de la scène VI de cet acte, Rosimond oppose les « honnêtes gens » aux « coquins » : le mot « honnête » servira de nouveau à qualifier Rosimond dans la scène XII de l’acte II , ainsi que les mots « honnête homme » (III, I).
8. « À vue du pays » ou plus souvent « à vue de pays » : « On dit […] figur[ément] “Juger à vue de pays”, pour dire “Juger des choses en gros et sans entrer dans le détail” » (Académie).
10. Chez les gens à la mode, ce qui est « bourgeois » s’oppose à ce qui est « du bel air, du bon air ». Le mot avait déjà ce sens dénigrant au XVIIe siècle : « Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois » (Magdelon dans Les Précieuses ridicules, sc. IV).
11. De la folie à la raison, d’un langage affecté au langage vrai l’itinéraire de Rosimond est d’avance tracé.
12. Il faut une heure à Rosimond pour s’habiller, quand tout le monde est déjà prêt chez le Comte. C’est la seule allusion de la pièce à la coquetterie vestimentaire qui était un trait des petits-maîtres.
13. « Il a pensé » : « “Penser”, être près de faire quelque chose. Il a “pensé” mourir » (Trévoux) ; voir Rosimond à Hortense : « […] moi, qui ai pensé dire que je vous aime » (I, XII). C’est l’emploi impersonnel qui est inattendu ici. Est-ce un trait du langage affecté, parlé par Frontin à l’imitation des petits-maîtres, comme le jeu de mots sur « être couru » et « être attrapé » ?
14. « Elle me goûte » : l’expression était du langage courant (« Il a bien “goûté” cet homme-là, il le trouve à son gré », Trévoux), mais dans la bouche des petits-maîtres elle exprimait ce que Frontin appelle plus loin la « curiosité de goût », un sentiment passager qui n’engage à rien (voir n. 3).
15. « Une vapeur d’amour » : l’expression est claire ; elle semble une trouvaille de Frontin, bien que Frédéric Deloffre renvoie à un exemple de l’Histoire de la langue française de Ferdinand Brunot, 1905 et sqq., où le mot est au pluriel, ce qui est moins original, t. VI, p. 1080 (édition du Petit-maître corrigé) : « des vapeurs de bel-esprit ».
16. « Malice » : bien que le mot se prenne quelquefois en bonne part (Trévoux, Féraud), il s’oppose ici à « ingénuité » et désigne bien une méchanceté fine et rusée. Frontin affecte d’admirer en Marton ce qu’il a l’habitude de trouver admirable chez les gens que fréquente son maître ; s’adressant à Rosimond, il appellera Marton « une maligne soubrette » (I, VII). Mais, les répliques qui suivent immédiatement le montrent, il a compris le ridicule de ses propres « façons ».
17. Marton parodie la complaisance vaniteuse que lui avait manifestée Frontin, dans les mêmes termes, à la scène III.
18. « Touche-là » : « On a accoutumé de se toucher la main pour conclure un marché » (Trévoux). Marton s’y refuse d’abord, parce qu’elle croit que Frontin lui propose une complicité de « malice », alors qu’il pense au contraire à un pacte loyal, « de bon cœur ».
19. « Mon original » : « mon modèle » (comme dans Le Triomphe de l’amour, II, XIII, « son original de lettre »). Dans Le Glorieux de Destouches (1732), Pasquin, qui imite la suffisance de son maître, s’écrie, en le voyant venir : « Ah ! C’est l’original / De mes airs de grandeur » (II, IX). Mais l’adjectif substantivé, et de sens péjoratif, se rencontre ailleurs ; « un “original” est un homme bizarre et singulier » (Féraud) et Frontin joue peut-être sur le mot. Voir plus loin un propos de Dorimène (II, II).
20. Au ton désinvolte de Rosimond, on reconnaît dès son entrée le maître de Frontin, et à sa curiosité des conversations ancillaires, le fils de la Marquise : « Que disiez-vous à Frontin ? » avait d’abord demandé celle-ci. Ce n’est pas seulement un moyen d’enchaîner les scènes.
21. « Je n’ai rien vu de si joli que vous » : pour s’adresser aux domestiques, les maîtres usent aussi bien du tutoiement que du vouvoiement ; cet usage n’est pas une particularité des petits-maîtres, et il se pratique aussi entre amis (voir n. 30 et 10e ligne) ou entre parents. Le choix du pronom permet parfois une nuance, le « vous » marquant la sévérité et le « tu » l’affection ; ici le « vous » est galant, le « tu » est celui du maître.
22. « Je m’en accommoderais encore mieux qu’elle » : Frontin saisit au vol l’occasion de faire un bon mot, mais perd en clarté ce qu’il gagne en rapidité. L’édition de 1781 et les éditions modernes, sauf celles de Frédéric Deloffre (éditions de 1955 et 1968), ont corrigé le texte, moins audacieusement toutefois que Pierre Duviquet qui développe : « mieux qu’aucune femme de la Cour ».
23. « À propos » : expression affectée des petits-maîtres pour souligner le décousu de leur propos et l’insignifiance à leurs yeux d’une chose importante. F. Deloffre en a cité plusieurs exemples, dans son édition du Petit-maître corrigé. On pourra en relever plusieurs autres dans la suite (Frontin ; Rosimond ; ici).
24. « Ce bon homme » : l’expression signifiait, selon Féraud, le plus souvent, « un homme de peu d’esprit ». Elle est à distinguer de l’expression en un mot « bonhomme » ou « bon-homme », qui n’était pas péjorative.
25. Les phrases en l’air, que l’interlocuteur semble ne prononcer que pour lui-même, sont un trait du langage des petits-maîtres ; voir ici (« Elle est d’une ingénuité charmante », I, III) et dans cette scène VI la première réplique de Rosimond (« Souvent ces coquins-là sont plus heureux que d’honnêtes gens »).
26. « Il est » : le pronom neutre « il », au sens de « ce », « cela », avait un emploi plus étendu que dans la langue actuelle.
27. « Une lettre de commerce » : « commerce » désigne ici le commerce du monde en général, et plus particulièrement ces relations galantes passagères que Frontin avait décrites à la scène III ; les répliques qui suivent confirment ce sens (« missive de passage », « écrit par amourette »).
29. « Malpeste » : graphie conforme à la prononciation.
30. Le passage du « tu » au « vous » puis le retour au « tu » (voir n. 21) traduisent les mouvements de dépit et de colère par lesquels passe Rosimond, blessé dans sa vanité à l’idée que Frontin, pour faire « sa cour » à Hortense, l’ait présenté comme « un garçon sage », mais craignant, dans son penchant inavoué, d’être pris pour un libertin de mœurs.
31. « Il fallait le soupçonner » : il fallait vous contenter d’une conjecture, au lieu de vous hasarder à croire la chose possible. C’est la vanité de Rosimond qui s’exprime.
32. « Joli homme » : Féraud, citant Bouhours, oppose « joli homme » à « jolie femme », « l’un est une raillerie, et l’autre une louange ». F. Deloffre (édition de 1955, p. 24) entre maints exemples de ce mot à la mode en cite un qui remonte à 1692 (L’Impromptu de garnison, comédie mise sous le nom de Dancourt, sc. XI) : « ARAMINTE : Est-ce un joli homme, Marton ? – MARTON : Si c’est un joli homme ! C’est un Petit-Maître. »
33. « Il faudra qu’il y vienne » : ainsi Flaminia assurait au Prince que Silvia ne lui résisterait pas (La Double Inconstance, I, VI) ; ainsi Dubois assurera à Dorante qu’il épousera Araminte (Les Fausses Confidences, I, II).
34. « Le bel air ne veut pas qu’il accoure » : Marivaux avait peut-être employé l’indicatif, courant dans ce type de phrase au XVIIe siècle.
35. « Ce caractère d’esprit-là », dont Rosimond affecte de s’étonner, s’attendant à trouver plus de coquetterie chez une jeune et jolie femme, c’est le dédain des formalités vaines ; il avoue ainsi, comme Hortense le lui donnait à entendre, que les « façons unies » ne sont pas la même chose que la « liberté », l’« aisance des façons ».
36. « La dentelle est passable » : comprendre « on peut vous passer l’éloge de la dentelle », comme Rosimond le demandait, et aussi, par jeu de mots, « la dentelle est passablement belle ».
37. « Serait-ce quelque partie de cœur déjà liée ? » : lier une partie, c’est tomber d’accord sur un divertissement ; le mot était à la mode (voir dans l’édition de 1955 de F. Deloffre les expressions « partie d’honneur » – c’est-à-dire partie de cabaret –, « partie d’ennui », etc., p. 102). « […] que fait-on dans ce pays-ci ? Y a-t-il du jeu ? de la chasse ? des amours ? » demandait Rosimond, sc. VI : trois façons de lier des parties pour un petit-maître.
38. « Nous sommes alliés, au moins » : « “Au moins” s’emploie quelquefois seulement par énergie, et pour donner plus de force à ce que l’on dit » (Trévoux). Dorimène explique la chaleur de son salut à Hortense, salut exprimé dans le style « sans façons » des gens de son milieu.
39. « À Hortense » : l’indication scénique ne concerne que la deuxième phrase de la réplique.
40. « Une espèce de sage qui fait peu de cas de l’amour » : « […] on nous aime beaucoup, mais nous n’aimons point », disait Frontin à Marton, sc. III.
41. « Sur ce pied-là » : « on dit familièrement “sur ce pied-là” pour dire les choses étant ainsi, puisque les choses sont en cet état, sont comme vous le dites » (Académie).
42. « Remarquez-vous comme il rougit ? » : Dorante peut rougir d’être soupçonné d’aimer (comme Rosimond, si l’on en croit ce qu’a dit Marton,sc. I), sans être vraiment amoureux.
43. « Je l’amène » : le présent a paru bizarre au copiste du manuscrit ; il exprime une situation qui ne doit pas changer ; Dorante est le cavalier (ou le « chevalier ») de Dorimène, « à moins » que Rosimond ne prenne sa place : le plan contre le mariage de Rosimond est déjà dressé.
44. « Vous êtes mon chevalier » : « On dit, dans le style familier, qu’un homme est le “chevalier” d’une Dame, quand il lui est attaché » (Féraud) ; il y a un archaïsme ironique dans le mot employé par Dorimène : « Chevalier », s’est dit aussi de celui qui avait entrepris de servir, et de protéger une Dame » (Trévoux). Peut-être le rôle du « chevalier » est-il moins momentané et plus sérieux que celui du « cavalier ».
Acte II
2. « Cette cohue de province » : les hôtes du Comte sont-ils assez nombreux pour faire une « cohue » ? Sont-ce les invités de la noce ? Le Comte parlera (III, VII) de « quelques amis ». De toute façon le couplet de Dorimène est affecté, comme tout ce qu’elle dit : on remarquera les alliances de mots, les répétitions, les phrases en suspens, les exclamatives, les reprises d’expression par « mais » (voir F. Deloffre, édition de 1955, p. 92).
3. « L’extravagance des compliments qu’on m’a fait » : même en fin de proposition, il arrive que le participe passé ne soit pas accordé. Nous retrouvons semblables cas 9e ligne ; 9e ligne ; 7e ligne.
4. « Folichonne » : « “Folichon” enchérit sur “folâtre”, et il n’est que du style familier » (Féraud).
5. « De si jolis tours de tête » : l’expression, qui combine les sens de « disposition agréable ou plaisante » (« tour d’esprit ») et de « procédé habile » (« tour de cartes »), semble une création de Marivaux.
6. « Un agréable » : F. Deloffre (édition de 1955, p. 106) donne quelques exemples de ces adjectifs substantivés fréquents dans le langage des petits-maîtres (« une adorable », « un aimable », « une incomparable », etc.). « “Faire l’agréable”, c’est croire être agréable, et affecter de passer pour tel. […] On dit dans ce sens, “c’est un agréable”, pour dire, “il fait l’agréable” » (Féraud). Même emploi 7e ligne.
7. Avoir du « goût » pour quelqu’un est tout autre chose que l’aimer (voir n. 3 et, n. 14), tout comme « belle passion », dans la suite de la réplique, s’oppose à « galanterie ».
9. « Dégagé » se disait de l’air ou de la taille, pour en désigner l’aisance. Au sens de « libre de préjugés », c’était un mot à la mode dont F. Deloffre cite une occurrence expressive dans L’Indigent philosophe de Marivaux : « Elle humiliait les Bourgeoises qui l’entouraient, et qui n’auraient pas osé être aussi dégagées qu’elle » (quatrième feuille, Journaux et œuvres diverses. p. 198 ; F. Deloffre, Une préciosité nouvelle. Marivaux et le marivaudage, Armand Colin, 1955, p. 283).
10. « Non, que je sache » : on répond « non », dans la langue classique, pour confirmer le sens négatif d’une interrogation (qui serait introduite en latin par num).
11. « Je ne sais pas lire » : Marton sait bien lire, elle a même pu juger le contenu et le style de la lettre (I, xv). Ce sont les Arlequins qui ne savent pas lire, voir La Méprise de Marivaux (sc. XII).
12. En tête de phrase, « Eh » ne se distingue pas de « Et » pour le sens.
13. « On m’a chargé » : le participe n’est pas accordé, comme c’est le plus souvent le cas quand il n’est pas en fin de phrase. L’accord a été rétabli dans les éditions modernes, sauf celles de F. Deloffre.
14. « Il faut être fait à se douter de pareille chose » : « Je suis peu fait à ces manières-là », dit le comte de Tufière à Lisimon, son futur beau-père, qui s’est permis de le tutoyer (Destouches, Le Glorieux, II, XIV).
15. « Mais je m’amuse trop » : au sens de « je m’attarde » (Académie). Voir La Méprise (sc. XII) et également ici, 10e ligne
16. « Cela demeure bien longtemps à se déterminer » : « cela » n’est probablement pas un neutre (avec lequel « se déterminer » serait un passif : « cela met longtemps à être décidé »), mais désigne de façon désinvolte Hortense.
17. « Pourquoi vous jetez-vous dans cet inconvénient ? » : « inconvénient » a un sens plus fort que de nos jours (« malheurs, suite, conséquence fâcheuse », Trévoux).
18. « Inconsidérations » : imprudences. Dorimène a de la « folie » dans ses desseins (II, II) ; la « folle » dit Dorante et Rosimond dira bientôt : « ma folle de Comtesse », (II, XII).
19. Les « puérilités » sont la réponse aux « inconsidérations ».
20. « Pendant que Madame vous amuse, Dorante nous égorge » : « vous amuse » : voir n. 15. « Nous égorge » : non pas parce que le mariage de Frontin et de Marton dépend du mariage de Rosimond et d’Hortense, mais parce que Frontin s’associe et s’identifie à son maître : « Épousons-nous Hortense ? » demande-t-il plus loin (III, VIII).
21. « Faire l’amour » : courtiser, chercher à plaire à une femme pour s’en faire aimer. L’expression commençait à ne plus être du beau style.
22. Comme le fait remarquer F. Deloffre (édition de 1955, p. 277), c’est en général un personnage comique qui raconte ce genre de scène, ou qui l’invente (Frontin, dans L’Heureux Stratagème, I, XII ; Trivelin, dans La Fausse Suivante, II, III). Mais désormais dans le théâtre de Marivaux, que ce soit dans les pièces « françaises » ou dans les pièces « italiennes », les serviteurs sont encore plus sévères et reprenants que comiques.
23. « En arrière » : en retard sur Dorante, qui va encore plus vite auprès d’Hortense que Rosimond auprès de Dorimène ; celle-ci a quelque raison de s’irriter d’une insolence qui contient une vérité (Dorimène sera traitée de « pis-aller » à la scène suivante).
24. « D’empressement ? » : le point d’interrogation de l’édition originale serait étrange, si l’on oubliait les emplois assez variés de ce signe dans les premières éditions de Marivaux. Rosimond ne reprend pas un mot déjà prononcé par Dorimène ou Frontin, il s’interroge lui-même et s’embarrasse dans une phrase hésitante dont le mouvement ne doit pourtant pas être brisé.
25. « Cachez-vous un moment derrière cette palissade » : espionner les conversations des maîtres est habituellement le fait des domestiques comiques (Arlequin dans Le Prince travesti, Trivelin dans La Fausse Suivante, derrière une palissade, déjà – II, IV –, Dimas dans Le Triomphe de l’amour, Lubin dans La Mère confidente, Arlequin dans La Méprise, etc.) ; ni le précédent de Néron dans Britannicus ni celui d’Orgon dans Tartuffe ne rehaussent la dignité de Rosimond, entraîné par son valet (voir n. 22) à cette « petite plaisanterie de campagne ». Sur l’écoute clandestine chez Marivaux, voir l’étude de William H. Trapnell, Eavesdropping in Marivaux, Genève, Droz, 1987.
26. « Eh ! quoi ! Madame » : les éditions modernes donnent « Quoi, Madame ? », à l’exception de celles de F. Deloffre (1955, 1968, 1992) qui donnent « Eh ! Madame ».
28. « C’est une manière de petit-maître en femme » : le mot « petite-maîtresse » existait, mais était encore récent, et peut-être d’un jargon qu’Hortense n’était pas censée entendre (« “Petite-maîtresse”, femme, qui affecte les manières d’un petit-maître – Celui-ci [c’est-à-dire : ce mot-ci] est plus nouveau, parce que le ridicule qu’il représente est devenu depuis quelques années plus outré et plus commun », Féraud). Dans La Nouvelle Héloïse, IIe partie, lettre XXVII (Gallimard, Folio classique, t. 1, p. 361), Julie ayant reproché à Saint-Preux de mettre dans ses lettres « les sarcasmes d’un petit-maître », Rousseau, en note, se moque d’elle : « Eh quoi ! vous n’avez pas même le ton du jour. Vous ne savez pas qu’il y a des petites-maîtresses, mais qu’il n’y a plus de petits-maîtres. » Au moment même où il croit disqualifier Dorimène en la désignant comme « une manière de petit-maître en femme », Rosimond continue à parler comme un petit-maître lui-même (« ce que c’est que Dorimène », « tire[r] sur le coquet, sur le cavalier », « on distingue, Madame, on distingue », « finir tout cela ») sans prendre conscience de la contradiction.
29. « Je me rappelle du marquis » : « du » est un partitif (je me rappelle qu’il y avait du marquis). La tournure « se rappeler de » ne se rencontre pas chez Marivaux (sauf devant un infinitif où elle est correcte : « Je me rappelle d’avoir entendu ma sœur parler dans ce sens-là », L’Île de la Raison, III, V), bien qu’elle soit très fréquente de son temps, même dans la langue écrite.
30. Cette scène inspirera à Beaumarchais les scènes du Mariage de Figaro où Figaro essaie d’écarter les soupçons du Comte (II, XX et XXI).
31. Le Gil Blas de Lesage raconte comment les valets des petits-maîtres non seulement imitaient les manières et le langage de leurs patrons, mais prenaient leur nom (Histoire de Gil Blas de Santillane, livre III, chap. IV).
32. « Monsieur est-il bien convaincu ? » : la tournure à la troisième personne est plus propre aux domestiques, mais sans doute Rosimond ironise-t-il.
33. « Avec tant d’avantage » : à l’exception de l’édition F. Deloffre de 1955, les éditions modernes donnent « avec tant d’avantages ».
34. « Il me l’écrit lui-même, et me mande de conclure » : de même, dans La Fausse Suivante (III, VII), la Comtesse recevait de son frère une lettre lui annonçant qu’il ne viendrait pas et qu’elle pouvait se marier sans l’attendre.
35. « Les variantes de ponctuation reflètent la grande liberté laissée aux interprètes par la ponctuation de Marivaux (sans doute seulement des virgules) : « sérieusement, mon père. Les vues » (copie manuscrite et édition de 1781) ; « sérieusement ; mon père, les vues » (édition originale) ; « sérieusement, mon père, les vues » (édition de 1759).
36. Frontin se dit « cassé » comme un officier destitué de son grade ou un régiment réformé. Rosimond s’est à peine exprimé durant toute cette scène XII.
37. La vanité du petit-maître exige qu’il soit le responsable, et non la victime, d’une rupture.
Acte III
1. La « pensée » de Frontin s’exprime par métaphore, comme s’il ne pouvait la saisir qu’au moyen d’un style affecté.
2. Pour mieux « impatienter » Rosimond (voir la scène précédente), Marton outrepasse la consigne qu’elle a reçue d’Hortense.
3. « “Celui-là”, au lieu de “cela”, est du style familier » (Féraud).
4. « D’où vient » : pourquoi.
5. « Ne m’épousez pas » : ce mot a surpris Duviquet, qui a supposé une faute de copiste, et après lui Jean Fournier et Maurice Bastide. Frédéric Deloffre l’explique en disant que Rosimond, qui « n’a pas l’habitude de ménager [Dorimène] […] est ici inquiet et de mauvaise humeur, tout prêt à rompre au premier prétexte ». Nous pensons au contraire que Rosimond est incapable de défense devant Dorimène ; mais « impatient », comme le prévoyait Hortense, il concède à Dorimène tout ce qu’elle veut, d’être piquée, de ne pas se raccommoder avec la Marquise, de ne pas l’épouser, lui, si elle préfère ne pas se marier plutôt que de se raccommoder. Évidemment, ses paroles trahissent un vœu inconscient, ou inavoué, que l’irritation lui arrachera devant Hortense : « Je ne veux point de Dorimène ; je n’en veux qu’à vous » (III, V).
6. « C’est à Hortense » : la leçon de l’édition F. Deloffre (1968) est la suivante : « C’est Hortense ».
7. « J’en ai meilleure augure » : il y a hésitation sur le genre de ce mot jusqu’au début du XVIIIe siècle ; dans Le Bilboquet, Marivaux écrit encore « bonne augure » (Œuvres de jeunesse, édition de F. Deloffre, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 687).
8. « J’hésite de le continuer » : « hésiter de » est une tournure déjà archaïque. Haase (Syntaxe, § 112, 2°°A) cite La Bruyère : « Ils n’hésitent pas de critiquer des choses qui sont parfaites. »
9. « Cet homme-là est incurable » : « Il faut que son orgueil soit un mal incurable », dit Pasquin du comte de Tufière dans Le Glorieux (II, xv).
11. « Ne doit-on pas l’aimer gratis ? » : Marton reprend plus énergiquement la métaphore de Frontin (III, I, p. 124), qui devient plus blessante dans sa bouche.
12. « Vous voyez, Madame, jusqu’où le dépit porte un cœur tendre » : cette ironie d’Hortense fait entendre au spectateur que, si elle a enfin dit à Rosimond ce qu’elle pense de lui et apparemment renoncé au mariage, elle recommence à espérer la réussite de sa dangereuse manœuvre.
13. « Je trouve que vous seriez charmant, si nous ne faisiez pas le petit agréable » : le petit-maître est un « petit emporté », un « petit ingrat » (Dorimène, III, VI), qui fait le « petit agréable » (voir n. 6) : trait de langage affecté (et, chez Frontin, parodique), mais révélateur, les vaniteux sont de petits hommes, comme l’a montré L’Île de la Raison. Frontin va parler à Rosimond comme le paysan Blaise parlait à la Comtesse ou au Courtisan dans cette dernière comédie.
14. « Qu’est-ce ? » : exclamation des petits-maîtres ; voir F. Deloffre (édition de 1933, p. 91).
15. « Encore une petite façon » : comme un vêtement auquel on met la dernière main.
16. « Une chose qu’elle a oubliée de vous dire » : l’absence d’accord du participe dans cette position (déjà relevée plusieurs fois) était régulière à l’époque de Marivaux ; au contraire, l’accord du participe, quand il commandait un infinitif, avec le complément de cet infinitif, était tenu pour irrégulier (voir Restaut, Principes généraux et raisonnés de la grammaire française, 4e éd., 1740, p. 333), mais fréquent dans l’usage.
17. « Voilà qui ne vaut rien ; vous retombez » : comme Frontin à la fin de I, V (« Doucement ; vous redevenez fat ») et aussi comme Blaise dans L’Île de la Raison (« Vous redevenez petit », I, XIV), ou Spinette (« Je vous regarde comme retombée », ibid., II, III).
18. « Je me déteste » : « Jé mé détesté », disait aussi le Gascon Fontignac en prenant conscience de ses folies, dans L’Île de la Raison (I, VII).
19. Marivaux a heureusement supprimé une réplique de deux phrases de la version manuscrite, qui faisait attendre un dénouement facile et rapide, et qui semblait dicter à Rosimond le mouvement de la scène suivante (X), dont la spontanéité doit être préservée.
20. « Riez-en » : ni la copie manuscrite ni aucune des éditions du XVIIIe siècle ne met de trait d’union mais « en » est bien un pronom, repris dans la phrase suivante (« […] soyez sûre d’en être toujours vengée […] »), représentant « mes folies », et non pas la préposition marquant le lieu.
21. « C’était mon cœur qui éprouvait le vôtre » : comme Silvia au dénouement du Jeu de l’amour et du hasard, Hortense explique par son amour la dureté et le prolongement de l’épreuve à laquelle elle a soumis celui qu’elle aime.
22. « Ce dénouement-ci vous rend justice » : « rendre justice » ne signifie pas ici, comme à l’ordinaire, « reconnaître les mérites de quelqu’un » (l’ironie serait trop forte et déplacée), mais « infliger à quelqu’un une juste punition » (voir Challe, Les Illustres Françaises, édition de F. Deloffre, Les Belles Lettres, 1959, p. 285 : « Je fus blâmé, et quoiqu’on me rendît justice, je ne laissai pas de m’en mettre en colère »). Comme la Comtesse de La Fausse Suivante, comme Léonine et Hermocrate dans Le Triomphe de l’amour, celui qui est finalement dupé est invité à penser qu’il n’a que ce qu’il mérite et à se faire, comme on dit, une raison.
1. On trouvera plus haut, dans « Éléments de bibliographie », les références complètes des éditions du théâtre de Marivaux ainsi que celles des dictionnaires qui sont évoqués dans les notes.
Hortense, fille d’un comte, doit incessamment épouser Rosimond, fils d’une marquise, venu avec sa mère pour le mariage dans la propriété de campagne du Comte. Mais Hortense est inquiète : elle n’épousera Rosimond que si, avec l’aide de sa suivante Marton, elle parvient à le corriger de ses ridicules façons de petit-maître et à lui faire avouer qu’il l’aime. Frontin, valet de Rosimond et jusqu’alors zélé imitateur de son maître, est promptement converti à la raison par Marton et devient l’allié d’Hortense, qui demande à Rosimond de différer le mariage. La comtesse Dorimène, avec qui Rosimond a « une petite affaire de cœur », accourt pour empêcher ce mariage, après s’être annoncée par une lettre assez fâcheuse que Rosimond a fâcheusement perdue. Dorimène est accompagnée d’un certain Dorante, que Rosimond, selon son principe de ne jamais être amoureux ni jaloux, autorise à courtiser Hortense. Sommé par Dorimène de choisir entre elle et Hortense, Rosimond se dérobe, et essaye encore de se dérober quand le Comte et la Marquise lui demandent de s’expliquer sur la lettre perdue, qui leur a été rapportée. La Marquise renie son fils ; Dorimène, qui se prétend compromise par le scandale, exige le mariage ; Rosimond désemparé obtient un entretien d’Hortense, mais s’y exprime encore en petit-maître ; et Hortense est tout près de rompre. Frontin et Marton font enfin prendre à Rosimond conscience de sa sottise : il demande pardon à Hortense, renonce à elle parce qu’il se juge indigne de l’épouser, et a le courage de lui déclarer qu’il l’aime en présence de Dorimène. Cet aveu, auquel il s’était jusqu’alors refusé, amène l’heureux dénouement.