SOMMAIRE
NOTIONS À MAÎTRISER
Les finances locales constituent une part minoritaire mais néanmoins importante des finances publiques. Leur particularité est d’être le fruit d’une multitude d’acteurs fonctionnant de manière autonome. Régions, départements, communes et même établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre jouissent de marges de manœuvre quant à leurs recettes et leurs dépenses pour mettre en œuvre leur politique locale.
Les collectivités territoriales bénéficient, en effet, de par la Constitution, de la liberté d’administration (art. 72 al. 3 C) et de l’autonomie financière (art. 72-2 C). Pour autant, les marges de manœuvre réelles des collectivités en matière financière et, davantage encore, en matière fiscale, ne doivent pas être surévaluées. À tel point que l’autonomie financière est parfois mise en cause comme excessivement formelle par les élus locaux.
Les APUL forment le troisième sous-secteur institutionnel par la taille budgétaire. Leurs ressources comme leurs dépenses s’élèvent à près de 11,5 % du PIB – respectivement 250 et 249 Md€ en 2015. Ce budget est certes inférieur à celui de l’État et, a fortiori, à celui des ASSO. Il est cependant plus dynamique. En 1981, avant l’acte I de la décentralisation, les dépenses des APUL représentaient 8,3 % du PIB ; en 2003, avant l’acte II, cette part avait été portée à 9,9 %. Alors que le budget de l’État est contraint par des normes de dépenses exigeantes, les dépenses des collectivités ont continué à augmenter plus rapidement que le PIB jusqu’en 2013.
Cette évolution est en partie liée à la nature dynamique de certaines de leurs dépenses, notamment les dépenses sociales. Les dépenses des collectivités peuvent être classées en trois catégories1 :
– les dépenses de fonctionnement constituent plus de la moitié des dépenses, avec 54 %, dont 32 points de dépenses de personnel ;
– les prestations et les transferts représentent 28 % des dépenses, incluant notamment les aides sociales (tel le revenu de solidarité active, pris en charge par les départements), les tarifs sociaux de certains services publics (crèches, cantines…) et les subventions ;
– les investissements (transports publics urbains, équipements sportifs et culturels, infrastructures routières…) sont le dernier poste, avec 18 %, auquel il faut ajouter les intérêts de la dette (1 %).
S’agissant des ressources, elles proviennent majoritairement de la fiscalité mais dans une bien moindre ampleur que pour l’État :
– 54 % des ressources sont fiscales, y compris les recettes de fiscalité transférée par l’État sur lesquelles les collectivités n’ont pas de prise ;
– 28 % proviennent de transferts, soit essentiellement de dotations budgétaires versées par l’État ;
– 17 % sont des ressources de production, émanant d’activités industrielles et commerciales et de la participation des usagers aux charges des équipements et services publics qui leur sont fournis ;
– 1 % est issu du patrimoine des collectivités.
Les intérêts d’emprunt ne représentent que 0,7 % des dépenses des collectivités – chiffre à comparer au poids du programme « charge de la dette et de la trésorerie de l’État » dans les dépenses du budget général de l’État en 2015, soit 11,5 %. Cette comparaison témoigne de ce que les collectivités sont moins endettées que l’État. De fait, la dette des APUL s’élève à 200 Md€ fin 2016, soit 8,9 % du PIB – moins d’un dixième de la dette publique totale. En proportion du PIB, cette dette est relativement stable et reste à ce stade sous contrôle.
En 2016, le solde des APUL au sens de Maastricht s’élève à +0,1 %, apportant ainsi une contribution positive au solde public global (−3,4 %).
Du fait des règles budgétaires qui prohibent le recours à l’endettement pour financer des dépenses de fonctionnement (cf. chapitre 14), le déficit des APUL est limité par construction. Son niveau relativement faible ne doit donc pas occulter les facteurs de déséquilibre budgétaire que l’on peut identifier par ailleurs. En l’occurrence, les dépenses de fonctionnement augmentent (les prestations sociales monétaires ont notamment augmenté de moitié entre 2008 et 2015, atteignant 16,2 Md€) et l’amélioration du solde est surtout permise par l’augmentation des recettes.
Or, d’une part, les recettes issues des concours financiers ne sont pas et ne peuvent pas être dynamiques, eu égard à la nécessité de redresser les comptes publics. De fait, de 2011 à 2013, dans le cadre de la norme de dépense dite « zéro valeur », une partie des concours financiers de l’État aux collectivités locales a été gelée en valeur. Depuis 2014, une baisse a été engagée dans le cadre du programme de 50 milliards d’économies annoncé pour la période 2014-2017, dont 11 milliards devaient échoir aux APUL via une baisse de leurs dotations. Après une première réduction de 1,5 Md€ en 2014, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été réduite de 3,4 Md€ en 2015, 3,2 Md€ en 2016 et 2,5 Md€ en 2017, soit au total une diminution de plus d’un quart de son montant initial (30,9 Md€ en 2017 contre 41,3 Md€ en 2013). Si l’effort a été légèrement relâché sur la DGF en 2017, la baisse des concours financiers enregistrée sur la période 2014-2017 atteint au total 10,9 Md€. Cette baisse des concours de l’État, en contraignant les collectivités locales à modérer leurs dépenses, permet d’associer concrètement ces dernières à l’effort de redressement des comptes publics.
D’autre part, la dynamique des ressources fiscales a des limites intrinsèques. Ces limites tiennent d’abord à l’assiette des impôts locaux, parfois volatile (droits de mutation à titre onéreux – DMTO, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE) ou en régression (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE), au fait que les collectivités ne disposent pas nécessairement d’un pouvoir de taux et, enfin, aux capacités contributives des contribuables locaux – qui sont aussi souvent des électeurs – et à leur mobilité.
Dans ces conditions, en cas de poursuite de la dynamique des dépenses des collectivités territoriales, les recettes pourront de moins en moins aisément s’ajuster. Sauf à recourir de manière accrue à l’endettement, dans la mesure du possible, les collectivités devront donc, à l’instar de l’État, réaliser un effort structurel en réduisant leurs dépenses. De cette manière, elles apporteront leur pierre à l’édifice du redressement des comptes publics et au respect des engagements européens de la France.
À l’inverse, lorsque l’État augmente les ressources fiscales des collectivités territoriales, il retarde le moment où les collectivités territoriales devront réaliser cet effort. Incidemment, il est aussi susceptible de se dépouiller lui-même, au risque de dégrader son propre équilibre budgétaire.
C’est pourtant ce que la LFI 2014 a fait, en transférant aux départements, sans contrepartie, les ressources de l’État (830 M€ en 2013) correspondant aux frais de gestion2 perçus sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et aux régions, en lieu et place d’une dotation budgétaire figée, des ressources dynamiques (900 M€ en 2013) constituées de frais de gestion d’impôts locaux (CVAE, cotisation foncière des entreprises – CFE, taxe d’habitation – TH) et de TICPE. En outre, à compter d’avril 2014, les départements ont obtenu la faculté – initialement temporaire – de relever leur taux de DMTO de 3,8 à 4,5 %, mesure qui recèle une ressource potentielle de 1,2 Md€ en année pleine. De fait, l’immense majorité des départements (95 sur 101 pour l’année 2016) ont porté leur taux au plafond de 4,5 %. Enfin, une réforme de la taxe d’apprentissage a été engagée en LFR 2013 afin d’affecter aux régions une plus grande part de son produit. Ces mesures ont été prises suite au pacte de confiance et de responsabilité conclu entre l’État et les collectivités locales, représentées par le comité des finances locales (CFL), en juillet 2013. Elles ont atténué l’impact des baisses de dotations.
Le législateur a parallèlement renforcé la gouvernance des finances locales, en mettant en place, par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, un objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODEDEL). Il porte sur l’ensemble des budgets généraux des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre et comprend un sous-objectif pour les dépenses de fonctionnement. L’ODEDEL est, comme son nom l’indique, purement indicatif et non contraignant. Il formalise néanmoins un engagement partagé sur le rythme d’évolution des dépenses des collectivités locales. En 2014 et 2015, l’objectif a été respecté – le contexte de renouvellement des assemblées communales et départementales y ayant contribué. Fort de ce premier succès, le dispositif a été renforcé à compter de 2016 par la déclinaison de l’ODEDEL par strates de collectivités. Pour 2017, l’ODEDEL a été fixé à 2,0 % pour le total des dépenses et 1,7 % pour les dépenses de fonctionnement, avec la déclinaison suivante ; 2,1 % et 1,3 % pour le bloc communal, 2,2 % et 2,6 % pour les départements, 0,8 % et 1,1 % pour les régions.
À cet égard, pour maximiser l’impact de la baisse des dotations sur les dépenses publiques, il est important de veiller à une juste répartition de l’effort entre les collectivités, en le concentrant sur celles dont les dépenses peuvent être ajustées à la baisse le moins douloureusement. À défaut, les baisses de dotations risquent d’être neutralisées par une hausse de fiscalité et de l’endettement, voire par un transfert sur d’autres administrations, ce qui ferait échec à l’objectif de réduction des dépenses publiques.
De 2014 à 2016, la baisse de la DGF a été répartie entre niveaux de collectivités au prorata de leurs ressources. En 2017, l’effort des communes a été réduit de moitié. Or les marges de manœuvre pour réduire les dépenses sont inégales entre ces niveaux (cf. infra). En particulier, on pourrait envisager, contrairement à ce qui a été fait, de concentrer l’effort de réduction sur le bloc communal. Au sein de chaque échelon de collectivités, l’effort est réparti selon des critères plus fins de ressources et de charges – par exemple, pour les départements, en fonction d’un indice synthétique de charges et en tenant compte du potentiel de hausse de la taxe foncière. Parallèlement, une augmentation de la péréquation a été réalisée. Il n’est toutefois pas certain que la réduction des dotations puisse se faire sans heurts, ce qui appelle une refonte plus large de la DGF. En effet, cette dernière pourrait notamment mieux tenir compte des charges de chaque collectivité locale et mieux appréhender l’échelon intercommunal (dont le mode de financement n’est pas toujours responsabilisant). Initialement envisagée pour 2016, la réforme de la DGF a toutefois été repoussée, faute de consensus.
Parmi les trois échelons de collectivités, c’est le départemental qui inquiète le plus quant à la soutenabilité de sa trajectoire financière.
Le bloc communal, composé des communes et des EPCI, est l’échelon le plus important en termes de volume budgétaire. En 2015, les dépenses des communes et des EPCI s’élevaient respectivement à 88 et 38 Md€. Leurs charges de fonctionnement progressent, notamment la masse salariale3. En effet, le développement de l’intercommunalité à fiscalité propre et de ses missions – transférées des communes – a entraîné de nouveaux recrutements, sans que les effectifs des communes ne soient révisés en conséquence. La Cour des comptes relève à cet égard que la multiplication des EPCI et l’enchevêtrement corrélatif des compétences au sein du bloc communal ont été un puissant facteur d’augmentation des dépenses de fonctionnement en général et des dépenses de personnel en particulier. De 2000 à 2011, communes et EPCI ont recruté 260 000 agents supplémentaires et leur masse salariale a augmenté de 62 %4.
Toutefois, le bloc communal peut compter sur des ressources fiscales dynamiques, puisque la réforme de la fiscalité directe locale consécutive à la suppression de la taxe professionnelle en 2010 lui a attribué la totalité de la CFE et de la TH, une part de la TFPB (partagée avec les départements) et 26,5 % de la CVAE. Le renouvellement des conseils municipaux et des conseils communautaires au printemps 2014 devrait engager un nouveau cycle électoral de la dépense locale d’investissement : la nouvelle municipalité engage en début de mandat des dépenses, qui sont susceptibles d’alourdir les charges d’investissement au cours des années suivantes.
Les départements sont dans une situation plus tendue, du fait d’un effet de ciseau après la crise de 2008 entre des recettes peu dynamiques, notamment en raison de l’atonie du marché immobilier et de ses conséquences sur les recettes de DMTO, et des dépenses en hausse (71 Md€), plus particulièrement celles liées aux politiques sociales, qui leur ont souvent été transférées par l’État : les frais d’hébergement dans les établissements sociaux et médico-sociaux et les aides à la personne (RSA, allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation de handicap…) représentent plus de 50 % des charges de fonctionnement des départements. Par ailleurs, la réforme de la fiscalité directe locale de 2010 a ôté aux départements la fraction de TH et de taxe professionnelle dont ils disposaient, leur laissant une part de TFPB et 48,5 % de CVAE. Au regard des besoins des départements les plus fragiles, telle la Seine-Saint-Denis, la LFI 2014 a dégagé de nouvelles ressources (cf. supra), qui font l’objet d’une péréquation entre départements.
Enfin, les régions ont le budget le plus faible (28 Md€). Elles disposent de très peu de pouvoir de taux sur leurs recettes fiscales (elles perçoivent 25 % de la CVAE, dont le taux n’est pas modulable, mais aucun des trois autres impôts directs locaux), raison pour laquelle la LFI 2014 a conféré davantage de dynamisme aux recettes régionales (cf. supra). Pour autant, les régions sont aussi moins contraintes dans leurs dépenses : à la différence des départements, qui ont pour obligation légale de distribuer des aides sociales dont les critères sont définis par la loi, les régions sont libres de fixer la plupart de leurs dépenses. À cet égard, si la compétence transport induit des dépenses dynamiques du fait de l’importance accordée au transport ferroviaire, rien n’interdit aux régions de dépenser moins. La fusion des régions au 1er janvier 2016 n’a pas fondamentalement changé la donne : elle sera probablement facteur d’une hausse des dépenses, au moins à court terme (alignement à la hausse des régimes indemnitaires et changement de catégorie pour les rémunérations, déménagements de services…), mais ne s’est pas accompagnée d’extensions significatives des compétences des conseils régionaux5.
Naturellement, au sein de chaque échelon, toutes les collectivités ne connaissent pas les mêmes difficultés ou la même prospérité. Aussi, des mécanismes de péréquation horizontale ont-ils été mis en place, afin de mutualiser les ressources locales sans mettre à contribution le contribuable national6. Au niveau du bloc communal, on compte le fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC), mis en place en 2012 et qui redistribue 2 % des ressources fiscales communales et intercommunales, soit environ 1 Md€. Au niveau des départements, le fonds de péréquation des DMTO a pour particularité, en plus d’une composante de péréquation proprement dite, d’intégrer une composante de lissage intertemporel, par une mise en réserve les années fastes. Enfin, départements et régions ont chacun un fonds de péréquation des ressources de CVAE, essentiellement, de manière à partager la dynamique de ces ressources fiscales entre collectivités.
L’autonomie financière des collectivités territoriales s’entend en première approche de leur capacité à maîtriser leurs dépenses et recettes, condition de la libre administration. Elle se distingue de l’autonomie fiscale, laquelle se réfère au pouvoir régalien de l’État de lever l’impôt et d’en fixer le produit.
Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 72-2 de la Constitution dispose en son troisième alinéa que les ressources propres des collectivités territoriales constituent « une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ». Ces dispositions sont le principal élément du principe d’autonomie financière des collectivités.
Ce même article énonce en outre la libre disposition des ressources attribuées aux collectivités territoriales, prévoit que la loi peut confier à ces dernières un pouvoir d’assiette et de taux sur les impôts locaux, encadre le financement des transferts de compétences et autorise la mise en place par la loi de dispositifs de péréquation financière entre collectivités.
La notion de « part déterminante » de ressources propres a été précisée de manière pragmatique par le législateur organique, qui a ainsi fixé les termes et les limites de l’autonomie financière.
La loi organique du 29 juillet 2004 a premièrement précisé le champ des ressources propres. Il comprend les impositions locales au sens large : non seulement les impôts dont la loi autorise à fixer l’assiette ou le taux mais aussi les impôts dont la loi détermine une part locale, même exprimée en produit fiscal. Constituent par conséquent des ressources propres des impôts nationaux transférés en tout ou partie aux collectivités selon des modalités fixées par la loi, par exemple la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA).
Deuxièmement, la loi organique a précisé que la part déterminante de ressources propres devait être respectée non par chaque collectivité mais de manière globale pour chacun des trois échelons de collectivités territoriales.
Troisièmement, elle a arrêté les trois ratios d’autonomie financière en retenant comme référence minimale le niveau de ressources propres atteint en 2003, soit 39,5 % pour les régions, 58,6 % pour les départements et 60,8 % pour les communes et leurs EPCI.
En 2014, les ratios d’autonomie financière étaient nettement au-delà du minimum posé par la loi organique (cf. tableau 1). Ils sont tous largement au-delà de 50 %, y compris celui des régions (58,1 %) qui n’était en 2003 que de 39,5 %. Contrairement à la situation qui prévalait en 2003, le ratio le plus élevé est celui des départements (68,8 %) et non plus celui des communes (66,4 %).
Tableau 1 : Les ratios d’autonomie financière
Collectivités | Ratio minimum (2003) | Ratio 2014 |
Communes (dont EPCI) | 60,8 | 66,4 |
Départements | 58,6 | 68,8 |
Régions | 39,5 | 58,1 |
Nonobstant l’autonomie financière des collectivités territoriales, ces dernières perçoivent des transferts de l’État qui représentent une part significative de leurs ressources, à savoir 99 Md€ en 20177. Ces transferts prennent différentes formes et s’expliquent par plusieurs raisons.
Premièrement, les collectivités perçoivent des concours financiers d’un montant de 48 Md€ pour 2017. Ces concours correspondent aux grandes dotations, très majoritairement la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont l’objet est de financer les dépenses des collectivités en fonction de critères objectifs de charges, ainsi qu’à des compensations d’exonérations de fiscalité locale.
Sur le plan budgétaire, ces concours apparaissent essentiellement dans les prélèvements sur recettes (PSR) de l’État au profit des collectivités territoriales, mécanisme souple qui permet d’affecter directement aux collectivités les ressources de l’État, par exception au principe d’universalité budgétaire (cf. chapitre 6). Certains sont cependant inscrits dans les crédits du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » parce qu’ils s’apparentent davantage à des subventions de l’État (dotations générales de décentralisation, d’équipement…).
Certains concours financiers, transitant par les PSR, sont placés à l’abri de toute réduction pour ne pas affecter leur efficacité. Il s’agit notamment du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Ce dernier est une aide à l’investissement des collectivités territoriales dont l’objet est de compenser de manière forfaitaire (sur la base d’un taux de 16,404 %) la TVA que les collectivités ont supportée sur leurs dépenses d’investissement8. Son montant est de 5,5 Md€ en 2017. On trouve également dans cette catégorie les dotations de compensation de réforme fiscale, notamment de la suppression de la taxe professionnelle.
Deuxièmement, des crédits budgétaires sont versés aux collectivités sans que ces dernières soient visées en tant que telles (18 Md€). Ces crédits relèvent de politiques plus larges, dont les collectivités sont un des acteurs. Il s’agit des dégrèvements d’impôt locaux décidés par le législateur pour alléger l’imposition des personnes modestes ou à des fins incitatives, du produit des amendes de police de la circulation et des radars, des programmes d’investissement d’avenir, de subventions…
Troisièmement, l’État a transféré des ressources fiscales aux collectivités pour financer des compétences transférées dans le cadre de la décentralisation (33 Md€). L’acte I de la décentralisation a ainsi conduit à transférer en 1983 une part des DMTO, pour un montant de 9,2 Md€ en 20179. Plusieurs transferts de compétence depuis 2003, notamment celui du RSA, ont été financés par l’affectation de fractions de TICPE aux départements et aux régions, pour des recettes de 10,9 Md€. Le pouvoir de taux des collectivités sur ces impôts est variable : pour la TICPE par exemple, il existe pour les régions mais est nul pour les départements. Les élus locaux estiment régulièrement que ces nouvelles ressources fiscales ne couvrent pas l’ensemble des dépenses transférées, lesquelles seraient plus dynamiques que les recettes accordées.
La fiscalité est une compétence régalienne qui ne peut être déléguée que de manière restreinte. C’est ce qui différencie sur le plan de l’organisation fiscale, un État unitaire, fût-il décentralisé, d’un État fédéral (fédéralisme fiscal).
De par la Constitution, l’organisation et le fonctionnement de la fiscalité, fût-elle locale, relève de la compétence de l’État (cf. chapitre 5). En premier lieu, selon le principe de légalité de l’impôt, ce dernier relève de la compétence du législateur national. Les prérogatives des collectivités territoriales sont donc inexistantes concernant la création, la modification et la suppression d’un impôt. Ce n’est que dans le cadre défini par le législateur que les collectivités peuvent bénéficier d’un pouvoir de taux et d’assiette, ainsi que l’énonce l’article 72-2 de la Constitution.
En second lieu, le principe d’égalité devant l’impôt, fondé sur l’article 6 de la DDHC, interdit au législateur d’instituer des différences de traitement en matière fiscale entre contribuables situés dans des collectivités différentes, sauf à justifier d’une différence de situation ou d’un motif d’intérêt général suffisant. Par conséquent, il ne serait pas possible d’instituer des régimes fiscaux différents sur le territoire national. Par exemple, il ne serait pas possible de déléguer à la collectivité territoriale de Corse la compétence en matière de droits de succession pour les biens immobiliers situés en Corse, comme elle en a formulé le vœu.
La conséquence est que le territoire national est soumis à une uniformité de l’impôt, qui est défini et géré par l’État. Ainsi, les bases utilisées pour le calcul des impôts directs locaux sont déterminées conformément à la loi, que met en œuvre l’administration fiscale. En outre, les collectivités territoriales sont contraintes par les principes d’unicité de caisse et d’unicité de trésorerie qui font du Trésor Public le seul collecteur d’impôts et le garant des recettes et de leur dépôt : les collectivités ne disposent pas de leur propre administration fiscale ni ne déposent leurs fonds auprès d’institutions financières privées (obligation de dépôt sur leurs comptes ouverts auprès du Trésor).
Ces principes souffrent deux exceptions, touchant à l’outre-mer. À titre temporaire, certains départements d’outre-mer (DOM), régis par l’article 73 de la Constitution, bénéficient de régimes transitoires. À Mayotte, le droit commun de la fiscalité ne s’applique que depuis 2014. Encore des dispositions dérogatoires y sont-elles applicables, de même qu’en Guyane, par exemple l’absence de TVA.
À titre permanent, les collectivités d’outre-mer (COM) et la Nouvelle-Calédonie, respectivement régis par l’article 74 et le titre XIII de la Constitution, jouissent de l’autonomie fiscale. Leur statut, qui relève de la loi organique, leur confère la compétence fiscale et la République française conclut avec ces collectivités des conventions fiscales, sur le modèle des conventions fiscales internationales. La loi fiscale n’y est pas du tout applicable, sauf exceptions prévues par le statut (par exemple les impositions affectées à la sécurité sociale s’appliquent à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy).
La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne reconnaît aux collectivités territoriales qu’une compétence limitée dans le domaine fiscal.
Le principe de libre administration protège le pouvoir fiscal local puisque les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales « au point d’entraver leur libre administration » (cf. décision no 90-277 DC du 25 juillet 1990, loi relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux, cons. 14).
Les implications de cette jurisprudence demeurent cependant peu contraignantes. Le juge constitutionnel s’attache surtout à déterminer si l’intervention du législateur est excessive au regard de la situation des catégories de collectivités concernées. Jusqu’ici, une seule disposition, dans un cas particulier10, a été analysée comme faisant obstacle à la libre administration des collectivités. En pratique, l’État dispose donc de larges marges de manœuvre et peut par exemple décider que le produit d’un impôt local soit attribué en partie à une autre collectivité que celle précédemment affectataire (cf. décision no 91-291 DC du 6 mai 1991, loi instituant une dotation de solidarité urbaine etc., cons. 29 à 31 et 40).
En définitive, le Conseil constitutionnel se réserve un large pouvoir d’appréciation. Il n’existe pas de seuils clairs au-delà desquels le Conseil sanctionnerait des dispositions législatives réduisant le pouvoir fiscal des collectivités.
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Les dépenses des APUL représentent environ un cinquième des dépenses publiques et suivent une pente dynamique. Dans la mesure où elles appartiennent à part entière aux finances publiques de la France, il est nécessaire de chercher les moyens d’assurer la cohérence des trajectoires financières des différentes administrations publiques. Eu égard aux engagements européens de la France et aux risques de déséquilibres à venir des finances locales, l’objectif doit être de modérer les dépenses des collectivités territoriales.
Il est certes légitime que ces dernières bénéficient de marges de manœuvre pour adapter leurs recettes fiscales à leurs besoins. Toutefois, l’environnement financier des collectivités, qui est essentiellement déterminé par l’État, que ce soit par la fiscalité, par ses concours financiers ou par l’organisation de la péréquation, doit pouvoir inciter à une bonne gestion financière. À cet égard, la mise sous tensions des budgets peut être une solution adaptée si elle s’accompagne de dispositifs de péréquation suffisants et d’une révision des compétences des collectivités (y compris par la fin de la clause de compétence générale) – ou de l’octroi de davantage de marges de manœuvre aux collectivités dans l’étendue et l’accomplissement des missions que l’État leur a confiées.
SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS
• L’évolution générale des finances locales
• Le mode de financement des collectivités territoriales est-il en mesure de garantir leur autonomie ?
• Les collectivités territoriales disposent-elles des moyens de leurs compétences ?
• Les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales
• La contribution des collectivités locales à l’effort de redressement des comptes publics
RÉFÉRENCES
Cour des comptes, Les finances publiques locales, octobre 2016.
Observatoire des finances locales, septembre 2016, rapport annuel.
Jaune budgétaire annexé au PLF 2017, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.