1. On l’a déjà dit : au chapitre LXXXIII de l’Essai sur les mœurs. Gustave Lanson (« Notes sur Le Siècle de Louis XIV », dans les Mélanges Andler, 1924) a établi que la source majeure des chapitres du Siècle consacrés aux affaires ecclésiastiques est l’ouvrage du P. d’Avrigny, Mémoires chronologiques pour servir à l’histoire ecclésiastique (Paris, 1720).

2. Que [le clergé] eût subvenu aux besoins de la patrie par des contributions proportionnées à la valeur de chaque bénéfice : allusion à la tentative de Machault d’Arnouville, ministre des finances, pour assujettir les revenus du clergé à l’impôt du vingtième. Voltaire appuya ce projet en publiant une Lettre à l’occasion de l’impôt du vingtième (1749) et la Voix du sage et du peuple (1750), écrits inspirés par le ministère.

3. Les difficultés qui opposaient alors la papauté aux puissances catholiques faisaient espérer à Voltaire la dislocation imminente de l’Église romaine. Voir René Pomeau, La Religion de Voltaire, Nizet, 1956, p. 346 et suiv.

4. E. Bouvier (Revue d’histoire littéraire, 1938) a découvert la source de cette anecdote : Recueil de pièces pour servir de supplément à l’histoire des pratiques superstitieuses par le R. P. Pierre Le Brun (Amsterdam, 1736). Mais ce Recueil date l’affaire de 1707, et non de 1702. D’autre part, la relique ne fut pas « jetée » (dans ce cas les paroissiens n’auraient pu la réclamer), mais enfermée dans une armoire. — Adorée : le mot est emprunté par Voltaire au Recueil : « on ne l’y vénère pas seulement, on l’y adore ».

5. Dans le Recueil, les demandeurs allèguent en effet le culte rendu à d’autres reliques du Christ : la sainte robe à Argenteuil, un mouchoir à Laon, le saint suaire (et non un autre mouchoir) à Turin. Mais le Recueil ne cite pas les prépuces. Et il est à remarquer que la mention du second prépuce ne fut ajoutée au texte que dans l’édition de Kehl. Néanmoins cette variante doit être authentique, car on lit dans les Notebooks de Voltaire (p. 467) une liste de prépuces plus complète : « Les chrétiens ont depuis longtemps la circoncision en horreur. Cependant les catholiques se vantent de posséder le prépuce de notre sauveur : il est à Rome dans l’église de Saint-Jean de Latran, la première qu’on ait bâtie dans cette capitale ; il est à Saint-Jacques de Compostelle en Espagne ; dans Anvers, dans l’abbaye de Saint-Corneille ; à Compiègne, à Notre-Dame de la Colombe ; dans le diocèse de Chartres, dans la cathédrale du Puy-en-Velay, et dans plusieurs autres lieux. Il y a peut-être un peu de superstition dans cette piété mal entendue. »

CHAPITRE XXXVI

1. Comme l’a montré Gustave Lanson (op. cit.), Voltaire suit principalement l’Histoire de l’Édit de Nantes, par E. Benoist (1693).

2. Après Richelieu, le projet de réconcilier les protestants avec l’Église catholique avait été repris par Turenne, Bossuet, Pellisson, Leibnitz, encouragés par le pape Innocent XI ; mais les cruelles dragonnades de 1685 ruinèrent leurs efforts. Il apparaît que Voltaire a complètement ignoré cette « cabale des accommodeurs de religion ».

4. « Toutes les histoires imprimées en Hollande reprochent à Louis XIV la révocation de l’édit de Nantes. Je le crois bien : tous ces livres sont écrits par des protestants. Ils furent des ennemis d’autant plus implacables de ce monarque, qu’avant d’avoir quitté le royaume ils étaient des sujets fidèles. Louis XIV ne les chassa pas comme Philippe III avait chassé les Maures d’Espagne, ce qui avait fait à la monarchie espagnole une plaie inguérissable. Il voulait retenir les huguenots et les convertir. J’ai demandé à M. le cardinal de Fleury ce qui avait principalement engagé le roi à ce coup d’autorité. Il me répondit que tout venait de M. Bâville, intendant de Languedoc, qui s’était flatté d’avoir aboli le calvinisme dans cette province, où cependant il restait plus de quatre-vingt mille huguenots. Louis XIV crut aisément que puisqu’un intendant avait détruit la secte de son département, il l’anéantirait dans son royaume. » (Anecdotes sur Louis XIV.)

5. Nunc dimittis servum tuum, Domine… quia viderunt oculi mei salutare tuum : « Maintenant, Souverain Maître, tu peux […] laisser ton serviteur s’en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut » (Luc 2, XXIX-XXX).

6. À partir d’ici les sources de Voltaire sont : Brueys, Histoire du fanatisme de notre temps (1692, complétée en 1709 et 1713) ; Louvreleul, curé des Cévennes, Le Fanatisme renouvelé (1704) ; Duval, Histoire du soulèvement des fanatiques dans les Cévennes (1713) ; Mme Dunoyer (que Voltaire connut à La Haye, en 1713, et dont il aima la fille Pimpette), Lettres historiques et galantes (1704). En outre, Voltaire rencontra Cavalier, à Londres, en 1726.

1. Pour l’histoire du jansénisme jusqu’à la paix de l’Église, les sources de Voltaire sont d’une part d’Avrigny, op. cit., et Dumas, Histoire des cinq propositions (1700), tous deux anti-jansénistes, d’autre part le janséniste Gerberon, Histoire du jansénisme (1700), et l’Abrégé de l’histoire de Port-Royal, par Racine, dont la première partie fut imprimée en 1742.

2. Seconde Lettre de M. Arnauld, docteur en Sorbonne, à un duc et pair de France (1655).

3. Voltaire parle de Barrière, qui voulait assassiner Henri IV, et de Châtel, qui tenta de le faire, dans l’Essai sur les mœurs, chap. CLXXIV. — Quant au P. Guignard, voir le « Catalogue », p. 1169, art. « Jouvency ». — La banqueroute de Séville : on lit dans les Lettres annexées au pamphlet de d’Alembert Sur la destruction des Jésuites (1765) : « L’auteur du livre Sur la destruction des Jésuites a passé sous silence quelques traits qui ne font pas honneur aux révérends pères, par exemple celui d’une banqueroute frauduleuse à Séville, il y a une centaine d’années. Les révérends pères avaient établi une banque pour faire valoir par charité chrétienne l’argent des veuves et des orphelins ; après avoir reçu quatre ou cinq mille écus d’Espagne, ils firent leur banqueroute et en furent convaincus juridiquement. »

4. Pascal dit avec plus de nuance (Ve Provinciale) : « Leur objet n’est pas de corrompre les mœurs ; ce n’est pas leur dessein ; mais ils n’ont pas aussi pour unique but celui de les réformer. »

5. P. Quesnel, Abrégé de la morale de l’Évangile, ou pensées chrétiennes sur le texte des quatre évangélistes (Paris, 1674).

7. Le livre du P. Le Tellier, condamné à Rome, s’intitule Défense des nouveaux chrétiens et des missionnaires de la Chine et des Indes (1687).

8. La Vie de Philippe d’Orléans (1736) est attribuée à La Motte (dit La Hode).

9. La lettre de Mme de Maintenon citée dans le paragraphe précédent n’était pas inédite : Voltaire l’a trouvée dans Villefore, Anecdotes ou Mémoires secrets sur la Constitution Unigenitus, 1730.

10. Un petit concile : le grand ami de Voltaire, le comte d’Argental, neveu du cardinal de Tencin, avait demandé que le concile présidé par son oncle ne fût pas qualifié de « petit ». Voltaire promit de faire la correction. Mais il ne tint pas parole. Au contraire, il se réservait de rappeler, dans l’édition posthume, la fâcheuse réputation du cardinal. Voltaire, de passage à Lyon en 1754, lui avait rendu une plaisante visite : le prélat avait déclaré qu’il ne pouvait pas offrir à dîner à un homme aussi mal vu de la cour. Cependant, quelques mois après, Voltaire et Tencin servirent conjointement d’intermédiaires dans les négociations secrètes entre la Prusse et la France.

11. Voltaire était à Paris au moment du miracle (31 mai 1725). Il vit la femme Lafosse, et lui offrit une petite somme d’argent. Il parle de l’affaire dans ses lettres (3 juillet, 20 août). Mais il ne dit pas qu’elle fut guérie seulement au bout de trois mois, et en perdant la vue.

1. « J’ai entendu prêcher qu’il faut aimer Notre-Seigneur pour lui-même, et d’un amour qui ne soit inspiré ni par l’espérance des béatitudes célestes, ni par la crainte des châtiments : et cependant je voudrais l’aimer et le servir par quelque motif que ce fût. »

2. Histoire de Louis XIV : par Reboulet.

3. Bisogna infarinarsi di teologia e fare un fondo di politica : « Il faut s’enfariner de théologie et se faire un fonds de politique. »

4. Allusion à la cour de Prusse, que Voltaire quitta « sans la regretter ».

5. Le dernier livre de Huet s’intitule : Traité philosophique de la faiblesse de l’esprit humain (Londres, 1741).

6. Il se trouve que ce « libelle de l’abbé Phélypeaux », Relation de l’origine, du progrès et de la condamnation du quiétisme (1732), est la source principale de Voltaire dans ce chapitre (G. Lanson, op. cit.). Le Dictionnaire historique cité dans la même note a pour auteurs Barral, Guibaud et Valla.

1. Sur la fin du XVIIe siècle : du XVIe siècle plutôt, Ricci étant mort en 1610.

2. Un de nos meilleurs philosophes : Dortous de Mairan, auteur de Lettres au P. Parennin (1759). Mais « Voltaire se trompe en ce qu’il dit du P. Parennin : c’est le P. de Mailla, et non Parennin, qui rédige la Lettre édifiante (l’Essai sur les mœurs est ici plus exact, au chap. CXCV) ; et c’est le P. de Mailla aussi, avec deux autres jésuites, qui va à la première audience, celle du prince. Parennin n’est que de la seconde, celle de l’empereur. La célébrité de Parennin lui a fait attribuer ce qui appartenait à ses confrères ». (G. Lanson, op. cit.)

LISTE RAISONNÉE DES ENFANTS DE LOUIS XIV

1. Nous donnons ces listes après Le Siècle de Louis XIV : cette disposition, qui paraît la plus naturelle, était celle des premières éditions. Mais dans l’édition de 1768 (Genève, Cramer, « Nouvelle édition revue et augmentée »), Voltaire eut l’idée de placer les listes en tête de l’ouvrage, précédées de cet Avertissement :

On a cru devoir commencer cette nouvelle édition du Siècle de Louis XIV par la liste de la maison royale et de tous les princes du sang de son temps. Elle est suivie de celle de tous les souverains contemporains, des maréchaux de France, des amiraux et généraux des galères, des ministres et secrétaires d’État qui ont servi sous ce monarque ; après quoi vient le catalogue alphabétique des savants et artistes en tout genre. Cette instruction préliminaire est une espèce de dictionnaire, dans lequel le lecteur peut choisir les sujets à son gré pour se mettre au fait des grands événements arrivés sous ce règne.

Mais il est probable que Voltaire déplaça cette « espèce de dictionnaire » parce que dans l’édition de 1768 Le Siècle de Louis XIV était suivi du Précis du Siècle de Louis XV : il n’aura pas voulu rompre la continuité de l’exposé.

1. Ex privatis odiis respublica crescit : « Les inimitiés des particuliers ont souvent accru la force des États » (attribué à Cicéron, Invective contre Salluste).

2. Confugiendum ad astrologiam, astronomiae altricem : « Il faut avoir recours à l’astrologie, nourrice de l’astronomie » (Kepler, Praecepta ex Tabulis Rudolphinis).

3. Boulainvilliers mourut le 22 janvier 1722.

4. Concupiscet rex decorem tuum : « Le roi désirera de voir votre beauté » (Psaumes, 44, v. 12, trad. Sacy).

5. In silvam ne ligna feras : « Ne porte pas de bois à la forêt » ; Horace, Satires, I, X.

6. Voltaire revient sur ce point dans une lettre à Duclos (31 août 1761) : « Quant aux honneurs qu’on rendait à ce grand homme, je sais bien qu’on battait des mains quelquefois quand il reparaissait après une absence ; mais on en a fait autant à Mlle Camargo. Je peux vous assurer que jamais il n’eut la considération qu’il devait avoir. » Voltaire cite ses sources : « Le bonhomme Marcassus, fils de l’auteur de l’Histoire grecque, avait été l’ami de Corneille. Il mourut chez mon père à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Je me souviens de tout ce qu’il nous contait, comme si je l’avais entendu hier. Soyez sûr que Corneille fut négligé de tout le monde, dans les dernières vingt années de sa vie. Il me semble que j’entends encore ces bons vieillards Marcassus, Réminiac, Tauvières, Régnier, gens aujourd’hui très inconnus, en parler avec indignation. »

7. Non avea da torre altra, che costei, / Che tutte le bellezze erano in lei : « Il n’aurait eu qu’à la prendre et sculpter : / En elle se trouvaient toutes beautés » (L’Arioste, Roland furieux, chant XI, LXXI, trad. Michel Orcel).

8. Le donne son venute in eccelenza / Di ciascun’ arte ove hanno posto cura : « Les femmes sont montées à l’excellence / Dans toute science où se sont exercées » (L’Arioste, Roland furieux, chant XX, II, trad. Michel Orcel).

9. De las cosas mas seguras / La mas segura es dudar : « Parmi toutes les choses sûres, la plus sûre est de douter » (proverbe espagnol).

10. L’anecdote du curé de Saint-Eustache vient de l’article « Launoy » du Dictionnaire de Bayle.

11. Et puto tam viles despicis ipse togas : « Tu méprises sans doute ces robes si viles ».

12. Populus nam solos credit habendos / Esse deos quos ipse colit : « Le peuple croit qu’on ne peut avoir que les dieux qu’il révère lui-même » (Juvénal, Satires, 15, v. 37).

13. « Sous le nom de jeunes impudique et de femmes perdues, il traça le récit des débauches du prince, avec leurs plus monstrueuses recherches, et envoya cet écrit cacheté à Néron » (Tacite, Annales, livre XVI, chap. XIX).

14. Turgida oratio : « diction ampoulée » (citation dérivée de Pétrone, Satyricon, 2, VI).

15. Proefulgebant Cassius atque Brutus eo ipso quod effigies eorum non visebantur : « Cassius et Brutus brillaient d’autant plus que leurs statues n’étaient pas visibles » (Tacite, Annales, livre III, chap. LXXVI).

16. Sistimus hic tandem, nobis ubi defuit orbis : « Nous nous sommes arrêtés quand la terre nous a manqué ».

17. Orbis redemptor nunc redemptus : « Le Sauveur du monde est maintenant sauvé ».

18. La Dîme royale est bien de Vauban.