SOMMAIRE
NOTIONS À MAÎTRISER
La mise en œuvre des finances publiques et, notamment, l’exécution des dépenses constituent l’une des missions principales des administrations publiques. Les autorisations, nécessairement plus globales, sont données en amont par les représentants des citoyens. Aussi, il convient de s’assurer que l’administration, le pouvoir exécutif, se sont acquittés de leurs tâches de façon régulière et efficace et, le cas échéant, de leur montrer les voies de progression.
Pour ce faire, la représentation nationale doit avoir accès à toutes les informations utiles et être aidée dans sa tâche par des corps dédiés (contrôle politique). Le juge a toute sa place dans le contrôle des finances publiques puisqu’il juge de la conformité à la Constitution des lois de finances lorsqu’il est constitutionnel, de la régularité et de la sincérité des comptes des comptables publics, voire les comptables publics eux-mêmes, lorsqu’il est financier (contrôle juridictionnel).
L’administration se contrôle également elle-même en la matière en s’assurant que les conditions de la juste exécution sont réunies avant la dépense et, de manière plus générale, en évaluant l’organisation de l’administration en la matière. Ainsi, le contrôle financier du ministère chargé des finances est présent dans chaque département ministériel pour s’assurer de la régularité et de la soutenabilité des dépenses (contrôle interne). L’inspection générale des finances (IGF) se concentre principalement désormais sur l’audit de politiques publiques et sur l’expertise au service du pouvoir exécutif (contrôle externe).
En parallèle de la croissance de leurs attributions et autonomie, les collectivités territoriales sont encadrées par des mécanismes de contrôle, notamment des chambres régionales et territoriales des comptes.
L’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lequel proclame que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée », indique que les fonctions naturelles du Parlement sont certes le vote du budget, mais aussi le contrôle de sa bonne exécution. La LOLF précise le contrôle permanent et l’évaluation de l’exécution des lois de finances, et le rôle qu’y jouent les commissions des finances1 des deux assemblées. L’article 57 de la LOLF identifie les présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux2 des commissions des finances ; les commissions des finances « procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques ». À des fins d’objectivité, si besoin était, la présidence de ces deux commissions est assurée par un parlementaire de l’opposition (coutume parlementaire introduite sous la présidence de Nicolas Sarkozy et reconduite depuis ; le règlement de l’Assemblée nationale l’a même formalisée) – la fonction de rapporteur général, qui assume la direction effective de la commission, revient en revanche à un parlementaire de la majorité. En outre, en vertu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, les projets de loi non organique doivent désormais être assortis d’une étude d’impact évaluant leurs implications pour les finances publiques, à destination du Parlement.
La budgétisation se faisant par objectifs, le contrôle a posteriori de la performance de l’État devient possible, politique par politique qui plus est. Au cours de l’année, le gouvernement transmet les informations nécessaires au Parlement, lequel peut ainsi évaluer l’évolution périodique des dépenses et des crédits de l’État. Les parlementaires disposent de moyens dans la mesure où ils peuvent procéder à des investigations sur pièces et sur place ainsi qu’à des auditions (notamment de hauts fonctionnaires). Si l’administration n’est manifestement pas assez diligente, les présidents des commissions peuvent demander, notamment au juge administratif, statuant en référé, de faire cesser l’entrave sous astreinte (art. 59 LOLF).
Dans le cas d’une mission d’évaluation et de contrôle ou MEC (mise en place le 3 février 1999 à l’Assemblée nationale3), le gouvernement dispose d’un délai de deux mois pour répondre aux observations formulées. La MEC procède à des auditions de responsables administratifs et politiques afin d’évaluer leur gestion des crédits. Elle enquête sur des politiques publiques choisies. Par exemple, l’un des travaux de la MEC pour 2016 portait sur la gestion et la transparence de la dette publique. Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, créé en 2009, a une vocation davantage transversale : en effet, les sujets doivent être larges et concerner plusieurs commissions permanentes (dont souvent celle des finances).
Le contrôle a posteriori le plus institutionnalisé réside en la loi de règlement vue au chapitre 8.
Le Parlement se voit aidé dans sa tâche par la Cour des comptes qui exerce une mission d’assistance aux pouvoirs publics dans le cadre du contrôle de l’exécution de la loi de finances. Selon l’article 47-2 de la Constitution, elle est chargée d’« assister le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques ». Son champ d’action n’est donc pas limité à la sphère des finances de l’État.
Le Sénat et l’Assemblée nationale peuvent demander à la Cour des comptes de mener des enquêtes. La Cour dispose alors de huit mois pour rendre ses conclusions. En outre, chaque année, la Cour des comptes transmet aux parlementaires un rapport préliminaire relatif aux résultats d’exécution de l’année antérieure à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques (DOFP) et un rapport destiné à éclairer le Parlement lorsque le gouvernement opère des mouvements de crédits qui doivent être ratifiés par la plus prochaine loi de finances. Enfin dans le cadre de ses missions propres de contrôle administratif de la gestion des organismes publics et parapublics (cf. infra), la Cour des comptes prononce des référés qu’elle transmet à la représentation nationale et qu’elle rend systématiquement publics depuis le 1er janvier 2013 sous deux mois, délai laissé à l’administration pour présenter ses observations.
Le rôle du Conseil constitutionnel (CC) est de vérifier la conformité des lois à la Constitution (cf. chapitre 5). Il assume également cette mission pour les lois de finances. Comme pour les lois simples, la saisine du CC n’est pas automatique, par contre, elle est quasi systématique pour les LF depuis 1974, date à partir de laquelle la saisine du CC est devenue possible à 60 députés ou 60 sénateurs (en ce qui concerne les LFI, seules les lois de finances pour 1989 et 1993 n’ont pas été déférées). La saisine est souvent plus politique que juridique. Si le CC frappe d’inconstitutionnalité certaines dispositions de la loi de finances, alors elles doivent être modifiées. En théorie, le CC pourrait annuler l’intégralité d’une loi de finances, mais cela entraînerait des conséquences importantes sur la continuité de la vie publique dans la mesure où la LF ne serait pas votée avant le 1er janvier de l’année N. Plus subtilement, le CC utilise les « réserves d’interprétation », lesquelles conditionnent la constitutionnalité d’un ou plusieurs articles à une certaine interprétation ou mise en œuvre.
Dans ses décisions, le CC veille notamment au respect des grands principes budgétaires (cf. chapitre 6). Depuis sa décision no 94-351 DC du 29 décembre 1994, il est susceptible de sanctionner notamment la violation du principe de sincérité qu’il a érigé en principe à valeur constitutionnelle. En effet, il est attaché à une image aussi exacte que possible de la situation budgétaire anticipée. Les parlementaires qui défèrent une LF devant le CC soulèvent désormais systématiquement le motif de l’insincérité.
Le Conseil constitutionnel ne dispose pas des moyens et du temps nécessaires pour assurer un examen approfondi de la LF et demeure très dépendant des informations que l’administration veut bien lui délivrer. Aussi, seules sont censurées les erreurs manifestes.
Le CC veille également particulièrement au respect de la compétence des lois de finances en censurant, généralement d’office, les cavaliers budgétaires (cf. chapitre 8). Il veille de la même manière au respect des grands principes constitutionnels par les dispositions fiscales (cf. chapitre 5).
En sus de la mission de certification des comptes de l’État (cf. chapitre 11) et de la participation à l’évaluation des politiques publiques (cf. supra), la Cour des comptes exerce deux missions, sous réserve des prérogatives des CRC : le contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics et le contrôle administratif de la gestion des organismes publics.
La majorité des États modernes ont une institution dont la fonction essentielle réside en la vérification de la régularité des opérations financières effectuées par les organismes publics. En France, l’existence d’un corps de contrôle des finances royales remonte à 1318. Le contrôle des comptes publics a été unifié au XIXe siècle par Napoléon Ier au moyen de la création de la Cour des comptes le 16 septembre 1807. Les contrôles servent deux objectifs principaux : garantir la régularité des opérations financières publiques et s’assurer de la performance de la dépense publique. Cette seconde mission est plus nouvelle et réclame une organisation revue.
Les attributions de la Cour des comptes relèvent d’une part d’un contrôle juridictionnel, d’autre part d’un contrôle administratif. La mission traditionnelle est le contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics. Le contrôle de la sincérité et de la régularité des comptes réside en la vérification de la régularité des comptes (vis-à-vis des règles de la comptabilité), de la régularité des opérations décrites dans ses comptes (vis-à-vis du droit budgétaire et administratif) et de la réalité des opérations (cf. infra).
S’y est ajoutée une mission de contrôle administratif de la gestion des organismes publics et parapublics, qui porte sur le bon emploi des fonds publics. Cette attribution est en croissance permanente. Elle consiste, par exemple, à évaluer si les responsables d’un ministère ont fait un bon emploi des crédits ouverts.
Ces deux types de contrôle sont complémentaires et s’exercent simultanément : c’est à travers la vérification de la régularité des comptabilités et en se fondant sur les pièces justificatives que les magistrats de la Cour peuvent apprécier la qualité de la gestion.
Dans toutes ses missions, l’indépendance de la Cour des comptes est garantie par son statut de juridiction et par l’inamovibilité de ses membres, qui ont la qualité de magistrat. La compétence de la Cour est d’ordre public : elle procède d’office, sans être saisie par quiconque et sans que les contrôlés puissent se soustraire à cette obligation. Dans sa mission de contrôle administratif, la Cour ne dispose pas de pouvoir de sanction. Le cas échéant, elle informe les autorités compétentes.
La Cour des comptes doit contrôler obligatoirement l’État, les établissements publics nationaux (EPN), les entreprises publiques, les organismes de sécurité sociale.
La Cour des comptes contrôle facultativement les organismes de droit privé dont la majorité des voix ou du capital est détenue par des organismes soumis obligatoirement au contrôle de la Cour des comptes ou dans lesquels ces organismes ont un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion (i.e. les entreprises publiques), les organismes de droit privé (les associations, notamment) bénéficiaires de concours financiers d’origine publique, les organismes de d’intérêt général faisant appel à la générosité publique, les organismes bénéficiant de concours financiers de l’UE et les organismes habilités à recevoir des impositions de toute nature ou des cotisations légalement obligatoires.
Le programme des contrôles est arrêté chaque année par le premier président, après avis du comité du rapport public et des programmes. Il est établi notamment en fonction de la date des précédentes vérifications. L’objectif est que toutes les institutions qui relèvent de la compétence de la Cour soient contrôlées, en moyenne, tous les quatre ou cinq ans. Le contrôle est assuré par un ou plusieurs rapporteurs qui instruisent et rédigent un rapport. Il est suivi par un conseiller maître et donne lieu, le cas échéant, à une audition des responsables de l’organisme contrôlé et aboutit à l’examen du rapport par la chambre compétente. La Cour présente un rapport public annuel rendant compte tant de la vérification systématique des comptes que des enquêtes menées à partir de thèmes de contrôles définis a priori et l’état de suivi de ses propres recommandations.
Le chapitre 11 évoquait la question de la responsabilité pécuniaire et personnelle (RPP) des comptables prévue à l’art. 60 de la loi du 23 février 1963. La responsabilité du comptable est mise en jeu en cas de déficit ou de manquant en deniers ou en valeurs dans sa caisse, de recette non recouvrée, de dépense irrégulièrement payée ou de l’indemnisation d’un tiers due à une faute du comptable. Le comptable est responsable tant de ses agissements propres que de ceux de ses subordonnés, de ses régisseurs ou même de son prédécesseur s’il n’a pas formulé, à l’écrit et précisément, des réserves relatives à la gestion de son prédécesseur durant les 6 mois suivant sa prise de fonction.
Les juridictions financières jugent les comptables publics. Une voie administrative de la mise en jeu de la responsabilité appartient également au ministre chargé du budget. La Cour des comptes contrôle les comptes des comptables principaux de l’État et des agents comptables des EPN. Suite au contrôle d’un comptable, un rapport d’instruction est transmis au parquet général près la Cour des comptes. Si aucune charge n’est retenue, alors le juge rend une ordonnance, laquelle rend acte au comptable de la régularité de sa gestion. Si le ministère public estime que la responsabilité du comptable peut être engagée, et en l’absence de délit (détournement, malversation), une phase amiable débute. À cette occasion, la responsabilité pécuniaire du comptable est mise en jeu et un ordre de versement, émis par le ministre chargé du budget, lui est notifié. Si le comptable ne s’acquitte pas de la somme, un arrêt de débet est pris à son encontre et la procédure contentieuse est mise en œuvre en respectant le principe du contradictoire (accès aux pièces du dossier, assistance par un avocat). L’arrêt de la Cour des comptes prononce la décharge ou la mise en débet. Cette dernière signifie que le comptable doit verser les sommes non recouvrées, manquantes ou payées irrégulièrement. À défaut, le recouvrement est forcé, sur le cautionnement puis les biens propres du comptable.
Les arrêts de la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’une cassation devant le Conseil d’État pour incompétence, vice de forme et violation de la loi. Un recours en révision est possible contre les erreurs de fait qui ne pouvaient être connues au moment où la Cour a statué. Enfin, comme évoqué dans le chapitre 10, le recours par voie administrative consiste en la demande au ministre des finances d’une décharge de responsabilité en cas de force majeure ou en la demande d’une remise gracieuse du débet, le cas échéant accordée par le ministre après avis de la Cour des comptes.
En complément de la RPP des comptables, un régime de responsabilité personnelle des ordonnateurs, au-delà des cas de gestion de fait (cf. chapitre 11), a été installé grâce à la Cour de discipline budgétaire et financière4 (CDBF). Seulement, son rôle est modeste dans la mesure où les ministres sont exclusivement passibles de la Cour de justice de la République et que les ordonnateurs pouvant se prévaloir d’un ordre hiérarchique préalable à l’infraction sont déchargés de toute responsabilité. Les justiciables sont les membres des cabinets ministériels, les fonctionnaires, agents civils ou militaires de l’État et des EPN.
La CDBF sanctionne la violation des règles relatives à l’engagement des recettes, des autres règles d’exécution des recettes et des dépenses. Le président de la CDBF est le premier président de la Cour des comptes et son vice président est le président de la section des finances du Conseil d’État (CE). Les dix membres titulaires et six suppléants sont pour moitié des conseillers d’État et pour moitié des conseillers maîtres à la Cour des comptes. Le ministère public est assuré par le procureur général près la Cour des comptes.
La CDBF n’exerce pas de fonction de contrôle mais uniquement une fonction juridictionnelle. Elle doit être saisie par le procureur près la Cour des comptes, lequel à la possibilité de classer l’affaire à ce stade. Peuvent saisir le procureur : les présidents des deux assemblées, le Premier ministre, le ministre chargé des finances, les membres du gouvernement dont le département ministériel couvre l’administration de l’agent en cause, la Cour des comptes et les créanciers dans un cas spécifique. S’il le juge opportun, le procureur général peut transmettre la saisine au président de la CDBF. Il n’y a pas d’appel. La révision et la cassation ont lieu devant le CE.
Le contrôleur budgétaire, anciennement appelé contrôleur financier, est le représentant du ministère chargé des finances dans les autres départements ministériels. Il est chargé de contrôler la dépense préalablement à l’engagement par l’ordonnateur. La fonction traditionnelle du contrôleur financier, fixée par la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées, se heurtait à la logique de responsabilisation des gestionnaires promue par la LOLF. Le contrôleur budgétaire se caractérise par son indépendance, une action centrée sur la régularité et une démultiplication des niveaux d’intervention. Les contrôleurs budgétaires sont nommés par arrêté du ministre des finances. Aussi, ils dépendent de lui et des conditions sont posées à leur nomination afin de garantir leur indépendance (par exemple, ils ne doivent pas avoir eu des fonctions dans les ministères qu’ils contrôleront).
En visant la dépense, le contrôleur budgétaire autorise l’acte d’engagement. Avant la rénovation de sa fonction en 2005, le contrôleur « financier » devait apposer son visa sur tous les actes engageant une dépense. Cela représentait une quantité importante d’actes (ex : recrutement, marché public). La conséquence d’un refus de visa est le blocage de la décision ; le comptable public est alors tenu de ne pas payer la dépense, y compris sur réquisition de l’ordonnateur.
Le contrôleur budgétaire contrôle la correcte imputation de la dépense, la disponibilité des crédits, l’exacte évaluation de la dépense, l’application des dispositions financières des lois et règlements, l’exécution du budget conformément aux lois de finances. Le visa peut être accompagné d’observations, ou d’un différé, pour obtenir des pièces complémentaires. En dernier lieu, en cas de désaccord persistant, le contrôleur budgétaire en réfère au ministre des finances qui prend la décision finale (le ministre a, par exemple, la possibilité d’accorder un visa en dépassement de crédits).
Avec l’installation progressive du mécanisme gestionnaire, le curseur du contrôle budgétaire s’est déplacé. 5 % des actes budgétaires représentent à eux seuls quelque 80 % des crédits employés. Aussi, le but est désormais de limiter les interventions nombreuses et de précision et la focalisation sur les marchés publics, notamment au profit d’un contrôle de soutenabilité budgétaire relatif au réalisme du budget proposé, aux dépenses publiques induites et à la capacité à payer les dépenses engagées.
Depuis 2005, les fonctions de contrôleur budgétaire ont été regroupées avec celles de comptable public. Au niveau central, dans chaque ministère, elles sont assumées par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM), placé par le ministre chargé du budget auprès des ordonnateurs principaux. Ses missions sont, d’après le décret no 2005-1429 du 18 novembre 2005, le contrôle budgétaire du ministère, sa fonction de comptable et la transmission aux autorités budgétaires et à l’ordonnateur principal d’un rapport annuel sur l’exécution budgétaire et une analyse de la situation financière du ministère. La vision globale dont dispose le ministre des finances lui permet de garantir la sécurité et la fiabilité de la chaîne de la dépense, d’organiser une nécessaire prévention et une maîtrise des risques financiers. Il en va de même au niveau déconcentré, où le contrôleur budgétaire est le directeur régional des finances publiques, assisté d’un membre du contrôle général économique et financier (CGEFI) ou d’un expert de niveau équivalent5.
La vision globale est permise par la collaboration des deux départements sur lesquels le CBCM s’appuie, à savoir le département du contrôle comptable et celui du contrôle budgétaire. Il est à la fois le comptable du ministère et le responsable de la soutenabilité financière de l’exécution par le ministère des programmes dont il a la charge tant en matière de crédits que d’emplois (titre 2). À ce titre, il est possible de dire qu’il représente les directions du budget et des finances publiques. Il évaluera a posteriori les actes dispensés de visa ou d’avis, identifiera les déterminants de la dépense et évaluera l’organisation interne du ministère, notamment la mise en œuvre de son contrôle interne et la sécurisation des procédures. Enfin, il a une mission de conseil auprès des gestionnaires.
Plus spécifiquement, le contrôleur budgétaire contrôle la sincérité de la programmation budgétaire initiale (PBI) et supervise la mise en œuvre de la régulation budgétaire. Il vise le document annuel de PBI afin de vérifier « l’exactitude des projets de répartition des emplois de chaque ministère et de répartition des crédits de chaque programme entre les services de l’État »6.
Le contrôleur budgétaire étudie la cohérence et la soutenabilité budgétaire, notamment au moyen d’avis préalables relatifs aux documents prévisionnels de gestion (DPG) présentés par les gestionnaires et qui comprennent les BOP. Le contrôle porte, par exemple, sur la présence des dépenses obligatoires. Le CF a la possibilité de procéder à une nouvelle ventilation des UO (unités opérationnelles). Les seuils des contrôles ont été relevés pour ne concerner que les actes pouvant entraîner des conséquences budgétaires importantes (approche en termes de risques). C’est le ministre chargé du budget qui élabore, pour chaque ministère, une liste des projets d’actes qui doivent faire l’objet d’un contrôle.
Les contrôles hiérarchisé et partenarial, vus au chapitre 11, renforcent l’efficacité du contrôle interne.
Les corps d’inspection, et notamment l’inspection générale des finances (IGF), réalisent des contrôles externes ; en effet, ils sont externes à l’organisme contrôlé. La mission d’une inspection est ponctuelle. Dans sa conception la plus traditionnelle, elle consiste en le contrôle de la régularité des opérations et peut entraîner des sanctions en cas de défaillance. À tout le moins, l’organisme s’il ne bénéficie pas d’une mauvaise publicité, se trouvera dans des conditions dégradées pour négocier les crédits de l’année suivante. L’IGF a acquis une dimension généraliste et interministérielle, à l’instar de l’inspection générale de l’administration (IGA) pour le ministère de l’intérieur et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour les ministères sociaux, et effectue aujourd’hui essentiellement des missions ne relevant pas du contrôle à proprement parler (cf. infra).
Certains ministères sont par ailleurs dotés de leur propre inspection, comme l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) pour le ministère de l’éducation nationale. Certes, la dimension budgétaire et financière n’est jamais absente lors de ces inspections « techniques » mais ces dernières n’assument pas, en premier lieu, un rôle de contrôle des finances publiques. Elles se concentrent sur le cœur de métier de leur département ministériel.
L’IGF a été créée le 25 mars 1816. Sa fonction historique réside en le contrôle financier, comptable et administratif des comptables publics et des services extérieurs du ministère des finances. Progressivement, ce contrôle s’est étendu à l’ensemble du secteur public, y compris les établissements privés bénéficiant de concours financiers publics. La loi du 8 août 1950 dispose ainsi que l’ensemble des comptes des comptables publics est contrôlé par l’IGF.
En 2015, les activités d’inspection et d’audit interne, qui portent principalement sur les services déconcentrés des ministères financiers, n’ont représenté que 6 % des missions de l’IGF. Ce rôle traditionnel de vérification est devenu marginal, l’IGF réalisant essentiellement des missions de conseil, d’évaluation et d’assistance. L’objectif est alors d’évaluer l’existant de proposer des améliorations, et, parfois, d’aider à leur mise en œuvre. L’IGF est conseil de l’exécutif en préparant la prise de décision politique au plus haut niveau à la demande des pouvoirs publics. Les missions d’expertise et de conseil sollicitées portent notamment sur la mise en œuvre et l’évaluation de certaines politiques publiques. À cette occasion, elle peut, par exemple, évaluer les coûts et les avantages de certaines aides sociales. L’IGF a adopté les nouvelles techniques de contrôle, de maîtrise des risques et accompagne les administrations publiques dans leur modernisation. Par exemple, avec son rapport de septembre 2012 relatif au bilan de la RGPP et les conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’État, elle impulse les nouvelles méthodes de gestion et mesure la performance.
La vérification des comptes locaux a longtemps été partagée entre la Cour des comptes (départements et grandes communes) et les préfets. Or, les membres des conseils de préfecture n’étaient pas spécialisés en matière comptable et financière et le Cour des comptes ne pouvait davantage faire face au nombre important et croissant de comptes, si bien que l’examen n’était pas approfondi. C’est la création, en 1982, des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), lesquelles sont placées depuis 1988 sous le contrôle de la Cour des comptes, qui a permis un véritable contrôle des finances publiques locales.
Les CRTC sont des juridictions financières indépendantes, implantées dans chaque région ou territoire. Elles assurent un contrôle des finances locales adapté aux nouvelles compétences des collectivités territoriales. La loi du 2 mars 1982 identifie trois missions pour les CRTC. Premièrement, elles jugent les comptes des collectivités et établissements publics locaux (EPL) en se substituant, selon les cas, à la Cour des comptes ou à l’apurement administratif. Un appel est possible devant la Cour des comptes. Deuxièmement, elles s’assurent du bon emploi des crédits par un examen de la gestion et, plus largement, par l’évaluation des politiques publiques. Troisièmement, elles participent au contrôle budgétaire, assuré par le préfet et destiné à remplacer les pouvoirs de tutelle budgétaire détenus par les préfets avant la décentralisation.
Une CRTC comporte a minima un président et deux assesseurs et un ou plusieurs commissaires du gouvernement. Les magistrats des CRTC sont inamovibles à l’exception du ministère public. Les présidents de chambre régionale sont nommés par décret du président de la République, sur proposition du premier président de la Cour des comptes et du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes (CSCRC). La moitié au moins et les trois quarts au plus des postes doivent être occupés par des magistrats dont le corps d’origine est celui des CRTC. Les procureurs financiers7 sont choisis parmi les magistrats des CRTC. Ils sont les correspondants du procureur général près la Cour des comptes à qui ils rendent compte de leurs activités. Le CSCRC est le garant de l’indépendance des CRTC.
Les décisions rendues par les CRTC sont collégiales. Le quorum est fixé à trois membres. Les comptables de droit ou de fait, le représentant légal de l’organisme public concerné et le ministère public peuvent faire appel des jugements des CRTC devant la Cour des comptes. Après expiration des délais d’appel, le comptable peut également demander à la CRTC la révision d’un jugement définitif rendu sur ses comptes, en produisant des justifications recouvrées postérieurement au jugement.
La programmation des travaux des CRTC est libre. Elles se sont assignées un rythme quadriennal pour le jugement des comptes. Depuis la loi du 6 février 1992, le préfet et l’autorité territoriale concernée peuvent adresser à la CRTC une demande motivée tendant à l’inscription au programme de l’examen de la gestion d’une collectivité ou d’un EPL ou d’un organisme susceptible de faire l’objet d’un contrôle facultatif. Cette disposition est relativement peu utilisée (20 demandes par an), et les demandes formulées par les autorités territoriales sont surtout nombreuses les années de renouvellement des conseils municipaux. Les CRTC sont libres de donner suite ou non à ces demandes et d’en apprécier l’urgence.
Comme la Cour des comptes, les CRTC font des contrôles sur pièces, mais de façon croissante sur place. Les rapporteurs examinent alors la gestion de l’ordonnateur et entretiennent des contacts directs et fréquents avec ses services.
Depuis la décentralisation, les actes des collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit et le représentant de l’État n’a que le pouvoir de déférer au juge administratif ceux qui lui paraîtraient irréguliers (contrôle a posteriori).
Le législateur a toutefois maintenu un contrôle plus étroit sur les actes budgétaires (cf. chapitre 14). En effet, il convient de s’assurer que les collectivités soient dotées d’un budget dans les délais légaux, que ce budget soit voté en équilibre réel, que son exécution ne conduise pas à un déficit anormalement élevé et qu’il comporte les crédits nécessaires au règlement des dépenses obligatoires. Sauf dans le cas des dépenses obligatoires non inscrites, le préfet est le seul à pouvoir saisir la CRTC. Les cas les plus fréquents de saisine sont relatifs à l’absence d’équilibre réel du budget et au défaut d’inscription de dépenses obligatoires. Le contrôle des actes budgétaires s’applique aux EPL.
Le contrôle budgétaire joue un rôle curatif puisqu’il fait régresser le nombre, déjà réduit, des budgets non votés (mois de 100 cas par an), veille au respect de l’équilibre budgétaire (150 à 200 saisines par an), contribue parfois sur plusieurs années, à la résorption des déficits (150 à 200 saisines par an) et facilite le règlement des dépenses obligatoires (500 saisines par an en moyenne)8.
Depuis la loi du 6 février 1992, le préfet a la faculté de transmettre à la CRTC, en raison de leur incidence financière et des problèmes juridiques qu’elles peuvent soulever, les conventions relatives aux délégations de service public et aux marchés publics. La CRTC rend, dans un délai d’un mois, un avis qui est communiqué au préfet, à l’assemblée délibérante de la collectivité ou de l’établissement public concerné et postérieurement, à toute personne en faisant la demande. Limitées à quelques dizaines par an, ces saisines sont pourtant de nature à permettre la détection relativement précoce des irrégularités ou des risques potentiels.
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Les contrôles des finances publiques ont évolué suite à la LOLF. En effet, l’importance accordée au rôle du gestionnaire et les marges de manœuvre dont il doit disposer rendent délicat le traditionnel contrôle systématique, exhaustif et de légalité. Sont désormais privilégiés des contrôles moins formels et portant davantage sur les grands enjeux financiers. La réforme constitutionnelle de 2008 s’inscrit, en matière budgétaire, dans le même cadre puisque le conseil apporté par la Cour des comptes aux pouvoirs exécutif et législatif, de même que celui procuré par l’inspection générale des finances, s’intéresse à l’ensemble des processus et organisations des administrations, jusqu’à la mise en place d’un contrôle interne. Enfin, la jurisprudence financière confirme un attachement au principe de sincérité et une attention portée à la soutenabilité des finances publiques qui s’apprécie à plus long terme et dépend également des efforts structurels consentis. Le contrôle des finances publiques devient ainsi davantage budgétaire que financier.
SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS
• Le contrôle de l’exécution des lois de finances
• Le contrôle des comptes des comptables publics
• Le contrôle budgétaire
• À quoi sert la Cour des comptes ?
• Les CRTC
• La CDBF
• La réforme des juridictions financières
• L’inspection générale des finances
• Le juge et les finances publiques
• Le Parlement et les finances publiques
• Les commissions des finances