SOMMAIRE
NOTIONS ET DONNÉES À MAÎTRISER
◆ Lois de finances initiale, rectificative, de règlement
◆ La structure des lois de finances (article liminaire, première partie, deuxième partie)
◆ Domaines de la loi de finances (exclusif, partagé, interdit) ; cavalier budgétaire
À l’initiative du pouvoir exécutif, les lois de finances (LF) permettent au Parlement d’approuver et d’amender le travail préparatoire de l’administration. C’est bien la représentation nationale qui doit formellement autoriser la levée de l’impôt et choisir les grandes masses de dépenses. La singularité des LF conduit à distinguer leurs domaines exclusif obligatoire, exclusif facultatif, partagé et interdit. Dans l’année N-1, la loi de finances initiale (LFI) est préparée et votée. Le cas échéant, en N, une loi de finances rectificative (LFR) peut l’ajuster1. Enfin, en N+1, la loi de règlement (LR) fera le bilan de l’exécution des LFI et LFR.
Actes de prévision, d’autorisation et de contrôle, les lois de finances permettent une gestion responsable et performante des finances publiques.
Les lois de finances sont consacrées à l’article 34 de la Constitution : « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous réserves prévues par une loi organique ». L’article 1er LOLF précise : « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui résultent (…) elles tiennent compte d’un équilibre économique défini ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu’elles déterminent ».
Il existe des catégories de lois de finances. La loi de finances initiale (LFI) est un acte de prévision et d’autorisation juridique constituant le document central des finances de l’État. La loi de finances rectificative (LFR) modifie la LFI notamment pour accompagner les évolutions conjoncturelles et politiques. La loi de règlement (LR) arrête le montant définitif des recettes et dépenses exécutées, et le solde budgétaire. Enfin, la loi de finances spéciale (art. 45 LOLF) existe lorsque la LFI n’a pu être promulguée avant le début de l’année (procédure d’urgence).
La LFI est un document obligatoire qui rend possible la continuité de la vie publique. En effet, sans son adoption, l’État ne pourrait ni percevoir les recettes de l’année et notamment recouvrer les impôts ni autoriser les dépenses. Cela traduit le nécessaire consentement à l’impôt des citoyens (cf. chapitre 5). En conformité avec le principe d’annualité de l’autorisation de perception des impôts prévu à l’article 34 LOLF, l’article 1er de la LFI autorise la perception des impôts existants qui sont affectés à l’État, aux collectivités territoriales et aux autres administrations publiques.
L’ouverture de crédits par la LFI précise le montant et l’objet de la dépense. Les lois de finances affectent les crédits en fonction d’objectifs déterminés et de résultats et leur emploi doit être justifié au premier euro, comme le développe le chapitre 7. Les ordonnateurs et les comptables exécuteront cette LFI durant l’année modulo les marges de manœuvre des gestionnaires et les LFR.
La LFI est un acte politique puisqu’elle permet au gouvernement de mettre en œuvre sa politique (par exemple les recrutements d’enseignants pour la LFI 2017) qui est traduite et autorisée concrètement. Son adoption par le Parlement donne à ce dernier le pouvoir de valider les orientations gouvernementales, de les discuter, de les préciser et, le cas échéant, de les amender. Cet acte financier résume in fine toute l’action gouvernementale.
La loi organique no 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit, en son article 7, que les LFI, LFR et LFSS comportent « un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ». Il figure obligatoirement dans les PLF depuis le PLF 2014.
Cet article liminaire donne aux parlementaires une vision d’ensemble de l’état des finances publiques, au-delà de celles de l’État, et de ses perspectives. C’est dans le même esprit que chaque PLF précise, dans le cadre du tableau de synthèse, « les soldes structurels et effectifs de l’ensemble des administrations publiques » pour les années N-2 et N-1.
L’article liminaire répond également à un objectif de transparence quant à la présentation des soldes budgétaires retenue par le gouvernement. L’exposé des motifs des PLF, PLFR et PLFSS doit d’ailleurs indiquer « si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques ».
La « loi de finances de l’année comprend deux parties distinctes » (art. 34 LOLF).
La première partie dispose sur les ressources qui affectent l’équilibre budgétaire de l’année, c’est-à-dire les dispositions qui « constituent sa raison d’être et sont indispensables pour qu’elle puisse remplir un objet » (titre I) et celles qui assurent l’équilibre des ressources et des charges (titre II). En sus de l’autorisation de perception vue plus haut, les autres articles fiscaux du titre I concernent les modifications fiscales ayant un effet sur l’année de la LFI. Ce titre dispose aussi sur les affectations de ressources, notamment au profit des collectivités territoriales et des comptes spéciaux du Trésor. Enfin, deux articles fixent le montant des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales et du budget de l’Union européenne (art. 6 LOLF).
Le titre II est constitué d’un seul article dit d’équilibre qui est la clé de voûte de la loi de finances. Il fixe les données générales de l’équilibre budgétaire présentées dans un tableau d’équilibre (art. 37-1 LOLF) (cf. chapitre 7). Il évalue les ressources fiscales et non fiscales (détaillées dans l’état A annexé à la LF) et présente les masses budgétaires pour le budget général, les comptes annexes et les comptes du Trésor. Ce faisant, il indique les soldes budgétaires et, par voie de conséquence, le niveau de déficit prévisionnel, lequel sera donc autorisé par la LF. Le tableau est synthétique et présente les ressources brutes du budget général correspondant aux recettes fiscales et non fiscales diminuées des remboursements et dégrèvements d’impôts aboutissant aux « ressources nettes », puis diminuées des PSR aboutissant aux « montants nets pour le budget général ».
Comme vu dans le chapitre précédent, la LOLF complète cette présentation avec le tableau de financement, lequel évalue les ressources et les charges de trésorerie permettant l’équilibre financier, suite aux autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État. Cet article fixe également le plafond autorisé des emplois en équivalents temps plein rémunérés par l’État. Enfin, conformément à la loi organique du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique du 1er août 2001, une disposition de la loi de finances présente l’utilisation des éventuels surplus du produit des impôts (généralement à des fins de réduction du déficit budgétaire).
La seconde partie de la LFI ne peut être abordée qu’après l’adoption de la première partie (art. 42 LOLF). En effet, ce n’est qu’après des recettes autorisées et l’équilibre établi que la dépense peut être engagée. Cette partie permet de répertorier les missions pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor. Chaque mission regroupe les crédits consacrés à une politique publique. Les crédits sont arrêtés en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Est rappelé le plafond des autorisations d’emplois par département ministériel et par budget annexe. Sont également prévus les chapitres pouvant bénéficier d’une majoration du plafond de report de CP (cf. chapitre 10).
Le titre II de la seconde partie peut comporter diverses nouvelles mesures fiscales et budgétaires dépourvues d’incidence financière sur le budget de l’année N.
Enfin, les états annexés (de A à E) complètent des dispositions de la loi de finances dont ils font partie. L’état A « tableau des voies et moyens » précise les évaluations des recettes fiscales (détaillées par impôt) et non fiscales, les PSR, les recettes des budgets annexes et des deux catégories de comptes spéciaux dotés de crédits. L’état B ventile les crédits AE et CP entre les missions du budget général. L’état C répartit par mission et programme les crédits des budgets annexes. L’état D répartit les crédits des comptes de concours financiers et d’affectation spéciale. Enfin, l’état E répartit les autorisations de découvert des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires.
Les LFR (art. 35 LOLF), également appelées « collectifs budgétaires », interviennent au cours de l’année pour modifier la LFI. Il y en a eu une en 2016 : celle dite de fin d’année, du 29 décembre. Elles ont le monopole de telles modifications2. Il y en a aujourd’hui une ou plusieurs par an. Elles permettent de prendre en compte les évaluations révisées des ressources, de modifier les crédits au-delà de ce que le gouvernement peut faire seul lors de l’exécution (par voie réglementaire) et de déterminer le nouvel équilibre budgétaire qui en résulte. Elles permettent aussi d’intégrer de nouvelles priorités gouvernementales (suite, par exemple, à des élections3, à un changement de Premier ministre).
Les LFR sont soumises aux mêmes règles que les LFI en ce qui concerne leur contenu et leur dépôt à l’Assemblée nationale. En revanche, la discussion des crédits n’a pas lieu mission par mission et seul le ministre chargé du budget est chargé de soutenir le projet de loi. Les débats sont relativement brefs. À l’instar des LFI, les LFR fixent des plafonds de dépenses et des autorisations d’emplois et présentent un tableau d’équilibre. L’article 53 de la LOLF prévoit leur accompagnement par un rapport présentant la situation économique et budgétaire justifiant la LFR et une annexe explicative détaillant et justifiant les modifications de crédit proposées. Enfin, des tableaux rappellent les mouvements intervenus par voie réglementaire et relatifs aux crédits de l’année en cours (décrets d’annulation, de répartition, de virement, de transfert).
Le principe de sincérité appelle le dépôt, par le gouvernement (qui en a le monopole), d’une LFR lorsque l’équilibre défini en LFI risque d’être bouleversé. À l’inverse, la fragmentation de l’autorisation budgétaire nuit au principe d’unité et au contrôle par le Parlement, d’autant plus que les LFR sont adoptées dans l’urgence, et, pour celle(s) de fin d’année, en même temps que l’examen du PLF. En outre, considérer les LFR comme des lois de validation des décisions budgétaires au cours de l’année par le gouvernement amoindrirait encore le pouvoir budgétaire législatif. En fin d’année, les LFR sont courantes et ratifient les décrets d’avance, le plus souvent la semaine de décembre lors de laquelle l’Assemblée nationale a terminé la première lecture de la LFI de l’année suivante.
La LR achève le cycle budgétaire. À la différence des autres lois de finances, elle ne comprend pas des actes de prévision et d’autorisation mais constitue un acte de constatation et d’approbation : elle « arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’exercice précédent » (art. 37 LOLF). La LR constate le solde budgétaire de l’année ; approuve, le cas échéant, des différences entre ces résultats et les prévisions ; autorise, le cas échéant, une augmentation des découverts du Trésor. Elle permet au Parlement d’examiner les comptes de l’État notamment en procédant à la ratification, le cas échéant, des décrets d’avance intervenus depuis la dernière loi de finances et d’apurer les pertes et les profits des comptes spéciaux. Un tableau de financement, symétrique à celui de la LFI, confronte les résultats d’exécution avec les données prévisionnelles.
La LR procède du souci d’un contrôle politique a posteriori. C’est à cette fin que la LOLF a aménagé une meilleure articulation avec la LF de l’année et l’a faite évoluer d’une ratification comptable à un levier d’évaluation des politiques publiques. L’art. 46 LOLF oblige une approbation rapide de la LR après la clôture d’un exercice budgétaire, le texte devant être déposé, au plus tard, le 1er juin de l’année N+1. L’adoption de la LR de l’année N (au moins en première lecture) est une condition sine qua non du début de la discussion en séance publique du projet de LFI de l’année N+2 (art. 41 LOLF). L’idée est d’installer un « chaînage vertueux » entre les différents cycles budgétaires.
Le projet de LR doit être accompagné de la certification par la Cour des comptes de la régularité et de la sincérité des comptes de l’État. La Cour des comptes nourrit la réflexion des parlementaires relative à l’exécution du budget4. Les états financiers obligatoires permettent, en outre, la présentation d’un bilan et d’un compte de résultat. Enfin, les RAP de LR permettent de confronter les résultats aux objectifs des PAP de la LFI.
Le législateur est contraint par les dispositions organiques dans le contenu des lois de finances qu’il vote. Ces dernières, notamment les lois de finances initiale et rectificative, ont en effet un domaine très encadré par l’article 34 de la LOLF.
Une loi de finances initiale doit obligatoirement comprendre certaines dispositions. En effet, elle ne saurait exister sans moyen et donc sans l’autorisation de perception des ressources de l’État. Il convient de connaître le montant de ces moyens, ce qui appelle une évaluation (sincère) du produit des recettes. Afin de respecter le principe d’équilibre et de maîtriser les coûts, la loi de finances fixe le montant des AE et des CP du budget général et les plafonds des autorisations d’emplois, ainsi que les données générales de l’équilibre budgétaire (tableau d’équilibre). Enfin, pour assurer son financement complet, une LFI doit présenter les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État. Cela implique l’évaluation des ressources et des charges de trésorerie (tableau de financement). Ces dispositions ne peuvent figurer dans une loi ordinaire.
Certaines dispositions, sans être obligatoires, doivent faire partie de la loi de finances lorsqu’elles existent. Il en est ainsi des affectations de recettes au sein du budget de l’État, des affectations à une autre personne morale d’une imposition de toute nature ou d’une ressource de l’État, de l’évaluation des prélèvements sur recettes (au profit des collectivités territoriales et du budget de l’Union européenne).
Les lois de finances ont également vocation à ratifier des décrets établissant des revenus pour services rendus, relatifs aux dérogations au principe de dépôt auprès de l’État des disponibilités des collectivités territoriales (unité de trésorerie), au plafond de variation nette de la dette ou à la majoration du plafond de report de crédits. Font aussi partie du domaine réservé des lois de finances, l’autorisation de l’octroi de garanties de l’État et la fixation de leur régime, et l’autorisation des prises en charge des dettes de tiers et la fixation de leur régime.
Le domaine partagé des lois de finances recouvre des éléments qui peuvent se trouver en loi de finances mais pourraient également l’être dans une loi ordinaire. Il en va ainsi des dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature, des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l’année, des modalités de répartition des concours de l’État aux collectivités territoriales, de l’approbation des conventions financières, des dispositions relatives à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, des dispositions relatives à la comptabilité de l’État et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics.
Naturellement, toute disposition ayant une incidence sur l’équilibre budgétaire de l’État doit in fine être ratifiée par une loi de finances, par exemple une LFR si ces dispositions interviennent en cours d’exercice budgétaire.
Ce qui ne peut faire partie des domaines obligatoire, exclusif ou partagé est interdit dans les lois de finances. Ces dispositions interdites sont appelées « cavaliers budgétaires » et peuvent être censurées par le CC. Par exemple, l’article 132 de la LFI 2017 modifiait les règles relatives au contrôle des arrêts de travail et des cumuls d’activités dans la fonction publique, or la circonstance qu’une disposition législative puisse éventuellement avoir une incidence budgétaire ne suffit pas à la faire entrer dans le domaine des LF. La tentation est grande d’insérer des cavaliers budgétaires dans les LF dans la mesure où la procédure parlementaire relative aux lois de finances est plus rapide que celle d’une loi ordinaire (cf. chapitre 9). A contrario, une loi ordinaire ne peut contenir des dispositions appartenant au domaine exclusif.
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Les politiques publiques, les choix politiques sont mis en œuvre grâce aux lois de finances et les moyens qu’elles accordent. Par conséquent, ces textes législatifs revêtent une importance particulière ; ils sont la condition sine qua non de l’action publique. Aussi, il convient d’accorder une attention soutenue aux processus et conditions de leur élaboration.
SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS
• Les lois de finances
• Le domaine de la loi de finances