Le 7 janvier 2015, de nombreux témoins et rescapés des attentats contre Charlie Hebdo ont entendu les jihadistes hurler « Allah ouakbar , nous avons vengé le Prophète ! ». Cette expression Allah ouakbar (« Dieu est le plus Grand »), alors qu’elle est utilisée pour l’appel à la prière quotidienne des musulmans, est surtout devenue familière pour le public occidental depuis qu’à chaque attentat terroriste (Paris, Bruxelles, Manhattan, Londres, Barcelone, Berlin, Nice, Manchester, etc.), elle est scandée par les agresseurs comme le cri de ralliement au jihad contre les « ennemis de l’islam ». Les jihadistes rappellent de la sorte qu’en 624, le prophète Mahomet l’utilisa lui-même comme cri de guerre lors de la bataille – victorieuse – de Badr, menée contre le clan Quraychite qui l’avait contraint à l’exil vers Médine. Peu avant les attentats du World Trade Center en 2001, Oussama Ben Laden assortit cette même formule célèbre d’un « aslam taslam » (« soumets toi et tu auras la paix »)1 pour menacer les États-Unis et l’Europe. Le 17 septembre 2006, l’expression « aslam taslam » fut utilisée également par nombre de mouvements islamistes en « réponse » aux propos « islamophobes » du Pape Benoît XVI qui avait déploré la violence et le manque de raison dans l’islam classique lors de son célèbre discours de Ratisbonne. Le Sheikh Imad Hamato, un leader religieux de Gaza lié au Hamas palestinien, appela ainsi le Saint Père à « se repentir et demander pardon » en concluant par l’appel à la soumission : « aslam taslam ». En avril 2008, le mouvement islamiste radical alors antichambre d’Al-Qaïda, Hizb ut-Tahrir, utilisa la célèbre invitation à la soumission dans la lettre-menace qu’il adressa au gouvernement des Pays-Bas jugé « responsable » de « l’offense faite aux musulmans » à la suite de la sortie du film « Fitna » produit par le populiste « islamophobe » Geert Wilders qui mettait en cause le Coran.2 La même invitation à se soumettre avait été préalablement envoyée à Théo Van Gogh, auteur d’un autre film « islamophobe », Soumission, peu avant qu’il ne fût tué par un jihadiste marocain qui répondait à l’appel d’Al-Qaïda de venger le Prophète.
Cette menace sous couvert d’invitation à la conversion contenue dans l’expression « aslam taslam » était le titre de la lettre officielle envoyée par le groupe terroriste algérien GIA au président français d’alors, Jacques Chirac , le 19 août 1995 : « Aslam, taslam […], en t’adressant cette invitation, nous exécutons un ordre reçu de Dieu. Nous ne faisons que notre devoir […]. Nous attendons la réponse à cet appel dans un délai qui ne doit pas excéder trois semaines ». Plus près de nous, en septembre 2013, lorsque les jihadistes du Front al-Nosra prirent en otage des chrétiens à l’occasion du pillage de Maaloula (Syrie), ils exigèrent que tous les habitants chrétiens se convertissent à l’islam en criant « Allah ouakbar » et « aslam, taslam ». Ces deux expressions attribuées au prophète de l’islam ont été systématiquement utilisées à l’occasion de chaque nouvelle conquête jihadiste en Syrie, en Irak, en Libye, au Nigeria, en Centre-Afrique, etc., tant par Daech qu’Al-Qaïda, Ansar Din, ou Boko Haram. En France ou ailleurs, les attentats sont généralement précédés de l’avertissement rituel « soumets toi et tu auras la paix ».
« Aslam taslam » n’est pas un simple slogan de terroristes fous et mégalomaniaques qui n’auraient « rien à voir avec l’islam ». L’expression hautement chargée symboliquement fait référence à des lettres officielles qui furent envoyées par les émissaires de Mahomet à huit souverains voisins de l’Arabie (dont l’empire byzantin, l’Éthiopie, l’empire Perse, l’Égypte) afin de les sommer d’embrasser la « vraie foi » au risque de subir les foudres du jihad . Les empires perses et byzantins furent attaqués par les Cavaliers du jihad juste après la deuxième « invitation ». De la même manière, pour étendre le règne de l’islam et les frontières du Califat qui harcela l’Europe, la méditerranée et l’Orient jusqu’aux frontières de la Chine pendant des siècles, le déclenchement di jihad fi sabill’illah (effort – de guerre – sur le sentier de Dieu »)3 fut toujours précédé de l’expression aslam taslam et il fut toujours conclu victorieusement aux cris d’Allah ouakbar .
Rien n’exprime mieux la vraie motivation idéologique et les objectifs stratégiques des jihadistes d’aujourd’hui (comme de leurs ancêtres Moujahidine s d’hier) que l’expression aslam taslam, d’ailleurs enseignée avec fierté dans les grands écrits de la jurisprudence musulmane traditionnelle à laquelle se réfèrent les islamistes et les érudits sunnites orthodoxes. A l’instar des émissaires de Mahomet et des premiers cavaliers du jihad qui conquirent en moins d’un siècle une partie de l’empire byzantin, l’empire perse, le proche Orient, l’Afrique du Nord et l’Espagne, les nouveaux « combattants du jihad » (« moudjahidines ») qui frappent régulièrement les capitales occidentales se présentent comme l’Avant-garde de la renaissance islamique et les continuateurs des premiers soldats de Mahomet qui tracèrent les sillons du Califat.
On peut répondre que leur prétention hégémonique est utopique, qu’elle est vouée à l’échec, qu’ils ne contextualisent pas assez une geste guerrière d’une autre époque et qu’ils travestissent des textes historiques sacrés pour justifier leur mégalomanie totalitaire. Les musulmans hostiles à l’extrémisme ont raison de le penser et de le dire. Toutefois, l’idéologie néo-impériale et théocratique qui inspire les jihadistes et leurs QG salafistes doit être prise au sérieux car elle mobilise de plus en plus d’hommes qui sont prêts au sacrifice suprême pour atteindre cet objectif de soumission-conquête de la planète et gagner par là leur salut. Ce rêve a déjà entraîné la mort de centaines de milliers de personnes dans le monde et de plusieurs milliers en Occident depuis les années 1990. C’est en son nom que de nombreux intellectuels, journalistes et libre-penseurs musulmans attachés à faire entrer leurs pays dans la Modernité ont été éliminés afin de montrer l’exemple, d’intimider et finalement de soumettre l’Autre. L’islamisation et le retour en arrière obscurantiste de nombreuses sociétés musulmanes, bien moins laïques qu’il y a quarante ans, est en grande partie le fruit de cette stratégie de l’intimidation fondée sur la violence dissuasive et l’avertissement du « aslam taslam ».
« Les terroristes nous tuent […] pour nous effrayer dans le seul but de nous soumettre. Ils ne haïssent pas l’Humanité mais ils prétendent au contraire la sauver du Mal en l’obligeant à embrasser la Vraie foi », observe le célèbre stratège américain Edward Luttwak . Cette affirmation peut choquer ceux qui pensent que les terroristes sont de simples voyous dénués de vision idéologique ou des psychopathes ressentimentaux qui n’auraient « rien à voir avec l’islam ». Toutefois, Luttwak a raison d’affirmer que les jihadistes-martyrs sont avant tout des « idéalistes », des idéalistes sanguinaires au sens prosélyte et extrême du terme, certes, mais dont la fanatisation idéologique est si forte qu’elle les pousse à sacrifier leur vie. Un simple « voyou » qui aime profiter des plaisirs d’ici-bas avec le fruit de ses braquages ne songe pas à se faire sauter et il ne renonce pas naturellement aux plaisirs terrestres issus de la juteuse manne des trafics. Le fait même que des jeunes, désœuvrés ou pas, meurent pour l’islam prouve qu’ils ont été idéologisés et que la vision du monde qui les pousse à l’acte dont on ne revient pas est très puissante.
Loin d’être réductibles à des « hérétiques » marginaux, les terroristes jihadistes, qui sont parfois même issus de milieux bourgeois et sans histoire, ont conscience d’être le bras armé humain, l’« Avant-garde » d’une révolution islamiste mondiale bien plus vaste qui a vocation à soumettre le monde par la propagande et l’intimidation. De ce point de vue, le terrorisme est une « continuation de la religion et de la politique par d’autres moyens », pour paraphraser Clausewitz . Il n’est pas réductible aux situations personnelles de cas sociaux radicalisés en prison ou sur le Net et qui seraient « étrangers à l’islam ». Le terrorisme islamiste ne peut être réduit à une question sécuritaire ou à un problème psychiatrique. En tant que face émergée de l’iceberg islamiste, il ne peut être combattu que si l’on identifie préalablement ses fondements idéologiques et si l’on agit aussi sur les puissantes forces étatiques et institutionnelles qui portent le projet global de l’islamisme radical, lequel est loin de se limiter au seul mode d’action jihadiste.
Pour se convaincre du fait que le jihadisme n’est pas séparable de l’islamisme, y compris « respectable », il suffit de reprendre les paroles-mêmes de Hassan al-Banna , fondateur des Frères musulmans (organisation présentée aujourd’hui, par contraste avec Al-Qaïda et Daech , comme une « voie modérée » de l’islamisme) : « L’islam est idéologie et foi, patrie et nationalité, religion et État, esprit et action, livre et épée 4 […], Dieu est notre but (Allahu ghayatuna). L’Envoyé est notre modèle (Arrasulu qadwatuna). Le Coran est notre loi (Al Qura’an chari’atuna). La guerre sainte est notre chemin (Al jihadu sabiluna). Le martyre est notre désir (Assahadatu amniyyatuna) »5 . A tout ceux qui croient en l’étanchéité totale entre l’islamisme institutionnel et l’islamisme terroriste, rappelons qu’à l’époque d’Al-Banna (grand-père du prédicateur suisse controversé Tariq Ramadan ), la confrérie des Frères musulmans disposait d’une « Section spéciale » entraînée au maniement d’armes et aux techniques de terrorisme urbain dont les membres prêtaient serment d’obéissance et de silence devant un Coran et un revolver. Leur devise était déjà celle des jihadistes d’aujourd’hui, soi-disant surgis de nulle part : « La mort est un art. Le Coran a ordonné d’aimer la mort plus que la vie »6 . Nihil novis sub sole . Les membres de ces sections spéciales qui enrégimentaient la jeunesse égyptienne ont par la suite contaminé de nombreux pays musulmans puis ont investi opportunément les « banlieues de l’islam » d’Occident déjà gagnées par le virus islamiste à la fin des années 1980 comme l’a montré l’essai éponyme de Gilles Kepel . Ils se voyaient eux-mêmes comme l’Avant-garde combattante et les défenseurs de la « Oumma » islamique sans frontières.
Dans des déclarations postées sur le réseau social Telegram, un temps très prisé par les jihadistes, le célèbre terroriste français d’origine algéro-yéménite Rachid Qassim, qui fut le mentor à distance des auteurs des attentats de Magnanville et de Saint Etienne-du-Rouvray (égorgement du père Jacques Hamel)7 , apporte un démenti formel aux grilles de lectures tiersmondistes visant à expliquer le terrorisme par l’anti-colonialisme ou la lutte des « exclus » chères à la gauche et à l’extrême-gauche : « L’islam est une religion de puissance. Quand le peuple applique cette religion, il est impossible de le coloniser. Regardez l’Afghanistan […]. Le colonialisme c’est la faute des gens : ils ont voulu ressembler aux kuffar (mécréants), ils ont préféré leur culture à leur religion. On a aucune rancœur par rapport au colonialisme, ça nous est complètement égal. Nous notre cœur il s’est détruit quand l’Occident a envoyé Atätürk pour détruire le Khilafat en Turquie […]. C’est ça notre problème, c’est la religion. Tout le reste ne nous intéresse pas »8 .
La généalogie du jihadisme n’est donc pas à rechercher dans l’« exclusion » des déshérités, des victimes de « l’islamophobie » ou dans « l’humiliation » d’autres radicalisés face à l’impérialisme occidental ou au sionisme, mais dans cette vision théocratique et suprémaciste de l’islamisme néo-califal qui promet que le « paradis est à l’ombre de l’épée »9 . Le simple fait que la section palestinienne des Frères musulmans soit l’organisation terroriste sunnite Hamas, d’ailleurs soutenue en Europe par nombre d’associations islamistes européennes « respectables », montre que la frontière entre Islamistes « modérés » et jihadistes est loin d’être étanche. Rappelons également que le premier théoricien moderne du jihadisme – Saiyyd Qutb 10 – qui finira d’ailleurs pendu en 1966 sous Abdel Nasser en raison de son appel au jihad total contre le régime égyptien nationaliste et « apostat », fut l’un des plus célèbres penseurs des Frères musulmans. Il inspira à la fois l’ayatollah Khomeiny et Ben Laden eux-mêmes, puis le mentor de ce dernier, Abdullah Azzam 11 , Frère musulman palestinien devenu professeur de religion en Arabie saoudite avant de créer en Afghanistan, avec Oussama Ben Laden , l’embryon de l’actuel Al-Qaïda. Les écrits de ces penseurs, directement influencés par ceux des Frères musulmans ou liés au wahhabisme saoudien, ont été dévorés par les jihadistes du monde entier, y compris par Mohamed Merah ou par les Frères Kouachi, auteurs des attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015. La filiation existe. Les bombes humaines terroristes ne sont pas surgies de nulle part. Elles ne seront jamais neutralisées si le terreau idéologique qui les porte n’est pas asséché sur le plan de la contre-propagande et de l’idéologie.
La généalogie du jihadisme remonte également à un courant de l’islam sunnite, le hanbalisme (ancêtre du wahhabisme saoudien), que l’on appelle aussi le « salafisme », en référence aux « pieux ancêtres » (as -Salaf ), les premiers musulmans compagnons de Mahomet qu’il convient d’imiter en tout y compris dans le culte du jihad . Ce courant hanbalite-salafiste, qui n’est autre que la quatrième école juridique officielle de l’islam (madhab ) sunnite et qui ne peut aucunement être réduit à une « hérésie », a été notamment porté par deux penseurs fondamentaux du hanbalisme constamment cités tant par les jihadistes, mêmes les plus rustres, que par des islamistes-salafistes « quiétistes » : Ibn Taimiyya (1263-1328), qui éleva le jihad au rang de sixième pilier de l’islam face aux mécréants mongols, puis Muhammad Ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), à l’origine du fameux « wahhabisme », doctrine religieuse officielle du royaume saoudien gardien des deux Lieux saints (al-Haramaïn ) de l’islam : La Mecque et Médine. Au même titre que le jihad guerrier offensif, le dogme salafiste (aqida ) qui invite tout musulman à « désavouer les mécréants » et à faire corps avec les musulmans (al wala wa’l Bara , ou « l’alliance et le désaveu »), est directement issu du wahhabisme saoudien. Cette idée de « désavouer » les « infidèles » a été théorisée au XIX e siècle par le petit-fils de Muhammad Ibn Abdel Wahhab, Souleiman ibn Abdallah al-ash-Sheikh (1786-1818) et elle est officiellement enseignée en Arabie et dans des milliers de mosquées salafistes et centres islamiques pilotés par ce pays dans le monde et jusque dans nos cités. A titre d’exemple, le fameux terroriste français Farid Benyettou , « émir » du tristement célèbre réseau jihadiste dit « filière des Buttes-Chaumont », à Paris, qui a formé un nombre incroyable de futurs terroristes, élaborait ses « cours de religion » à partir des ouvrages de salafistes très respectables comme Muhammad ibn Abd al-Wahhab, auteur de Ousoul ath-Thalata, puis de Saoudiens contemporains en bons termes avec les autorités de Ryad comme Muhammad ibn Salih al-Uthaymin ( mort en 2001), auteur notamment d’un manuel de droit islamique, al-Ousoul min ‘ilm al-Oussoul 12 .
Cette idéologie suprémaciste fondée sur le règne de la charià et du Califat planétaire qui soumettra de gré ou de force l’Humanité, est portée depuis des décennies par les grands pôles étatiques et institutionnels de l’islamisme : l’Université sunnite d’Al-Azhar en Égypte, l’Arabie saoudite, gardienne des Lieux Saints, le Pakistan co-fondateur d’Al Qaïda et des Talibans, le Qatar, parrain du Hamas et des Frères musulmans, mais aussi la Ligue islamique mondiale, l’Organisation de la Coopération islamique, « l’ONU des musulmans », (OCI, cf. chapitres II et III ), l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture (ISESCO), ou même la Turquie néo-ottomane de Recep Taiyyp Erdogan 13 . Paradoxalement, l’Occident entend lutter contre le jihadisme sur son sol sans jamais interpeller ou neutraliser ces pôles subversifs qui poursuivent pourtant les mêmes objectifs d’islamisation planétaire que les jihadistes, quoi que de façon plus « pacifique ».
La première question que l’on doit se poser à la lumière de cet état des lieux est la suivante : peut-on en prétendre vouloir « déradicaliser » les jeunes musulmans d’Europe puis combattre le jihadisme dans nos pays alors que d’immenses zones de non-droit (« banlieues de l’islam ») sont contrôlées par ces grands pôles de l’islamisme mondial qui appellent les musulmans à y former une société séparée des mécréants, catalogués en bloc comme « ennemis de l’islam » ? D’évidence, les jihadistes, en tant qu’avant-garde du totalitarisme islamiste, ne peuvent être stoppés ou combattus sur le sol des démocraties occidentales si celle-ci y laissent agir impunément les pôles idéologiques qui ont conçu la vision du monde chariàtique et califale qui les anime. Alors même que l’Occident dépense des milliards de dollars depuis les années 1990 pour réduire militairement les jihadistes dans des pays du dar al-islam (Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, Mali, etc.) en y instaurant parfois un chaos encore plus grand (ce que cherchent d’ailleurs les jihadistes), nos puissantes armées occidentales ne sont même pas habilitées à défendre la souveraineté et les valeurs de l’État-nation occidental dans les zones de non-droit et de non-France où la menace idéologique et civilisationnelle de l’islamisme se répand au nom de la « liberté religieuse » et du « droit à la différence ».
Les pôles institutionnels de l’islamisme et les groupes jihadistes – qui s’abreuvent aux mêmes sources doctrinales – visent tous deux – certes avec des modus operandi opposés – à faire triompher un même projet suprémaciste et théocratique aux quatre coins du globe, et notamment en France et dans la vieille Europe. Profitant de l’ouverture sans limites des démocraties (porosité des frontières, des droits, des libertés) et de la culpabilisation identitaire des Occidentaux, ces « pôles » mondiaux violents ou pacifiques de l’islamisation avancent tous au moyen d’une stratégie de l’intimidation : intimidation morale pour les uns, et physique pour les autres. Les derniers tétanisent et dissuadent par le sang versé et par la peur. Les premiers distillent leur vision totalitaire sous couvert de « liberté religieuse » et de « diversité ». Mais tous deux convergent dans une même action subversive visant à diffuser le venin hautement contagieux de la paranoïa communautaire, les musulmans étant appelés à se « dissocier » des non-musulmans, à « désavouer » les « mécréants », jugés coupables de tous leurs maux et « ennemis de l’islam ». Cette propagande à la fois victimaire et narcissique, qui permet de « resserrer les liens » par le sentiment de persécution, est une véritable bombe à retardement géopolitique pour les sociétés d’Europe et d’Occident. D’évidence, celles-ci sont loin d’en avoir fini tant avec le jihadisme qu’avec le communautarisme islamique, le premier prospérant sur le terreau sociologique ressentimental préparé par le second.
Il convient par ailleurs de garder présent à l’esprit que l’acte terroriste ne se réduit pas aux commandos-suicides spectaculaires lancés par Daech , Al-Qaïda, AQMI ou Boko Haram en Syrie, en Irak, en Libye, au Nigeria, en Afghanistan, en Belgique, en Espagne ou en France. Il commence dès que la violence est utilisée comme outil d’intimidation et de persuasion . Son essence est l’utilisation de la terreur comme outil de propagande idéologique. Il est en ce sens bien plus qu’une menace sécuritaire, car il est un moteur, un accélérateur de l’histoire politique. L’effet à la fois « convainquant » et dissuasif de la terreur a de telles conséquences immédiates sur les consciences sidérées qu’il convient de ne pas la sous-estimer. L’histoire ancienne et récente a largement démontré que la peur et le sang « convainquent » bien plus efficacement les récalcitrants que les doléances poliment exprimées. De ce fait, la « promesse du pire » des terroristes adressée aux « blasphémateurs » est en soi un message hautement persuasif. Il a déjà fait réfléchir nombre de caricaturistes, d’intellectuels islamo-sceptiques et de décideurs, à part les jusqu’auboutistes « martyrs athées » de Charlie Hebdo que tout le monde pleure mais que personne n’ose plus imiter de peur des conséquences… Le terrorisme est, ceteris paribus , la façon la plus fulgurante de modifier les comportements d’un camp adverse et de diffuser une idée subversive. En ce sens, la dissuasion extrême provoquée par les massacres perpétrés par les jihadistes profite bien plus qu’on ne le pense aux islamistes non-terroristes, car ceux-ci savent, en dépit de leur dénonciation verbale des attentats, que l’on ne prendrait jamais autant au sérieux leurs demandes de lutter contre l’islamophobie si les « infidèles » n’avaient l’épée de Damoclès jihadiste au-dessus de leur tête –
Les menaces et massacres jihadistes agissent en effet comme une force de dissuasion qui permet aux pôles islamistes plus officiels d’être « convainquants » lorsqu’ils avertissent : « n’insultez pas et n’humiliez pas les musulmans sinon nous ne pourrons pas calmer leur colère ». Ceci rappelle l’adage d’Al Capone : « une demande accompagnée d’un revolver est plus persuasive ». A titre d’exemple, on constate que depuis les menaces proférées envers Salman Rushdie ou les caricaturistes danois de Mahomet et surtout depuis les assassinats de Théo Van Gogh et des caricaturistes de Charlie Hebdo , l’idée de se moquer de l’islam ou de blasphémer tente de moins en moins de comiques, d’intellectuels et de journalistes, pour des raisons de peur physique évidente. A part Charlie Hebdo, les blasphémateurs bouffe-curés dont la république française laïcarde regorge sont bien plus convaincus par les demandes des lobbies islamiques qui exigent qu’on arrête d’« offenser » les musulmans que par les requêtes polies des clercs catholiques qui luttent contre la christianophobie et les attaques contre l’Église. Celle-ci ne peut se prévaloir en effet d’aucun effet dissuasif comparable à celui des pôles islamistes. Si les blasphémateurs se moquent bien plus massivement des prêtres, des Papes et de Jésus, si les profanateurs s’en prennent chaque jour mille fois plus aux lieux de culte et symboles chrétiens qu’à leurs équivalents musulmans, c’est parce que ceci est mille fois moins dangereux pour leur intégrité physique.
Comme l’explique le journaliste et écrivain italien d’origine égyptienne, Magdi Cristiano Allam , la terreur néo-totalitaire instaurée par les « coupeurs de têtes » d’Al-Qaïda ou Daech alimente la terreur psychologique et juridique instaurée par les « coupeurs de langue » que sont les nouveaux censeurs qui luttent contre l’Islamophobie à coups de procès, « scandales » ou lynchages médiatiques14 . Tous deux concourent aussi efficacement – avec les pressions économiques, commerciales, pétrolières et financières des pays islamiques – à faire taire les récalcitrants (musulmans libres ou non-musulmans) qui osent s’opposer aux desseins subversifs de l’islamisme conquérant. Le message « aslam taslam » leur est adressé chaque jour par les uns et par les autres.
Les pôles mondiaux de l’islamisme institutionnel et leurs alliés multiculturalistes repentants d’Occident – qui prônent dans les démocraties occidentales des « accommodements raisonnables » et autres exceptions pour les musulmans – relaient en fin de compte le projet néo-impérial et totalitaire porté de façon violente par les salafistes jihadistes. Tout se passe en effet comme si les « coupeurs de tête » terroristes et les « coupeurs de langue » communautaristes, qui ont dévoyé l’« antiracisme », agissaient de concert en discréditant les penseurs musulmans réformistes ou athées et en diabolisant les sociétés d’accueil présentées comme « ennemies des musulmans ». Nous verrons au cours des chapitres II et III qu’en faisant taire (par le jihad terroriste ou le jihad juridique) ceux qui critiquent le suprémacisme islamique, coupeurs de têtes et de langue œuvrent conjointement à disculper l’islamisme radical et sa théologie guerrière jamais remise en question depuis le X e siècle.
En fait, le travail consistant à séparer le bon grain de l’ivraie est bien plus simple à faire qu’il n’y paraît, car la frontière épaisse qui distingue les modérés sincères des faux tolérants est celle de l’acception de la critique, de la remise en question de soi et de la liberté de s’exprimer, y compris sous la forme de la moquerie et du blasphème. Toute personne dont la foi privée est sincère et exclusivement spirituelle, c’est-à-dire non politique, peut en effet la vivre en paix sans être affectée par les laïques, les anticléricaux, les antireligieux et même les blasphémateurs athées les plus vulgaires dont les revues à faible tirage (Charlie Hebdo ) n’ont été sauvées de la faillite que par les attentats islamistes et les condamnations des caricatures de Mahomet par les lobbies islamistes. Ceux qui tentent d’expliquer la violence – et par là même de la justifier en prétextant de « l’islamophobie » des dénonciateurs de l’islamisme – sont des alliés objectifs des jihadistes. Aucune « provocation islamophobe » ne peut en effet justifier la barbarie en dehors du processus de fanatisation lui-même, assuré par les prédicateurs islamistes qui ont souvent pignon sur rue. De même, les vêtements les plus « sexy » d’une jolie femme ne justifieront jamais un viol.
Dans les pays musulmans, jadis bien plus laïques et libres de croire ou de ne pas croire qu’aujourd’hui, la stratégie de l’intimidation a toujours associé les pressions des islamistes politiques aux menaces violentes des islamistes terroristes. En Iran, la Révolution islamique de l’Ayatollah Khomeiny , qui a servi de modèle à nombre d’islamistes sunnites par la suite, s’est faite dans le sang avant de devenir texte de loi. Les Frères musulmans ont quant à eux fait assassiner des « apostats » et mis au pas par la force des villages entiers par leurs milices et jeunesses encartées avant de conquérir les urnes une fois qu’ils avaient lancé la mode de la réislamisation. Ils n’ont d’ailleurs été stoppés par la suite que par une violence plus dissuasive que la leur, celle du nationalisme et du coup d’État militaire qui a porté le réformiste Abdel Fattah Al-Sissi au pouvoir, certes, au nom d’autre chose que la démocratie libérale.
Dans le monde musulman, les concessions octroyées par les dirigeants nationalistes en place à ceux qui voulaient introduire la charià dans l’ordre légal ont toujours été motivées par l’objectif de faire baisser la violence et de « calmer la colère des jihadistes ». En Algérie, par exemple, les assassinats de nombreux intellectuels et journalistes athées ou laïques et la guerre civile extrêmement meurtrière des années 1990 qui a opposé la junte au pouvoir au FIS et au GIA ont précédé l’islamisation des lois favorisées par le président Bouteflika, artisan d’une « Concorde civile ». Exemple plus récent au Bengladesh, jadis pays réputé modéré et laïque, le parti islamiste Hefazat-e-Islam , qui a adressé au gouvernement, en 2013, une demande de réislamisation des lois en 13 points comportant la pénalisation du blasphème15 , a obtenu gain de cause en 2016 à la suite d’une vague d’assassinats commis entre autres afin d’exiger la peine de mort pour les blasphémateurs. C’est ainsi qu’en trois années, une quarantaine d’intellectuels laïques (blogueurs, journalistes, professeurs, etc.) ont été assassinés après avoir été menacés et ciblés16 dans le pays, toujours au nom du « aslam taslam ». Dans la perspective des élections de 2019, la Ligue Awami au pouvoir a finalement cédé, au nom d’une pax islamica , aux requêtes du Hefazat-e-Islam . Celles-ci ont d’autant plus été prises au sérieux qu’elles ont été objectivement « appuyées » par l’effet d’intimidation et de sidération des actions terroristes. Il a même réussi à obtenir la limitation des représentations picturales des êtres vivants puis à faire interdire les exercices physiques dans les écoles pour les filles et les jeunes filles.17
On ne répètera jamais assez que les terroristes ne massacrent pas pour « venger » les peuples musulmans colonisés, ou par « haine » envers les croisés, mais pour faire parler de leur cause, pour semer l’effroi et pour subjuguer les publics-cibles, ceci afin de faire triompher un jour la « vraie religion ». La mise en scène théâtrale de l’acte terroriste a pour fonction de déclencher une « campagne » « publicitaire » massive, certes « négative », dans un premier temps, puisqu’elle suscite l’indignation. L’acte barbare déclenche en effet une telle avalanche de réactions, il suscite tant de débats télévisés, d’articles de journaux ou de tweets, que cela revient à offrir à l’avant-garde jihadiste et à son message sidérant une extraordinaire visibilité, qui plus est totalement gratuite. Dans la bataille asymétrique que l’on croit pouvoir livrer contre le terrorisme islamiste, nos sociétés du spectacle sont prises au piège de leur culte du voyeurisme et du sensationnel. Ceci constitue en soi une victoire inespérée pour les islamistes poseurs de bombes ou « coupeurs de têtes ». La seconde victoire, plus formidable encore, celles des islamistes en général, réside en outre dans le fait que pour contrebalancer la publicité négative des attentats qui « risquent » de « stigmatiser les musulmans », nos sociétés complexées lancent après chaque carnage commis au nom d’Allah une immense campagne de lutte contre « l’amalgame » en promouvant le « vrai islam » pacifique, tolérant et paré de toutes les vertus. Extraordinaire ruse de la raison terroriste, l’acte sanguinaire qui aurait pu conduire à ternir l’image des textes de référence de l’islam qui valorisent le jihad devient une occasion d’actionner un « marketing positif » en faveur de la religion au nom de laquelle on tue pourtant le plus aujourd’hui18 .
On constate donc depuis le 11 septembre 2001 que chaque nouvel attentat islamiste commis en Occident déclenche une campagne de lutte contre « l’islamophobie » encore plus massive que la médiatisation des actes atroces commis par les terroristes. L’idée est qu’il faudrait à tout prix juguler un danger « plus grave encore que la terreur jihadiste » : le « risque de ternir l’image de l’islam et des musulmans », lesquels seraient traités « comme les juifs » hier et seraient les cibles de la pire forme de racisme moderne : l’islamophobie.
En donnant toujours plus de gages d’anti-islamophobie, officiellement au nom d’un refus parfois sincère de la « stigmatisation », mais en réalité en vertu d’une peur de l’acte terrifiant (« promesse du pire »), les Occidentaux attachés à « l’apaisement » intercommunautaire, tombent ainsi dans le piège de l’intimidation . L’on sombre de la sorte dans un excès tout aussi radical que celui de la haine envers l’islam : l’islamophilie béate, totalement déconnectée du réel. Alors que les grands penseurs de l’islam19 déplorent tous depuis des décennies que le Coran et surtout la charià (loi islamique) sont les sources de légitimation du projet impérial islamiste, nos pourfendeurs de « l’amalgame » assurent que l’islam est « sans tâche » et que les musulmans constitueraient avec leurs textes et leur civilisation un bloc du Bien irresponsable car victime de l’Occident judéo-chrétien « islamophobe ». La « preuve » de la nature foncièrement bonne de la civilisation islamique résiderait d’ailleurs non pas dans son présent, marqué par tant d’intolérance et de violences, mais dans son passé mythifié, celui d’Al-Andalus et de Bagdad, fait de progrès scientifique, de Lumières et de tolérance multiculturelle avant l’heure (chapitre VI ) envers lesquels la vieille Europe serait redevable.
En vertu de cette vision idyllique véhiculée par les forces de la repentance à chaque violence islamo-terroriste, la simple critique rationnelle des textes sacrés de l’islam qui légitiment le « jihad défensif » et glorifient le prosélytisme guerrier des califats est assimilée à une « offense envers les musulmans » ou à un appel au « choc des civilisations ». A contrario , pareil paternalisme bienveillant n’est pas de mise pour l’Occident et la chrétienté, dont le passé est réduit, sans indulgence et sans « peur de l’amalgame », à l’obscurantisme et au sectarisme des croisades et de l’Inquisition. Dans leur stratégie de pénétration et d’intimidation, les islamistes auraient d’ailleurs tort de ne pas profiter de la perméabilité des sociétés européennes et post-chrétiennes inhibées par leurs scrupules. Et ils auraient également tort de ne pas être fiers de leurs empires coloniaux islamiques passés, sous prétexte que l’ancien ennemi « chrétien » a baissé les bras puis persécuterait continuellement son identité et son histoire.
Ce noble souci du « pas-d’amalgames » explique pourquoi, depuis la fin des années 2010, les grandes institutions mondiales et la plupart des chancelleries nationales utilisent les « éléments de langage » comme « terrorisme jihadiste » ou « extrémisme violent » pour désigner la menace. Ces termes neutres ont été tout particulièrement privilégiés par l’ex-président américain Barack Obama ou par les Nations Unies afin de ne pas « stigmatiser » les musulmans et l’islam. Exemple parmi tant d’autres, le 13 juin 2016, après l’attentat visant une boîte de nuit fréquentée par des homosexuels, à Orlando (États-Unis) par un terroriste islamiste, Jean-Luc Mélenchon , fondateur du Front de gauche et des Insoumis, ex-candidat à l’élection présidentielle de 2017, écrivit sur son blog : « j’étais préoccupé de l’attribution à Daech… tant j’ai d’angoisse que recommence une vague de haine des musulmans »20 . Refusant de désigner la nature de l’attentat islamiste, l’homme politique français à la recherche du « muslim vote » mentionna même les propos du père de la victime qui récusait tout lien avec l’islam et il qualifia, dans son blog, le jihadiste de « meurtrier religieux anti-homosexuels », ce qui revenait à nier tout lien avec l’idéologie islamiste. De même, le lendemain de l’attentat jihadiste commis en Isère le 26 juin 2015 (Saint Quentin-Fallavier) par le salafiste Yassin Salhi qui égorgea son patron et tenta d’attaquer un site gazier, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), proche des Frères-musulmans, expliqua dans un communiqué de presse que le « vrai danger » en France, ne résidait pas dans les « vaines tentatives de groupes armés de déstabiliser la République » mais chez ceux, comme le journaliste franco-algérien anti-islamisme Mohamed Sifaoui , « qui utilisent ces événements pour déverser leur haine contre une partie de la population qui est, de fait, celle qui paie le plus lourd tribut face au terrorisme »21 . L’idée est ici que les cibles symboliques de la supposée « islamophobie » seraient plus à plaindre que les victimes physiques des attentats terroristes et que la lutte contre l’islamophobie primerait sur celle contre le terrorisme… On pourrait également citer le célèbre démographe français Emmanuel Todd , qui, après les attentats de Charlie Hebdo , publia un ouvrage orwellien dont la thèse centrale consistait à accuser les manifestants anti-jihadistes défilant au nom de « Je suis Charlie » de représenter le segment « islamophobe » de la société française…22 Déjà, après l’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo et l’hyper casher, le 7 janvier 2015, Bernard Cazeneuve avait annoncé l’envoi de renforts militaires afin de « protéger » les lieux de culte musulmans comme si ceux-ci étaient plus en danger que les chrétiens pourtant visés par les islamistes jusque dans leurs églises ou cathédrales. Le 12 janvier, le CCIF recensait ainsi une cinquantaine « d’actes islamophobes » dont la plupart étaient des grafitis, des remarques insultantes, des critiques de l’islam, des propos anti-arabes ou hostiles à l’immigration etc. Témoignant ainsi d’une très faible empathie envers les victimes des carnages et leurs familles, le CCIF et d’autres ligues de vertu islamiquement correctes tentaient ainsi de mettre sur le même plan des réactions épidermiques à la terreur islamo-terroriste et l’horreur jihadiste elle-même, puis ils ramenaient le débat sur le terrorisme, nié dans son essence islamiste, à la question de la lutte contre l’islamophobie.
De la même manière, en septembre 2011, alors que l’ambassadeur américain en Libye, Chris Stevens, fut assassiné avec trois autres diplomates états-uniens par des jihadistes libyens, les médias américains et européens consacrèrent plus de temps d’antenne à la condamnation d’un film « islamophobe » médiocre diffusé confidentiellement sur le Net par un Américain d’origine copte-égyptienne (l’Innocence des musulmans ) – mais qui fut monté en épingle par les lobbies islamistes – qu’aux attentats meurtriers survenus le même jour. Comme à l’occasion de l’« affaire » des Versets sataniques de Salman Rushdie ; des « caricatures » de Mahomet au Danemark, reproduits ensuite par Charlie Hebdo ; ou du scandale autour du discours « islamophobe » de Benoît XVI, à Ratisbonne en 2006, le tollé planétaire et les violentes manifestations de protestations appuyées par le Pakistan, le Soudan ou l’Arabie saoudite, provoquèrent des dizaines de morts. Résultat, deux semaines plus tard, fin septembre 2011, les ministres des Affaires étrangères des 57 pays membres de l’Organisation de la Coopération Islamique exigèrent que les Nations Unies fissent adopter par les États-membres des lois pénalisant la « haine religieuse », jugeant que ces « offenses envers les musulmans, tout comme les caricatures de Charlie Hebdo , contrevenaient à la liberté de culte et de croyance garantie par les textes internationaux sur les droits de l’homme »…23 L’OCI et les pays musulmans dénoncèrent alors bien plus la liberté d’expression garantie en Occident pour les « blasphémateurs » que les massacres commis aux cris d’Allah ouakbar par des jihadistes qui tuent pourtant bien plus de musulmans que les « mécréants » n’en « offensent ». Le court-métrage amateur (L’Innocence des musulmans ) ainsi que les caricatures de Mahomet, publiées au même moment par Charlie Hebdo , furent alors officiellement condamnés par Barack Obama et Hillary Clinton , ceci jusque dans des spots publicitaires présentant la contrition des responsables américains diffusés en boucle dans les télévisions du Pakistan…
Après vingt années de terrorisme islamiste quasiment ininterrompu depuis la fin des années 1990 qui a fait des centaines de milliers de morts dans le monde, on constate que non seulement les enseignements islamiques traditionnels qui cautionnent la violence et l’intolérance ne sont pas remis en cause, puisqu’ils n’auraient « rien à voir avec l’islam », mais aussi que la religion de Mahomet n’a jamais autant été parée de toutes les vertus, médiatisée, promue à répétition et mise en avant. Ceci conduit inévitablement à faire de nouvelles émules dans une logique mimétique bien connue des publicitaires et que nombre de footballeurs ou autres célébrités incarnent dans le cadre d’une véritable mode de prosélytisme islamique néo-identitaire.
Afin de « calmer la colère » des pays et institutions islamistes mondiales – en vérité pour satisfaire aux requêtes liberticides – nombre de responsables occidentaux présentèrent des « excuses » publiques au nom de leurs pays, ceci pour des actes pourtant commis par quelques-uns et garantis par la liberté d’expression et alors même que ni les gouvernements ni les masses d’Occident n’en sont les auteurs. Nos dirigeants présenteraient-ils de la sorte leurs « excuses collectives » aux pays et lobbies islamistes si leur travail d’intimidation psychologique n’était pas « préparé » par l’intimidation physique des jihadistes ? La réponse se trouve dans la façon dont ces mêmes dirigeants (ne) réagissent (jamais) de la sorte face aux quotidiennes agressions, profanations de cimetières et cas de blasphèmes anti-chrétiens constatés en France et dans les pays arabo-musulmans.
Dans leur recherche d’apaisement, nos démocraties européennes, pourtant en proie à une menace jihadiste qui vise de plus en plus des cibles chrétiennes (cathédrales, églises et marchés de Noël de Strasbourg et Berlin), comme on l’a vu avec le martyr du père Jacques Hamel, égorgé en pleine messe dans son église le 26 juillet 2016, n’ont jamais autant dénoncé les signes ostentatoires chrétiens, dont les crèches dans les mairies et les croix ostensibles. Ainsi, la France républicaine, ex-fille aînée de l’Église, qui toléra longtemps les crèches de Noël en lieux publics (y compris jadis à la mairie de Paris sous un certain Jacques Chirac pourtant très laïcard), est aujourd’hui à la pointe de la lutte contre celles-ci et contre leurs promoteurs qui peuvent même être traduits devant les tribunaux. Par contraste, cette même république tolère depuis des années des prières de rue illégales qui bloquent la voie publique. Elle donne pour consignes aux policiers de ne pas appliquer la loi anti-burqa de 2010 dans des lieux où les femmes verbalisées pourraient être secourues par des « attroupements menaçants », puis tolère le financement par des collectivités publiques de nombre d’associations « loi 1901 », culturelles, qui ont normalement l’interdiction formelle de collecter de l’argent pour le culte (loi 1905), mais qui servent à alimenter de nombreuses associations islamistes qui prônent la non-assimilation et le « désaveu » (al-bara )…
Paradoxalement, plus les jihadistes font peur ou frappent, plus les islamistes soft sont fiers de la charià , exhibent leurs voiles et burqa ; plus les mosquées radicales se remplissent ; et plus les revendications de lieux séparés pour les femmes, de plats hallal dans les lieux publics et de non-mixité dans les hôpitaux se font pressantes et menaçantes. Nous verrons au cours des lignes qui suivent que la chose est logique, étant donnée la fascination humaine (le plus souvent inconsciente) pour la violence, et le mépris corrélatif pour la faiblesse. Toute la stratégie de l’intimidation des islamistes radicaux, terroristes ou pas, réside sur cette certitude que la violence ou les rapports de force sont déterminants.
Aucune autre idéologie totalitaire et aucune autre religion n’a jamais disposé d’une force de propagande, de promotion et de publicité aussi large et massive que l’islamisme radical, dans ses versions terroristes comme institutionnelles. Jamais une organisation idéologique n’a bénéficié de « haut-parleurs » et de relais médiatiques aussi puissants et planétairement étendus que depuis les années 2000, lorsque les attentats du 11 septembre planifiés par Al-Qaïda et le médiatique Oussama Ben Laden ont inauguré le modus operandi alliant l’acte terroriste-suicidaire sidérant et les vidéos diffusées on live par les médias ou les réseaux sociaux. La force opératoire psychologique de l’islamo-terrorisme « nouvelle génération » réside dans le fait que l’hypermédiatisation de la violence est en elle-même un message de propagande dont l’effet est d’assurer le public-cible que « personne n’est épargné, que tous les mécréants vont ressentir l’effroi dans leurs cœurs », et que « nulle paix ne sera jamais possible sans soumission à la vraie religion » : « aslama taslama ».
Tous ceux qui tentent de trouver ou décrypter des « causes » objectives, des buts de guerre classiques, dans ce terrorisme néo-califal, se fourvoient, car les jihadistes ne revendiquent pas la libération de quelques personnes, la prise d’un territoire en particulier ou l’écrasement d’une armée conventionnelle. Leur « cause principale » n’est pas de même nature que celle des États et de leurs armées qui veulent vaincre un agresseur pour élargir une frontière ou récupérer un territoire perdu avant de signer un armistice avec le vaincu. Le mobile des dirigeants jihadistes est d’abord celui de répandre une propagande idéologique. Leur quête est celle de la persuasion et de la fanatisation politico-religieuse. En véritables professionnels du prosélytisme et de l’endoctrinement, ils mettent en scène la violence la plus barbare car ils savent que c’est à ce prix qu’elle sera relayée et décuplée par un processus d’hypermédiatisation. A cet effet, il est intéressant de relire les propos prononcés, peu avant sa mort, d’ailleurs, en 2016, par Abou Mohammed al-Adnani , l’ex-cerveau des attentats et porte-parole de Daech selon lequel le « territoire est secondaire » et l’idéologie (charià-califat) première : « Notre but, notre victoire ou notre échec ne se mesurent pas à la conquête ou à la perte d’uneville. Notre système d’action est essentiellement de répandre la charià et de suivre le Coran. Tant que notre Saint Coran sera lu et se répandra, notre vraie conquête continuera et nous ne serons jamais vaincus »24 . Le spécialiste américain du jihadisme, Scot Atran, en conclut que la victoire de Daech , en dépit de ses pertes de territoires, consiste à « avoir persuadé des millions de personnes que la charià est la seule façon légitime de gouverner »25 . Dans la même veine, on peut aussi relire les propos du précurseur de l’État islamique, ex-membre d’Al-Qaïda en Irak, tué en 2006, Abou Moussab az-Zarqaoui : Nous ne combattons pas ici (Irak) pour un morceau de terre, ni pour des frontières imaginaires tracées par Sykes-Picot, de même que nous ne combattons pas pour qu’un taghout (« tyran-apostat ») arabe remplace un taghout occidental. Notre jihad est bien supérieur à tout cela, nous combattons pour que la parole d’Allah soit la plus haute et que la religion soit toute entière à Allah »26 .
La finalité de la propagande, qu’elle soit « pacifique » ou « terroriste » (« par l’action » ou « par les faits »), vise avant tout à influencer et à endoctriner. L’assassinat n’est qu’un moyen parmi tant d’autres pour arriver à cette fin27 . En latin, propaganda vient de propagare , qui signifie littéralement « ce qui doit être propagé » : le terrorisme de propagande cherche tout bonnement à modifier les perceptions et comportements des personnes ciblées dans une logique de propagation d’une idée-force, en l’occurrence celle de l’impératif de soumission ou de conversion, à terme, ne serait-ce que pour conjurer la « promesse du pire ». Celle-ci adviendra d’ailleurs tôt ou tard selon les islamistes de tous poils qui comptent sur les lois du nombre, de la démographie et du temps. Ce « terrorisme publicitaire » utilise les médias des pays cibles comme relais d’une propagande contenue dans l’acte jihadiste lui-même. Les médias sont la « cible indirecte » privilégiée des terroristes. Les attaques sont donc tout sauf des actes aléatoires fruit d’une violence « gratuite », « nihiliste », comme l’ont affirmé certains intellectuels restés influencés par les « vieux terrorismes » anarchistes ou communistes-pro-palestiniens des XIX e et XX e siècles. Elles obéissent au contraire à une logique et à une planification minutieuses, fruits d’une vision idéologique précise. Il est vrai que nombre de microcellules terroristes sont des « franchisées » sui generis n’ayant aucun lien de subordination avec Al-Qaïda ou Daech , voire même des groupes auto-radicalisés que les cerveaux jihadistes récupèrent par opportunisme. Ces derniers n’ont fait que mettre à disposition sur le Net des « kits » de fabrication artisanale de bombes ou simplement appelé à « tuer les mécréants de n’importe quelle manière, n’importe où et n’importe quand ». Il ne faudrait pas pour autant sous-estimer leurs messages idéologiques, comme on le voit dans les revues ou agences de presse de Daech (Dabiq , en anglais, Dar al-islam , en français, Amaq , en 16 langues), ou d’al-Qaïda (Inspire ) qui s’appuient sur des ahadith et sur un corpus sunnite indiscutables. À la manière des anciens compagnons de route ou activistes favorables à l’ex-URSS, aux régimes révolutionnaires de Castro, de Mao Tse Doung, ou fascinés par le romantisme violent du Che, sans oublier les Allemands et Européens subjugués par le IIIe Reich, ceux qui vont commettre des carnages terroristes répondent aux appels idéologiques lancés par des professionnels de la propagande appuyés par des entités ou États ayant des objectifs géopolitiques. Dans le cadre de leur « appel mondial à la résistance islamique », les idéologues de Daech ou Al-Qaïda, comme le précité Al-Adnani ou son prédécesseur du « jihad 2.0 », Abou Moussab al-Souri, fanatisent à distance des masses qui ne leur demandent pas toujours leur avis hiérarchique pour passer à l’acte, puisqu’ils y sont invités. Et ce manque de lien pyramidal et hiérarchique ne veut en aucun cas dire que les futurs terroristes recrutés sur le web ou en prison sont moins islamistes ou moins « musulmans » que ceux recrutés par des imams dans des lieux de culte. Cela ne prouve aucunement que ce terrorisme n’a « rien à voir avec l’islam ». Les musulmans libéraux, soufis ou réformistes issus des élites intégrées qui dénoncent la pénalisation du blasphème et les pans liberticides de la charià sont-ils plus musulmans que ceux qui veulent imiter les compagnons du Prophète adeptes du jihad conquérant ? Quelle autorité légitime de l’islam sunnite l’a décrété ? Aucune, ni les gardiens de La Mecque-Médine, ni les Grands imams d’Al Azhar qui ont d’ailleurs refusé de déclarer « apostats » les jihadistes28 .
Il est vrai que les profils de personnalités déviées ou aux conditions sociales défavorisées sont récurrents. Mais leur passage à l’acte jihadiste n’est pas la preuve que le jihadisme n’a « rien à voir avec l’islam ». Il découle simplement du fait que les professionnels de la fanatisation savent qu’un criminel aguerri et sans scrupules sera toujours plus efficace dans l’action violente que des bourgeois fanatisés mais non habitués à l’acte assassin. Les entités et gourous salafistes-jihadistes qui recrutent sur le web ou parmi des fratries de voyous des cités ne « prouvent » pas ainsi que leur idéologie n’a « rien-à-voir-avec-l’islam », mais simplement qu’ils savent très bien canaliser l’expérience des malfrats dont la violence est utile, à l’instar des imams radicaux de l’école coranique de Zarka qui formèrent le voyou Abou Moussa Al-Zarqaoui29 , un temps chef d’Al-Qaïda en Irak et précurseur de l’État islamique. Plus tard, Zarqaoui sera chapeauté, notamment entre l’Afghanistan et l’Irak, par l’imam al-Magdissi , qui condamnera bien sûr Daech après avoir fanatisé ses monstres.
Les spécialistes de la terreur savent bien que pour créer une « mentalité terroriste », une organisation structurée au fort rayonnement médiatique et idéologique, il faut faire converger trois éléments complémentaires : le niveau individuel, purement exécutif, (« main d’œuvre »), qui contribue à créer la bonne motivation opérationnelle et le dévouement nécessaire sur un théâtre d’opération ; le noyau terroriste lui-même (souvent fait de fratries closes ou mini-sociétés sectaires coupées du monde extérieur et des familles), qui assure la phase d’endoctrinement idéologique finale et la formation opérationnelle ; et enfin l’organisation-mère, qui donne le ton, distille les leitmotivs, conçoit la stratégie globale, puis crée les mécanismes de légitimation théocratique qui sanctifient et légalisent la violence barbare, déculpabilisant ainsi les tueurs en les déresponsabilisant dans le sens des fameuses expériences des socio-psychologues américains Milgram et Zimbardo, qui ont prouvé la puissance de l’autorité hiérarchique et morale dans l’incitation à l’acte sadique violent30 .
En réalité, ce jihadisme, réduit à tort à un « nihilisme » par Olivier Roy et André Glucksman, est essentiellement un « terrorisme de propagande par les faits violents »31 , qui plus est légitimé, à l’opposé du nihilisme, par une puissance morale religieuse très forte et difficile à renverser puisqu’elle est contenue dans des textes sacrés « intouchables » et enseignés par des autorités religieuses non susceptibles d’être excommuniées. L’idéologisation par l’action directe jihadiste ainsi légitimée par des « califes », certes auto-proclamés mais pas moins musulmans que les réformistes jugés « apostats », vise à déclencher une contamination des communautés musulmanes polarisées contre les « islamophobes » non-musulmans grâce à la médiatisation de l’association entre islam et terrorisme, porteuse de haine envers les musulmans (« prophétie créatrice »). Dans la pensée subversive, il s’agit donc de combattre l’ennemi physiquement par l’attaque terroriste puis psychologiquement grâce à la couverture médiatique du « sacrifice suprême » qui constitue en soi une propagande prosélyte (dàawa ), le martyre volontaire « démontrant » que l’au-delà vaut plus que la vie matérielle.
Si le terrorisme, au sens guerrier ou psychologique, est si efficace en termes de propagande, c’est qu’il est hélas profondément enraciné dans la psychologie humaine, même si cela peut paraître contre-intuitif. En effet, l’histoire montre que les minorités organisées et violentes ont toujours su influencer, intimider et dominer des majorités pacifiques et non organisées. C’est aussi l’idée centrale de l’œuvre du politologue italien Gaetano Mosca spécialiste de la « théorie des élites ». Hegel et Joseph de Maistre ont également très bien montré la puissance de la violence comme moteur quasi mystique de l’histoire. De nombreuses victoires ont d’ailleurs été remportées grâce à des moyens de terreur visant à sidérer l’ennemi horrifié par les rumeurs d’actes atroces et par les menaces apocalyptiques. C’est d’ailleurs la France de Robespierre et de Marat qui a inventé le régime de la Terreur, laquelle a délégitimé et détruit la monarchie française qui ne s’en remit jamais. Et les totalitaires rouges et bruns l’ont utilisée jusqu’à leur paroxysme comme système de gouvernement et de persuasion.
L’utilisation des attaques suicides, répandue à partir des années 1990 et qui complète la tradition islamiste sunnite, laquelle valorise grandement le jihad offensif et défensif ainsi que la guerre sacrée (« jihad fi sabil allah , Harb , et Qital mentionnés dans le Coran, les ahadith et la Sira32 ), vise à rendre presque impossible la neutralisation du guerrier « islamikaze » qui « aime la mort plus que la vie » et qui la perd pour faire parler de sa religion à travers la médiatisation de son acte atroce sciemment mis en scène. Le message des jihadistes « héroïques »33 , amoureux de la mort et à la recherche du combat total, qui revêt une force psychologique incroyable, est souvent sous-estimé dans nos pays pacifiés et « esclaves de la vie », dixit les jihadistes. Il revient en effet à faire comprendre à nos esprits rationnels qu’à armes égales, celui qui aime faire la guerre sans armures et qui court allègrement vers l’au-delà pour tuer son ennemi est vainqueur… On retrouve là la fameuse allégorie hégélienne du maître et de l’esclave qui donne à la fin l’avantage à celui qui ne craint pas la mort. Parfaitement compris par les publics pacifiques intimidés et abasourdis par ce goût du sacrifice, ce message de la terreur scénarisée subjugue, décontenance et effraie à la fois. Le pouvoir de fascination de cette forme de guerre très archaïque et très moderne à la fois, vient du fait qu’elle réhabilite le guerrier héroïque-martyr sans peur. Celui qui ose combattre corps à corps face à des guerriers occidentaux qui protègent au maximum leurs vies par peur de la perdre et bombardent « lâchement », des populations civiles qui abritent les jihadistes.
L’acte terroriste, qui glorifie le courage des moudjahidines et prétend perpétuer les combats de Mahomet lui-même, vise à produire l’effroi au sein du camp ennemi et à fasciner des âmes rebelles, sachant que la violence sidère ou fascine. Les mutilations insoutenables de corps et de chairs décapités, éventrés, explosés (y compris ceux des terroristes eux-mêmes), par des bombes ou par des armes tranchantes archaïques, intimident et tétanisent plus que toute autre image. Celles-ci sont bien plus difficiles à soutenir pour l’imagination des Occidentaux que les violences virtuelles quotidiennes d’Hollywood et les guerres « propres » qu’ils livrent en dehors de leur sol dans des contrées lointaines. De ce fait, le terrorisme réintroduit à la fois la tragédie de la guerre dans des pays qui ne la croyaient plus possible chez eux, puis la figure archaïque du guerrier barbare. Le jihadisme réintroduit l’humain dans l’action guerrière là où la technologie militaire moderne l’avait totalement évacué, comme la mort d’ailleurs.
La guerre psychologique du jihadisme cherche à démoraliser puis à soumettre l’adversaire par la « promesse du pire » (intimidation). Cette promesse effrayante vise à tuer dans l’œuf toute volonté de résistance ou de contre-agression, phénomène qui fonctionne bien dans les démocraties occidentales culpabilisées où la réponse à chaque attentat réside dans des cérémonies pacifistes, allumages de bougies psalmodiées de professions de foi « anti-islamophobes » et appels à la tolérance. De ce point de vue, les terroristes jihadistes savent exploiter la couverture médiatique en continu dans le but d’obtenir des effets psychologiques efficaces pour leur propagande.
L’universitaire américain spécialiste de la violence politique, Walter Laqueur , a expliqué que « l’acte terroriste en lui-même n’est presque rien, alors que la publicité est tout. Mais les médias constamment en recherche de diversité et de nouveaux angles, font de capricieux alliés. Les terroristes seront toujours inventifs »34 . Selon Laqueur et tous ceux qui ont compris la nature idéologique du terrorisme, il est clair que la recherche de la médiatisation massive de l’ acte violent obéit à une stratégie rationnelle et calculée. Celle-ci ne vise ni plus ni moins que le conditionnement spirituel et idéologique des cibles. Les chercheurs spécialisés dans la violence politique ont également montré que la contagion-publicité obtenue par les terroristes à travers leur acte barbare est mécaniquement relayée par d’autres groupes (potentiellement) terroristes en vertu d’un phénomène macabre mais bien humain et universel qui est celui de l’imitation ou du mimétisme (effet Werther35 ). Les attentats allument la mèche, mais ce sont les médias avides de sensation qui font exploser la bombe, de sorte que « le véritable champ de bataille du terrorisme se situe dans les colonnes des journaux et sur les écrans de télévision »36 . Par la grâce du baptême médiatique, « l’acte terroriste revêt les aspects d’un drame ou d’une représentation théâtrale » tragique. Walter Laqueur appelle ce phénomène de réverbération et d’amplification par les médias « l’effet-écho ». Il précise que « le succès d’une opération terroriste dépend presque entièrement de l’importance de la publicité qu’elle obtient »37 . Cette idée est corroborée par Bruce Hoffman, qui affirme que : « tous les groupes terroristes partagent […] cette particularité : aucun ne commet d’action au hasard ni sans raison. Chacun souhaite qu’un maximum de publicité soit accordé à la moindre de ses actions, et utilise l’intimidation et la contrainte pour atteindre ses objectifs »38 . Du point de vue de la psychologie sociale, l’objectif du terrorisme en tant qu’arme est d’amener l’adversaire-mécréant ou apostat à penser qu’il est en position de faiblesse radicale et qu’il a par conséquent intérêt à se soumettre de façon anticipatoire afin d’être épargné dans le futur (en cessant de blasphémer, de réclamer l’intégration des musulmans, de critiquer l’islam ; en acceptant une partition communautaire sur les bases de l’application de la charià, et en combattant toujours plus « l’islamophobie » à mesure que le jihadisme frappe, etc.).
La raison pour laquelle les pôles mondiaux de l’islam officiel (États et grandes organisations mondiales panislamiques) n’ont pas profité de l’occasion funeste des attentats terroristes pour opérer un aggiornamento , pourtant réclamé depuis des décennies par les intellectuels musulmans modérés39 , réside dans le fait que ces pôles reconnus comme interlocuteurs légitimes des musulmans se distinguent plus des jihadistes par les moyens que par les fins (application de la charià ; restauration de « l’unité des musulmans », donc du Califat). De fait, la réunification de la Oumma au nom d’un projet néo-impérial universel demeure l’objectif affiché des Frères musulmans, de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), dont sont membres 57 États musulmans, et d’autres grandes institutions panislamiques mondiales (Ligue islamique mondiale, ISESCO, précités). Ces lobbies de l’islamisation « soft », qui dénoncent verbalement la violence jihadiste en affirmant qu’elle n’a « rien à voir avec l’islam » et donc nient son existence même, pratiquent de leur côté une politique d’ingérence politique permanente dans les affaires des pays où vivent des musulmans, sous couvert de la « défense de l’islam » et des musulmans « persécutés ». Cet interventionnisme protecteur, en réalité néo-impérial et irrédentiste, se nourrit de la dénonciation d’une « islamophobie » souvent imaginaire40 . Bien que divisés, ces grands pôles de l’islamisation planétaire41 ambitionnent, sous prétexte de « défendre la religion », de contrôler la Oumma islamique dans le monde et en Occident. Les pays européens, que les islamistes feignent de dépeindre en « croisés » alors qu’ils savent que le christianisme y est malmené depuis des décennies de repentance, sont perçus comme des nations perméables à l’islamisation conquérante, dans ses versions soft (prosélytisme) et hard (recrutement de terroristes).
La tolérance à sens unique de ces sociétés ouvertes et leur propension à culpabiliser sont perçues – non sans raisons – comme une vulnérabilité et une faille dans lesquelles le prosélytisme revanchard islamiste peut s’infiltrer sans rencontrer trop d’obstacles. C’est à l’aune de ce constat que l’une des références suprêmes des Frères musulmans, Youssef al-Qardaoui , a décrété il y a des années que l’Europe, habituellement assimilée au « territoire de la guerre » (dar al-Harb ), était devenue une terre de « l’annonce (dar al-dawà ) et du témoignage (dar as-shahada ) puisqu’elle ne faisait plus d’obstacle au prosélytisme islamique depuis qu’elle n’était plus régie par des lois chrétiennes concurrentes. Le fait pour un musulman d’y vivre est donc « licite » pour Qardaoui dès lors que la société d’accueil permet à ce dernier de vivre en conformité avec la charià.
Bien que les Frères-musulmans et autres mouvances islamistes pro-saoudiennes, néo-ottomanes ou autres, savent très bien que les musulmans ne sont pas persécutés dans les démocraties occidentales, la stratégie des lobbies islamistes mondiaux, que nous décrypterons plus loin, consiste à distiller au sein des communautés musulmanes d’Occident, un sentiment de persécution. L’idée est de les pousser à ne surtout pas s’intégrer aux mœurs locales « impies » et laïques, au nom d’un « droit à la différence » et d’un antiracisme dévoyés à dessein. Pour illustrer cette stratégie de « désassimilation », rappelons les propos prononcés en février 2008 par Recep Taiyyp Erdogan , à Cologne, devant 1 600 turco-musulmans d’Allemagne, en réaction à ceux de la chancelière Angela Merkel qui avait réclamé une plus forte intégration des Turcs à la culture allemande : « l’intégration ou l’assimilation est un crime contre l’Humanité »42 . Quand on sait que la vision fondamentaliste de l’islam chère au président turc, lui-même protecteur des Frères-musulmans, est distillée au sein des communautés turques d’Europe depuis les années 2000 (avec le soutien du ministère turc de la religion, Diyanet), et que, depuis juillet 2017, le Conseil français du Culte musulman est présidé par un proche d’Erdogan (Ahmet Ogras), cela laisse augurer du devenir de l’Europe du « vivre-ensemble » tant préconisé par ceux-là mêmes (multiculturalistes) qui sapent ses fondements.
La stratégie de conquête-soumission des suprémacistes islamistes consiste à pérenniser ou créer l’« extériorité » des musulmans puis à les pousser à vivre de façon séparée des « mécréants ». Ce processus de « ghetto volontaire » se nourrit de la contagion paranoïaque, qui permet de pousser les musulmans victimisés à se radicaliser et à se ranger progressivement, par « réaction », sous la bannière protectrice et l’ordre sans frontière de la charià. Les plus extrêmes voient dans le jihadisme l’aboutissement final de cette stratégie de la partition, mais le processus de « désengagement-désassimilation » est assuré en amont par les lobbies islamiques officiels qui « dénoncent » le terrorisme tout en niant sa nature islamiste. L’objectif sécessionniste poursuivi par les pôles de l’islamisme mondial, jihadistes ou institutionnels, est combattu, certes, par les États musulmans nationalistes (Émirats arabes unis, Égypte, Jordanie, Algérie Syrie des Assad, Kazakhstan), qui craignent le nouvel impérialisme vert tourné contre leur souveraineté nationale et appuyé par le Qatar, la Turquie néo-ottomane d’Erdogan, le Pakistan, les Frères musulmans. Toutefois, en dépit des rivalités opposant États et pôles islamistes entre eux dans la lutte pour le leadership musulman mondial, ces pôles ont réussi à rendre une partie des communautés musulmanes d’Occident foncièrement hostile aux pays d’adoption ou de naissance perçus comme « mécréants », « pervers » et « hostiles aux musulmans et à l’islam ». La force mobilisatrice des pôles violents comme non-violents du totalitarisme islamiste consiste à motiver le musulman qui se sent « exclu » à ne plus se conformer aux mœurs et ordres des « infidèles ennemis de l’islam ».
L’idée visant à diffuser au sein des communautés musulmanes un sentiment de persécution, via la thèse obsessionnelle de la dénonciation de « l’islamophobie », est une véritable bombe à retardement géopolitique. Car l’histoire montre que la paranoïa et le revanchisme victimaire sont les carburants des totalitarismes. Le virus hautement contagieux du ressentiment est au centre de toute la propagande islamiste, dans sa version terroriste-jihadiste comme dans sa version institutionnelle. Il est relayé de façon permanente tant par les pôles officiels de l’islam mondial que par les forces islamiquement correctes de la gauche tiersmondiste et du multiculturalisme. Nous nous pencherons plus loin (chapitre V ) sur les motivations idéologiques paradoxales mais bien réelles des penseurs de gauche, d’extrême-gauche et politiquement corrects, qui, bien qu’étant au départ anticléricaux, voire anti-chrétiens, sont fort complaisants envers le suprémacisme islamiste conquérant. En réalité, les lobbies islamistes et leurs étranges alliés « progressistes » sont animés d’une même haine envers la civilisation occidentale. Leur convergence objective ou subjective face à l’Occident judéo-chrétien « croisé » et « bourgeois », dont il convient de saper les fondements dans une logique révolutionnaire, paraît doctrinalement incohérente mais elle est tactiquement logique au nom du principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami »43 .
Et dans l’esprit de l’Occidental culpabilisé, l’idée qui fait son chemin à chaque nouvel attentat jihadiste est que « pour que ces gens puissent commettre des choses si horribles, nous devons leur avoir fait beaucoup de mal et avoir une part de responsabilité ». Il est clair que cette croyance, car c’en est une, est recherchée par les jihadistes qui savent très bien que la culpabilité et la volonté de trouver une excuse aux bourreaux pour expliquer et rationnaliser ce qu’ils nous infligent, est justement le principe du fameux syndrome de Stockholm. La culpabilisation, pratiquée par tous les prédicateurs obsédés par « l’islamophobie » – y compris Daech qui fait tuer ses otages occidentaux après leur avoir fait réciter un texte dénonçant la persécution des musulmans par les Occidentaux – est une véritable arme de guerre psychologique et idéologique44 .
Les terroristes sont experts en manipulation des âmes via les mythes (Al-Andalus, Califat, combats épiques, etc.), les images-forces (vidéo de guerriers menaçants les mécréants ou montrant des égorgements), les symboles (World Trade Center, costumes orange des ex-prisonniers islamistes de Guantanamo endossés par les mécréants chrétiens à exécuter on live, etc.) et leurs slogans, qui véhiculent à la fois du sens (être élus de Dieu) et des archétypes (Oumma-Califat). Dans cette guerre asymétrique, presque impossible à appréhender pour un public occidental habitué à des armées classiques, le terrorisme jihadiste a recours à une catégorisation radicalisante extrêmement efficace. Celle-ci fonctionne en inculquant aux masses, via le message même de l’attentat, une vision du monde manichéenne et polarisante fondée sur les couples antinomiques : mécréants-croyants, héros – traître, martyr – apostat qui acculent à « choisir son camp ». Les termes positifs sont intériorisés facilement par des populations victimisées sommées ainsi de se réislamiser et de se « désassimiler », car ils sont associés à des notions fortement chargées comme la « pureté », la justice, la rédemption, la « vraie foi », la « fidélité à sa communauté », etc. Ces « virus sémantiques » poussent à défendre par réflexe de solidarité sa propre communauté victimisée, et à rejeter celle de l’Autre, diabolisée, dont les jihadistes disent qu’ils « se sont désavoués ». Les termes hautement négatifs, synonymes d’impureté, d’injustice, de « mécréance », « ennemis des musulmans », « mangeurs de porcs », « croisés-sionistes », qui désignent la société non-musulmane finissent par être associés à l’ensemble des non-croyants y compris par des musulmans non-adeptes de la violence. Et ils conditionnent un processus purificateur de « désassimilation ».
Le but est de polariser la société en opposant les musulmans aux non-musulmans, d’où le fait que les pays les plus souvent et massivement frappés par les jihadistes sont, premièrement les pays d’islam, et deuxièmement les pays multiculturels abritant de fortes communautés musulmanes (Chine, Russie, Inde, États-Unis et bien sûr Europe de l’Ouest, France, Belgique, Royaume-Uni, Hollande et Allemagne en premier lieu). Là où les musulmans sont nombreux mais non-majoritaires (Israël, Europe occidentale, Russie, Inde, Chine, Thaïlande, Macédoine, Serbie, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Centre-Afrique), la paranoïa victimaire fonctionnera à plein dès lors que des non-musulmans continueront à « dominer » et donc à « humilier » les « vrais croyants ». Nos sociétés culpabilisées tombent donc à chaque fois dans le piège lorsque des dirigeants, des intellectuels et des médias tentent d’expliquer la violence islamo-terroriste par « l’oppression » des musulmans, l’exclusion des immigrés, « l’humiliation des Palestiniens » et plus généralement « l’islamophobie » qui serait le pire des néo-racismes et dont l’interdiction du voile ou de la burqa seraient la manifestation la plus concrète. A ce titre, on constate que nombre de radicalisés islamistes jihadistes justifient leur franchissement du Rubicon par une réaction à la persécution dont ils feraient l’objet en Occident. Ainsi, Emilie König , la célèbre recruteuse française de Daech partie rejoindre le Califat en Syrie en 2012 puis capturée par les Forces démocratiques kurdes (FDS) de Syrie, début janvier 2017, a assuré, quand elle s’est « désavouée » de la France, que c’est la « persécution » des musulmanes interdites de se couvrir en France qui la motiva à franchir le pas en faisant « allégeance » à Daech . D’où la dangerosité de toutes les théories victimaires vertes ou rouges qui entretiennent pareil sentiment de persécution.
Lorsqu’ils propagent continuellement la paranoïsation des musulmans, les mass media et les censeurs islamiquement corrects n’agissent pas, contrairement à ce qu’ils prétendent, en « amis » des musulmans et en artisans du « vivre-ensemble ». La polarisation-partition entre musulmans et non-musulmans qu’ils suscitent en faisant croire aux premiers qu’ils sont victimes des seconds, prépare au contraire la marginalisation des communautés musulmanes. Elle encourage le processus de partition recherché par les islamistes qui passe nécessairement par une phase cruciale de désidentification et de désengagement vis-à-vis de la société d’accueil « mécréante » hostile par nature.
A l’instar des slogans publicitaires répétés sans fins et savamment étudiés, ces leitmotivs « anti-islamophobes » agissent comme une prophétie créatrice qui finit par persuader l’Occidental auto-diabolisé qu’il est pour quelque chose dans les attaques que lui affligent les jihadistes au nom de la « défense des musulmans ». De même que les spots publicitaires fonctionnent par répétition et par dissémination, les messages terroristes accompagnés par les mea culpa des professionnels de la repentance sidèrent même ceux qui sont horrifiés et qui dénoncent la barbarie. La force d’intimidation-persuasion des attaques jihadistes récurrentes, même de « faible intensité », et la force d’intériorisation corrélative des slogans « padamalgamistes » et « anti-islamophobes » répétés de façon obsessionnelle, encouragent à en commettre toujours davantage. Sur ce point, nul doute que la recrudescence est assurée, d’autant que nos sociétés ouvertes voient affluer sur leur sol des milliers de soldats de Daech « revenants » qui ont été aguerris en Syrie ou en Irak. Et se joignent à eux les futurs jihadistes en sommeil acheminés de façon clandestine depuis la Libye avec la complicité des ONG immigrationnistes ou simplement radicalisés en France par le sentiment de persécution. Les ligues de vertus et lobbies pro-islamiques accusent par ailleurs les États « sécuritaires » qui voudraient dissuader les flux clandestins en Méditerranée ou ailleurs d’être « responsables des morts » en mer et des malheurs des candidats à l’exil persécutés dans les États-faillis. Enfin, s’il est vrai que la « propagande par l’acte » terroriste fascine et ne séduit de façon consciente que les psychopathes potentiels et les revanchards qui existent dans toute société et qui cherchent n’importe quel prétexte pour défouler leur haine, les jihadistes intimident et subjuguent, de façon inconsciente, ceux qui adhèrent à la victimisation des musulmans et qui croient que le jihadisme serait une « réaction » à « l’exclusion » des musulmans.
D’évidence, la médiatisation continuelle de la terreur recherchée par les jihadistes n’a pas déclenché dans nos sociétés culpabilisées une mise à l’index des préceptes présentés comme sacrés et légaux qui justifient l’intolérance et la violence islamistes. Elle n’a pas culpabilisé les lobbies islamiques communautaristes qui ont au contraire hurlé à la recrudescence de « l’islamophobie » sous prétexte que des médias ou des politiques oseraient associer islam et violence. La multiplication des actes terroristes commis au nom de l’islam n’a pas non plus déclenché en Occident une attitude de discrétion de la part des activistes islamistes, même les plus surveillés et subversifs (exceptés les jihadistes acculés à la clandestinité). La barbarie jihadiste n’a pas provoqué une réaction de remise en question de la part des associations musulmanes officielles majoritairement intégristes en charge de la représentation de l’islam. Ces dernières n’ont au contraire eu de cesse de hausser le ton, de se poser en victimes, de fustiger, comme les jihadistes, « l’islamophobie » des États occidentaux, surtout de la France « laïcarde », puis de convaincre leurs ouailles qu’elles sont les « vraies » victimes du terrorisme. La violence terroriste servirait si bien la stratégie des « ennemis de l’islam » selon eux qu’elle serait probablement le fruit d’une « conspiration occidentalo-américano-sioniste ». On retrouve cette idée dans la rumeur, très populaire, lancée par les Frères Musulmans du Hamas palestinien, selon laquelle les attentats du 11 septembre 2001 seraient le fruit d’un complot du Mossad et de la CIA.
Ainsi, le 13 septembre 2001, deux jours après les attentats, le journal jordanien Al-Doustour titrait : « Ce qui s’est passé est le travail du sionisme juif américain et des sionistes qui contrôlent le monde économiquement, politiquement et par les médias ». Le 17 septembre, un journaliste de la chaîne libanaise du Hezbollah al-Mannar annonçait que « 4 000 Juifs n’étaient pas venus travailler au World Trade Center » le 11 septembre car ils avaient été « avertis » par le Mossad de l’imminence de l’attaque perpétrée par les services israéliens. La rumeur fit le tour du monde, du Caire à Riyad, en passant par Islamabad et Téhéran, sans oublier la chaîne d’info Al-Jazira pourtant liée à un « État ami » de l’Occident : le Qatar. Plus près de nous, dans les « banlieues de l’islam de France », la thèse de l’invention des attentats attribués aux jihadistes par les services de sécurité français et occidentaux rencontre un succès croissant à chaque attaque terroriste. Répertoriés par Conspiracy Watch, qui recense les théories du complot sur internet, ces théories ont explosé le jour du 11 septembre puis sont réapparues en 2012 lors des attentats perpétrés par Mohamed Merah . Le soir du 13 novembre 2015 (attentats du Bataclan), l’idée du « false flag » (« opération à faux drapeau »), venue des États-Unis, a été relancée par les islamistes français pour tenter de prouver que ces attentats auraient été organisés ou permis par les forces de l’ordre des États occidentaux dans le but de « faire porter le chapeau aux musulmans ». Ainsi, de Mohamed Merah aux frères Kouachi ou Salah Abdeslam , de Charlie Hebdo au Bataclan, l’idée que les services secrets occidentaux auraient organisé ces attaques pour « faire porter le chapeau » à la communauté musulmane et justifier contre eux une politique « répressive » (Patriot act à la française) convainc nombre de jeunes et séduit tous ceux qui veulent disculper l’idéologie islamiste. Le site Panamza , fondé par l’activiste Hicham Hamza, comme celui de l’intellectuel frère-musulman égypto-suisse, Hani Ramadan , frère de Tariq Ramadan , ont largement diffusé ces thèses45 , de sorte que d’après Conspiracy Watch, « Un jeune sur cinq adhère à la théorie du complot […]. Une partie de la population française est en sécession »46 .
Afin de prendre la mesure de cette convergence d’objectifs de guerre de l’islamisme officiel et de la minorité jihadiste, nous ferons dans un premier temps un tour d’horizon des grandes organisations islamiques mondiales et européennes (« pôles de l’islamisation ») qui entreprennent depuis des décennies de criminaliser la critique de l’islam puis de faire plier les pays musulmans trop sécularisés et les démocraties occidentales. Nous décrirons en particulier, textes à l’appui, la stratégie de mobilisation et de subversion déployée par de très « respectables » organisations panislamistes mondiales (Ligue islamique mondiale ; Organisation de la Coopération islamique ; l’ISESCO, etc.), pour intimider ou influencer les gouvernements occidentaux, les institutions des Nations unies ou de l’Union européenne, dans le cadre d’un plan visant à faire triompher l’exceptionnalisme islamique, c’est-à-dire une vision néo-impériale et conquérante de la religion vue comme une « nation théocratique ». Des institutions paneuropéennes tout aussi prestigieuses, comme le Conseil de l’Europe ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ont également légitimé ces dernières années l’usage du terme « islamophobie », souvent mis au même niveau que la xénophobie et l’antisémitisme parmi les maux à combattre par les conférences des Nations-unies sur le racisme47 .
Nous terminerons notre essai avec l’analyse du mythe fondateur du suprémacisme islamique moderne : le thème de l’âge d’or de « l’islam andalous » et de la « supériorité » de la « science arabo-islamique » sur l’Occident chrétien. Ce mythe commun aux milieux tiersmondistes, aux multiculturalistes et aux islamistes conquérants mérite un traitement particulier, car il est au cœur même de la propagande islamiste. Non seulement celle des groupes jihadistes mais aussi celle des pôles « modérés » ou « institutionnels » de l’islam mondial. Tous deux adhèrent à la vision néo-impériale visant à conquérir et islamiser l’Europe par l’évocation continuelle d’un âge d’or islamique européen indépassable dont le cœur aurait été l’Espagne arabo-musulmane, aux côtés de la Sicile islamique et des Balkans ottomans. Ces « territoires perdus » de l’islam et des califats passés, pleurés d’Islamabad à Rabat en passant par l’Arabie saoudite ou la Turquie, sont mobilisés par tous les propagandistes islamistes. Les discours dithyrambiques des islamistes et des multiculturalistes islamophiles – qui vantent la merveille des empires musulmans ayant dominé l’Europe, alors qu’ils ne cessent de dénoncer les croisades et la colonisation européennes – font ainsi échos aux discours irrédentistes des jihadistes d’Al-Qaïda, de Daech ou d’autres qui annoncent constamment que l’un de leurs buts de guerre est la « récupération » d’Al-Andalus, de la Sicile, des Balkans ottomans et de tout territoire qui fut jadis dominé par le Califat48 .
1 . Lawrence Bruce, Messages to the World : The Statements of Osama Bin Laden, London / New York 2005.
2 . « Dutch Government must be held accountable over Fitna ». Hizb ut-Tahrir . April 4, 2008. Retriever March 4, 2009.
3 . Dans le corpus islamique classique, le jihad a un sens tout d’abord guerrier, mais également subversif (ruses de guerre, prédication, prosélytisme : le « jihad par la langue » ([al-jihâd bil-lisân ]) désigne l’obligation de « promouvoir la vertu et de prévenir le vice » (al-Amr bi-l-marum wa-l-nahî‘an al-munkar ). Voir sur le sujet du jihad et de la guerre dans les hadits et la Sunna, l’annexe I en fin d’ouvrage.
4 . Cité par Rochdy Alili, Qu’est-ce que l’islam ?, Paris, La Découverte & Syros, 2000, p. 323.
5 . Cf. Alexandre del Valle, Le totalitarisme islamiste , 2002, Les Syrtes ; Les Vrais ennemis de l’Occident , 2016, Éditions du Toucan.
6 . Cf. Mitchell et Gilles Képel, « Les Frères musulmans », in Histoire , no 26, septembre 1980.
7 . Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, auteurs de l’attentat du 26 juillet 2016 contre le prêtre Jacques Hamel égorgé dans son église.
8 . Cité in Romain Caillet, Pierre Puchot, Le combat vous a été prescrit, Stock, 2017, pp. 278-279.
9 . Hadith : in Sahih Muslim , Chapitre : Jihad , no 3276. « […] montrez de l’endurance et sachez que le Paradis est à l’ombre des sabres ». Puis l’Envoyé ajouta : « Ô mon Seigneur ! Toi qui as révélé le Livre Saint, qui as fait courir les nuages au ciel, qui as mis les Coalisés en déroute, mets l’ennemi en déroute et apporte-nous la victoire sur eux ! ». Voir annexes II et III sur la violence légale et le jihad guerrier dans le Coran, la Sunna-Hadith et la Sira .
10 . Qutb a théorisé l’idéologie du Tawhid Hakimiyya (« unicité divine dans l’autorité politique »), selon laquelle un « vrai » État musulman ne reconnaît que l’autorité de Dieu. De sorte que tout État qui reconnaît des lois non-divines est « tyrannique » au sens de l’arabe « taghout » (« tyran-idole »). Qutb a aussi systématisé la notion de takfir, ou excommunication des mauvais musulmans. Son ouvrage majeur, Ma’alim fi tarîq (1964, « Jalons sur la route / Signes de piste »), est la référence suprème du jihadisme.
11 . Rappelons que bien qu’étant palestinien d’origine, Azzam a totalement délaissé la cause des Palestiniens qu’il trouvait exclusivement nationaliste et donc « impie », au profit d’un « jihad global » et de l’internationale islamiste, qu’il achèvera en Afghanistan mais non sans avoir travaillé auparavant pour les autorités saoudiennes et en se référant toujours non seulement à Hassan al-banna et ax Frères, mais aussi à Ibn Taimiyya, référence suprême du salafisme et du courant hanbalite officiel (4e école juridique officielle du sunnisme) qui avait élevé le jihad au rang de pilier fondamental de la « foi » et que les autorités de l’islam sunnite n’ont jamais mis à l’index.
12 . Benyettou citait aussi beaucoup un « savant » salaf des XIV-XV e siècles, Ibn Hajar Al-Asqalani, auteur du traité de ahadith Boulough al-Maram , qui aborde notamment la question du jihad . Dans son dernier ouvrage fort instructif et détaillé, L’État islamique pris aux mots, Armand Colin, Paris, 2017, l’universitaire française Myriam Benraad explique bien que les djihadistes se voient eux-mêmes comme « les gens du vrai » (« ahl al-haqq », en arabe).
13 . On peut ajouter à ce tableau l’Iran de la révolution islamique chiite de l’Ayatollah Khomeiny , aujourd’hui entré dans une guerre de concurrence avec les pôles sunnites pour le leadership de l’islamisme mondial, mais la différence, de taille, est que sur le sol européen, l’islamisme chiite révolutionnaire n’a presque aucune activité prosélyte et n’a que très peu d’influence sur les masses musulmanes issues de l’immigration qui sont reprises en main par les pôles sunnites.
14 . Cf. Magdi Cristiano Allam , Mahometo e il suo Allah , MCA Communicazione-Il Giornale , Milano, 2017. Voir aussi Magdi Allam, préface du livre d’Alexandre del Valle, Rossi, Neri, Verdi, l’alleanza degli estremismi opposti anti-occidentali, Torino, Lindau, 2010.
15 . https://www.infocatho.fr/bangladesh-des-manuels-scolaires-modifies-pour-les-rendre-plus-conformes-a-un-contenu-islamiquement-correct/ .
16 . D’après un rapport publié en janvier par le Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council , l’année 2016 comptabilise 1 471 incidents violents à l’encontre des minorités, contre 262 répertoriés en 2015. Les atrocités ont culminé le 1er juillet 2016, lors de l’attaque d’un café-restaurant de Dacca qui a fait 22 victimes, dont 18 étrangers.
17 . Rasheda K. Choudhury, défenseure des droits de l’homme et experte dans le domaine éducatif.
18 . In, Le journaliste américain d’investigation Daniel Greenfield, responsable du Freedom Center, a publié une intéressante liste des dix pays les plus dangereux au monde (« 8 out of 10 most dangerous countries in the world are muslims, https://www.frontpagemag.com/point/167229/8-out-10-most-dangerous-countries-world-are-muslim-daniel-greenfield .») en proie au chaos, à la guerre civile, au terrorisme islamiste ou à la répression, ceci afin de mettre en garde les touristes. Il en ressort que 8 de ces pays les plus dangereux au monde sont des pays musulmans : 1 / Pakistan (terrorisme et persécutions anti-chrétiennes d’État) ; 2 / Soudan (génocides, esclavage, guerres tribales et terrorisme) ; 2 / Liban (Hezbollah) ; 3 / Syrie (terrorisme et guerre civile) ; 5 / Yémen (guerre civile ; guerres tribales et terrorisme puis conflits chiites / sunnites) ; 6 / Ouzbekistan (dictature communiste et islamisme radical) ; 7 / Iran (révolution islamique, dictature et conflits inter-ethniques potentiels) ; 8 / Algérie (répression et surtout jihadisme au sud et dans les montagnes). On peut ajouter à cette liste de pays musulmans, 9 / l’Iraq (conflits chiites / sunnites et jihadisme) ; 10 / la Somalie (guerre civile et terroristes islamistes puis piraterie) ; 11 / l’Arabie saoudite (terrorisme au sud voisin du Yémen et persécutions des non-musulmans) ; 12 / le Nigeria (guerre civile larvée, conflits musulmans / chrétiens et terrorisme de Boko Haram), 13 / l’Afghanistan (Talbans, Al-Qaïda contre l’État), 14 / le Bengladesh (persécutions des minorités et des apostats et attentats terroristes) ; puis des régions de 15 / l’Indonésie de la 16 / Malaisie, puis de 17 / l’Égypte, où les chrétiens sont de plus en plus persécutés.
19 . Abdel Razeq , Abou Zeid, Taha Hussein, etc., voir Conclusion.
21 . « Haine sur internet : Mohamed Sifaoui pris pour cible », Huffington Post , 1er juillet 2015.
22 . Cf. Emmanuel Todd , Qui est Charlie, sociologie d’une crise religieuse, Seuil, 2015.
23 . Juan Gasparini, Vann, Carole, « Diffamation des religions : comment le forcing égyptien a échoué devant l’ONU », Genève, Le Temps, 2 octobre 2012.
24 . Cf. Pierre Conesa, La Propagande de Daech, document PDF, http://www.fmsh.fr/sites/default/files/rapport_propagande_bdef.pdf .
25 . Scott Atran : « Daech n’a pas commandé les attentats de Paris et Bruxelles », http://plus.lesoir.be/120365/article/2017-10-20/scott-atran-daesh-na-pas-commande-les-attentats-de-paris-et-bruxelles
26 . Cité in Romain Caillet, Pierre Puchot, Le combat vous a été prescrit, Stock, 2017, pp. 233-234.
27 . Dans son ouvrage La propagande dans tous ses états , Flammarion, 1981, p. 1981, p. 8, Jean-Paul Gourévitch explique ainsi que « Ces frontières naturelles que l’étymologie a fixées entre propagande et publicité peuvent-elles aujourd’hui servir de ligne de démarcation entre ces deux domaines ? La réponse est non . »
28 . Sur ce point, voir la conclusion de ce livre qui évoque la polémique autour de l’Université sunnite d’Al-Azhar, du Caire, qui s’est refusée à excommunier les jihadistes alors qu’elle a excommunié de nombreux libéraux et réformistes anti-islamistes et anti-jihadistes.
29 . Dans les années 1980, la mère d’Abou Moussab al-Zarqaoui, inquiète que son fils soit devenu un caïd délinquant et consommateur de drogue et d’alcool, l’envoie dans une école coranique de Zarka (sa ville natale en Jordanie) pour le « remettre dans le droit chemin ». Il en ressortira très pieux mais très radical puis se retrouvera à la fin des années 1980, dans les mains de l’imam jihadiste d’Al-Qaïda al-Magdissi, en Afghanistan.
30 . Tout comme l’expérience célèbre de Milgram, celle de Zimbardo, psychologue américain, dite « expérience de Stanford », montre les mécanismes de l’obéissance à une institution. Il prouve que les hommes agissent en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés, et non suivant leurs propres personnalités. Ceci peut pousser n’importe qui à commettre des actes atroces et sadiques en situation de légitimation par l’autorité de référence.
31 . Ariane Miéville, La propagande par le fait. Syndicalisme, anarchisme et anarcho-syndicalisme en débat au Congrès Anarchiste d’Amsterdam en 1907 , in pelloutier.net, 2006.
32 . La Sira est le texte sacré musulman, le 3ème après le Coran divin et les ahadith , qui relate la vie de Mahomet.
33 . L’ouvrage de Myriam Benraad précité (L’État islamique pris aux mots, 2017) montre bien comment les vidéos publiées par les organes médiatiques de Daech diffusent avec un haut degré de stylisation l’ultraviolence et mettent en scène les combattants héroïques jihadistes dans des paysages magnifiés qui s’opposent de la sorte radicalement au monde extérieur sale et « vide de Dieu » (Dar al-islam , cf. p. 125). Le message jihadiste consiste à persuader le futur membre que son allégeance totale au groupe lui permettra de réaliser pleinement sa mission de « vrai croyant ».
34 . Walter Laqueur , Terrorism, Londres, Weidenfeld and Nicholson, 1977, p. 223. On peut dire d’une autre manière, que les médias sont largement instrumentalisés par les terroristes tantôt à leur insu tantôt avec leur complicité.
35 . Alexandre del Valle, « Décryptage de Saint Etienne de Rouvray et enchaînement des attentats : quelle part doit-on accorder au mimétisme chez les individus désaxés … ? », http://www.atlantico.fr/decryptage/saint-etienne-rouvray-et-enchainement-attentats-quelle-part-mimetisme-chez-individus-desaxes-quelle-part-succes-strategie-etat-2775752.html .
36 . In , P. Mannoni, 2006, pp. 72-74.
37 . Walter Laqueur , The Terrorism Reader : A Historical Anthology, Wildwood House, 1979, p. 69-120.
38 . Bruce Hofman, La mécanique terroriste, Calman-Levy, 1999, p. 160.
39 . Abd El-Razeq, Taha Hussein, Abou Zeit, Abd El-Halim Mahmoud, Malek Chebel, Leila Babès, Abdelwahhab Medeb, Abnelnour Birtar, Souheib et Ghaleb Bencheikh, Mohamed Charfi , Fereydoun Oveida, etc., cf. Conclusion.
40 . Cf. Hakim El Karoui , L’islam, une religion française, Gallimard, 2017.
41 . Organisation de la coopération islamique ; Ligue islamique mondiale ; Frères musulmans ; autres associations homologues pilotées par des États « amis de l’Occident comme la Turquie néo-ottomane d’Erdogan, le Pakistan co-parrain d’Al-Qaïda et créateur des Talibans afghans, le Qatar protecteur des Frères musulmans et, bien sûr l’Arabie saoudite promotrice du wahhabisme-salafiste.
42 . « L’assimilation est un crime contre l’humanité », déclara Tayyip Erdogan, à Cologne, le 11 février 2007, http://pointdebasculecanada.ca/turquie-erdogan-aux-turcs-dallemagne-lassimilation-est-un-crime-contre-lhumanite/ .
43 . On retrouve ici la distinction stratégie-tactique définie par Clausewitz et magistralement rendue par Raymond Aron dans son ouvrage polémologique majeur, Penser la guerre , Clausewitz, tome I : L’âge européen, Paris, Gallimard p. 83, 1976, p. 83.
44 . Alexandre del Vale, Le complexe occidental, petit traité de déculpabilisation , Paris, Le Toucan, 2014.
45 . Http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/08/30/01016-20150830ARTFIG00130-de-qui-se-moque-t-on-le-frere-de-tariq-ramadan-critique-les-heros-du-thalys.php?redirect_premium .
46 . Hani Ramadan , directeur du centre islamique de Genève (qui a pignon sur rue depuis cinq décennies), a repris l’imaginaire complotiste en définissant le nouvel ordre mondial de « Dajal ». En réaction à l’attaque avortée du Thalys Paris-Bruxelles, en août 2015, il avait publié un texte sur son blog hébergé par le quotidien La Tribune de Genève, où il dénonçait l’« impérialisme américano-sioniste ». Variante extrême de la stratégie victimaire, le complotisme permet de justifier a priori l’action terroriste qui ne servirait qu’à « stigmatiser les musulman », tout en niant l’acte terroriste attribué au camp victime.
47 . L’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, déclara à cet effet, en 2009 que « le racisme peut aussi s’exprimer de manière moins formelle comme la haine contre un peuple ou une catégorie particulière comme l’antisémitisme, par exemple, ou plus récemment l’islamophobie », cf. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/20/l-islamophobie-est-elle-punie-par-la-loi_4559911_4355770.html#sKRfOoEvA1YtMcjx.99 .
48 . Alexandre del Valle, Le totalitarisme islamiste à l’assaut des démocraties, Les Syrtes, Paris, 2002.