E’TESÂMI, Parvine [TABRIZ 1907 - QOM 1941]

Poétesse iranienne.

Née d’un père lettré et d’une mère de haute lignée, Parvine E’tesâmi baigne dès l’enfance dans une atmosphère particulièrement propice au développement de ses dons ; il semblerait qu’elle ait composé ses premiers poèmes vers l’âge de 8 ans et étonnait son entourage par sa connaissance approfondie de la poésie classique persane dont elle avait appris par cœur des pans entiers, avec une prédilection toute particulière pour la poésie mystique. Elle fréquente le lycée américain pour jeunes filles où elle enseignera par la suite la littérature anglaise deux années durant avant de se consacrer entièrement à la poésie. Comme son père refuse qu’elle publie tant qu’elle n’est pas mariée, elle épouse un cousin officier, dont elle divorce un an plus tard pour revenir vivre sous le toit paternel. En 1935, son premier recueil, Divân (« recueil de poèmes »), est favorablement accueilli par ses pairs et par la critique, qui voient en elle « une étoile au ciel de la poésie persane » ou la « princesse des poètes ». Cependant, la mort de son père, peu de temps après, la plonge dans un profond chagrin et elle refuse toute nouvelle publication. Elle meurt à l’âge de 34 ans, des suites d’une typhoïde. Elle est l’héritière de la grande tradition de poésie morale persane. Dans un style vigoureux et clair, très classique dans sa forme et son expression, elle dénonce les injustices sociales, les travers moraux de la nature humaine et prône un idéal humaniste fondé sur une compassion universelle pour tous les êtres vivants. Malgré cet aspect didactique qui se déploie d’ailleurs dans un art maîtrisé de la narration courte, il y a dans son œuvre une fraîcheur qui lui est propre et fait d’elle une voix singulière dans l’histoire de la littérature persane.

Leili ANVAR

SAFÂ Z. (dir.), Anthologie de la poésie persane, Paris, Gallimard/Unesco, 1987.

FARZANEH M., Veils and Words : The Emerging Voices of Iranian Women Writers, Syracuse (New York), Syracuse University Press, 1992.

ETHELME, Ellis VOIR WOLSTENHOLME-ELMY, Elizabeth Clarke

ETHNOLOGIE ET COLONISATION [Algérie XXe siècle]

L’ethnologie n’a pas toujours eu bonne presse dans les milieux engagés des sciences sociales à cause du lien établi avec le pouvoir colonial. On en veut pour preuve la création, en 1922, d’une académie des sciences coloniales par Édouard Daladier (ministre des Colonies du Cartel des gauches) qui, en 1924, déclarait que « seule une étude scientifique des races et des peuples, de leurs coutumes et de leur histoire, pouvait vraiment assurer à notre administration coloniale la souplesse et la force qui lui sont indispensables pour accomplir l’effort colonisateur ». Cette politique a marqué les consciences et influencé des esprits aussi éclairés et engagés que ceux de Marcel Mauss ou Jacques Soustelle, futur gouverneur de l’Algérie en 1955. En pareille situation, il est difficile à l’ethnologue de s’extraire du terrain, puisqu’il est soumis à des bouleversements violents émanant des politiques menées par son propre pays colonisateur, d’où cette accusation manifeste ou voilée dans le discours ethnologique. Cette perception a continué de prévaloir dans les pays anciennement colonisés et dans le champ scientifique français, en particulier dans les années 1950 où elle a atteint son paroxysme avec L’Afrique fantôme, de Michel Leiris, qui s’interrogeait sur la place de l’ethnologue dans les pays colonisés et sur la validité de l’enquête ethnographique par rapport aux populations étudiées. On assiste donc à une division de l’espace scientifique en science « pure » et science « impure », la première se revendiquant d’une science et d’une rationalité coupée de la conjoncture sociale et politique et la seconde de la même démarche avec un engagement manifeste auprès des dominés. La recherche se veut proche des réalités sociales et économiques des populations, surtout à ce moment précis où l’heure de la décolonisation a sonné. Il est cependant faux de croire que les rapports de force entre colonisateurs et colonisés sont homogènes et de même nature à toutes les périodes de l’histoire. Dans la pratique, on observe une hiérarchie au sein des terrains et des populations étudiées. Même en période coloniale, la doxa opérait des distinctions entre les disciplines et entre les thématiques : d’un côté, les objets légitimes et dignes d’analyse ; de l’autre, les objets stigmatisés pour des raisons idéologiques et qui vont être associés à l’histoire de leur « émergence ». Comment dissocier le monde touareg du père Charles de Foucauld et celui de l’Aurès de Germaine Tillion* ?

Une autre division enfin est à prendre en considération. Dans cet univers caractérisé par des rapports de domination fondés sur la discrimination raciale, il y avait également une discrimination sexuelle qui allait tellement de soi qu’il ne venait à l’esprit de personne de la mettre en question. Ainsi, des groupes entiers (Chaouia, Mozabite…) ne vont pas figurer dans la nomenclature des objets ethnologiques car considérés comme des minorités devant disparaître du panorama national de certains pays. D’autant plus si ces minorités sont étudiées par des femmes auxquelles on dénie précisément la qualité d’intellectuelle, susceptible d’être différente de celle de la doxa. Telle est la situation qui a prévalu en Afrique du Nord et qui explique pourquoi des chercheuses de la première heure telles que Mathea Gaudry (La Femme chaouia de l’Aurès, 1929), Amélie-Marie Goichon (La Vie féminine au Mzab, 1927), Germaine Laoust-Chantréaux (La Kabylie côté femmes, 1990), Dominique Champault (La Naissance à Tabelbala, 1953), G. Tillion (Le Harem et les Cousins, 1966 ; Il était une fois l’ethnographie, 2000) ne sont pas ou très peu connues du grand public alors qu’elles ont été de véritables pionnières en ethnologie à un moment très critique de l’histoire de ces régions (colonisation et parfois guerre de libération), sans compter les difficultés auxquelles elles ont été confrontées au sein de leur propre société.

Enquêter dans le bled en privilégiant la vie des femmes, décrire de l’intérieur cette société en mettant en évidence ses modes spécifiques de fonctionnement relève d’une véritable audace. Dans le contexte de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, l’univers féminin est très mal ou pas du tout connu, car le plus souvent chasse gardée d’auteurs masculins qui se sont attachés à décrire les rapports hommes-femmes à partir d’une seule règle : la loi islamique ou droit coutumier. Cette position d’assujettissement des femmes indigènes est exploitée pour renforcer la domination coloniale porteuse de la mission civilisatrice de la France. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, à cette même période il est souvent fait abstraction du fait colonial, comme si les rapports hommes-femmes se manifestaient dans un monde atemporel et que seuls les hommes dominants, défenseurs de l’ordre colonial, étaient autorisés à l’analyser. Les femmes ethnologues et les hommes indigènes – associés aux dominés – sont par définition exclus de porter un quelconque regard sur l’univers des femmes. Ce malaise évident ne découragera pas les ethnologues, françaises d’abord et algériennes ensuite, de continuer à enquêter dans le monde rural et plus particulièrement dans ces régions discriminées par le pouvoir central qui accusent l’ethnologie d’être fille de la colonisation… Héritage lourd auquel s’ajoutent les obstacles mis par les idéologies nationalistes prônant l’homogénéité d’un monde arabe dont les bases culturelles seraient fondées sur l’islam et sur la seule langue arabe au détriment de variantes de parlers et de pratiques culturelles plurimillénaires. Camille Lacoste Dujardin, Fanny Colonna, Marie Virolle, Jeannine Drouin, Hélène Claudot Hawad continueront pourtant à témoigner de ces situations et pratiques non reconnues. C’est dans le sillage de ces dernières que viendra s’inscrire la génération des chercheuses algériennes des années 1980, Nedjima Bidou, Nadia Mecheri, Dahbia Abrous, Farida Ait Ferroukh, qui ont en commun l’appréhension de l’univers des femmes dans les minorités linguistiques.

Au sein de cet éventail, seules quelques-unes, au prix d’une lutte effrénée, acquièrent une visibilité et, parmi elles, seule G. Tillion se distinguera, en raison sans doute de son vécu de résistante et d’un discours intellectuel exceptionnel en situation de guerre. Pour avoir eu l’audace de travailler sur des femmes dans des groupes minorés, les premières ethnologues sont ainsi tombées dans l’oubli, comme si elles avaient à porter à elles seules le poids de la colonisation et de ses dérives. Cette mise à l’index constitue une véritable amputation pour la mémoire des populations étudiées et prive la recherche scientifique d’un travail rigoureux. L’édification d’une histoire de l’ethnologie dans les pays colonisés est une nécessité qui doit tenir compte de l’apport de ces ethnologues femmes, car leurs travaux font partie de l’histoire des femmes dans sa totalité.

Tassadit YACINE

ETHNOMUSICOLOGUES [depuis le XVIIIe siècle]

L’ethnomusicologie collecte, analyse et discute un répertoire ou un phénomène musical dans un contexte socioculturel. En musique, le statut des femmes se définit souvent en fonction d’un répertoire, en particulier les musiques intimes comme les berceuses et une bonne partie du répertoire chanté autour de l’enfance. Les femmes sont, sur le plan instrumental, rarement sur le devant de la scène sauf dans certaines régions comme en Asie orientale où leur rôle est particulièrement valorisé.

Le cinéma « ethnomusicographique » et la réalisation de disques, tout en faisant partie d’une démarche de création artistique, permettent une diffusion large et directe de la réflexion. Le disque constitue parfois un témoignage unique, comme celui de Véronique de Lavenère : Laos, Molams & Mokhènes, chant et orgue à bouche. Une recherche d’exhaustivité et d’accessibilité des discours s’épanouit aujourd’hui dans la création multimédia. Suzanne Fürniss a ainsi mis en place en 2004 un site Internet présentant toutes les étapes d’un rituel de circoncision chez les Baka occidentaux du Cameroun. Dana Rappoport propose un livre-DVD sur les musiques toraja, qui permet d’accéder à un fonds immense d’archives multimédias. Enfin, les ethnomusicologues s’associent de plus en plus à la présentation d’artistes sur scène ; des associations issues du monde de la recherche pratiquent une politique d’ouverture et de lisibilité des savoirs (association EthnomusiKa).

Les contours de la discipline ont mis un siècle à se dessiner et, au-delà des différentes écoles de pensée et des choix épistémologiques, l’ethnomusicologie semble se stabiliser. Dans les années 1950 naîtront des espaces scientifiques consacrés à la « musicologie comparée », stimulés par l’enregistreur et ses rapides développements techniques. Aujourd’hui, il existe plusieurs laboratoires de recherche et des sections ethnomusicologie dans de nombreuses universités, hébergées par les départements de musicologie ou d’anthropologie.

À la création du musée national des Arts et Traditions populaires en 1937, Claudie Marcel-Dubois prend en charge la phonothèque et le « service d’ethnographie musicale », rebaptisé dans les années 1950 « département d’ethnomusicologie ». Les femmes, peu présentes jusque-là, vont rapidement se distinguer dans cette discipline. Américaniste, Simone Dreyfus-Roche est à l’origine des premiers enregistrements et analyses du répertoire des cérémonies de candomblé à Bahia au Brésil, puis Suzanne Bernus lui succède à la direction du département d’ethnomusicologie du musée de l’Homme. Geneviève Dournon, membre honoraire du Centre de recherche en ethnomusicologie (Crem), ethnomusicologue autodidacte, publie un Guide pour la collecte des instruments de musique traditionnelle (1996) devenu incontournable. En 1985, elle crée le salon de Musique, une salle dédiée à l’ethnomusicologie au musée de l’Homme, qui va jouir d’un grand succès. Spécialiste des musiques himalayennes, musicologue de formation et directrice de recherches au CNRS, Mireille Helffer est un pilier de l’enseignement de l’ethnomusicologie à Nanterre. Nommons encore Monique Brandily, membre honoraire du Crem et spécialiste des régions Tchad et Libye, ou encore Monique Desroches, première personne à avoir obtenu un poste de professeur d’ethnomusicologie à l’université de Montréal. La jeune génération se distingue admirablement par ses méthodes innovantes, particulièrement S. Fürniss et D. Rappoport – l’une spécialiste des musiques pygmées, la seconde des musiques austronésiennes d’Indonésie – au CNRS. En dehors du territoire français, citons notamment Rulan Chao Pian et Helen Rees (Harvard), Judith Becker (université du Michigan) ou encore Ellen Koskoff (université de Pittsburgh).

L’ethnomusicologie actuelle semble être majoritairement constituée de femmes. En revanche, pour la direction de tous les autres domaines de la musique (spectacles, artistes, métiers de la culture), le constat est inverse. Deux études réalisées par Reine Prat pour le ministère de la Culture (Mission égalités dans le secteur du spectacle vivant, 2006 et 2009) nous apprennent que 80 % des entreprises du secteur institutionnel sont dirigées par des hommes, dont 85 % pour le secteur musical, 97 % des compositeurs des musiques entendues sont des hommes et 94 % des orchestres sont dirigés par des hommes. Les inégalités dans le monde de la musique sont encore fortes, mais les femmes prennent place et créent, leurs œuvres et travaux s’imposent, malgré les résistances qu’elles affrontent.

Elise HEINISCH

ÉTIENNE, Marie [MENTON 1939]

Poétesse française.

ETOKÉ, Nathalie [PARIS 1977]

Romancière camerounaise.

Originaire du Cameroun, Nathalie Etoké enseigne aujourd’hui la littérature francophone aux États-Unis. Son écriture touche les jeunes car elle s’intéresse précisément à leur condition. Ses mots décrivent les odeurs et les sensations d’un continent où pèsent le chômage, la maladie et la faim. L’écriture de N. Etoké est cependant optimiste, au sens propre du terme. On y perçoit la volonté d’imaginer une Afrique dynamique, une Afrique debout, qui sourit à ses enfants. Son premier roman, Un amour sans-papiers, raconte l’histoire d’une étudiante camerounaise, passionnée par la politique et par la situation sociale des Africains en France. Amoureuse d’un résident illégal, la narratrice est prise entre son histoire d’amour et les histoires de sans-papiers. Cherchant à dénoncer le monde des « damnés de la terre », N. Etoké nous fait découvrir un univers où l’impuissance enrage ceux que l’action sollicite.

Je vois du soleil dans tes yeux se situe au cœur de la modernité et décrit le désespoir des jeunes filles conduites à se prostituer avec « le Blanc ». Ce dernier constitue pour elles une voie de sortie, qui très vite se révèle sans issue. À 19 ans, Wéli, le personnage principal, rêve comme toutes les autres jeunes filles de son âge de quitter l’Afrique pour se donner les moyens de mieux vivre. Elle rencontre Ruben, un jeune rasta, dont elle tombe amoureuse. Ce nom est un émouvant rappel du roman de Mongo Beti, Remember Ruben (1974), personnage emblématique de la lutte anticoloniale camerounaise. Ruben se bat ici pour que les jeunes puissent vivre avec fierté dans leur pays. Wéli se retrouve finalement en France, mais elle n’aime pas la vie française, trop artificielle pour elle. Elle revient à la source pour continuer le combat qu’elle avait commencé avec son ami qui a fini par perdre la raison. Avec ce roman, N. Etoké nous renvoie à la question de l’engagement selon Jean-Paul Sartre.

Frida EKOTTO

ETTINGER, Bracha LICHTENBERG [TEL-AVIV 1948]

Plasticienne, théoricienne de l’art et psychanalyste israélo-française.

Le travail de Bracha Lichtenberg Ettinger se place au confluent de la sexualité féminine, de la psychanalyse, de l’art et de l’esthétique. Titulaire d’un diplôme d’études approfondies en psychanalyse (1987) et d’un doctorat en esthétique (1996), elle a travaillé à la Tavistock Clinic de Londres. En 1981, désireuse de se consacrer à la peinture et au dessin, elle s’installe à Paris. Ses recherches théoriques psychanalytiques autour du concept de matrixial trans-subjectivity (la matrice comme espace-temps de la rencontre-événement psychique) et de metamorphosis trouvent un écho auprès des philosophes Lyotard et Levinas, du poète Edmond Jabès et des psychanalystes Deleuze et Guattari, avec qui elle publie de nombreux ouvrages et articles, et dont elle réalise des portraits photographiques. Son univers est fait de signes et de symboles du souvenir réactivant la mémoire collective. Conscience d’être doublement « autre » – femme et juive –, elle questionne cette double identité dans deux séries de dessins et peintures, Derrière/Après les moissonneurs (1984-1986, 1990-1992) et La Femme-Autre-Chose (1991-1993), dans lesquelles la Bible, la Shoah, l’histoire du peuple juif se mêlent à l’autobiographie. Utilisant la technique du collage par couches successives rehaussées d’encre noire, rouge ou violette, montées verticalement puis insérées dans deux plaques de verre, elle travaille à partir de documents d’archives, qu’elle manipule, recadre, démultiplie, photocopie jusqu’à l’effacement, brouillant les frontières entre la copie et l’original. Elle crée ainsi des images superposées, constituant la trace, la mémoire d’un voyage dans le passé, fonctionnant comme une évocation du concept psychanalytique de présence/absence, entre histoire et présent. Depuis 1984, B. L. Ettinger expose régulièrement en Europe et en Israël. Psychanalyste et théoricienne reconnue, elle a publié plusieurs ouvrages et articles, notamment Regard et espace-de-bord matrixiels (1999).

Nathalie ERNOULT

EUDOCIE (AELIA EUDOCIA, née ATHÉNAÏS) [ATHÈNES V. 400 - JÉRUSALEM 460]

Impératrice et poétesse byzantine.

Fille d’un professeur de rhétorique, Léontios, la jeune Athénaïs reçoit une éducation soignée, bénéficiant de l’enseignement de son père et de deux professeurs réputés, dont l’un, Orion, lui dédie un recueil de sentences. À la mort de son père, elle vient à Constantinople et, remarquée par Pulchérie, sœur de l’empereur Théodose II, elle épouse celui-ci en 421 après s’être fait baptiser et avoir pris le nom d’Eudocie. Devenue impératrice, elle jouit d’une grande liberté, intervient dans les affaires gouvernementales, obtient la création d’une université à Constantinople, le pandidactirion, et prend parti, bien que d’origine païenne, dans les querelles théologiques. Gagnant en prestige et en puissance, elle réussit à faire nommer ses partisans aux postes clés. Cependant, son ascension prend fin en 442 quand, accusée d’adultère avec le magister ufficiorum Paolinus, elle doit s’exiler dans un couvent de Jérusalem. Mécène et promotrice des arts, elle y poursuit ses activités culturelles.

L’essentiel de l’œuvre d’Eudocie, conservée ou perdue, est en vers. Elle a célébré par des poèmes les victoires de l’Empire sur la Perse en 421 et 422. Au IXe siècle, le père de l’Église Photius lit encore d’elle des paraphrases en vers épiques de l’Ancien Testament : Octateuque, Zacharie, Daniel, dont il loue la clarté et la fidélité au modèle. On conserve d’elle un centon d’Homère (Homerocentra), qui raconte l’histoire du salut depuis l’Incarnation jusqu’à l’Ascension, le récit des Évangiles étant transposé en hexamètres dont tous les éléments sont tirés d’Homère. Cette œuvre n’est pas originale : Eudocie explique qu’elle a remanié l’œuvre d’un auteur antérieur, l’évêque Patrikios. Ses Homerocentones, diffusés dans tout l’Empire et dont elle est la première éditrice, sont un exemple de son activité de promotion de la culture, qui sera toujours dédiée à la propagation de la doctrine chrétienne. Il existe également, inscrit dans les bains de Gadara, un poème d’elle, à la louange de ces thermes. Enfin, d’une légende en vers de saint Cyprien, il nous reste 800 vers. Le premier livre contient l’histoire de Justine et du magicien Cyprien, le deuxième livre raconte la carrière et les voyages de Cyprien avant sa conversion, et le troisième, dont rien n’est conservé, est un martyre épique de Justine et Cyprien. Plus que d’un talent personnel, cette œuvre est révélatrice des tendances de la littérature savante du Ve siècle, où les cultures profane et chrétienne se mêlent, et montre que l’éducation, dans certains milieux païens de l’Antiquité tardive, n’était pas réservée aux garçons.

Bernard FLUSIN

EUN HEE-KYUNG (ou ÛN HÛIGYÔNG) [KOCHANG, PROVINCE DU CHÔLLA DU NORD 1959]

Romancière sud-coréenne.

Diplômée des universités Sukmyong et Yonsei de Séoul, Eun Hee-kyung commence ses activités littéraires, en 1995, avec la nouvelle Duo (« duo »), sélectionnée par le journal Dong-a Ilbo. La même année, elle reçoit le premier prix Munhak Tongne avec le roman Le Cadeau de l’oiseau, devenant d’emblée une auteure de premier plan. Elle se penche avant tout sur les trivialités quotidiennes, sur un monde sans relief, des personnages fort peu héroïques, jouets de la vie plutôt qu’acteurs. Jamais ils ne joueront les premiers rôles, jamais ils ne seront véritablement maîtres de leur destin. Si la romancière étudie en priorité le délitement des sentiments laminés par la vie quotidienne et le manque de communication, elle ne limite pas son regard au monde féminin et au couple. Minor League (2001), justement, est l’histoire de quatre amis inséparables dans les années de la guerre du Vietnam et du massacre de Kwangju, durant la dictature. Or la vie (une femme) suffira à faire exploser leur amitié. Aussi toutes leurs tentatives pour sortir de leur condition échoueront-elles ultérieurement. Bien que d’une génération marquée par les régimes autoritaires successifs, Eun Hee-kyung va vite se concentrer sur la vie moderne et les conflits de générations, d’un point de vue relativement positif. L’épanouissement personnel et la découverte de soi n’y sont pas rares. Son texte le plus connu est sans doute la nouvelle récompensée par le prix Yi Sang en 1998, Les Boîtes de ma femme. Pendant que le mari, épuisé par son travail, se prélasse devant la télévision, sa femme, infertile et obsédée par cette absence d’enfant, ne cesse compulsivement de ranger et de déranger des boîtes. Le mari la fera interner et, de retour de l’hôpital, se trompera de route et aboutira à un cimetière. Dans Pimilgwa kôjinmal (« secrets et mensonges », 2005), l’auteure aborde le roman familial à travers la brouille de deux frères, que les funérailles de leur père rapprochent. C’est l’occasion de remonter le temps, d’explorer les secrets, les non-dits et les mensonges familiaux de plusieurs générations d’une famille qui représente la Corée entière. En 1999, elle publie Haengbokhan saramûn sigyerûl pojiannûnda (« les gens heureux ne regardent pas leur montre ») et, en 2007, Arûmdaumi narûl myôlshihanda (« la beauté se méfie de moi »).

Patrick MAURUS

EUPHROSYNE DE POLOTSK [POLOTSK V. 1101 - JÉRUSALEM 1167 ou 1173]

Femme de lettres bélarussienne.

Jeanne VASSILIOUTCHEK

EUSEBIA VOIR HAYS, Mary

EVANS, Edith [LONDRES 1888 - KENT 1976]

Actrice britannique.

Edith Evans est surtout reconnue pour ses rôles comiques, par exemple dans les comédies de William Shakespeare, notamment celui de Rosalind dans Comme il vous plaira (1926), et dans les Restoration comedies – pièces satiriques de la fin du XVIIe siècle – où elle joue, entre autres, Mrs Malaprop dans Les Rivaux (1945) de Richard Sheridan. L’étendue particulièrement souple de sa voix est une de ses plus grandes qualités. Au début de sa carrière, elle est plus mise en valeur au théâtre qu’au cinéma, muet à l’époque. Elle joue dans les établissements nationaux les plus prestigieux (Royal Shakespeare Company, Old Vic), ainsi que dans le privé (West End londonien, Broadway). Avec le développement du cinéma parlant dans les années 1930, elle devient une vedette internationale. Elle interprète lady Bracknell dans le film Il importe d’être constant (Anthony Asquith, 1952), d’après Oscar Wilde. Elle domine la scène pendant plus de cinquante ans, et est nominée à trois reprises pour les Oscars.

Clare FINBURGH

FORBES B., Ned’s Girl : The Life of Edith Evans, Londres, Mandarin, 1991 ; TREWIN J. C., Edith Evans, Londres, Rockcliff, 1954.

EVASCO, Marjorie [MARIBOJOC, BOHOL 1953]

Poétesse et critique d’art philippine.

Née en province dans une famille d’enseignants, Marjorie Evasco a été élevée dans un milieu anglophone. Elle a suivi des études supérieures à l’Université de La Salle, où elle a obtenu un doctorat en littérature, a enseigné dans cette université et y a dirigé le Centre d’écriture créative. Elle écrit des poésies en anglais et en cebuano et a publié deux recueils très remarqués : Dreamweavers : Selected Poems 1976-1986 (1987) et Ochre Tones : Poems in English and Cebuano (1999). Influencée par Edith Lopez-Tiempo*, elle puise également son inspiration dans la culture populaire philippine, en particulier dans la tradition préhispanique des chamans babaylan, la plupart étant des femmes, dont certaines sont poétesses. M. Evasco est également reconnue pour son travail comme critique d’art et sa contribution à la reconnaissance des femmes artistes philippines. Elle a notamment consacré un ouvrage à Andrea O. Veneracion, la créatrice et chef de chœur des Philippine Madrigal Singers, et un autre à la peintre contemporaine Hermogena Borja-Lungay. Elle a contribué à la publication de deux anthologies de poétesses philippines : A Legacy of Light (1996) avec Edna Zapanta-Manlapaz et Kung Ibig Mo (1993) avec Benilda Santos. Militante pour les droits des femmes, M. Evasco a participé à la fondation de deux organisations de femmes écrivaines, Writers Involved in Creating Cultural Alternatives (WICCA) et Women in Literary Arts (WILA). Elle a reçu de nombreuses récompenses pour ses poésies et ses essais, notamment plusieurs Carlos Palanca Memorial Awards, le National Book Award et un prix de la Philippine Free Press.

Gwénola RICORDEAU

A Life Shaped by Music : Andrea O. Veneracion and the Philippine Madrigal Singers, Makati City, Bookmark, 2001 ; ANI : The Life and Art of Hermogena Borja Lungay, Boholano Painter, Manille, University of Santo Tomas Pub. House, 2006.

EVERETT-GREEN, Evelyn [LONDRES 1856 - FUNCHAL, PORTUGAL 1932]

Romancière britannique.

Fille d’une mère historienne et d’un père artiste, tous deux méthodistes, Evelyn Everett-Green étudie à Londres, s’inscrit à la London Academy of Music et, en 1876, à la mort de son frère qu’elle devait accompagner en Inde, s’adonne à des activités charitables dans les services sociaux, les hôpitaux et enseigne à l’école du dimanche. Elle est certainement la plus célèbre des écrivaines de livres pour enfants, d’histoires pieuses et moralisatrices, de fictions historiques pour jeunes filles adolescentes ou d’histoires romantiques pour adultes qu’elle publie sous divers pseudonymes. Après son premier roman, Tom Tempest’s Victory (1880), elle s’établit à Madère avec Catherine Sladen* et écrit des romans historiques où elle idéalise des héroïnes comme Jeanne d’Arc (Called of Her Country/A Heroine of France, the Story of Joan of Arc, 1903 et 1907). Très prolifique, elle est l’auteure de 350 ouvrages ; ils traitent tous d’un problème éthique particulier et mêlent didactisme, histoire sentimentale, sensationnalisme et morale. Si E. Everett-Green, de par ses opinions conservatrices, ne participe pas aux mouvements féministes, elle refuse, à travers les personnages féminins de ses romans, l’image victorienne de la femme comme « ange du foyer », signe pour elle de la dégénérescence de la « mère universelle », seule capable de régénérer la société patriarcale.

Michel REMY

EVERT, Chris (CHRISTINE MARIE EVERT, dite) [FORT LAUDERDALE 1954]

Joueuse de tennis américaine.

Au cours de sa carrière (1972-1989), Chris Evert remporte 18 tournois du Grand Chelem, dont sept fois celui de Roland Garros (performance jamais égalée dans l’histoire du tennis féminin). Elle détient encore aujourd’hui plusieurs records, parmi lesquels le plus haut pourcentage de matchs gagnés, hommes et femmes confondus (à peu près 90% avec 1309 victoires et 146 défaites, et 94,55% des matchs sur terre battue, sa surface préférée), et le plus grand nombre de finales disputées dans un tournoi du Grand Chelem (34). Numéro un du classement mondial à plusieurs reprises, elle dispute régulièrement ce titre avec sa rivale, Martina Navratilova*: à l’instar de cette autre joueuse légendaire devenue une amie proche, la championne américaine affirme que cette rivalité lui a permis de repousser sans cesse ses limites. Les matchs opposant les deux joueuses sont d’ailleurs inscrits à jamais dans l’histoire du tennis mondial. C. Evert, « petite fiancée de l’Amérique », est renommée pour l’efficacité de son revers à deux mains – dont elle est une des pionnières dans le tennis féminin –, sa régularité, sa froideur, sa concentration à toute épreuve et ses remontées à couper le souffle ; autant d’atouts qui font d’elle l’une des championnes de tennis les plus remarquables.

Nicole SIRI

ÉVORA, Cesária [MINDELO 1941 - ID. 2011]

Chanteuse capverdienne.

Née sur l’île capverdienne de Sao Vicente dans une famille pauvre, Cesária Évora est placée dans un orphelinat à l’âge de 7 ans, après le décès de son père, guitariste et violoniste amateur. Sa mère est cuisinière. C’est son premier amour, Éduardo, un marin, qui lui enseigne l’art de l’interprétation des mornas et coladeiras, deux airs traditionnels acoustiques de l’archipel atlantique. Un art auquel Francisco da Cruz, dit B. Leza, cousin de son père, a donné ses lettres de noblesse. C. Évora commence à se produire dans les bars de la ville, comme Le Calypso et le Café Royal. Elle côtoie Gregorio Goncalves, compositeur reconnu, de vingt ans son aîné, qui devient son mentor. Dans les années 1960, la radio Barlavento enregistre ses premières chansons sur deux 45-tours qui la font connaître dans l’archipel. Dans les piano-bars, elle chante la sodade, cette mélancolie atlantique évoquant l’esclavage, la souffrance et l’exil. Au mitan des années 1970, elle décide de mettre un terme à sa carrière et ne remontera sur scène qu’en 1985, à l’occasion des dix ans de l’indépendance du pays. La même année, elle se produit aux États-Unis et à Lisbonne. Elle y rencontre le producteur José Da Silva, un jeune Français d’origine capverdienne, qui publie l’album La Diva aux pieds nus en 1988, lequel marque le début d’un succès qui va populariser les musiques du Cap-Vert aux quatre coins du monde. Son premier album acoustique, Mar azul, paraît en 1991. L’année suivante, Miss perfumado, sur lequel figure Sodade, une coladeira typique du Cap-Vert, la révèle au grand public. Le disque s’écoule à 300 000 exemplaires, la chanteuse fait salle comble à l’Olympia et se lance dans sa première tournée internationale. Cesária, qui paraît en 1995, est disque d’or en France, et elle figure sur la bande originale du film Underground, d’Emir Kusturica. Elle chante également avec Caetano Veloso et Marisa Monte. En 1999, Café atlantico s’écoule à 770 000 copies et lui vaut sa première Victoire de la musique. Elle continue à s’intéresser aux musiques d’outre-Atlantique avec Sao Vicente di Longe, qui porte le nom de son île natale et dont l’enregistrement l’a menée à La Havane et Rio de Janeiro, mobilisant une soixantaine de musiciens, arrangeurs et ingénieurs du son. 2002 est l’année des duos : avec Salif Keïta pour Yamore sur l’album Moffou, avec Bonga pour une reprise de Sodade, et avec Compay Segundo, sur son album Duets. Cette reconnaissance professionnelle et artistique mondiale lui vaut une pluie de titres et décorations : elle est notamment nommée ambassadrice du Programme alimentaire mondial. En 2003, Voz d’amor, enregistré à Montreuil, est gratifié d’un Grammy Award et d’une seconde Victoire de la musique. En 2009, Nha sentimiento (« mes sentiments »), son onzième et dernier opus, reçoit l’apport sur trois titres des cordes égyptiennes de Fathy Salama et du Grand Orchestre du Caire. Débute une énième tournée mondiale, mais en mai 2010, la chanteuse est opérée d’urgence à Paris. Un album de duos paraît la même année, retraçant ses collaborations avec Bonga, Ismaël Lo, Cali ou encore Bernard Lavilliers. À nouveau sur les routes l’année suivante, elle est malade et doit mettre un terme à sa carrière, annulant ses derniers concerts.

Jean BERRY

La Diva aux pieds nus, Lusafrica, 1988 ; Miss perfumado, Lusafrica, 1992 ; Café atlantico, RCA France, 1999 ; Radio Mindelo. Columbia, 2010.

EVRÉINOVA, Anna Mikhaïlovna [SAINT-PÉTERSBOURG 1844 - ID. 1919]

Rédactrice et publiciste russe.

Première femme russe à obtenir le titre universitaire de docteur ès sciences juridiques, Anna Evréinova fuit à l’étranger, sans passeport, son père voulant la marier contre son gré. Loin de son pays pendant une quinzaine d’années, elle étudie le droit dans les universités de Heidelberg et Leipzig, et fait des recherches en Croatie sur les droits civils des Slaves du Sud. Revenue en Russie, elle publie des articles dans Zhournal grazhdanskogo i ougolovnogo prava (« la revue de droit criminel et civil »), Iuriditcheski vestnik (« le messager juridique ») et Drug jenchtchin (« l’ami des femmes »). Dans ce dernier, elle pose des questions sur les droits des femmes en Russie en matière de succession, au sein de la famille et affirme la nécessité de leur instruction. Elle fait des communications dans les sociétés juridiques de Moscou ou Saint-Pétersbourg et initie le développement des droits des femmes et la réflexion sur la législation qui s’y rapporte. En 1885, elle fonde et dirige pendant cinq ans Severni vestnik (« le messager du Nord »), une revue mensuelle de littérature, sciences et politique. Les journalistes avec lesquels elle travaille étant proches des narodniks, socialistes agraires de la deuxième moitié du XIXsiècle, elle s’intéresse aux questions économiques et sociales. Plus tard, elle s’occupe de la rubrique littéraire, où sont présentés des jeunes écrivains, en particulier les futurs symbolistes. C’est grâce à elle que paraissent pour la première fois des récits de Tchekhov qui deviendronttrès célèbres : La Steppe, Ivanov.

Tatiana SOLODOVNIKOVA

EWANDÉ, Lydia [CAMEROUN 1933]

Actrice camerounaise.

Née dans l’entre-deux-guerres, Lydia Ewandé rejoint la troupe des Griots et participe aux Nègres de Jean Genet sous la direction de Roger Blin en 1959. Première comédienne africaine à avoir une notoriété en France, elle est de l’aventure de Jean-Marie Serreau avec La Tragédie du roi Christophe et Une saison au Congo. Elle joue dans Des enfants de cœur de François Campaux pour l’émission Au théâtre ce soir en 1967, sous la direction de Christian-Gérard, et obtient de nombreux rôles à la télévision. Puis, dans les années 1970, elle joue dans Mesure pour mesure de Shakespeare, mis en scène par Peter Brook. Elle entre dans le théâtre Kaidara de Tola Koukoui, travaille avec Julius Amédée Laou. Parallèlement au théâtre, elle mène une carrière au cinéma et tourne avec Christian-Jaque, Julien Duvivier, Jean-Pierre Melville et participe à Black Mic-Mac sous la direction de Thomas Gilou dans les années 1980. Elle travaille aussi avec des réalisateurs africains comme José Laplaine qui lui donne le rôle de la mère dans Macadam Tribu, un rôle qui lui vaut le prix de la meilleure actrice au Southern African Film Festival en 1998.

Sylvie CHALAYE

EWHA – UNIVERSITÉ DES FEMMES [Corée XXe siècle]

L’université pionnière Ehwa Womans University, où Yun Jeong-ok* est étudiante puis professeure, est un haut lieu de formation des courants féministes dans la Corée du Sud après 1945. Créée en 1886 par une missionnaire américaine méthodiste, Mary Scranton (1832-1909), l’école se veut à la fois un lieu d’ouverture à la pensée rationnelle et moderne et d’inculcation des valeurs chrétiennes. Elle devient aussi un lieu de résistance culturelle durant la colonisation japonaise, introduisant l’enseignement de la musique coréenne traditionnelle, persévérant dans la lecture de la Bible en hangûl malgré l’interdiction de son usage par les autorités japonaises. Après 1945, face à la division Nord/Sud, les milieux chrétiens soutiennent le gouvernement de la Corée du Sud et l’université Ehwa ne devient pas un lieu de contestation avant les années 1970. Mais sa transformation en 1946 en université d’enseignement général comprenant des humanités, les sciences, les arts, l’éducation, le sport, la médecine, la pharmacie, le droit constitue un événement exceptionnel. Elle figure même comme la première université d’un cycle de quatre ans créée en Corée, avant les universités pour garçons. Elle a permis de former des femmes dans divers domaines, et a contribué, entre autres, au mouvement pour la réforme du code de la famille, qui s’est constitué dès 1953 et dure jusqu’en 1985, date de la signature par la Corée de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et même au-delà jusqu’à l’adoption de nouvelles lois sur la famille en 1990. Dès 1977, l’université ouvre un cours d’études sur les femmes et, en 1982, crée le premier département d’études et de recherches sur les femmes en Asie. Nombre d’enseignantes et d’étudiantes jouent, dans les années 1980, un rôle important dans les mouvements de démocratisation et les mouvements féministes, divisés en un courant radical imprégné d’influence étrangère et un courant plus culturaliste prônant une réinterprétation créative des valeurs culturelles traditionnelles.

Christine LÉVY

EWING, Juliana Horatia (née GATTY) [ECCLESFIELD, YORKSHIRE 1841 - BATH 1885]

Écrivaine britannique.

Juliana Horatia Ewing est une auteure d’histoires pour les enfants parmi les plus populaires du Royaume-Uni. En 1867, elle se marie avec le major Ewing et elle vit deux ans au Canada avant de revenir en Angleterre. À cause d’une santé défaillante, elle ne peut le suivre dans ses autres postes à Malte et au Sri Lanka et s’installe à Bath en 1885, où elle meurt. Tout en éditant un magazine qui publie des nouvelles pour enfants, elle écrit une vingtaine de romans, dont beaucoup sont illustrés par Cruikshank ou Caldecott, des essais d’histoire naturelle (qui rappellent les préoccupations de sa mère, Margaret Gatty*), des poèmes, qui attirent l’admiration de Tennyson et de Ruskin, et des contes de fées et d’animaux (Mrs Overtheway’s Remembrances, « les mémoires de Mme Overtheway », 1869). Jackanapes (1879) et Une courte vie (1885), lui assurent une solide réputation. Tous ses textes sont baignés d’un amour très fort pour les enfants et le monde de la nature, d’une grande admiration pour la vie militaire et d’une foi inébranlable, mais sans souci excessivement didactique, dans le puritanisme et la religion anglicane.

Michel REMY

Une courte vie, suivi de Jackanapes (The Story of a Short Life, 1885 ; Jackanapes, 1879), Paris, Grassart, 1888.

EXNER, Inger Augusta (née WÜRTZEN) [RANDERS, DANEMARK 1926]

Architecte danoise.

Diplômée de l’école d’architecture de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark, Inger Exner s’est, avec son mari l’architecte Johannes Exner, spécialisée dans la conception de l’architecture religieuse et dans la rénovation du patrimoine. Mêlant le moderne à l’ancien, elle met en valeur la matérialité et la lumière, comme l’illustre l’église d’Islev, bâtie en 1968-1969. La brique est son matériau de prédilection, utilisé à profusion. Elle tire également son inspiration d’Italie pour donner à ce matériau son caractère, comme dans l’église Nørrelandskirken, à Holstebro (1967-1969). Les 13 églises que le couple a réalisées sont, pour la plupart, des édifices à plan centré, les paroissiens se rassemblant autour de l’autel, des fonts baptismaux et de la chaire, comme dans l’église de la Résurrection à Albertslund (1984). Son souhait est de clarifier l’architecture aussi bien sur le plan fonctionnel qu’esthétique. La rénovation du château de Koldingshus (1972-1992) lui a valu le prix Europa Nostra (1994). Parmi ses autres réalisations peuvent être citées les rénovations de la Tour ronde, de l’église de la Trinité et du cimetière de la Trinité à Copenhague (1958). La maison paroissiale de la Trinité (1983) est l’une des 11 maisons paroissiales sur lesquelles le couple est intervenu. Ils ont reçu de nombreux prix et récompenses, dont la médaille Eckersberg en 1983, le prix Nykredit de l’architecture en 1991, la médaille C.-F.-Hansen en 1992 et, la même année, le Honorary Fellowship of The American Institute of Architects.

Helle BAY

BAY H. (dir.), Women in Danish Architecture, Copenhague, Arkitektens Forl, 1991 ; BERTELSEN J. (dir.), Arkitekterne Inger og Johannes Exner, Kolding, Musée de Koldinghus, 1996 ; DIRCKINCK-HOLMFELD K., Guide to Danish Architecture, 1960-1995, Copenhague, Arkitektens Forl, 1995 ; LARSEN J. (dir.), Dansk Kvindebiografisk Leksikon, 4 vol., Copenhague, Rosinante, 2000-2001.

EXTER, Alexandra ALEXANDROVNA (née GRIGOROVITCH) [BIÉLOSTOK 1882 - FONTENAY-AUX-ROSES 1949]

Peintre, designer et décoratrice de théâtre et de cinéma d’origine biélorusse.

Née dans une famille biélorusse aisée, Alexandra Alexandrovna Exter suit des cours à l’école des beaux-arts de Kiev jusqu’en 1907, puis part étudier à l’académie de la Grande Chaumière à Paris. Ses premières œuvres sont marquées par l’héritage de Paul Cézanne ainsi que par les recherches cubistes. Elle participe ensuite aussi bien aux expérimentations picturales du Valet de carreau qu’à celles du cubo-futurisme russe, exposant ses travaux dans de nombreuses manifestations de l’avant-garde russes, ukrainiennes comme européennes. S’initiant aux techniques de l’artisanat traditionnel en collaborant avec des paysans dans les coopératives, elle est l’une des premières à transposer l’art avant-gardiste dans les objets du quotidien ainsi qu’à s’intéresser à l’art des enfants. Sa carrière connaît un véritable tournant avec son travail audacieux pour les décors et les costumes du théâtre moscovite Kamerny fondé par Alexandre Taïrov, notamment pour le spectacle Salomé. Son atelier fondé à Kiev en 1918 représente l’un des lieux majeurs de l’avant-garde kiévienne. De retour à Moscou en 1921, elle adopte les théories des constructivistes – sans pour autant adhérer à leur refus de la peinture de chevalet – et participe, en 1921, à la grande exposition 5 x 5 = 25. En 1923, pour la Ire Exposition d’agriculture, d’artisanat et d’industrie panrusse à Moscou, elle conçoit avec Vera Moukhina les pavillons des journaux Izvestia et Krasnaïa Niva, puis sera conviée à participer à de nombreuses grandes manifestations internationales pour le compte de l’Union soviétique. En 1924, elle dessine les décors et les costumes du film d’anticipation Aelita de Yakov Protazanov. Après avoir partagé sa vie entre la France et la Russie, celle qui sera baptisée l’Amazone de l’avant-garde russe s’installe définitivement à Paris en 1924. Elle enseigne à l’académie d’art contemporain de Fernand Léger jusqu’en 1930 en poursuivant ses collaborations avec le monde du théâtre.

Ada ACKERMAN

Alexandra Exter, Farbrhythmen (catalogue d’exposition), Kovalenko G. (dir.), [Bad Breisig], Palace Editions, 2001.

HAUVELIN J., FILATOFF N., BOWLT J. et al., Alexandra Exter, Paris, Max Milo, 2003 ; KOVALENKO G., Alexandra Exter, Moscou, Galart, 1993 ; MARCADÉ J.-C. et V. (dir.), L’Avant-garde au féminin, Moscou, Saint-Pétersbourg, Paris, 1907-1930 (catalogue d’exposition), Paris, Artcurial, 1983.

EYMERY, Marguerite VOIR RACHILDE

EYQUEM, Marie-Thérèse [LA TESTE-DE-BUCH 1913 - ÉGLETONS 1978]

Femme politique française.

Autodidacte, Marie-Thérèse Eyquem fait une longue carrière dans l’administration avant de devenir, en 1961, inspectrice principale de la jeunesse et des sports. Proche de François Mitterrand, elle œuvre à faire passer certaines idées féministes au sein de la gauche socialiste, notamment avec le Mouvement démocratique féminin, qu’elle préside à partir de 1962. En 1966, F. Mitterrand la nomme ministre de la Promotion de la femme dans son contre-gouvernement. Elle siège dans les instances dirigeantes de la Convention des institutions républicaines (CIR) de 1966 à 1970, avant d’intégrer, en 1975, le secrétariat national du Parti socialiste (PS). Au sein du PS, M.-T. Eyquem lance le débat sur l’instauration de quotas, préparant la réforme des statuts qui, en 1973, impose le taux 10 % de femmes à tous les degrés de l’organisation.

Mariette SINEAU

CASTAN VICENTE F., Marie-Thérèse Eyquem, du sport à la politique, parcours d’une féministe, Paris, L’OURS, 2009.