CHAPITRE 8

Les lois de finances

NOTIONS ET DONNÉES À MAÎTRISER

Lois de finances initiale, rectificative, de règlement

La structure des lois de finances (article liminaire, première partie, deuxième partie)

Domaines de la loi de finances (exclusif, partagé, interdit) ; cavalier budgétaire

À l’initiative du pouvoir exécutif, les lois de finances (LF) permettent au Parlement d’approuver et d’amender le travail préparatoire de l’administration. C’est bien la représentation nationale qui doit formellement autoriser la levée de l’impôt et choisir les grandes masses de dépenses. La singularité des LF conduit à distinguer leurs domaines exclusif obligatoire, exclusif facultatif, partagé et interdit. Dans l’année N-1, la loi de finances initiale (LFI) est préparée et votée. Le cas échéant, en N, une loi de finances rectificative (LFR) peut l’ajuster1. Enfin, en N+1, la loi de règlement (LR) fera le bilan de l’exécution des LFI et LFR.

1 Les trois catégories de lois de finances

Actes de prévision, d’autorisation et de contrôle, les lois de finances permettent une gestion responsable et performante des finances publiques.

Les lois de finances sont consacrées à l’article 34 de la Constitution : « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous réserves prévues par une loi organique ». L’article 1er LOLF précise : « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui résultent (…) elles tiennent compte d’un équilibre économique défini ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu’elles déterminent ».

Il existe des catégories de lois de finances. La loi de finances initiale (LFI) est un acte de prévision et d’autorisation juridique constituant le document central des finances de l’État. La loi de finances rectificative (LFR) modifie la LFI notamment pour accompagner les évolutions conjoncturelles et politiques. La loi de règlement (LR) arrête le montant définitif des recettes et dépenses exécutées, et le solde budgétaire. Enfin, la loi de finances spéciale (art. 45 LOLF) existe lorsque la LFI n’a pu être promulguée avant le début de l’année (procédure d’urgence).

1.1 La LFI autorise la perception des ressources et arrête l’équilibre budgétaire

a La LFI présente en année N-1 le budget de l’année N et autorise son exécution

La LFI est un document obligatoire qui rend possible la continuité de la vie publique. En effet, sans son adoption, l’État ne pourrait ni percevoir les recettes de l’année et notamment recouvrer les impôts ni autoriser les dépenses. Cela traduit le nécessaire consentement à l’impôt des citoyens (cf. chapitre 5). En conformité avec le principe d’annualité de l’autorisation de perception des impôts prévu à l’article 34 LOLF, l’article 1er de la LFI autorise la perception des impôts existants qui sont affectés à l’État, aux collectivités territoriales et aux autres administrations publiques.

L’ouverture de crédits par la LFI précise le montant et l’objet de la dépense. Les lois de finances affectent les crédits en fonction d’objectifs déterminés et de résultats et leur emploi doit être justifié au premier euro, comme le développe le chapitre 7. Les ordonnateurs et les comptables exécuteront cette LFI durant l’année modulo les marges de manœuvre des gestionnaires et les LFR.

La LFI est un acte politique puisqu’elle permet au gouvernement de mettre en œuvre sa politique (par exemple les recrutements d’enseignants pour la LFI 2017) qui est traduite et autorisée concrètement. Son adoption par le Parlement donne à ce dernier le pouvoir de valider les orientations gouvernementales, de les discuter, de les préciser et, le cas échéant, de les amender. Cet acte financier résume in fine toute l’action gouvernementale.

c La structure de la LFI est claire, ce qui facilite sa compréhension et son exécution

La « loi de finances de l’année comprend deux parties distinctes » (art. 34 LOLF).

La première partie dispose sur les ressources qui affectent l’équilibre budgétaire de l’année, c’est-à-dire les dispositions qui « constituent sa raison d’être et sont indispensables pour qu’elle puisse remplir un objet » (titre I) et celles qui assurent l’équilibre des ressources et des charges (titre II). En sus de l’autorisation de perception vue plus haut, les autres articles fiscaux du titre I concernent les modifications fiscales ayant un effet sur l’année de la LFI. Ce titre dispose aussi sur les affectations de ressources, notamment au profit des collectivités territoriales et des comptes spéciaux du Trésor. Enfin, deux articles fixent le montant des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales et du budget de l’Union européenne (art. 6 LOLF).

Le titre II est constitué d’un seul article dit d’équilibre qui est la clé de voûte de la loi de finances. Il fixe les données générales de l’équilibre budgétaire présentées dans un tableau d’équilibre (art. 37-1 LOLF) (cf. chapitre 7). Il évalue les ressources fiscales et non fiscales (détaillées dans l’état A annexé à la LF) et présente les masses budgétaires pour le budget général, les comptes annexes et les comptes du Trésor. Ce faisant, il indique les soldes budgétaires et, par voie de conséquence, le niveau de déficit prévisionnel, lequel sera donc autorisé par la LF. Le tableau est synthétique et présente les ressources brutes du budget général correspondant aux recettes fiscales et non fiscales diminuées des remboursements et dégrèvements d’impôts aboutissant aux « ressources nettes », puis diminuées des PSR aboutissant aux « montants nets pour le budget général ».

Comme vu dans le chapitre précédent, la LOLF complète cette présentation avec le tableau de financement, lequel évalue les ressources et les charges de trésorerie permettant l’équilibre financier, suite aux autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État. Cet article fixe également le plafond autorisé des emplois en équivalents temps plein rémunérés par l’État. Enfin, conformément à la loi organique du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique du 1er août 2001, une disposition de la loi de finances présente l’utilisation des éventuels surplus du produit des impôts (généralement à des fins de réduction du déficit budgétaire).

La seconde partie de la LFI ne peut être abordée qu’après l’adoption de la première partie (art. 42 LOLF). En effet, ce n’est qu’après des recettes autorisées et l’équilibre établi que la dépense peut être engagée. Cette partie permet de répertorier les missions pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor. Chaque mission regroupe les crédits consacrés à une politique publique. Les crédits sont arrêtés en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Est rappelé le plafond des autorisations d’emplois par département ministériel et par budget annexe. Sont également prévus les chapitres pouvant bénéficier d’une majoration du plafond de report de CP (cf. chapitre 10).

Le titre II de la seconde partie peut comporter diverses nouvelles mesures fiscales et budgétaires dépourvues d’incidence financière sur le budget de l’année N.

Enfin, les états annexés (de A à E) complètent des dispositions de la loi de finances dont ils font partie. L’état A « tableau des voies et moyens » précise les évaluations des recettes fiscales (détaillées par impôt) et non fiscales, les PSR, les recettes des budgets annexes et des deux catégories de comptes spéciaux dotés de crédits. L’état B ventile les crédits AE et CP entre les missions du budget général. L’état C répartit par mission et programme les crédits des budgets annexes. L’état D répartit les crédits des comptes de concours financiers et d’affectation spéciale. Enfin, l’état E répartit les autorisations de découvert des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires.

1.2 Les LFR peuvent aménager les engagements de la LFI

a Au cours de l’exécution, les LFR adaptent et modifient la LFI

Les LFR (art. 35 LOLF), également appelées « collectifs budgétaires », interviennent au cours de l’année pour modifier la LFI. Il y en a eu une en 2016 : celle dite de fin d’année, du 29 décembre. Elles ont le monopole de telles modifications2. Il y en a aujourd’hui une ou plusieurs par an. Elles permettent de prendre en compte les évaluations révisées des ressources, de modifier les crédits au-delà de ce que le gouvernement peut faire seul lors de l’exécution (par voie réglementaire) et de déterminer le nouvel équilibre budgétaire qui en résulte. Elles permettent aussi d’intégrer de nouvelles priorités gouvernementales (suite, par exemple, à des élections3, à un changement de Premier ministre).

Les LFR sont soumises aux mêmes règles que les LFI en ce qui concerne leur contenu et leur dépôt à l’Assemblée nationale. En revanche, la discussion des crédits n’a pas lieu mission par mission et seul le ministre chargé du budget est chargé de soutenir le projet de loi. Les débats sont relativement brefs. À l’instar des LFI, les LFR fixent des plafonds de dépenses et des autorisations d’emplois et présentent un tableau d’équilibre. L’article 53 de la LOLF prévoit leur accompagnement par un rapport présentant la situation économique et budgétaire justifiant la LFR et une annexe explicative détaillant et justifiant les modifications de crédit proposées. Enfin, des tableaux rappellent les mouvements intervenus par voie réglementaire et relatifs aux crédits de l’année en cours (décrets d’annulation, de répartition, de virement, de transfert).

1.3 La LR rend compte de l’exécution

2 Domaines obligatoire, exclusif, partagé et interdit des lois de finances

Le législateur est contraint par les dispositions organiques dans le contenu des lois de finances qu’il vote. Ces dernières, notamment les lois de finances initiale et rectificative, ont en effet un domaine très encadré par l’article 34 de la LOLF.

2.1 Les lois de finances ont un domaine exclusif

2.2 D’autres dispositions ne sont pas propres aux lois de finances

b Le domaine interdit

Ce qui ne peut faire partie des domaines obligatoire, exclusif ou partagé est interdit dans les lois de finances. Ces dispositions interdites sont appelées « cavaliers budgétaires » et peuvent être censurées par le CC. Par exemple, l’article 132 de la LFI 2017 modifiait les règles relatives au contrôle des arrêts de travail et des cumuls d’activités dans la fonction publique, or la circonstance qu’une disposition législative puisse éventuellement avoir une incidence budgétaire ne suffit pas à la faire entrer dans le domaine des LF. La tentation est grande d’insérer des cavaliers budgétaires dans les LF dans la mesure où la procédure parlementaire relative aux lois de finances est plus rapide que celle d’une loi ordinaire (cf. chapitre 9). A contrario, une loi ordinaire ne peut contenir des dispositions appartenant au domaine exclusif.

*

Les politiques publiques, les choix politiques sont mis en œuvre grâce aux lois de finances et les moyens qu’elles accordent. Par conséquent, ces textes législatifs revêtent une importance particulière ; ils sont la condition sine qua non de l’action publique. Aussi, il convient d’accorder une attention soutenue aux processus et conditions de leur élaboration.

SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS

• Les lois de finances

• Le domaine de la loi de finances