NOTES
Notes de l’introduction, « Pour éviter ce qui est fort, frapper ce qui est faible »
1- Sun Tzu ou bien encore Sun Zi ou Sun Tse. Je m’en suis tenu bien évidemment à la graphie adoptée par l’auteur, qui tend à s’imposer aujourd’hui. Il existe en français deux traductions récentes de Sun Tzu, accompagnées l’une et l’autre de commentaires : Sun Zi, L’Art de la guerre, trad. et édit. critique par Valérie Niquet-Cabestan, Economica, 1988, et Sun Tzu, L’Art de la guerre, trad. et commentaires de Jean Lévi, Hachette, coll. « Pluriel », 2002. L’auteur, comme il l’explique un peu plus loin (voir note 5), se réfère à la traduction anglaise donnée par Ralph D. Sawyer dans The Seven Military Classics of Ancient China (« Les Sept Traités militaires classiques de la Chine ancienne »), New York, Basic Books, 1993. C’est à cette traduction – qui diffère sur plusieurs points des deux traductions françaises que je viens de citer, lesquelles sont loin du reste d’être toujours d’accord entre elles – que je me suis moi-même référé. (N.D.T.)
2- On ignore si Sun Tzu a réellement existé. L’Art de la guerre, ce court traité en treize chapitres ou articles attribué à Sun Tzu (ce qui signifie « maître Sun »), peut très bien avoir évolué au fil du temps à partir de notes prises par les auditeurs d’un ou de plusieurs stratèges inconnus pendant la période dite des Royaumes combattants, entre le Ve siècle et la fin du IIIe siècle avant J.-C. Certains spécialistes ont soutenu que l’œuvre avait été fortement réécrite, si ce n’est entièrement élaborée, plusieurs siècles après l’existence présumée de Sun Tzu (aux alentours de 400 avant J.-C.). Mais dans les années 1970 des copies du livre sur des lattes de bambou ont été exhumées sur deux sites archéologiques très éloignés l’un de l’autre, dans les provinces du Shandong et du Qinghai. Les textes dataient de la première dynastie des Han, l’un d’entre eux remontant jusqu’au IIe siècle avant J.-C., et ils étaient très proches de la version traditionnelle. Jean Lévi a pu écrire, dans sa traduction de Sun Tzu (op. cit., p. 16), que le texte final est probablement « le produit d’un long processus de sédimentation de réflexions stratégiques qui se cristallisa sous forme d’un manuel dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. ».
3- Voir Griffith, p. V. Le célèbre concept d’« approche indirecte » développé par Basil H. Liddell Hart reprend pour l’essentiel la combinaison décrite par Sun Tzu d’une force de fixation classique (zheng) avec une force atypique (qi) destinée à frapper indirectement à un endroit inattendu. « J’en fus conduit à comprendre que l’approche indirecte […] était une loi de la vie dans tous les domaines », écrit Liddell Hart. « Impossible sans elle d’arriver à la moindre réussite concrète dans tous les problèmes où prédomine le facteur humain […]. L’approche indirecte est aussi fondamentale en matière de politique qu’en matière d’amour […]. Comme à la guerre, le but est d’affaiblir la résistance avant de tenter d’en triompher ; et l’on y arrivera d’autant mieux que l’on aura réussi à faire sortir la partie adverse de sa position défensive ». Voir Liddell Hart, Strategy, « Stratégie », New York, Praeger, 1954, p. 18.
4- Thomas Jonathan Jackson est un officier américain qui combattit dans les rangs des Confédérés pendant la guerre de Sécession. Il fut surnommé « Stonewall » (« mur de pierre ») pour la défense intraitable qu’il avait su organiser lors de la première bataille de Manassas en juillet 1861. (N.D.T.)
5- Voir Mao Zedong, On Guerrilla Warfare (New York, Praeger, 1961), et Sun Tzu, The Art of War (New York, Oxford University Press, 1971), tous deux traduits et présentés par Samuel B. Griffith. Un missionnaire jésuite de Pékin, le père Amiot, publia à Paris, en 1772, chez Didot l’aîné, une traduction française de l’œuvre de Sun Tzu. Le texte fut repris dans une anthologie en 1782. Il y eut aussi quatre traductions en russe et une en allemand. Avant le travail de Griffith, il y avait eu cinq traductions en anglais, dont aucune n’était satisfaisante, y compris celle de Lionel Giles en 1910, qui laissait beaucoup à désirer. Durant ces dernières années, plusieurs traductions de qualité ont été publiées. Je me réfère essentiellement, pour ma part, à celle de Ralph D. Sawyer.
Notes du chapitre premier, « Saratoga, 1777 »
6- Frederick Jackson Turner, The Frontier in American History (« La Frontière dans l’histoire américaine »), New York, Henry Holt, 1921, p. 4.
7- Adam Smith s’explique longuement sur ce point dans le livre IV de son ouvrage, chapitre 7, troisième partie.
8- Ce sont les deux premières phrases du chapitre 1 de L’Art de la guerre de Sun Tzu : « La guerre est la plus grande affaire des nations, le terrain sur lequel se jouent la vie et la mort, la voie qui mène à la survie ou à la disparition. Elle doit faire l’objet d’une étude approfondie. »
9- « Pour avancer sans être arrêté, il faut se précipiter dans les vides. » Voir Sawyer, op. cit., p. 167.
10- Stratégiquement, un blocus aurait considérablement gêné les Américains. Ils dépendaient de leurs échanges commerciaux avec la métropole : ressources agricoles, forestières, minières dans un sens, produits manufacturés dans l’autre, des produits dont la Grande-Bretagne avait interdit ou fortement déconseillé à ses colonies la fabrication pour leur propre compte. Les Américains exportaient du tabac, des céréales, du poisson, des barres de fer, du bois, de l’indigo, de la poix, du goudron, des bateaux à voiles, du rhum ; ils importaient du sucre, de la mélasse, du café, du thé, des épices, et beaucoup d’autres biens de consommation. Avec le temps, les restrictions économiques auraient diminué l’influence des patriotes et augmenté celle des loyalistes en poussant les colonies à trouver un compromis avec la Grande-Bretagne. En 1759, la Nouvelle-Angleterre expédia en Grande-Bretagne pour 38 000 livres de marchandises, et en reçut pour 600 000 livres.
11- Une flottille installée à Portsmouth aurait pu bloquer tous les accès aux ports situés sur la baie de Chesapeake. Il n’aurait pas été nécessaire de s’emparer de Philadelphie ni de Wilmington, dans le Delaware. Ces ports auraient pu être bloqués par des navires de guerre stationnant à l’extrémité nord de la baie du Delaware.
12- Alfred Thayer Mahan, The Influence of Sea Power upon History, 1660-1805 (« L’Influence de la maîtrise des mers sur l’histoire »), New Jersey, Prentice Hall, 1980, p. 156. Mahan évoque un éventuel blocus par la Royal Navy de l’Hudson et du lac Champlain afin d’isoler la Nouvelle-Angleterre. Il n’évoque pas en tant que telle l’hypothèse d’un blocus complet des ports américains, mais l’idée transparaît dans la réflexion que lui inspire (p. 157) l’entrée en guerre de la France : si celle-ci ne s’était pas produite, la Grande-Bretagne « aurait été capable d’imposer sa loi au littoral atlantique ».
13- Ibid., p. 156.
14- Pour une analyse des idées de Sun Tzu sur le sujet, on se reportera aux commentaires de Sawyer, op. cit., p. 155-56. Sun Tzu enjoint aux chefs militaires d’identifier les éléments existants qui peuvent être exploités, de se créer des occasions, mais de ne surtout pas dépendre d’occasions qui se présenteraient d’elles-mêmes ni de s’en remettre à la chance ou au hasard.
15- Les armées européennes du XVIIIe siècle étaient composées pour une bonne part de mercenaires issus des bas-fonds de la société, et qui subissaient un entraînement intensif. Les guerres opposaient le plus souvent des rois entre eux et avaient pour but de régler des conflits dynastiques. Il était peu question de loyauté envers son pays. Ce n’était pas le patriotisme qui motivait les combattants. Il y avait peu d’honnêtes gens pour vouloir s’exposer à la discipline féroce et aux châtiments cruels du service militaire. Les soldats apprenaient à craindre leurs officiers plus que l’ennemi. Il leur était interdit de se mêler aux civils, de peur qu’ils ne les terrorisent ou n’aient l’idée de déserter. En temps de paix, ils étaient consignés dans leurs baraquements. Ils étaient bien nourris et bien vêtus, mais ne disposaient que de peu de liberté. En campagne, il leur était interdit de fourrager ; ils étaient ravitaillés grâce à des dépôts nommés magasins. Une armée européenne était censée emporter avec elle des rations pour dix-huit jours. Le soldat lui-même avait avec lui pour trois jours de pain ; le chariot de boulangerie qui suivait chaque compagnie en avait pour six, et les voitures de l’intendance transportaient de la farine pour neuf (voir Hans Delbrück, The Dawn of Modern Warfare. History of the Art of War, « Aux origines de la guerre moderne. Une histoire de l’art de la guerre », University of Nebraska Press, 1985, vol. 4, p. 409). En fait, les armées limitaient généralement leurs déplacements à une semaine, étant donné que de nouveaux magasins devaient être aménagés dès lors qu’une armée se retrouvait en territoire ennemi. Les soldats coûtaient cher, et les généraux cherchaient d’habitude à éviter l’affrontement. Bien des campagnes visaient à obtenir le retrait de l’ennemi grâce à des manœuvres mettant en péril sa ligne de ravitaillement, mais dès que la bataille s’engageait, c’était avec fureur et ténacité, et le plus souvent sous forme d’assauts directs, tête en avant. Les pertes pouvaient être énormes. Durant la guerre de Sept Ans, par exemple, dans chacune des quatre batailles où furent impliqués les Prussiens (Prague en 1757, Zorndorf en 1758, Kunersdorf en 1759 et Torgau en 1760), il y eut plus de tués que dans tous les affrontements auxquels donnera lieu la Révolution française, campagne d’Italie comprise, c’est-à-dire jusqu’en 1797 (voir Delbrück, ibid., p. 402). En Angleterre, le duc de Marlborough joua un rôle essentiel dans la définition de la nouvelle tactique offensive qui caractérisa les batailles du XVIIIe siècle. Cette nouvelle tactique était rendue possible par l’apparition du mousquet à silex, plus fiable que l’ancien mousquet à mèche, et par l’adoption généralisée de la baïonnette à douille dans les dernières années du XVIIe siècle. On déclenchait d’ordinaire le tir à très courte distance – de trente à cinquante pas – et, sous le couvert de la fumée provoquée par les décharges, on se lançait vers l’avant à la baïonnette. La tactique de Marlborough consistait à fixer l’ennemi par des attaques d’infanterie répétées, puis à briser sa résistance par un assaut brutal de cavalerie, à l’épée ou au sabre uniquement. Un cavalier n’avait droit qu’à trois tirs de pistolet ou de mousquet pour toute une campagne, et ces tirs ne devaient pas être effectués au combat, mais pour protéger les chevaux pendant qu’ils paissaient. La nouvelle tactique était dévastatrice tant pour les attaquants que pour les défenseurs. Les pertes les plus effrayantes se produisaient lorsque l’un des deux camps cédait sous la violence de l’attaque et se dispersait en désordre. Dans de tels cas, des régiments entiers, voire toute une aile de l’armée qui faisait retraite, étaient anéantis ou forcés de se rendre. La bataille de Blenheim en Bavière, le 13 août 1704, est un bon exemple du prix extrêmement élevé dont se payait l’affrontement, dès lors que les généraux décidaient de l’engager. Marlborough, qui commandait une armée où Hollandais, Allemands et Autrichiens étaient venus s’allier aux Anglais, rencontra sur les rives du Danube une armée française et bavaroise supérieure en nombre. Il envoya de l’infanterie bloquer les garnisons ennemies qui s’étaient installées dans deux villages. Ses soldats subirent d’énormes pertes dans cette action. Le sort de la bataille bascula lorsque le commandant anglais lança une attaque frontale d’infanterie, suivie d’une charge de cavalerie, contre la ligne qu’avaient formée les Français entre les deux villages. L’attaque et la percée furent décisives. Les 7 000 soldats environ qui composaient les neuf bataillons français tenant cette ligne furent exterminés jusqu’au dernier. Les Français et les Bavarois perdirent 38 000 hommes, soit plus de la moitié de leur armée. On compta chez les Alliés 4 500 tués et 7 500 blessés, soit près d’un quart de leurs forces. Voir J.F.C. Fuller, A Military History of the Western World (« Une histoire militaire du monde occidental », New York, Funks and Wagnalls, 1954-1957, New York, Da Capo Press, n.d., vol. 2, p. 127-55).
16- Sawyer, op. cit., p. 162.
17- Stratégiquement, c’était un excellent plan. Du point de vue politique, la Nouvelle-Angleterre constituait la région la plus importante de l’Amérique coloniale et le centre de pilotage de la Révolution. Avec l’État de New York, elle était la plus facile à envahir parce que le Canada pouvait être utilisé comme base d’opérations. En outre, les Britanniques étaient déjà maîtres de New York et en avaient fait le principal centre de pouvoir. Si l’on arrivait à mettre un terme à la rébellion en Nouvelle-Angleterre et dans l’État de New York – ce que l’armée anglaise était capable de réussir – les généraux britanniques pensaient que les colonies du centre et du Sud pourraient être ramenées peu à peu à la raison.
18- Sawyer, op. cit., p. 177.
19- Voir Fuller, op. cit., vol. 2, p. 161-86.
20- Richard M. Ketchum, Saratoga : Turning Point of America’s Revolutionary War (« Saratoga : le tournant de la guerre d’Indépendance américaine »), New York, Henry Holt, 1997, 1999, p. 86-87.
21- Ibid., p. 104-5 et 260-61. Quand Howe reçut la lettre de Germain, il était déjà parti pour s’emparer de Philadelphie. Il répondit à son correspondant le 30 août 1777 pour lui dire qu’il était trop tard pour qu’il puisse collaborer à la campagne de Burgoyne.
22- Sawyer, op. cit., p. 169.
23- Ketchum, op. cit., p. 283.
24- Ibid., p. 161.
25- Ibid., p. 158.
26- Le but que se proposait d’atteindre Burgoyne était Albany, sur la rive droite (ou, si l’on préfère, occidentale) de l’Hudson. Il passa sur cette rive à Fort Edward parce qu’il n’y avait pas d’ennemis à cet endroit et parce que la rivière s’élargissait en allant plus au sud, ce qui en aurait rendu la traversée plus difficile. Descendre plus bas le long de la rive orientale se serait heurté selon toute vraisemblance à une forte résistance américaine, ce qui aurait encore davantage compliqué la manœuvre. Comme Burgoyne n’avait esquissé aucun mouvement vers la Nouvelle-Angleterre, les Américains étaient certains qu’Albany constituait son objectif. Ils n’étaient donc pas obligés de diviser leurs troupes pour protéger la Nouvelle Angleterre et pouvaient les concentrer sur Bemis Heights.
27- Le major général anglais Charles Grey, à la tête de 1 200 hommes, principalement de l’infanterie légère provenant de treize régiments, conduisit une attaque de nuit contre Wayne, qui disposait à peu près du double de combattants. Grey ordonna à ses soldats d’ôter les silex de leurs mousquets, pout les empêcher de se servir de leurs armes. Il y gagna le surnom de « No Flint » Grey (Grey « Sans silex »). Les attaquants n’utilisèrent que la baïonnette et la surprise joua à plein. Les troupes de Wayne furent submergées et se débandèrent. Il y eut 53 morts, 113 blessés et 71 prisonniers parmi les Américains. Ce fut une illustration réussie de la doctrine britannique, d’après laquelle « l’ardeur et les baïonnettes » suffisaient pour l’emporter, mais il faut souligner que les Américains n’étaient pas sur leurs gardes. Les conditions dans lesquelles fut livrée la bataille de Paoli sortaient complètement de l’ordinaire ; on ne pouvait guère compter les voir se reproduire.
28- Howe avait divisé son armée : quelques éléments devaient s’emparer d’un fort (Billingsport) situé en bordure de la rivière, non loin de Chester, d’autres escorter vers le nord des approvisionnements en provenance du port de Head of Elk. Il maintenait dans le même temps un important détachement dans Philadelphie. Ce qui lui restait de troupes, environ 9 000 hommes, campait à Germantown. Le général Washington conçut un plan d’attaque consistant à faire marcher les troupes américaines sur Germantown, au sud, par quatre routes. Les milices du Maryland et du New Jersey emprunteraient la plus à l’est de ces routes, et les milices de Pennsylvanie celle de l’ouest, encore appelée Manatawny Road, près de la rivière Schuulkill. Trois divisions, sous les ordres de Nathanael Greene, descendraient Limekiln Road et viendraient attaquer le flanc droit, c’est-à-dire est, des Britanniques. La colonne de John Sullivan, composée de trois brigades, devait se diriger directement sur Germantown par la Skippack Road, suivie par la division de William Alexander. L’assaut principal serait donné par les trois brigades de Sullivan. Elles firent reculer les Anglais sur trois kilomètres, mais, ne recevant pas d’aide venant de l’est parce que Greene tardait à arriver, Sullivan fut forcé de déployer la brigade d’Anthony Wayne dans cette direction. Le général américain Adam Stephen, qui conduisait ses hommes vers l’ouest en se repérant au son des armes, tomba sur les hommes de Wayne et commença à tirer sur eux. Croyant que les Britanniques étaient sur le point de les prendre en enfilade, les hommes de Wayne s’enfuirent, semant la panique dans les autres unités de Sullivan et entraînant l’échec de toute l’opération. Le plan de Washington était trop sophistiqué pour des officiers insuffisamment expérimentés, et bon nombre de soldats américains étaient peu aguerris et enclins à paniquer. Howe, comprenant l’erreur qu’il avait commise en divisant ses troupes, abandonna Germantown et ramena son armée à Philadelphie.
29- L’Espagne déclara la guerre à la Grande-Bretagne un an plus tard, le 21 juin 1779, mais refusa de reconnaître l’indépendance américaine. Le 20 décembre 1780, la Grande-Bretagne déclara la guerre aux Pays-Bas en raison du commerce clandestin auquel les Hollandais se livraient avec les États américains.
Notes du chapitre II, « Napoléon à Waterloo, 1815 »
30- Leonard Krieger, Kings and Philosophers, 1689-1789 (« Rois et Philosophes »), New York, W.W. Norton, 1970, p. 18-19.
31- J. F. C. Fuller, The Conduct of War, 1789-1961 (« La Conduite de la guerre »), New Brunswick, Rutgers University Press, 1961 ; New York, Da Capo Press, 1992, p. 46.
32- Alexander Bevin, How the South Could Have Won (« Comment le Sud aurait pu l’emporter »), New York, Crown, 2007, p. 157.
33- Hans Delbrück, op. cit., p. 434.
34- Sun Tzu recommande d’éviter toute action qui ne serait pas fondée sur une analyse détaillée de la situation et une étude des différentes options qui se présentent, lesquelles doivent prendre en compte les capacités dont on dispose soi-même. C’est pourquoi il faut se garder de laisser les préjugés et la colère influer sur ses décisions. Il faut se créer ses propres occasions, et non pas les laisser se présenter d’elles-mêmes. Voir R.D. Sawyer, op. cit., p. 154-55.
35- Napoléon doit beaucoup aux théoriciens militaires français qui l’ont précédé. Les plus importants d’entre eux sont Pierre-Joseph de Bourcet (1700-1780), Jacques-Antoine Hippolyte, comte de Guibert (1743-1790), Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715-1789) et Jean, chevalier du Teil de Beaumont (1733-1820). On doit à Bourcet l’idée du « plan à branches » : il s’agit de diviser une armée en plusieurs colonnes distinctes marchant sur des cibles différentes. Comme il est impossible pour un ennemi d’être partout en position de force, on peut arriver à lui faire croire, en procédant de la sorte, que le principal contingent se dirige sur un endroit différent de celui auquel il s’attend. L’ennemi va alors se sentir obligé d’abandonner ses plans et de disperser ses troupes, de manière à pouvoir faire face aux nouvelles menaces. Il pourrait être tenté aussi de se concentrer sur un point et d’affaiblir ainsi ses autres positions. En suivant la démarche préconisée par Bourcet, un chef pouvait atteindre au moins l’un de ses objectifs. Mais le théoricien insistait sur la nécessité pour les colonnes de rester suffisamment proches, de façon à ce que deux d’entre elles ou plus puissent se rejoindre pour s’emparer d’une position que la division opérée par l’ennemi entre ses forces avait fragilisée. On retrouve les mêmes idées chez Guibert, mais avec un souci plus grand encore de mobilité ; Guibert entendait également mettre un terme au système des fournisseurs privés, qui s’engageaient par contrat à ravitailler les troupes en campagne à partir de magasins ou de bases situés à l’arrière. Il voulait que les officiers apprennent à organiser eux-mêmes l’approvisionnement, et que l’armée s’occupe de trouver sa subsistance chez l’ennemi aux dépens de ce dernier. Le genre de soldat capable de se comporter ainsi n’existait pas dans les armées de mercenaires du XVIIIe siècle. Il fallut attendre les armées, composées pour l’essentiel de volontaires, qui virent le jour avec la Révolution française. On pouvait leur faire confiance pour aller fourrager et ne pas déserter à la moindre occasion. Guibert envisageait aussi de réduire le poids des canons de manière à accroître leur mobilité. Son idée était de pouvoir opérer une rapide concentration d’artillerie sur un point donné de la ligne adverse, afin de créer des brèches permettant de la traverser et de faire ainsi la décision. Au bout du compte, Guibert recommandait de ne jamais attaquer un ennemi de front, mais de chercher immédiatement à le tourner ou à le prendre de flanc. C’était une façon d’obliger l’ennemi à bouger et d’en finir avec la guerre statique qui était d’usage à l’époque. Quant à Gribeauval, il insista, comme Guibert, sur la nécessité de réduire considérablement le poids de l’artillerie de campagne. Du Teil, enfin, mit au point des canons légers à âme lisse, tirés par des chevaux, qui pouvaient progresser au même rythme que la troupe. Son objectif était de pouvoir regrouper un grand nombre de canons sur un point faible de la ligne ennemie, dans le même but, ici encore, que chez Guibert. En 1788-1789, Napoléon, qui n’avait que dix-neuf ans, fut chargé de commander un peloton de démonstration à l’école d’application d’artillerie d’Auxonne, où étaient expérimentées les nouvelles théories de du Teil. C’est là, à la fois par la pratique et par la lecture, que se forgèrent les bases de sa pensée militaire. Voir Bevin Alexander, How Great Generals Win (« Comment les grands généraux l’emportent »), New York, W. W. Norton, 1993, p. 97-100.
36- Theodore Ayrault Dodge, Great Captains (« Les Grands Capitaines »), Boston, Houghton Mifflin, 1889, et Whitefish, Kessinger publishing, n. d., p. 197 ; J.F.C. Fuller, The Conduct of War, op. cit., p. 48-49.
37- J.F.C., ibid., p. 48-51.
38- Geoffrey Parker, The Cambridge History of Modern Warfare (« Histoire de la guerre moderne »), New York, Cambridge University Press, 2005, p. 204-205. La grande faiblesse de Napoléon fut de ne pas comprendre que le vrai but de la guerre, c’est d’améliorer la paix. Réussir à conclure une paix juste et durable, telle devrait être la règle en politique, la victoire étant le moyen d’y parvenir. Au dix-neuvième siècle, le théoricien prussien de la guerre, Carl von Clausewitz, ne comprit pas davantage quel était le vrai but de la guerre ; soutenir, comme il le fait, qu’il faut pousser la violence jusqu’à sa toute dernière extrémité conduit à l’échec. D’après l’historien militaire anglais J.F.C. Fuller, on trouve chez Montesquieu une théorie de la guerre bien plus satisfaisante : « Les nations devraient se faire les unes aux autres le plus de bien durant la paix et le moins de mal durant la guerre, en évitant de porter atteinte à leurs vrais intérêts. » Voir J.F.C. Fuller, The Conduct of War, op. cit., p. 76.
39- Napoléon voulait que l’Europe profite de la nouvelle prospérité apparue en Angleterre avec les machines de la Révolution industrielle. « Pourquoi les Anglais récolteraient-ils seuls des bénéfices qui pourraient profiter à des millions d’autres ? », demandait-il. Il croyait que le commerce ne bénéficiait qu’à l’Angleterre. Pour lui, l’Europe était perdante. Il ne comprit pas que le libre-échange créerait plus de richesses pour tout le monde. C’est pourquoi il instaura le Blocus continental, qui était destiné à empêcher l’Angleterre de commercer avec l’Europe, mais ce système priva l’Europe de biens que seule l’Angleterre pouvait lui fournir. D’où une opposition profonde à la politique de Napoléon, qui le conduisit finalement à l’échec. L’Angleterre se voyait menacée de perdre ses activités commerciales, mais elle avait aussi le sentiment qu’une Europe unie compromettrait à terme sa position dominante en tant que nation maritime. Ce n’était pas une fatalité, et une politique commerciale plus ouverte de la part de Napoléon aurait contribué à dissiper cette crainte.
40- C’est ce qu’a très bien perçu J.F.C. Fuller : « Dans sa première campagne d’Italie (1796-1797), écrit-il, son objectif était de débusquer son ennemi et de le détruire en lui livrant bataille. Cette attitude, le fait qu’il violait la neutralité d’un territoire, vivait sur le pays, subvenait aux besoins de ses troupes par le pillage et les exactions, exploitait à fond ses victoires en se lançant dans des poursuites acharnées, tout cela choqua ses contemporains, qui considéraient ces manières brutales, non pas comme des actes de guerre légitimes, mais comme les débordements d’un barbare. » Voir J.F.C. Fuller, The Conduct of War, op. cit., p. 44.
41- Ibid., p. 54.
42- Le récit de la campagne de Waterloo s’appuie sur : J.F.C. Fuller, A Military History, op. cit., vol. 2, p. 494-539 ; Sir Edward Creasy, Fifteen Decisive Battles of the World (« Quinze batailles qui firent la décision »), New York, Harper, 1951, et Harrisburg, Stackpole Company, 1960, p. 298-302 ; David G. Chandler, On the Napoleonic Wars (« Sur les guerres napoléoniennes »), Londres, Greenhill Books, et Mechanicsburg, Stackpole Books, 1994, p. 134-139 ; id., Waterloo : The Hundred Days (« Waterloo : les Cent jours »), Londres, Osprey, et New York, Macmillan, 1980 ; Georges Blond, La Grande Armée, 1804-1815, Paris, Robert Laffont, 1982 ; Georges Lefebvre, Napoleon : From Tilsit to Waterloo, 1807-1815 (« Napoléon, de Tilsit à Waterloo »), New York, Columbia University Press, 1969, p. 358-69. Voir également Jean Colin, Les Transformations de la guerre, Paris, 1911, et Paris, Economica, 1989, ainsi que David G. Chandler, The Campaigns of Napoleon (« Les Campagnes de Napoléon »), New York, Macmillan, 1980.
43- R.D. Sawyer, op. cit., p. 156. Sun Tzu ne mentionne pas la position centrale en tant que telle, mais elle figure implicitement parmi les différentes possibilités auxquelles il faut recourir, selon lui, pour mettre une armée dans une position tactiquement avantageuse, se concentrer sur des cibles précises, exploiter le terrain et atteindre définitivement l’objectif.
44- Ibid., p. 161, 163. Sun Tzu dit qu’il ne faut affronter l’ennemi que si l’on dispose de forces supérieures ou au moins égales. Sinon, il faut se replier. « Une petite armée qui ne veut pas céder sera soumise par une grande. » Sun Tzu dit aussi que l’on ne peut pas rendre l’ennemi vulnérable, mais que l’on peut se rendre soi-même invulnérable. « Être invulnérable dépend de soi, être vulnérable dépend de l’ennemi. » On peut être invulnérable avec des forces inférieures ou avec des forces supérieures. Si c’est avec des forces inférieures, il convient de se retirer et de chercher une autre approche ; si c’est avec des forces supérieures, on peut envisager la victoire, mais celle-ci dépendra en réalité de ce que l’ennemi fera. Ce qui signifie que l’on remporte la victoire en recourant à la ruse et en adoptant une stratégie originale, et non pas simplement parce que l’on dispose d’une plus grande armée. De petites armées peuvent l’emporter sur de grandes, grâce à des manœuvres stratégiques ou tactiques qui leur confèrent la supériorité dans des moments critiques, même si elles sont globalement plus faibles.
45- J.F.C. Fuller, A Military History, op. cit., vol. 2, p. 495.
46- R.D. Sawyer, op. cit., p. 169.
47- L’idée apparaît chez Sun Tzu dans le passage suivant : « Le mieux, à la guerre, est de s’attaquer aux plans de l’ennemi, puis de s’attaquer à ses alliances, puis de s’attaquer à ses armées, et le pire est de s’attaquer à ses villes fortifiées [ce qui s’applique plus généralement à toute position lourdement fortifiée]. » Découvrir les plans de l’ennemi revient à comprendre sa stratégie.
48- J.F.C. Fuller, A Military History, op. cit., vol. 2, p. 503.
49- Ibid., p. 510.
50- La peur d’être attaqués sur leurs arrières sema la confusion parmi les soldats du 3e corps de Vandamme. Beaucoup s’enfuirent et l’un des commandants de division de Vandamme fit tourner ses canons pour tirer contre les fuyards. Les Prussiens profitèrent du désordre où se trouvait plongé le 3e corps pour lancer un assaut vigoureux contre Saint-Amand. Si la Jeune Garde de la garde impériale n’était pas arrivée pour contre-attaquer, c’est tout le 3e corps qui aurait sans doute été mis en pièces.
51- En s’enfonçant dans la ligne prussienne à Ligny, Napoléon repoussa vers l’ouest les deux corps prussiens situés les plus en avant dans cette direction. C’était la seule voie qui leur permettait d’échapper dans un premier temps à la garde impériale et à la cavalerie qui les poursuivait. Libre à eux ensuite de faire mouvement vers le nord. Napoléon pensait que les Prussiens, une fois sortis du champ de bataille, prendraient vers le nord-est pour gagner leur base de ravitaillement de Liège.
52- Michel Ney illustre à merveille le refus de Napoléon de promouvoir des chefs militaires capables de prendre leurs responsabilités. En ne nommant que des commandants uniquement voués à lui obéir, il empêcha l’éclosion de leaders compétents, à même d’engager des actions et de gagner des batailles par eux-mêmes. À Waterloo, le choix de Napoléon était donc limité à des hommes qui n’avaient rien de remarquable. Les états de service de Ney attestaient une bravoure exceptionnelle, mais en aucune façon une aptitude au commandement. Davout était le seul à avoir fait preuve de qualités hors du commun ; Napoléon ne lui confia jamais de charges qui auraient pu lui permettre de menacer sa propre autorité. Ney était connu, en tant que chef, pour sa susceptibilité et ses caprices. Il se montra si incontrôlable en Espagne qu’il fut renvoyé chez lui en 1811, en quasi disgrâce. Après Waterloo, Napoléon reconnut que le recours à Ney avait été une lourde erreur. Voir l’entrée « Ney, Michel » dans Encyclopaedia Britannica, 15e édition (Chicago, 1978), Macropedia, vol. 13, pp. 55-57 ; J.F.C. Fuller, A Military History, op. cit., vol. 2, p. 494-495.
53- Ibid., p. 519-20.
54- Ibid., p. 521.
55- C’est le 17 juin, à 22 heures, que Grouchy avait appris que les Prussiens opéraient leur concentration à Wavre. Il en informa aussitôt Napoléon. Mais il aurait dû s’apercevoir que les deux armées, anglaise et prussienne, n’étaient séparées que par une quinzaine de kilomètres et pouvaient facilement se rejoindre. Et il aurait dû aussitôt déplacer ses deux corps vers le nord-ouest, entre Wavre et le mont Saint-Jean. S’il s’était mis en marche immédiatement, il aurait eu le temps de barrer la route aux Prussiens et de les empêcher ainsi d’aller secourir les Anglais. Le 18 juin, à 11 h 30, les Prussiens étaient si près du mont Saint-Jean qu’il ne pouvait plus les attaquer que de flanc.
56- R.D. Sawyer, op. cit., p. 164-165.
57- Ibid., p. 168, 170.
58- Ibid., p. 159.
59- Ibid., p. 157.
60- J.F.C. Fuller, A Military History, op. cit., vol. 2, p. 532.
61- Ibid., p. 530.
62- Ibid., p. 537-38.
Notes du chapitre III, « La guerre de Sécession : les campagnes de 1862 »
63- Sun Tzu formule ainsi ce concept : « Si l’on me demande : “Lorsqu’un ennemi nombreux et en bon ordre s’approche, que doit-on faire ?”, je réponds : “D’abord s’emparer de ce à quoi il tient, et alors il vous écoutera”. » Deux autres de ses recommandations se rattachent à la même idée : « Si l’ennemi ouvre la porte, s’y engouffrer aussitôt » ; « Attaquer ce qu’il considère comme primordial ». Voir R.D. Sawyer, op. cit., p. 179 et p. 183.
64- Le récit des campagnes de 1862 est tiré pour l’essentiel de Bevin Alexander : Lost Victories : The Military Genius of Stonewall Jackson (« Victoires perdues : le génie militaire de Stonewall Jackson »), New York, Henry Holt, 1992 ; Robert E. Lee’s Civil War (« La Guerre de Sécession de Robert E. Lee »), Holbrook, Adams Media, 1998 ; How the South Could Have Won the Civil War : The Fatal Errors That Led to Confederate Defeat (« Comment le Sud aurait pu gagner la guerre de Sécession : les erreurs fatales qui conduisirent les Confédérés à la défaite »), New York, Crown, 2007.
65- Il ne vint jamais à l’esprit du général McClellan qu’il aurait fallu défier l’armée confédérée implantée près de Fairfax en lançant contre elle une offensive d’envergure. Cela aurait fixé sur place cette armée et l’aurait empêchée de venir gêner la grande opération décidée par l’Union, à savoir la traversée jusqu’à Fort Monroe et la remontée de la péninsule jusqu’à Richmond. Un choc frontal avec l’Union aurait constitué ce que Sun Tzu appelle un zheng, c’est-à-dire un mouvement direct, orthodoxe, la remontée de McClellan à travers la péninsule faisant figure quant à elle de qi, c’est-à-dire de mouvement indirect, non orthodoxe. Avec l’armée confédérée incapable de se dégager de cet affrontement, McClellan n’aurait rencontré sur sa route que peu d’opposition. En ne voyant pas l’occasion qui s’offrait à lui, McClellan permit à Joseph E. Johnston et aux siens de marcher sur Richmond et de venir s’opposer à lui avec la quasi-totalité de leurs forces. La campagne entreprise par McClellan à travers la péninsule se fit donc en complète violation de la méthode préconisée par Sun Tzu. Le Nord ne manquait pourtant pas de moyens. Les 23 000 hommes de Banks et les 38 000 de McDowell, une fois réunis, auraient été à peine inférieurs en nombre aux effectifs dont disposait Jackson, et l’on aurait pu faire appel aux troupes qui tenaient les forts protégeant Washington. Il n’aurait pas été nécessaire de mettre à contribution les 100 000 hommes de McClellan.
66- Puisque les cours d’eau de la vallée de la Shenandoah vont se déverser au nord dans le Potomac, un mouvement opéré dans la vallée en direction du sud est un mouvement qui remonte, vers l’amont, et non pas un mouvement qui descend, vers l’aval.
67- Voici ce que dit exactement Sun Tzu : « Qui ignore les plans des autres princes [c’est-à-dire de l’ennemi] ne peut conclure d’alliance avant la bataille. Qui ne connaît pas les montagnes et les forêts, les gorges et les défilés, les marécages et les sols humides ne peut pas faire avancer son armée. Qui n’a pas recours à des guides locaux ne peut pas tirer avantage du terrain. » Voir R.D. Sawyer, op. cit., p. 169. Des espions auraient pu facilement transmettre des informations sur les forces réelles de Magruder ainsi que sur la nature réelle de son dispositif défensif. De toute façon, les effectifs de Magruder ne pouvaient être qu’une fraction de ceux dont disposait McClellan, puisque ce dernier savait de façon certaine que le gros de l’armée confédérée se trouvait à Richmond.
68- Ibid., p. 161.
69- Durant la guerre de Sécession et dans la plupart des guerres jusqu’au second conflit mondial, les soldats rejoignaient à pied leur destination. Ils marchaient d’ordinaire en colonnes ou en files et sur un certain nombre de rangs (on comptait généralement trois ou quatre files avançant côte à côte). D’où en anglais l’expression « rank and file » (« rang et file ») pour désigner les simples soldats.
70- Colonel William Allan, History of the Campaign of Gen. T. J. (Stonewall) Jackson in the Shenandoah Valley of Virginia (« Histoire de la campagne du général T. J. (Stonewall) Jackson dans la vallée de la Shenandoah en Virginie »), Philadelphie, J. B. Lippincott & Co, 1880 ; New York, Da Capo Press, 1995, p. 85.
71- Doris Kearns Goodwin, Team of Rivals : The Political Genius of Abraham Lincoln (« Une Équipe de rivaux : le génie politique d’Abraham Lincoln »), New York, Simon & Schuster, 2005, p. 432.
72- Sun Tzu s’exprime ainsi : « La configuration du terrain est une aide pour l’armée. Analyser l’ennemi, évaluer ses propres chances de victoire, étudier les ravins et les défilés, apprécier les distances, c’est ainsi que se comporte le grand général. Qui rassemble ces informations et les utilise au combat remportera à coup sûr la victoire. Qui ne les rassemble pas et ne les utilise pas au combat connaîtra à coup sûr la défaite. » Voir R. D. Sawyer, op. cit., p. 177.
73- Voir Bevin Alexander, Lost Victories, op. cit., p. 59, note 16.
74- La première proposition que fit Jackson à Lee fut de demander pour Edward Johnson un renfort de 5 000 hommes qui permettrait à ce dernier de s’opposer pour un temps à l’avancée de Frémont. Jackson prévoyait alors de faire marcher son armée vers le nord jusqu’à Luray, de lui faire traverser le Blue Ridge par Thornton Gap jusqu’à Sperryville, sur le versant oriental de la montagne. De là, il tournerait vers le nord, laissant l’ennemi dans l’incertitude sur ses intentions : irait-il sur Front Royal au nord-ouest ou sur Warrenton au nord-est ? Warrenton se trouvait à quarante kilomètres seulement de Centreville et des principales positions fédérales qui assuraient la défense de Washington. Ce simple déplacement, effectué sur une seule ligne, immobiliserait la garnison de Washington, empêcherait les 38 000 hommes de McDowell de venir en aide à McClellan et contraindrait Banks à faire retraite, puisque ses lignes d’approvisionnement seraient menacées – tout cela sans risquer pratiquement la moindre perte. Pourtant Lee ne pouvait garantir des troupes supplémentaires, et Jackson fut forcé de renoncer à ce plan, qui nous fournit une démonstration éclatante de son génie militaire.
75- Colonel G. F. R. Henderson, Stonewall Jackson and the American Civil War (« Stonewall Jackson et la guerre de Sécession ») ; 2 vol., New York, Longmans, Green & Co, 1898 ; 1 vol., New York, Longmans, Green & Co, 1936, 1937, 1943, 1949 ; 2 vol., New York, Konecky & Konecky, 1993, vol. 1, p. 288.
76- Colonel William Allan, History of the Campaign, op. cit., p. 88.
77- On n’a pas gardé trace de la réponse de Lee, mais il avait probablement reçu l’accord du président Davis. Voir Bevin Alexander, Lost Victories, op. cit., p. 76, note 7.
78- R. D. Sawyer, op. cit., p. 161.
79- Colonel G. F. R. Henderson, Stonewall Jackson, op. cit., vol. 1, p. 174-75 (dans l’édition Konecky et Konecky). La source de Henderson pour la proposition faite par Jackson est une lettre personnelle qu’il reçut du général Smith.
80- R. D. Sawyer, op. cit., p. 161.
81- Voir le récit fait par A. R. Boteler dans les Southern Historical Society Papers (« Publications de la Société d’histoire du Sud »), Richmond, vol. 40, p. 165 et p. 172-74.
82- Le premier à avoir été à la tête de l’armée de Virginie du Nord fut Pierre G. T. Beauregard, qui venait de Louisiane et assura le commandement à la première bataille de Manassas, dite encore première bataille de Bull Run, le 21 juillet 1861. Ses préparatifs pour la bataille furent de piètre qualité, et il fut abusé par le chef de l’Union, Irvin McDowell, qui déclencha une attaque surprise sur le flanc gauche des Confédérés. Beauregard n’évita le désastre que parce que McDowell accumula les erreurs dans la conduite de la bataille. Le Haut État-Major du Sud reconnut que Beauregard était incapable d’assurer le commandement d’une manière autonome et l’affecta sur le théâtre de l’Ouest, le remplaçant par Joseph E. Johnston. À l’ouest, Beauregard n’obtint aucun résultat et fut relevé de ses fonctions. Plus avant dans la guerre, il se montra à son honneur dans des fonctions subalternes, où il n’était pas appelé à prendre seul des décisions importantes.
83- La proposition de Jackson, avec les commentaires qu’y portèrent Lee et Davis, a été reproduite en fac-similé dans le catalogue de l’exposition du centenaire organisée par la bibliothèque de l’université de Duke, en Caroline du Nord (The Centennial Exhibit of the Duke University Library, Durham, Duke University, 1939).
84- R. D. Sawyer, op. cit., p. 168. Sun Tzu recommande d’éviter le plein et de frapper le vide. C’est pourquoi un général ne devrait presque jamais attaquer un ennemi de front. « La guerre, écrit Sun Tzu, est l’art de duper. » Il n’y a pas de meilleure façon de faire la guerre que de briser la résistance de l’ennemi sans avoir à combattre. Pour y parvenir, Sun Tzu recommande « de se porter rapidement à des endroits où l’on n’est pas attendu ».
85- Major Thomas R. Phillips éd., Roots of Strategy « Origines de la stratégie »), Harrisburg, Military Service Publishing, 1941, p. 407-41.
86- Sir Basil H. Liddell Hart, Strategy (« Stratégie »), New York, Praeger, 1954, p. 363. Liddell Hart s’explique plus longuement sur ce point dans son ouvrage de 1925, Paris, or the Future of War (« Pâris ou l’avenir de la guerre »).
87- R. D. Sawyer, op. cit., p. 154.
88- Ibid., p. 158.
89- Nous savons que Jackson élabora cette nouvelle tactique immédiatement après les batailles des Seven Days ; les actions qu’il entreprit lors de la campagne menée contre le général de l’Union John Pope avaient pour but d’amener l’ennemi, et non pas les Confédérés eux-mêmes, à attaquer. Jackson était réticent à expliquer ses théories. Il faut se reporter, pour en avoir une idée, aux remarques qu’il adressa juste avant la bataille de Fredericksburg, en décembre 1862, à Heros von Borcke, un officier prussien qui faisait partie de l’état-major du chef de la cavalerie, Jeb Stuart. Quand Borcke se demanda à haute voix si les Sudistes seraient à même d’arrêter un assaut de la grande armée fédérale qui leur faisait face, Jackson répliqua : « Major, mes hommes ont pu parfois échouer à prendre une position, mais à en défendre une, jamais ! » Après la bataille de Chancellorsville, au printemps 1863, il dit pratiquement la même chose à son officier de santé, Hunter McGuire : « Nous échouons parfois à les chasser de leurs positions, ils n’arrivent jamais à nous chasser des nôtres. » On peut en tirer la conclusion que, puisque les Confédérés parvenaient à résister ainsi aux attaques, ils devaient éviter de lancer eux-mêmes des assauts directs et faire plutôt en sorte que ce soit l’ennemi qui attaque. Voir Bevin Alexander, How the South Could Have Won the Civil War, op. cit., p. 106.
90- La détermination de Lee à attaquer McClellan est établie par une déclaration qu’il fit à l’historien William Allen, le 15 février 1868, à Lexington, en Virginie : « Si McClellan avait continué avec la même prudence [à avancer] deux ou trois jours de plus [après la prise par les Confédérés de Harpers Ferry], j’aurais rassemblé toutes mes troupes du côté du Maryland, récupéré les traînards, laissé les hommes se reposer, et j’aurais cherché alors à attaquer McClellan, en espérant obtenir les meilleurs résultats, vu l’état de mes troupes et celui des siennes. » Voir Colonel William Allan, The Army of Northern Virginia in 1862 (« L’armée de la Virginie du Nord en 1862 »), Boston, Houghton Mifflin & Co, 1892 ; New York, Da Capo Press, 1995, p. 440-41 (la citation renvoie à l’édition de Da Capo Press). Voir également Douglas Southall Freeman, Lee’s Lieutenants : A Study in Command (« Les lieutenants de Lee : une étude sur le commandement »), 3 vol., New York, Charles Scribner’s Sons, 1942-46, vol. 2, p. 715-23.
91- Robert Lewis Dabney, Life and Campaigns of Lieut.-Gen. Thomas J. (Stonewall) Jackson (« La vie et les campagnes du Lieut.-Gén. Thomas J. (Stonewall) Jackson »), New York, Blalock & Company, 1866 ; Harrisonburg, Sprinkle Publications, 1983, p. 595. Voir également Bevin Alexander, How the South Could Have Won, op. cit., p. 300, note 9.
Notes du chapitre IV, « Gettysburg, 1863 »
92- Lee voulut tourner l’armée de l’Union à Antietam, mais il ne disposa pas de l’espace nécessaire. La bataille de Chancellorsville est le seul autre moment où il accepta la proposition de Jackson de mener semblable opération. Il fut en fait forcé à le faire parce que Hooker avait placé sur le flanc gauche de Lee, c’est-à-dire à l’ouest, une force considérable, tandis qu’il menaçait son flanc droit, à l’est, du côté de Fredericksburg, avec une autre force, elle aussi très nombreuse. Il n’y avait aucune autre façon (à moins de faire retraite vers le sud) d’empêcher les deux forces de converger sur les Confédérés. L’idée d’une attaque sur le flanc occidental de Hooker se fit jour quand le chef de la cavalerie, Jeb Stuart, signala que l’extrémité ouest de la ligne de Hooker « flottait dans les airs », c’est-à-dire qu’elle ne disposait d’aucune installation défensive faisant face à l’ouest. Mais c’est Jackson, et non pas Lee, qui fixa l’endroit exact où porter l’attaque, son ampleur (tout le corps de Jackson) et son objectif : couper à l’Union l’accès au gué des United States.
93- Le récit de la campagne de Gettysburg s’inspire largement de Bevin Alexander, Robert E. Lee’s Civil War et How the South Could Have Won, op. cit.
94- Edward Porter Alexander, Fighting for the Confederacy. The Personal Recollections of General Edward Porter Alexander (« Combattre pour la Confédération. Les Souvenirs personnels du général Edward Porter Alexander »), édité par Gary W. Gallagher, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1989, p. 230. Rester sur la défensive, c’était suivre une des maximes de Sun Tzu : « Qui ne peut pas l’emporter opte pour la défensive. Dans une telle situation, si l’on opte pour la défensive, la force dont on dispose sera employée au mieux, tandis quelle ne servirait à rien si l’on optait pour l’offensive. » Voir R. D. Sawyer, op. cit., p. 163.
95- Ibid., p. 168.
96- Ibid., p. 165.
97- Lee expliqua qu’il voulait protéger ainsi sa ligne de ravitaillement, qui passait par la Cumberland Valley, mais il avait déjà cessé de l’utiliser à ce moment-là puisque son armée trouvait beaucoup plus de nourriture en fourrageant en Pennsylvanie qu’elle ne pouvait en recevoir d’un État ravagé par la guerre comme la Virginie. Toujours à ce moment-là, il n’était pas sérieux de croire que Meade pourrait abandonner sa position entre l’armée de Lee et Washington pour aller s’engager dans la Cumberland Valley. Un tel mouvement se serait fait en complète violation des ordres donnés par le président Lincoln.
98- R. D. Sawyer, op. cit., p. 169.
99- Ibid., p. 164 et p. 166.
100- Ibid., p. 164.
101- Voici le passage dans son entier : « Il faut attendre en ordre ceux qui avancent en désordre, en silence ceux qui font du vacarme. C’est ainsi que l’on contrôle son esprit. Il faut attendre avec ceux qui sont déjà à pied d’œuvre ceux qui viennent de loin ; il faut attendre avec ceux qui sont reposés ceux qui sont fatigués, avec ceux qui sont rassasiés ceux qui sont affamés. C’est ainsi que l’on contrôle sa force. Il ne faut pas intercepter un ennemi dont les drapeaux sont en bon ordre ; ne pas attaquer des formations impeccablement disposées. C’est ainsi que l’on domine les événements. » Voir ibid., p. 170.
102- Robert U. Johnson et C. C. Buel éd., Battles and Leaders of the Civil War (« Batailles et chefs de la guerre de Sécession »), 4 vol., New York, Century Magazine, 1887-1888 ; reprint : Secaucus, Castle, n.d. ; vol. 3, p. 339. Longstreet est cité d’après Edward Porter Alexander, Military Memoirs of a Confederate. A Critical Narrative (Mémoires de guerre d’un confédéré. Une étude critique »), New York, Charles Scribner’s Sons, 1907, p. 386-87. Douglas Southall Freeman (R.E. Lee, A Biography, 4 vol., New York et Londres, Charles Scribner’s Sons, 1934-1935, vol. 3, p. 75), citant Annals of the War, Written by Leading Participants North and South (Les Annales de la guerre, rédigées par les principaux responsables du Nord et du Sud », Philadelphie, Times Publishing Co, 1879, p. 421), rapporte le propos suivant de Longstreet : « S’il est là [i.e. Meade], c’est parce qu’il attend impatiemment que nous l’attaquions – ce qui est une raison, à mon avis, pour ne pas le faire. »
103- Robert U. Johnson et C. C. Buel, op. cit., vol. 3, p. 340.
104- R. D. Sawyer, op. cit., p. 168.
105- D’après Albert Doubleday, tout le monde savait que Meade n’était pas d’accord avec le champ de bataille qu’avait choisi Winfield Scott Hancock, qui commandait l’aile gauche de l’Union. Meade avait approuvé la demande faite par Hancock d’opérer la concentration des forces à Gettysburg, mais il venait tout juste de prendre son commandement, et il avait déjà décidé d’aller se mettre en défense le long de Pipe Creek, un cours d’eau du Maryland qui s’écoule vers l’ouest, à quelque vingt-neuf kilomètres au sud de Gettysburg. Etablir une ligne à Pipe Creek ne présentait relativement aucun risque. Remonter sur Gettysburg était une opération dangereuse, incertaine, qui ne fut décidée que sur les instances de Hancock. Meade n’avait pas vu le site, mais il savait que les Fédéraux avaient été délogés des positions qu’ils occupaient à l’ouest et forcés de quitter la ville. Quand il fut sur place, il critiqua le terrain choisi pour la bataille, parce que le même défaut rédhibitoire qu’avait repéré Longstreet lui sauta aux yeux : tout ce qu’avaient à faire les Confédérés pour le chasser de sa position, c’était de se mettre en marche vers le sud. Voir Bevin Alexander, How the South Could Have Won, op. cit., p. 308, note 28.
106- R. D. Sawyer, op. cit., p. 168.
107- Robert U. Johnson et C. C. Buel, Battles and Leaders of the Civil War, op. cit., vol. 3, p. 320-21.
108- Edward Porter Alexander, Fighting for the Confederacy, op. cit., p. 251.
109- Le 2 juillet au matin, le général Meade ordonna au général Sickles d’aller installer le 3e corps au sud de Cemetery Ridge sur Little Round Top, « pourvu que l’endroit s’y prête ». Sickles rencontra un terrain détrempé entre l’extrémité méridionale de Cemetery Ridge et Little Round Top, ce qui l’amena à faire mouvement vers l’ouest jusqu’à Peach Orchard. Dans l’après-midi, juste avant l’assaut lancé par Longstreet, Meade envoya son commandant en chef du génie, le général gouverneur K. Warren, inspecter la « petite colline là-bas » pour s’assurer que des troupes la protégeaient. Warren trouva la hauteur inoccupée, à l’exception d’un poste de transmission, mais il aperçut de longues lignes ennemies au sud en train de tourner les positions de l’Union. Comprenant aussitôt que les Fédéraux devaient tenir Little Round Top, il envoya un message urgent à Meade et commença à réunir des troupes pour prendre pied sur la position. Voir Bevin Alexander, Robert E. Lee’s Civil War, op. cit., p. 204 et p. 209. Warren ne fit aucun effort pour s’emparer de Round Top. Pas plus lui que Meade n’en comprirent l’importance.
110- Sun Tzu recommande aux généraux d’être informés à l’avance des plans de l’ennemi et du terrain, et de ne pas attendre d’être en marche pour se renseigner sur eux. « Qui ignore les plans des autres princes [c’est-à-dire de l’ennemi] ne peut conclure d’alliance avant la bataille. Qui ne connaît pas les montagnes et les forêts, les gorges et les défilés, les marécages et les sols humides ne peut pas faire avancer son armée. Qui n’a pas recours à des guides locaux ne peut pas tirer avantage du terrain. » (R. D. Sawyer, op. cit., p. 169).
111- Harry W. Pfanz, Gettysburg : The Second Day (« Gettysburg : le deuxième jour »), Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1987, p. 217-19.
112- Lee ordonna à Richard S. Ewell d’attaquer Cemetery Hill et Culp’s Hill au nord dès qu’il entendrait les canons de Longstreet, tandis que A. P. Hill devait se porter directement contre l’ennemi sur Cemetery Ridge. Ewell attendit presque jusqu’à la nuit pour attaquer au nord. Il prit une partie de Culp’s Hill, mais ne réussit pas grand-chose au total. Hill en fit encore moins, mais la brigade de Géorgie d’Ambrose R. Wright, qui appartenait au corps de Hill, s’empara du centre de Cemetery Ridge dans l’après-midi, au moment où une grande partie des forces de l’Union en avait été retirée pour aller s’opposer à l’attaque déclenchée au sud par Longstreet. La percée de Wright aurait pu rompre la ligne de l’Union, mais ni Hill ni Lee ne firent le moindre effort pour venir en aide à Wright, et les Géorgiens furent contraints de battre en retraite.
113- R. D. Sawyer, op. cit., p. 162 et p. 171.
114- R. D. Sawyer, Sun Tzu ; The Art of War, Boulder, Westview Press, 1994, p. 239-40.
115- R. D. Sawyer, The Seven Military Classics, op. cit., p. 166.
116- Edward Porter Alexander, Fighting for the Confederacy, op. cit., p. 233-34.
117- Ibid., p. 261.
Notes du chapitre V, « La bataille de la Marne, 1914 »
118- R. D. Sawyer, op. cit., p. 165.
119- J. F. C. Fuller, A Military History of the Western World (« Une histoire militaire du monde occidental »), 3 vol., New York, Funk and Wagnalls, 1954-1957 ; New York, Da Capo Press, s. d., vol. 3, p. 173-74. Voir également Bevin Alexander, How America Got it Right : The U.S. March to Military and Political Supremacy (« Comment l’Amérique a vu juste. La marche des États-Unis vers la suprématie militaire et politique »), New York, Crown, 2005, p. 80.
120- Le récit de la bataille de la Marne s’inspire de Fuller, A Military History, op. cit., vol. 3, p. 171-227, et The Conduct of War, 1789-1961 (« La Conduite de la guerre, 1789-1961 »), New Brunswick, Rutgers University Press, 1961 ; New York, Da Capo Press, 1992, p. 131-60 ; de Sir Basil H. Liddell Hart, The Real War, 1914-1918 (« La Vraie Guerre, 1914-1918 »), Boston, Little Brown, 1930, 1964, p. 3-70 et Strategy (« La Stratégie »), New York, Praeger, 1954, p. 167-79 ; et de Walter Goerlitz, History of the German General Staff (« Histoire de l’État-major général allemand »), New York, Praeger, 1953, p. 143-65. Plusieurs spécialistes ont comparé le plan de Schlieffen avec la bataille de Cannes, qui eut lieu le 2 août 216 av. J.-C. et qui vit le chef des Carthaginois, Hannibal, encercler une armée romaine et la massacrer. Mais Schlieffen conçut un simple mouvement de flanc, et non pas le double enveloppement venant se refermer sur l’arrière des Romains qu’avait réussi Hannibal. C’est bien sur Frédéric le Grand que le stratège allemand prit modèle. En réalité c’était une vieille tactique, utilisée par le chef thébain Epaminondas contre les Spartiates à la bataille de Leuctres en 371 av. J.-C.
121- J. F. C. Fuller, A Military History, op. cit., vol. 3, p. 213-14.
122- Pour une analyse détaillée de la façon dont étaient livrées les batailles en ligne, voir Paul Herbert, “The Battle of Cantigny” (« La Bataille de Cantigny »), On Point : The Journal of Army History, vol. 13, n° 4 (printemps 2008), publié par l’Army Historical Association. L’article décrit la première offensive de l’armée américaine durant la Première Guerre mondiale. Elle eut lieu au village de Cantigny, à cent douze kilomètres au nord de Paris, le 28 mai 1918. Ce fut le 28e régiment de la 1re division d’infanterie qui conduisit l’attaque. Celle-ci se conforma très fidèlement à la doctrine de la guerre en ligne élaborée par les Français. Pour s’emparer du plateau de Cantigny, la division envoya un seul régiment avec ses trois bataillons avançant de front, chacun dans sa zone. La ligne américaine se situait juste au-delà du village de Villers-Tournelle, et les Américains avaient à traverser un « no man’s land » de 1 400 mètres pour atteindre Cantigny. Le bataillon du centre fut renforcé par douze chars français, des Schneider à la vitesse réduite. Il y eut d’abord un violent bombardement au moyen de canons de 75 et d’obusiers de 155, puis les chars Schneider franchirent les tranchées américaines à des endroits prédéterminés. Les canons de 75, qui avaient visé jusque-là le village, raccourcirent leur tir jusqu’à la ligne de départ de l’infanterie américaine, s’attardèrent sur cette ligne pendant trois minutes puis rallongèrent progressivement leur tir sous la forme d’un « barrage roulant », de façon à toujours précéder les fantassins. Ces derniers sortirent alors des tranchées et avancèrent plus ou moins de front, en respectant pendant toute leur marche la même distance par rapport aux impacts des tirs. Le « barrage roulant » avait pour but d’obliger l’ennemi à rester à couvert et de l’empêcher ainsi d’arrêter l’avance de l’infanterie. À la surprise générale, la résistance allemande se révéla inconsistante et les Américains furent à même de s’emparer du village. Il fut impossible aux chars français de pénétrer dans celui-ci en raison des décombres produits par les explosions et ils durent bientôt se replier. Le succès fut dû à l’intensité du tir de barrage effectué sur les positions allemandes et à l’effet de surprise.
123- Le système des sections d’assaut est expliqué dans le détail par Bruce Gudmundsson dans Stormtroops Tactics (« La Tactique des sections d’assaut »), Westport, Praeger, 1989.
Notes du chapitre VI, « La bataille de France, 1940 »
124- Ce chapitre s’inspire essentiellement de Bevin Alexander, Inside the Nazi War Machine (« À l’intérieur de la machine de guerre nazie »), New York, New American Library, 2010, et How Hitler could Have Won World War II : The Fatal Errors that Led to Nazi Defeat (« Comment Hitler aurait pu gagner la Seconde Guerre mondiale : les erreurs fatales qui conduisirent à la défaite nazie »), New York, Crown, 2000, p. 1-35.
125- Sun Tzu dit : « Attaquez là où il [l’ennemi] n’est pas préparé ; faites une sortie là où il ne s’y attend pas » (voir Samuel B. Griffith, trad., Sun Tzu : The Art of War, New York, Oxford University Press, 1971, p. 69). Il dit aussi : « On peut comparer une armée à de l’eau ; comme une eau courante évite les hauteurs et se précipite vers le bas, une armée évite les points forts pour attaquer les points faibles » (voir ibid., p. 101). La formule la plus parlante pour illustrer ce concept – « faites du tapage à l’est mais attaquez à l’ouest » – est due à Mao Zedong, qui s’appuya, pour mettre au point sa méthode si efficace de guérilla, sur les enseignements de Sun Tzu. Vers 1936, Mao écrivit : « Pour tromper, attirer, égarer l’ennemi, on doit avoir constamment recours à des stratagèmes ingénieux, comme faire du bruit à l’est tout en attaquant à l’ouest, comme se manifester tantôt au sud et tantôt au nord, comme lancer des raids éclairs ou des actions de nuit » (voir ibid., p. 51). Pour une analyse des concepts de zheng et de qi, voir R. D. Sawyer, op. cit., p. 164-65.
126- Karl-Heinz Frieser, en coll. avec John T. Greenwood, The Blitzkrieg Legend. The 1940 Campaign in the West (« La Légende de la guerre-éclair. La campagne de 1940 sur le front occidental »), Annapolis, Naval Institute Press, 2005, p. 61.
127- Field Marshal Erwin Rommel, The Rommel Papers (« Les Papiers de Rommel »), éd. par B. H. Liddell Hart, New York, Harcourt, Brace, 1953, et Londres, Collins, 1953, p. 124.
128- Voir plus haut, chapitre V, p. 147-148. (N.D.T.)
129- Fort de deux divisions, le corps de cavalerie français engagé à Hannut était comparable à un corps de panzers. Il comprenait 239 chars Hotchkiss équipés de canons de 37 mm et 176 Somuas équipés de canons de 47 mm. Dans les duels, notamment avec les chars français Somua, les Allemands furent outrageusement dominés. Les Somuas avaient un blindage de 55 mm et les Hotchkiss de 45, contre 30 pour les Panzers III et IV. Le Somua était considéré par beaucoup d’experts comme le meilleur char de l’époque.
130- Heinz Guderian, Panzer Leader (« À la tête des panzers »), New York, E. P. Dutton, 1952, p. 110.
Notes du chapitre VII, « Stalingrad, 1942 »
131- Erich von Manstein, Lost Victories (« Victoires perdues »), Chicago, Henry Regnery, 1958, p. 280.
132- R. D. Sawyer, The Seven Military Classics, op. cit., p. 161. Comme l’écrit Sun Tzu : « Le mieux, à la guerre, est de s’attaquer aux plans de l’ennemi, puis de s’attaquer à ses alliances, puis de s’attaquer à ses armées ; le pire est de s’attaquer à ses villes fortifiées ». Samuel B. Griffith, dans son essai sur L’Art de la guerre de Sun Tzu, résume ainsi la pensée du théoricien chinois en matière de stratégie : « En choisissant une route détournée et éloignée, il [le chef] peut marcher pendant un millier de li sans rencontrer d’opposition et prendre l’ennemi par surprise. Un tel chef met au-dessus de tout sa liberté d’action. Il déteste les situations figées et n’attaque donc les villes que lorsqu’il n’a pas d’autre choix. Assiéger une position, ce qui coûte des vies et prend du temps, c’est renoncer à prendre l’initiative. » Voir Samuel B. Griffith, op. cit., p. 41.
133- Erich von Manstein, op. cit., p. 283.
134- Rien ne permet de croire qu’Hitler, bien qu’il ait servi pendant presque toute la Première Guerre mondiale sur le front occidental, ait été au courant du système des sections d’assaut et de la tactique d’infiltration développés par le capitaine allemand Willy Martin Rohr en 1915, un moyen indirect de l’emporter sur le champ de bataille. De toute façon, Hitler était à mille lieux de cette idée. Pour preuve, son incapacité à comprendre les bases intellectuelles sur lesquelles reposait le plan de Manstein, qui reprenait au niveau stratégique la démarche de Rohr. Voir plus haut chapitre V (p. 147-148) et chapitre VI (p. 153).
135- Le récit de la campagne de Stalingrad est tiré pour l’essentiel de Bevin Alexander, How Hitler Could Have Won, op. cit., p. 126-30 et 145-164.
136- En 1942, l’Union soviétique, en dehors du Caucase et de la Caspienne, était pauvre en pétrole. Les champs pétrolifères de Sibérie ne furent découverts qu’après la Seconde Guerre mondiale. Le seul autre domaine alors en exploitation était celui du « Second Bakou », comme l’on disait alors, entre la Volga et l’Oural, découvert en 1929, mais son rendement était décevant. Voir Heinrich Hassmann, Oil in the Soviet Union (« Le Pétrole en Union soviétique »), Princeton, Princeton University Press, 1953. Même si l’on comptait un certain nombre de puits dans la partie occidentale du Kazakhstan, à l’est de la Caspienne, les méthodes d’extraction étaient inférieures, du point de vue technique, à celles des pays de l’Ouest et donnaient d’assez maigres résultats. Le vaste champ de pétrole de Tengiz, dans le Kazakhstan occidental, ne fut découvert qu’en 1979.
137- William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich (« La Montée et la Chute du Troisième Reich »), New York, Basic Books, 2007, p. 829 ; Warren E. Kimball, Forged in War : Roosevelt, Churchill, and the Second World War (« À l’épreuve de la guerre : Roosevelt, Churchill et la Seconde Guerre mondiale »), New York, William Morrow, 1997, p. 84.
138- Erich von Manstein, op. cit., p. 275-76.
139- Hitler rassembla un million d’hommes, répartis en cinquante-quatre divisions. Il faut y ajouter à peu près 200 000 hommes, qui formaient vingt divisions alliées (six hongroises, huit roumaines et six italiennes). Ces divisions laissaient à désirer en matière d’armement et d’entraînement. La principale force de frappe était constituée par 1 500 chars répartis en neuf divisions de panzers et sept divisions motorisées (sous la nouvelle appellation de panzer-grenadier). Il existait également des canons montés sur des châssis de chars (ou canons autopropulsés), qui étaient capables de venir s’intégrer dans la ligne. À la différence des campagnes précédentes, les troupes rapides (Schnellen truppen) ne formaient pas des unités spécifiques mais étaient dispersées entre les cinq armées (la IIe, la VIe, la XVIIe, ainsi que les Ire et IVe armées de panzers). Les armées de panzers comprenaient chacune trois divisions blindées et deux divisions d’infanterie motorisées, mais se partageaient aussi treize divisions d’infanterie. Toutes les divisions d’infanterie se déplaçaient à pied ou dans des véhicules attelés. De leur côté, les Soviétiques disposaient de 1 700 000 soldats et de 3 400 chars, dont 2 300 de modèle supérieur, des KV et des T-34.
140- Sir Basil H. Liddell Hart, The Other Side of the Hill (« L’Autre Côté de la montagne »), Londres, Cassell, 1951 (publié aux États-Unis sous le titre The German Generals Talk, « Les généraux allemands parlent »), New York, William Morrow, 1948), p. 296-98.
141- Samuel B. Griffith, op. cit., p. 42. Sun Tzu dit : « Le bon général évalue la situation avant de se mettre en marche. Il ne va pas se jeter à l’aventure dans des pièges. Il est prudent, mais pas hésitant. Il voit qu’il y a des routes à ne pas suivre, des armées à ne pas attaquer, des villes à ne pas assiéger, des positions à ne pas disputer et des ordres du souverain à ne pas suivre. Il prend des risques calculés, jamais des risques inutiles. Quand une occasion se présente à lui, il la saisit vite et bien. » Voir ibid., p. 43.
142- F. W. von Mellenthin, Panzer Battles (« Batailles de panzers »), Norman, University of Oklahoma Press, 1956, p. 160.
143- Erich von Manstein, op. cit., p. 302.
144- Ibid., p. 372. Manstein explique son idée tout au long. « Une grave crise, écrit-il, aurait pu se métamorphoser en victoire ! »
Notes du chapitre VIII, « La libération de la France, 1944 »
146- Le récit de la campagne est tiré de Bevin Alexander, How Hitler could Have Won, op. cit., p. 233-75, et de trois ouvrages de Martin Blumenson : Breakout and Pursuit (« La Percée et la Poursuite »), Washington, Office of the Chief of Military History, 1961 ; The Duel for France (« Le Duel pour la France »), New York, Houghton Mifflin, 1963 ; The Battle of the Generals : The Untold Story of the Falaise Pocket – The Campaign That Should Have Won World War II (« La Bataille des généraux : l’histoire inédite de la poche de Falaise – La campagne qui aurait dû faire gagner la Seconde Guerre mondiale »), New York, William Morrow, 1993.
147- R. D. Sawyer, op. cit., p. 162. Sun Tzu dit : « Celui qui connaît l’ennemi et se connaît lui-même pourra combattre cent fois sans être mis en danger. » Cela signifie que l’on devrait s’informer au mieux des capacités et des intentions de l’ennemi avant d’élaborer ses propres plans. Et que l’on devrait veiller à adapter ces derniers aux différentes actions que l’ennemi est à même d’entreprendre.
148- En 1944 les divisions de panzers et de panzers-grenadiers étaient pratiquement comparables. Les divisions de panzers comprenaient un peu plus de chars et de canons tractés que les divisions de panzers-grenadiers, ces dernières disposant d’un peu plus d’infanterie mobile, mais les unes comme les autres étaient redoutables, rapides, fortement équipées en armes de toutes sortes. Les Allemands se servaient indifféremment des unes et des autres pour mener leurs attaques.
149- R. D. Sawyer, op. cit., p. 169. Sun Tzu dit que l’on devrait connaître à l’avance les plans de l’ennemi et le terrain. Il ne faut pas attendre d’avoir entamé sa progression pour les découvrir, ce qui conduirait à prendre des décisions mal venues. « Qui ignore les objectifs des autres chefs [de l’ennemi] ne peut conclure d’alliance au préalable. Celui qui n’est pas familier avec les montagnes et les forêts, les gorges et les défilés, les marécages et les marais ne peut faire avancer ses armées. Celui qui n’a pas recours à des guides locaux ne peut tirer avantage du terrain. »
150- Ibid., p. 171. Les recommandations de Sun Tzu à cet égard relèvent du simple bon sens : « Il y a des routes à ne pas emprunter, des armées à ne pas attaquer, des terrains à ne pas disputer. » Autant de règles qui s’appliquaient aux armées allemandes mises en danger par la percée alliée du 25 juillet 1944. La seule option envisageable pour Hitler était d’ordonner un retrait immédiat. Sinon les Allemands risquaient d’être encerclés par les troupes alliées situées plus au sud et qui faisaient mouvement vers l’est à travers l’immense brèche ouverte sur le front occidental.
151- Ibid., p. 155.
152- Erwin Rommel, The Rommel Papers, op. cit., p. 468.
153- Les Allemands avaient construit un millier d’exemplaires d’un nouveau chasseur, le Me-262, un bimoteur à réaction. L’appareil était doté d’une vitesse (870 km/h) et d’un armement (quatre canons de 30 mm) bien supérieurs à ceux de n’importe quel autre chasseur allié, mais les efforts déployés contre les P-51 avaient réduit à néant le nombre de pilotes expérimentés dont disposait la Luftwaffe. Elle ne pouvait plus s’appuyer que sur 500 équipages, la plupart mal formés. En outre, la production d’essence pour avions tomba en septembre 1944 à seulement 10 000 tonnes par mois, alors que les besoins de la Luftwaffe étaient de 160 000 tonnes par mois. Les aviateurs alliés découvrirent également que les avions à réaction demandaient des pistes extrêmement longues pour pouvoir décoller, et ils commencèrent à bombarder ce type d’installations. Ce qui explique que très peu de Me-262 furent à même d’affronter les Alliés.
154- Samuel B. Griffith trad., Sun Tzu : The Art of War, op. cit., p. 77.
155- Choisir comme cible la Hollande, c’était rencontrer des rivières et des canaux difficiles à traverser, ainsi que des terres situées au dessous du niveau de la mer, que l’on pouvait inonder. La péninsule bretonne risquait de devenir un piège et la côte française au sud de la Loire était beaucoup trop éloignée.
156- Manstein écrit qu’Hitler avait une peur intense de dégarnir des fronts secondaires ou des théâtres subsidiaires « en faveur de l’endroit où devait se décider l’essentiel, même quand ne pas le faire se révélait manifestement risqué […] Chaque fois qu’il se trouvait amené à prendre une décision qui ne lui plaisait pas, mais à laquelle il ne pouvait finalement pas se soustraire, Hitler remettait les choses le plus longtemps possible. Cela se produisait chaque fois qu’il était pour nous de la plus urgente nécessité d’engager des forces dans la bataille suffisamment tôt pour éviter un succès opérationnel de l’ennemi ou pour empêcher son exploitation. » Voir Eric von Manstein, Lost Victories, op. cit., p. 278.
157- Une division de panzers, la 21e, au sud de Caen, se trouvait à proximité immédiate des plages. La division comprenait 150 chars, 60 canons d’assaut et 300 transports blindés de troupes. Son chef, Edgar Feuchtinger, en préleva une partie pour attaquer les parachutistes anglais à l’est de l’Orne le matin du 6 juin, mais on lui ordonna d’annuler l’opération et d’attaquer à l’ouest de la rivière. Cela prit du temps, et ce sont seulement 50 chars et un bataillon de panzer-grenadiers qui partirent aux alentours de midi pour les plages. Les chars finirent par arriver vers 20 heures sur la partie de la côte qui n’était pas gardée, entre les plages Juno et Sword. Feuchtinger était en train de faire partir 50 autres chars à l’appui des premiers lorsqu’il aperçut au-dessus de sa tête la plus grande armada de planeurs de la guerre : 250 engins de transport qui venaient renforcer la 6e division britannique aéroportée à quelques kilomètres à l’est. Feuchtinger s’imagina à tort que les planeurs allaient se poser sur ses arrières, et il rappela tous ses chars. C’en était fini de la dernière chance qu’avaient les Allemands de détruire les têtes de pont. Il va sans dire que, si Rommel avait été ce jour-là à la tête de la 21e division de panzers, il n’aurait pas décommandé l’attaque et aurait fait place nette sur les deux plages où avaient débarqué les Anglais. À ce moment critique, le commandement reposait entre les mains d’un officier allemand hésitant : ce fut l’échec. Tard dans l’après-midi du 6 juin, l’Oberkommando der Wehrmacht, ou OKW, c’est-à-dire le haut commandement des forces armées allemandes, donna l’ordre à la division SS de panzers Hitlerjugend, qui se trouvait à l’ouest de Paris, d’avancer sur Caen. Elle n’arriva sur place, après 120 km de route, que le 7 juin à 9 h 30. Ce même 7 juin, Friedrich Dollmann, qui commandait la VIIe armée, ordonna à la division de panzers Lehr, stationnée près de Chartres, à 175 km du front, de se diriger de jour sur Villers-Bocage, à 24 km au sud-ouest de Caen, pour bloquer le mouvement des Anglais dans cette direction. Fritz Bayerlein, qui commandait la division Lehr, protesta en vain. Les attaques aériennes des Alliés firent subir de lourds dommages aux deux divisions. La division Lehr, la seule division au complet en Normandie, perdit 5 chars, 84 canons autotractés, 150 camions et camions-citernes. Une fois arrivées, la division Lehr tout comme la division Hitlerjugend furent dans l’incapacité d’attaquer.
158- Martin Blumenson, The Battle of the Generals, op. cit., p. 163.
159- Rommel s’était opposé à l’assassinat d’Hitler et insistait pour que le Führer réponde en justice de ses crimes. Après l’attentat manqué du 20 juillet, un coup de filet fut lancé contre tous ceux qui étaient soupçonnés d’y avoir participé. L’un des conspirateurs, Carl-Heinrich von Stuelpnagel, laissa échapper le nom de Rommel après une tentative manquée de suicide. Un autre conspirateur, Caesar von Hofacker, déclara sous les tortures de la Gestapo que Rommel était impliqué. L’un des chefs de la résistance à Hitler, Carl Goerdeler, a indiqué dans plusieurs lettres que Rommel était un sympathisant en puissance.
160- R. D. Sawyer, op. cit., p. 169.
161- Martin Blumenson, The Battle of the Generals, op. cit., p. 163.
162- Patton remua ciel et terre pour que l’ordre d’arrêt soit annulé, mais Bradley ne voulut pas en démordre. Patton finit, le 13 août, par convaincre l’état-major de Bradley de téléphoner à l’état-major de Montgomery afin de demander que ses troupes soient autorisées à faire mouvement dans la zone britannique. Le chef d’état-major de Montgomery, Francis de Guingand, répondit : « Je suis désolé », et refusa même d’en référer à Montgomery pour un nouvel examen.
163- Ni Bradley ni Montgomery ne se souciaient beaucoup de prendre les Allemands au piège en Normandie. La poche de Falaise perdait pour eux de son intérêt. Ils croyaient que les Allemands étaient en plein chaos et pourraient encore être arrêtés avant de franchir la Seine. Le petit nombre d’entre eux qui passeraient le fleuve s’empresseraient, pensaient-ils, de retourner en Allemagne, et seraient bien en peine d’organiser où que ce soit une solide barrière défensive, même le long de la ligne Siegfried (que les Allemands appelaient « Westwall », ou mur de l’Ouest). C’était un dangereux excès de confiance, et les faits démentirent cette analyse, mais c’est bien cette idée que partageaient les deux officiers. Voir Martin Blumenson, The Battle of the Generals, op. cit., p. 238.
164- Les premiers V 1 furent lancés contre l’Angleterre les 12 et 13 juin 1944. Ils avaient une portée de 225 kilomètres, une vitesse de 560 km/h et transportaient plus de 800 kg d’explosif. Ils n’étaient précis qu’à douze kilomètres près. Sur les 9 200 V 1 lancés contre l’Angleterre, la DCA et les chasseurs en abattirent 4 600. Les V 1 tuèrent 7 800 personnes et en blessèrent 44 400. Les attaques de V 1 contre l’Angleterre diminuèrent considérablement lorsque les Alliés prirent le Pas-de-Calais en septembre 1944. Le V 2 était un missile balistique propulsé par une fusée, avec une portée de 320 kilomètres et une charge explosive de près d’une tonne. Il volait au-dessus de la vitesse du son, à 3 500 km/h, et n’était pas détectable. Il était moins précis que le V 1. Les premiers V 2 furent lancés le 8 septembre 1944, mais depuis d’autres endroits que le Pas-de-Calais. Les Allemands en utilisèrent 1 300 contre l’Angleterre, tuant 4 100 personnes et en blessant 8 400. Voir David T. Zabecki éd., World War II in Europe. An Encyclopedia (« La Seconde Guerre mondiale en Europe. Une encyclopédie »), 2 vol., New York, Garland Publishing, 1999, vol. 2, p. 1054-57.
165- R. D. Sawyer, op. cit., p. 157. Sun Tzu explique que le général intelligent ne doit pas se laisser entraver dans son action par le « dirigeant ». Voir ibid., p. 162. Le responsable militaire doit savoir résister aux pressions de toutes sortes, de manière à pouvoir se consacrer au mieux à cette tâche particulièrement difficile qu’est la guerre. C’est une très grave erreur pour un général de laisser le « dirigeant » (c’est-à-dire les responsables politiques ou bien encore telle ou telle raison ou envie particulière d’ordre national) influencer les décisions militaires. Confronté à pareille situation, ce qu’aurait dû faire Eisenhower, ce n’était pas chercher une solution de compromis, mais savoir quelle était la meilleure façon de mettre un terme à la guerre et, une fois la bonne décision prise, consacrer toutes les ressources disponibles à sa mise en œuvre.
166- Fin novembre 1944, Eisenhower s’opposa également au lieutenant général Jacob Devers, qui proposait de lancer une attaque de l’autre côté du Rhin, en Allemagne du Sud, avec son 6e groupe d’armées qui avait débarqué en Provence en août et marché ensuite sur l’Alsace pour arriver jusqu’à Strasbourg. Si cette unité (qui rassemblait la 7e armée américaine et la 1re armée française) avait franchi le Rhin, elle aurait pu prendre à revers la 1re armée allemande qui affrontait la 3e armée de Patton. Cet épisode est raconté dans le détail par David B. Colley, Decision at Strasbourg : Ike’s Strategic Mistake to Halt the Sixth Army Group at the Rhine in 1944 (« La décision de Strasbourg. L’arrêt sur le Rhin du 6e groupe d’armées ou l’erreur stratégique d’Eisenhower »), Annapolis, Naval Institute Press, 2008. Eisenhower se refusait à franchir le Rhin tant que le gros des troupes allemandes se trouvant à l’ouest du fleuve n’avait pas été vaincu ou repoussé sur la rive orientale. Si franchissement il devait y avoir, il s’opérerait à la hauteur de la Ruhr, une zone industrielle située au voisinage de la Hollande. Une idée parfaitement cohérente avec la stratégie du « front large » chère à Eisenhower. Voir David B. Colley, op. cit., p. 139.
Notes du chapitre IX, « Incheon et l’invasion de la Corée du Nord, 1950 »
167- Le récit des événements rapportés dans ce chapitre est largement inspiré de Bevin Alexander, Korea : The First War We Lost (« Corée : la première guerre que nous ayons perdue »), New York, Hippocrene, 1986, 2000, p. 148-373.
168- R. D. Sawyer, op. cit., p. 154, 157. Sun Tzu recommande d’éviter toute action qui ne serait pas basée sur une analyse détaillée de la situation et des diverses options de combat qui s’offrent. Les chefs militaires ne devraient pas laisser les idées toutes faites, la colère, la haine, les préjugés, les illusions influencer leurs décisions. Ils ne devraient s’appuyer que sur des faits et des réalités vérifiables.
169- Omar Bradley et Clay Blair, A General’s Life : An Autobiography (« Une vie de général : une autobiographie »), New York, Simon & Schuster, 1983, p. 544.
170- R. D. Sawyer, op. cit., p. 164. C’est la méthode stratégique fondamentale de Sun Tzu. L’élément orthodoxe est généralement représenté par la force principale, celle qui se mesure avec l’ennemi. L’élément non orthodoxe, ou irrégulier, correspond à une force plus petite, qui attaque l’ennemi à un endroit différent, le plus souvent inattendu, l’obligeant à se désagréger. Les multiples possibilités qui s’offrent à l’élément non orthodoxe pour déclencher son action empêchent pratiquement toute prévision de la part de l’ennemi. D’ordinaire, la force orthodoxe est celle qui maintient l’ennemi en place, tandis que la force non orthodoxe l’attaque par les arrières ou sur les flancs. C’est ce qui est arrivé en Corée.
171- Ibid., p. 161.
172- Ibid., p. 157.
173- L’opposition de Lawton Collins, de Forrest Sherman et des autres membres du JCS montre que des officiers de très haut grade peuvent rester aveugles aux considérations stratégiques et ne pas tenir compte de faits élémentaires. Ce qui veut dire que les pays ne peuvent pas toujours s’en remettre à leurs experts désignés pour prendre les bonnes décisions en matière militaire. Dans certains cas, des civils intelligents ont un meilleur jugement que des professionnels et peuvent apercevoir des occasions stratégiques qui échappent aux soi-disant experts. Collins, dans son ouvrage War in Peacetime : The History and Lessons of Korea (« La Guerre en temps de paix : l’histoire et les leçons de la Corée »), rapporte qu’à la conférence du 23 août il s’interrogea sur la capacité des forces défendant le périmètre de Pusan (la 8e armée américaine) à opérer leur jonction avec celles débarquant à Incheon (le 10e corps). « Il était essentiel de savoir, écrit-il, si la 8e armée pourrait forcer le cordon disposé par les Nord-Coréens le long du Naktong et marcher suffisamment vite sur Incheon pour y prendre position avant que l’ennemi n’ait réussi à concentrer un nombre écrasant de troupes contre les unités de débarquement. » Cette phrase révèle une totale incompréhension de la situation. Presque toutes les forces de combat dont disposaient les Nord-Coréens se trouvaient dans le sud, autour du périmètre de Pusan. Il ne restait au nord aucun élément d’importance. D’où pouvait bien venir ce « nombre écrasant de troupes » ? Il n’a jamais existé. Le plan stratégique adopté par MacArthur garantissait qu’il n’y aurait aucune force substantielle à même de s’opposer au débarquement d’Incheon, ce que Collins n’avait pas compris. Voir J. Lawton Collins, op. cit., Boston, Houghton Mifflin, 1969, p. 120 et 124-25. Même si les Nord-Coréens avaient décidé de dégarnir le périmètre de Pusan pour envoyer des troupes à Incheon, il aurait fallu des jours à ces troupes pour arriver sur place. L’aviation américaine, qui avait la maîtrise des airs, était à même d’interdire tout mouvement de jour, ce qui allongeait d’autant le temps nécessaire à l’ennemi pour atteindre Incheon ou Séoul. Il importait peu que les forces nord-coréennes fassent mouvement sur Incheon ou restent sur place pour y affronter la 8e armée. La clé, c’était de les priver de munitions, d’essence et de nourriture, de manière à les empêcher de combattre, ce que l’on obtiendrait en coupant leur ligne d’approvisionnement. Voir Bevin Alexander, Korea, op. cit., p. 174-75.
174- Le message du JCS était libellé ainsi : « Après avoir pris connaissance des informations rapportées par le général Collins et l’amiral Sherman, nous sommes d’accord pour la préparation et l’exécution d’un mouvement tournant par des forces amphibies sur la côte occidentale de la Corée, soit à Incheon, s’il s’avère que les défenses ennemies à proximité de cette ville sont inefficaces, soit sur une plage qui s’y prête au sud d’Incheon, s’il en existe. Nous sommes d’accord en outre pour la préparation, si le CINCFE [Commander In Chief for the Far East, c’est-à-dire MacArthur] le désire, d’un mouvement d’enveloppement mené par des forces amphibies aux alentours de Kunsan. Nous prenons acte de ce que des plans de rechange ont été élaborés de façon à exploiter au mieux la situation en fonction de son évolution. Nous souhaitons recevoir toutes les informations disponibles quant aux conditions offertes par les différents sites susceptibles d’être choisis pour l’opération. Nous souhaitons également être informés par vous suffisamment tôt sur vos intentions et vos plans d’attaque ». Voir ibid., p. 181.
175- Ibid., p. 189.
176- Omar Bradley et Clay Blair, op. cit., p. 556.
177- Ibid., p. 557.
178- R. D. Sawyer, op. cit., p. 154.
179- Le 17 juillet, Truman chargea le National Security Council de proposer ce qu’il convenait de faire « après avoir repoussé les Nord-Coréens sur le 38e parallèle ». Le NSC transmit sa réponse le 1er septembre. Il proposait que les États-Unis se fixent comme objectif l’unification de la Corée grâce à des élections libres organisées par les Nations unies, et que le gouvernement de Syngman Rhee soit reconnu comme le seul gouvernement légitime du pays. Le secrétaire d’État Dean Acheson fit rédiger un amendement aux termes duquel MacArthur devait régler avec Truman tout ce qui concernait les opérations au nord du 38e parallèle. Cet amendement spécifiait également que les forces américaines ne devaient pas être mises en œuvre près de la frontière entre la Corée et la Chine, mais ce n’était qu’une recommandation. Truman donna son accrod au document le 11 septembre.
180- Bevin Alexander, Korea, op. cit., p. 231.
181- Lors des auditions sur la politique américaine en Extrême-Orient qui commencèrent au Sénat en mai 1951, Omar Bradley dit son opposition à une guerre plus grande encore, celle dont MacArthur avait agité la menace le 24 mars 1951, et qui se serait étendue à l’ensemble de la Chine. Truman releva MacArthur de son commandement le 11 avril 1951 et l’obligea à rentrer dans ses foyers. Bradley déclara sous serment qu’un conflit plus vaste avec la Chine précipiterait les Etats-Unis dans « la mauvaise guerre, au mauvais endroit, au mauvais moment et avec le mauvais ennemi ». Pourtant, ni lui ni les autres membres du JCS n’avaient rien fait pour empêcher la première guerre avec la Chine, qui commença fin octobre 1950. Elle aussi était « la mauvaise guerre ». Voir ibid., p. 414-17.
182- Ibid., p. 238-39.
183- Voici un extrait du message de MacArthur : « Rien de plus faux que l’argument usé jusqu’à la corde avancé par ceux qui se font les avocats de la conciliation et du défaitisme dans le Pacifique. Ils soutiennent que si nous défendons Formose [Taiwan], nous nous aliénons le continent. Ceux qui parlent ainsi ne comprennent rien à l’Orient. Ils ne voient pas qu’il est dans la psychologie de l’Oriental de respecter et de suivre des dirigeants agressifs, résolus et dynamiques, et de ne pas tarder à s’en prendre à des dirigeants timides ou hésitants. Ils ne comprennent pas la mentalité orientale. Rien n’a mieux marqué l’Extrême-Orient ces dernières années que la détermination que nous avons mise, nous Américains, à préserver les remparts qui garantissent notre position stratégique dans l’océan Pacifique contre tout empiètement. Il y a peu de peuples en Extrême-Orient qui n’apprécient à sa juste mesure la sécurité qu’une telle détermination apporte à leurs libres institutions. » Les propos de MacArthur venaient saper les fondations d’un édifice gouvernemental soigneusement mis sur pied, et qui tenait tout juste debout. En d’autres termes, ils réduisaient à néant les efforts déployés pour persuader l’opinion mondiale que les États-Unis n’avaient pas d’intentions hostiles vis-à-vis de la Chine, même s’ils refusaient aux communistes chinois l’accès à une province que tout un chacun, y compris les nationalistes chinois, s’accordait à considérer comme faisant partie intégrante de la Chine. Voir ibid., p. 414-17.
184- Dean Acheson, Present at the Creation : My Years in the State Department (« Présent à la Création : mes années au Département d’Etat »), New York, W. W. Norton, 1969, p. 456.
185- Bevin Alexander, Korea, op. cit., p. 247.
186- R. D. Sawyer, op. cit., p. 154-55. Sun Tzu recommande d’éviter toute action qui ne reposerait pas sur une analyse détaillée des options de combat envisageables, en tenant compte des capacités dont on dispose. Il s’agit de se donner les meilleures chances de vaincre, ce qui ne peut se faire si l’on n’a pas pris au préalable le soin d’élaborer les plans et de prendre les dispositions qui conviennent.
187- Les Chinois avaient peu d’artillerie et s’en remettaient à des petits calibres et à des mortiers. Les transports motorisés étaient rares et les soldats allaient généralement au combat à pied, avec sur leur dos le peu de fournitures dont ils disposaient. Pourtant l’armée chinoise avait déjà apporté la preuve qu’elle constituait une force redoutable. La raison principale en était la tactique suivie par ses soldats : infiltration de nuit dans les positions, enveloppement des unités par les flancs, édification de barricades sur les arrières. Autant d’applications des maximes de Sun Tzu qui frappaient de stupeur l’adversaire. Lors des premiers affrontements, ces pratiques avaient semé à maintes reprises le désordre, quand ce n’était pas la déroute, au sein des troupes des Nations unies.
188- Le 7 novembre, dans un message aux membres du JCS, MacArthur écrivait : « Il serait désastreux de porter atteinte à ce qui est le fondement même de la politique américaine : détruire toute résistance armée en Corée et faire de ce pays une nation unie et libre. » Il rejeta sans autre forme de procès la proposition anglaise qui consistait à établir une zone tampon à l’extrémité septentrionale de la Corée du Nord entre les forces chinoises et celles des Nations unies. Cela équivalait, déclara MacArthur, à accorder la région des Sudètes à l’Allemagne nazie en 1938. Il vaudrait mieux, recommandait-il, que les Nations Unies condamnent la Chine pour le rejet de ses résolutions et la menacent de sanctions militaires – vraisemblablement des attaques sur le territoire chinois – si elle ne retirait pas ses troupes. Voir Bevin Alexander, Korea, op. cit., p. 293-94.
189- MacArthur s’était fait une image de fonceur, de risque-tout ne tolérant aucun compromis. Il expliqua aux membres du JCS que l’occupation de toute la Corée représentait « le meilleur – à vrai dire le seul – espoir de contrer les intentions agressives des Soviétiques et des Chinois avant que ces deux pays ne mettent le pied dans un engrenage dont, pour des raisons politiques, ils ne pourraient plus sortir ». Tout était dit. MacArthur soutenait que la seule façon d’empêcher la Chine d’entrer dans la guerre était d’avancer sur le Yalu. On ne saurait trouver preuve plus évidente du divorce de MacArthur d’avec la réalité. Voir ibid., p. 297.
190- Pour leur approvisionnement, les Américains comptaient sur leurs nombreux camions. Quand ces derniers étaient incapables de remplir leur tâche, du fait du mauvais état des routes ou de leur blocage, ils faisaient appel à l’aviation, soit pour parachuter les fournitures, soit pour les acheminer sur des aérodromes situés plus en avant. La grande quantité d’approvisionnements dont ils disposaient permettait aux Américains de se laisser aller à un véritable gâchis en matière de munitions. Cette mauvaise habitude ne fut pas loin de conduire au désastre quand les Chinois se mirent à dresser des obstacles sur les routes, paralysant ainsi les camions, et que l’approvisionnement par air se révéla impraticable. Les Chinois, quant à eux, s’en remettaient aux hommes et aux animaux. Leur outil ordinaire de transport, c’étaient les inévitables cadres en bois en forme de A que les habitants de la région utilisaient traditionnellement pour porter des charges sur leur dos. Les Chinois, par conséquent, recevaient moins d’approvisionnements, mais ils n’étaient pas tributaires des routes. Ils pouvaient donc se déplacer à travers les montagnes, sur des pistes abruptes ou dans des vallées dépourvues de routes pour surgir derrière les forces des Nations unies, dresser des barricades, isoler ou encercler l’avant-garde ennemie. C’était une semi-guérilla à laquelle les Américains, très dépendants de leurs grandes routes d’approvisionnement, étaient vulnérables.
191- Le prix à payer fut très élevé. Près d’un millier d’hommes furent tués, blessés ou portés disparus lors de la percée, principalement des Marines. Lors des combats qui se déroulèrent autour du réservoir de Chosin, avant la percée, les Marines comptèrent 2 665 victimes – 383 morts, 159 disparus et 2 123 blessés. Les trois bataillons de la 7e division qui se retrouvèrent isolés et mis en pièces à l’est du réservoir perdirent environ 2 000 hommes (tués, blessés ou disparus, auxquels il faut ajouter une centaine de soldats tués ou blessés dans d’autres engagements). Si l’on inclut dans ce calcul une unité de commando de la marine britannique et quelques Sud-Coréens, on arrive à un total d’environ 6 000 pertes pour un effectif de 25 000 hommes engagés dans la campagne.
192- R. D. Sawyer, op. cit., p. 154-55.
193- Éviter la guerre autant que faire se peut et la terminer le plus rapidement possible, une fois qu’elle a commencé : jamais, dans leur histoire, les Américains ne contrevinrent de façon plus flagrante à cette maxime de Sun Tzu qu’en juillet 1951. Lorsque commencèrent les pourparlers visant à mettre fin à la guerre de Corée, les communistes chinois proposèrent un cessez-le feu complet sur la ligne de front. Voilà qui aurait mis un terme à la guerre. On aurait pu alors entamer des discussions permettant de parvenir à une solution définitive du conflit et à un traité de paix, sans risquer de pertes humaines. Le général Matthew B. Ridgway, le nouveau commandant en chef récemment nommé pour l’Extrême-Orient, refusa l’offre des communistes et insista pour que les combats se poursuivent pendant que se dérouleraient les pourparlers de paix. Ridgway craignait que les communistes ne mettent à profit un cessez-le feu pour renforcer leur armée et lancer une offensive. Mais il était évident que les Américains auraient pu faire de même. Les communistes étaient prêts à prendre le risque, pas Ridgway, qui reçut l’appui du JCS et du président Truman. L’intransigeance américaine fit régner un très mauvais climat sur les pourparlers de paix, qui débutèrent à Kaesong avant de se transporter plus tard à Panmunjom. Pire encore, la guerre continua pendant deux ans ; dans chaque camp, des centaines de milliers de jeunes hommes furent tués ou estropiés alors que la guerre aurait pu se terminer dès les premiers jours de juillet 1951. Voir Bevin Alexander, Korea, op. cit., p. 426-32.
Notes de la conclusion « L’éternelle sagesse de Sun Tzu »
194- R. D. Sawyer, op. cit., p. 157.
195- Ibid., p. 161.
196- Erich von Manstein, op. cit., p. 372.
197- R. D. Sawyer, op. cit., p. 164-65.
198- Ibid., p. 157, 162.
199- Robert U. Johnson et C. C. Buel, op. cit., vol. 3, p. 340.
145- Ibid., p. 277 et p. 279.