WOMEN’S LIBERATION MOVEMENT [Grande-Bretagne 1968-1980]

Entre 1964 et 1970, les travaillistes sont au pouvoir ; dans un pays protestant, avec un passé de suffragettes particulièrement combatives, l’avortement est dépénalisé dès 1967. En 1968, une grève de femmes donne un formidable élan au Women’s Liberation Movement (WLM). En effet, le 7 juin 1968, sous l’impulsion de Rose Boland, 850 couturières de Ford Dagenham entament une grève pour protester contre les discriminations dont elles sont l’objet : alors que le travail sur les machines exige d’elles un savoir-faire précis, elles sont classées main-d’œuvre non spécialisée avec un salaire représentant 85 % de celui des hommes. Elles réussissent à le faire augmenter à 92 %. Leur combat a donné lieu, en 2010, à un film de Nigel Cole : Made in Dagenham, titré en France We Want Sex Equality. Le National Joint Action Committee for Women’s Equal Rights est directement issu de cette grève.

À Londres, cinq groupes constituent le Women’s Liberation Workshop (« l’atelier de libération des femmes ») et créent la newsletter Shrew (1969-1974) pour coordonner tous les autres groupes. Revient, de manière insistante, le sentiment d’enfermement dans la famille, la dépendance émotionnelle et le manque d’identité.

Un groupe d’étudiantes d’Oxford, dont Sally Alexander et Arielle Aberson, lancent avec Sheila Rowbotham*, jeune professeure d’histoire, le projet d’une conférence pour février 1970 qui deviendra un week-end entier au Ruskin College d’Oxford, du 28 février au 2 mars : viennent plus de 500 femmes, dont une délégation du MLF* français, des féministes radicales, des indépendantes, et des femmes appartenant à des organisations politiques d’extrême gauche. Quatre revendications sont adoptées à l’unanimité : salaire égal, éducation et perspectives égales, crèches gratuites ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, contraception et avortement gratuits.

Lors de la Journée internationale des femmes, le 8 mars* 1971, se forme la plus grande manifestation anglaise depuis l’époque des suffragettes : revendications pour la gratuité de l’avortement et de la contraception, lutte contre le traitement des femmes comme objets sexuels et contre l’oppression et le travail invisible des femmes au foyer, tels sont les points majeurs. Le refuge de femmes battues à Chiswick, dans la banlieue de Londres, créé par Erin Pizzey en 1971, fait modèle pour ce qui deviendra le mouvement Women’s Aid, lequel tiendra sa première conférence nationale en 1974.

En 1972, des conférences nationales ou régionales du WLM ont lieu à Londres, Manchester, Leeds, Édimbourg. Le journal mensuel Spare Rib (« la côte en trop », 1972-1993), premier journal alternatif de femmes, est créé par Marsha Rowa et Rosie Boycott ; et en 1973, naît Virago*, la première maison d’édition de femmes en Angleterre. Des conférences du WLM continuent à se tenir à Bristol, Lancaster, Reading ; les sujets sont l’homosexualité, la libération des femmes et le socialisme, les marxistes dans le WLM, les droits concernant la procréation, la rémunération du travail domestique, l’histoire féministe, la littérature, le droit, les women’s studies. À la conférence nationale d’Édimbourg de 1974, les revendications sont centrées sur le droit des femmes à l’indépendance – légale, financière, sexuelle. L’appartenance de femmes du WLM à des organisations et partis de gauche est alors critiquée, et ces conférences nationales ne sont pas considérées comme représentatives. Les sujets d’intervention s’élargissent aux médias, à l’édition, la santé, la psychiatrie, les métiers manuels, le bâtiment, l’Irlande, ou encore le racisme et le fascisme. L’Equal Pay Act de 1970 entre en vigueur. Pourtant, en 2012, les femmes gagnent encore, en moyenne, 16,4 % de moins que les hommes pour des emplois à plein temps. L’Employment Protection Act (loi pour la protection de l’emploi) est adoptée et augmente certains droits liés à la maternité. Une grande activité est déployée contre le viol et la violence masculine, des rape-crisis centers (« centres contre le viol ») sont ouverts. À côté des conférences nationales du WLM unitaire qui ont lieu jusqu’en 1978, ce qui est assez remarquable, en comparaison avec d’autres pays, se tiennent des interventions organisées par des féministes socialistes ou par des féministes indépendantes, sur la solidarité, la psychanalyse et le féminisme.

En 1976, après vingt et une semaines de grève, les femmes de l’usine Trico-Folberth du Middlesex obtiennent l’égalité des salaires avec les hommes. Le Royaume-Uni semble être le pays d’Europe où ces grèves pour l’égalité des salaires sont les plus fréquentes du fait d’une forte mobilisation. En 1977, à Édimbourg, une manifestation, « Reclaim the Night » (« reprenons la nuit »), a lieu pour la première fois en Grande-Bretagne, après celles des États-Unis et de l’Allemagne.

Le M/F Feminist Journal est créé par Parveen Adams en 1978, et paraîtra jusqu’en 1986. Il trace de nouvelles directions féministes, avec des articles sur le marxisme, la psychanalyse, la différence des sexes, la féminité. Dans le même esprit, paraît en 1982 le livre Feminine Sexuality, Jacques Lacan and the École freudienne, dirigé par Juliet Mitchell*, qui avait participé à la première conférence du WLM à Oxford, et par Jacqueline Rose, engagée dans le mouvement depuis 1974 et collaboratrice du M/F Journal.

Aujourd’hui, après un reflux du militantisme et, comme partout, un backlash, un regain d’activité se dessine avec la conscience de faire partie d’un mouvement mondial, une interaction plus grande avec les femmes des pays en voie de développement.

Catherine GUYOT

WONG, Anna May (WONG LIU TSONG, dite) [LOS ANGELES 1905 - SANTA MONICA 1961]

Actrice américaine.

HODGES G. Russel, From Laundryman’s Daughter to Hollywood Legend, New York, Palgrave Macmillan, 2004.

WOOD, Ellen (née PRICE) [WORCESTER 1814 - LONDRES 1887]

Romancière britannique.

Fille d’un gantier du Worcestershire, élevée par ses grands-parents maternels avant de retrouver ses parents à l’âge de 7 ans, Ellen Price est attirée très tôt par l’écriture. À 22 ans, elle épouse Henry Wood, un banquier dont elle adopte le prénom et le nom comme nom de plume. Les vingt premières années de leur mariage se passeront dans le Dauphiné, où elle donne naissance à ses cinq enfants et se met à écrire des nouvelles publiées dans le New Monthly Magazine. De retour à Londres, lorsque la fortune de son mari se met à décliner, elle se tourne vers la forme romanesque et va ainsi faire vivre la famille. Son roman le plus célèbre, Les Châtelaines d’East Lynne, commence à paraître sous la forme d’un feuilleton et est édité en 1861 sous forme de livre. Il sera suivi d’une trentaine d’autres, et d’une centaine de nouvelles, alors même que la santé fragile de l’auteure la contraint à écrire le plus souvent couchée. Sous couvert d’un nom de femme mariée respectable, Ellen Wood s’adonne à l’écriture d’histoires à sensation qui mêlent ces meurtres, adultères, passion et effets surnaturels qui font les meilleurs mélodrames.

Geneviève CHEVALLIER

Les Châtelaines d’East Lynne (East Lynne, 1861), Paris, Ambassade du livre, 1959.

WOOD, Natalie (née Natalia ZAKHARENKO) [SAN FRANCISCO 1938 - SANTA CATALINA ISLAND 1981]

Actrice américaine.

La mère de Natalie Wood, danseuse classique d’origine française (son père est un architecte russe), pousse sa fille à débuter à l’écran à l’âge de 4 ans, dans Happy Land (1943). Le réalisateur Irving Pichel engage de nouveau la fillette pour Demain viendra toujours (1946), avec Orson Welles et Claudette Colbert*. Elle enchaîne les films avec Joseph Mankiewicz, Rudolf Maté, John Ford. Elle garde un air juvénile, ne mesurant que 1, 52 mètre. À 17 ans, elle obtient une nomination aux Oscars pour La Fureur de vivre (1955), de Nicholas Ray, où elle enflamme James Dean. Mais c’est avec N. Ray qu’elle va vivre une relation tumultueuse. En 1961, sur un scénario de William Inge (qui obtient l’Oscar), Elia Kazan fait de l’actrice la partenaire du débutant Warren Beatty dans La Fièvre dans le sang, lui valant une deuxième nomination. La même année, le drame musical West Side Story, qui adapte un succès de Broadway, triomphe partout : transposant Roméo et Juliette chez les bandes de jeunes de New York, les chansons signées Leonard Bernstein et Stephen Sondheim – dont Maria – et la réalisation de Robert Wise accumulent 10 Oscars. Mais non pour N. Wood qui chante par la voix de Marni Nixon. Devenue une star, l’actrice passe de la comédie (Gypsy, Vénus de Broadway, 1962) au drame : dans Daisy Clover (1965), de Robert Mulligan, le scénario de Gavin Lambert recrée le Hollywood des années 1930, opposant l’actrice à Robert Redford en comédien bisexuel. L’année suivante, le couple se reforme dans Propriété interdite, de Sydney Pollack, d’après Tennessee Williams. N. Wood épouse en 1957 l’acteur Robert Wagner : ils divorcent en 1962, se remarient en 1972. Entre-temps, elle a une fille, qui deviendra la comédienne Natasha Gregson Wagner. En 1981, N. Wood est à bord de son yacht Splendour, avec R. Wagner et l’acteur Christopher Walken. Dans la nuit, elle disparaît et sera retrouvée noyée. Deux enquêtes de police n’ont pas résolu ce mystère. L’actrice avait légué sa collection d’art précolombien à l’université de Los Angeles.

Bruno VILLIEN

FINSTAD S., Natasha : The Biography of Natalie Wood, New York, Harmony Books, 2001 ; LAMBERT G., Natalie Wood : A Life, New York, Alfred A. Knopf, 2004 ; WOOD L., Natalie : A Memoir by Her Sister, New York, Putnam, 1984.

WOODHULL, Victoria CLAFLIN [HOMER 1838 - TEWKESBURY, ROYAUME-UNI 1927]

Éditrice de presse américaine.

Issue d’un milieu modeste, après avoir été actrice et rouleuse de cigares, Victoria Woodhull s’installe avec sa sœur, Tenessee Claflin, comme « voyante médicale » et guérisseuse, en 1860, à New York. Cette activité lui permet de s’enrichir, et elle devient, notamment grâce aux conseils du magnat Commodore Cornelius Vanderbilt, la première femme dirigeante d’une société de courtage à Wall Street, Woodhull, Claflin, and Co. Elle s’implique alors dans la vie politique et lance l’hebdomadaire Woodhull and Claflin’s Weekly en 1870. Cette entreprise qui dure six ans fait d’elle la première femme éditrice d’un hebdomadaire aux États-Unis. Ce journal traite des droits et de l’éducation des femmes, fait la promotion de l’amour libre, discute de l’avortement, du travail et de l’emploi des femmes, des liens entre marxisme et voyance, et des progrès de sa carrière politique. En 1872, première femme candidate à la présidence des États-Unis, elle fait campagne pour l’accession des femmes au droit de vote, suscitant la création d’un parti de l’égalité des droits (Equal Rights), et dénonce l’hypocrisie qui règne au sujet de la prostitution, ce qui lui vaut d’être emprisonnée pour propos obscènes. Les bulletins de vote en sa faveur ne sont pas décomptés. Violemment critiquée pour ses prises de position en faveur de l’amour libre par le révérend Henry Ward Beecher, un prêcheur très en vue, elle révèle dans son journal la liaison adultère de cet homme avec une femme mariée, provoquant un scandale. Mais le pasteur puritain reste célèbre en tant qu’abolitionniste, tandis que V. Woodhull quitte les États-Unis après une deuxième peine de prison.

Larry E. SULLIVAN

BLONDEAU N., FEUILLEBOIS J.-P., Victoria la scandaleuse, la vie extraordinaire de Victoria Woodhull, Paris, Mangès, 1979 ; HAVELIN K., Victoria Woodhull : Fearless Feminist, Minneapolis, Lerner, 2006.

WOODMAN, Francesca [DENVER 1958 - NEW YORK 1981]

Photographe américaine.

Originaire d’une famille d’artistes, Francesca Woodman étudie à partir de 1975 à la Rhode Island School of Design (Providence), puis séjourne à Rome de 1977 à 1978. Inspirée par les sculptures baroques, elle développe le thème de l’ange dans sa photographie On Being an Angel (1977-1978). Sa première exposition personnelle a lieu en 1978. À la fin de ses études, elle part pour New York où elle travaille provisoirement comme modèle et assistante de photographe, puis participe à diverses expositions collectives. Elle se lie d’amitié avec le collectionneur d’œuvres surréalistes Timothy Baum. Ses photographies entretiennent des liens étroits avec la photographie surréaliste, comme les jeux de déformations du nu féminin, le recours aux objets trouvés, le penchant pour les intérieurs délabrés. En janvier 1981, elle publie un premier livre d’artiste, Some Disordered Interior Geometries. F. Woodman s’est presque exclusivement mise en scène. Son corps fait souvent l’effet d’un fragment ou d’une apparition fugitive, suggérant le transitoire. Ses Photographies sans titres (1975-1976) la figurent jouant avec des miroirs pour démultiplier le mouvement et l’effet illusoire de l’image. Parfois, elle se fond avec son environnement comme dans la série Houses (1976), où on la voit s’effacer dans une surface plane, ou disparaître dans un plancher, opposant constamment la fragilité de son corps au milieu physique environnant. Ses images élaborent des énigmes prenant à partie le spectateur. Fascinée par la transformation et la perméabilité des frontières considérées comme figées, la jeune femme illustre dans son œuvre le moment délicat entre adolescence et âge adulte, la présence et l’absence. Ses travaux témoignent de l’influence de la peinture baroque, de l’art moderne et du postminimalisme. Elle met fin à ses jours le 19 février 1981. Son œuvre, environ 800 clichés, continue d’avoir une grande influence sur la création photographique contemporaine. À l’instar de certaines artistes contemporaines comme Cindy Sherman* ou encore Nan Goldin*, elle réinterprète l’image du corps féminin, notamment dans son Autoportrait parlant à Vince (1975), où elle montre son visage, la bouche ouverte emplie de plastique.

Sixtine DE SAINT-LÉGER

Francesca Woodman (catalogue d’exposition), Arles/Paris, Actes Sud/Fondation Cartier pour l’art contemporain, 1998.

TOWNSEND C., Francesca Woodman, Londres, Phaidon, 2006.

WOOLF, Virginia (née STEPHEN) [LONDRES 1882 - ID. 1941]

Romancière et essayiste britannique.

Virginia Woolf passe son enfance dans un milieu de culture intellectuelle et artistique foisonnante. Elle apprend le grec, le latin, l’allemand et l’histoire dans un collège londonien (1897-1901), tout en étant sujette à plusieurs dépressions nerveuses, suite à la mort de sa mère et d’une de ses sœurs, mais aussi suite à des abus sexuels de ses demi-frères. À 22 ans, elle devient l’égérie du Bloomsbury Group et elle épouse Leonard Woolf en 1912. Tous deux fondent la Hogarth Press, qui édite Forster, T.S. Eliot et, à partir de 1921, les œuvres complètes de Freud. En 1915, elle publie son premier roman, La Traversée des apparences (The Voyage Out). En 1928, elle commence une liaison amoureuse avec Vita Sackville-West sans pour autant négliger son mari. Après ses immenses succès littéraires, sa santé mentale se dégrade et elle se suicide par noyade. Elle est certainement la plus grande innovatrice de la littérature anglaise, développant et affinant, après Dorothy Richardson*, la technique du « courant de conscience » sans la séparer d’un engagement politique et féministe radical. Dans La Chambre de Jacob (Jacob’s Room, 1922), son premier chef-d’œuvre, le personnage principal est un jeune homme en quête de la réalité des choses. Mrs Dalloway (1925) estompe les limites entre la conscience, les moments et les espaces, mêlant style direct et style indirect libre, omniscience et monologue intérieur, et, en même temps, dénonciation de l’oppression économique et sexuelle et du narcissisme bourgeois. Deux ans après, La Promenade au phare (To The Lighthouse, 1927) célèbre l’amour de la femme en tant que créatrice du sens des choses. Dans Orlando (1928), récit léger mais brillant, un jeune homme se transforme en femme lors d’un voyage à Constantinople. Trois Guinées (Three Guineas, 1938) est un essai engagé qui examine les difficultés des femmes devant le pouvoir masculin et prône un changement dans leur éducation et leur statut social. Entre les actes (Between the Acts, 1941), publié après sa mort, résume, en fait, l’ensemble de l’œuvre, récit symbolique, lyrique, de dégradation et de résurgence, prose et poésie mêlée, qui englobe l’histoire de l’Angleterre, méditation sur le temps, l’ambivalence sexuelle et la transformation de la vie par l’art.

Michel REMY

Œuvres romanesques, 2 t., Paris, Gallimard, 2012.

PELLAN F., L’ancrage et le Voyage, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1994.

WORKMAN, Fanny BULLOCK [WORCESTER, ÉTATS-UNIS 1859 - CANNES 1925]

Exploratrice et alpiniste américaine.

En 1889, Fanny Bullock Workman et son mari accomplissent leur premier voyage : ils visitent la France en bicyclette, puis l’Italie, l’Espagne, l’Algérie et le Maroc. En 1898, ils entreprennent de remonter l’Inde, du sud au nord, toujours à vélo : 2 500 kilomètres parcourus sur des pistes boueuses ou sablonneuses, par des températures de plus de 40 oC, avec 24 kilos de bagages. Ils abandonnent ensuite leur moyen de transport pour un trek qui les conduit de Srinagar au Ladakh par la passe de Karakorum. C’est le début d’une exploration systématique des sommets de l’Himalaya : trois d’entre eux conquis en 1899 ; le glacier de Chogo Lungma dans le Karakorum, long de 40 kilomètres, en 1902-1903 ; le massif du Nun Kun en 1906 ; le glacier d’Hispar en 1908 ; le Siachen, glacier long de 70 kilomètres, en 1911 et 1912. Ils n’interrompent leurs expéditions que pour rendre leurs rapports à la Société royale de géographie de Londres, où F. B. Workman prend toujours la parole, de même que c’est elle qui écrit et signe les livres publiés. Les erreurs qu’elle commet dans l’appréciation des altitudes atteintes empêcheront qu’elle soit reconnue comme une grande alpiniste par les spécialistes, mais ses performances n’en restent pas moins étonnantes. On se souvient d’elle grâce à cette image frappante : une femme debout dans la neige, emmitouflée dans sa robe de laine, son vaste chapeau maintenu par un voile, son piolet planté devant elle, une affichette entre ses moufles sur laquelle on peut lire Votes for Women.

Christel MOUCHARD

Avec WORKMAN W. H., In the Ice World of Himalaya : Among the Peaks and Passes of Ladakh, Nubra, Suru and Baltistan, Londres, T. Fisher Unwin, 1900.

WORKMAN, Nanette (Joan WORKMAN, dite) [NEW YORK 1945]

Chanteuse et animatrice canadienne.

Née de l’union d’un trompettiste et d’une chanteuse de music-hall, Nanette Workman se produit dès l’âge de 10 ans dans des émissions télévisées produites par sa mère. Animatrice à son tour, elle poursuit parallèlement des études supérieures de musique, puis débute dans une comédie musicale. En 1966, elle se lie d’amitié avec le producteur et chanteur Tony Roman qui l’emmène au Québec. Trois ans plus tard, elle traverse l’Atlantique et devient la choriste attitrée d’une pléiade de stars (les Rolling Stones, Joe Cocker, Johnny Hallyday, Paul McCartney). En 1978, elle joue dans la version originale de Starmania, puis dans La Légende de Jimmy et débute sa carrière solo grâce à Luc Plamondon. Saluée par la critique et le public pour sa trilogie dédiée au blues (Roots and Blues ; Vanilla Blues Café ; Mississipi Rolling Stone), elle se distingue par un timbre éraillé et ample, et des performances scéniques exubérantes. En 2008, N. Workman publie sa biographie Rock’n’Romance et sort une Anthologie 1975-2005. Le 7 février 2012 sort Just gettin’started, fruit de deux ans de travail. L’artiste prolixe signe quatre chansons auxquelles s’ajoutent quelques reprises dont un titre des Rolling Stones et un de Ray Charles.

Anne-Claire DUGAS

Anthologie 1975-2005, Musicor, 2008.

WORMSER-MIGOT, Olga (née JUNGELSON) [NANCY 1912 - ID. 2002]

Historienne française.

Née dans une famille de réfugiés russes mencheviques, Olga Jungelson est élève du lycée Fénelon, à Paris, puis étudiante en histoire à la Sorbonne. Après un échec à l’agrégation en 1938, elle enseigne dans le secondaire, dont elle est révoquée durant l’Occupation. Fin août 1944, elle entre au service de l’état civil du ministère Frenay, chargée de la localisation et de la recherche des déportés. Ses travaux sur l’histoire de la déportation et du système concentrationnaire nazi prennent leur origine durant ces neuf mois au ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés. Au printemps 1945, au Lutetia, elle recueille les premiers témoignages de rapatriés ; en mai, elle est en mission à Bergen-Belsen. En 1946, elle se rend en Pologne, sur les sites des camps de Majdanek et d’Auschwitz-Birkenau. Sa situation lui permet d’être à la fois en relation avec les déportés et de prendre connaissance des archives. En 1952, elle entre comme chargée de recherche au Comité des travaux historiques, avant d’occuper un poste de documentaliste à l’Institut pédagogique national. Avec Henri Michel, en 1954, elle est conseillère du film d’Alain Resnais, Nuit et brouillard ; cette même année, ils sont à l’origine d’une anthologie de témoignages sur les camps, Tragédie de la déportation, 1940-1945. En 1965, elle publie ses souvenirs des années 1944-1945, Quand les Alliés ouvrirent les portes et soutient sa thèse d’État en 1968, Le Système concentrationnaire nazi (1933-1945), première thèse française sur la déportation. Son travail, jugé d’une incontestable qualité et a posteriori précurseur – il souligne déjà la diversité des déportations et la différence entre la concentration et l’extermination –, est terni par la polémique créée par son affirmation selon laquelle les chambres à gaz n’auraient pas existé dans les camps de concentration à « l’ouest », notamment Ravensbrück et Mauthausen. Elle reste très affectée par la virulence des réactions formulées à la fois par le milieu des déportés (Pierre Serge Choumoff et Germaine Tillion*) et par celui des historiens. Elle publie ensuite : L’Ère concentrationnaire (1970) ; L’Ère des camps (1973) ; en collaboration avec Vercors, un pamphlet contre les révisionnistes, Assez mentir ! (1979). Avant de concentrer ses recherches sur l’univers concentrationnaire, O. Wormser-Migot s’était intéressée à l’histoire des femmes (Les Femmes dans l’histoire, 1952) et à des monarques du XVIIIsiècle : Catherine II (1956) ; Frédéric II (1958) ; Marie-Thérèse impératrice (1960). Elle a épousé Henri Wormser en 1948 et rencontré André Migot en 1955.

Isabelle ERNOT

LINDEPERG S., Nuit et brouillard, un film dans l’histoire, Paris, O. Jacob, 2007 ; ID., WIEVIORKA A., Univers concentrationnaire et génocide, voir, savoir, comprendre, Paris, Mille et une nuits, 2008.

WORRINGER, Marta (née SCHMITZ) [COLOGNE 1881 - MUNICH 1965]

Peintre, dessinatrice et artiste textile allemande.

Dans les années 1920, Marta Worringer a produit une série d’œuvres d’une grande puissance expressive. Ses figures maniéristes, aux silhouettes allongées et aux regards fixes, témoignent d’une attention soutenue à l’humanité souffrante. Née dans une famille bourgeoise aisée et progressiste de Cologne, elle épouse, en 1907, l’historien de l’art et défenseur de l’expressionnisme Wilhelm Worringer, avec qui elle s’installe à Berne, où elle est l’élève de Cuno Amiet, puis à Bonn. Elle expose en 1911 au Salon d’automne de Paris une Composition grotesque aujourd’hui perdue. Elle est de tous les groupements d’avant-garde. Parmi ses premières œuvres conservées figure la lithographie Les Taciturnes de 1920, dont le rapport à l’expressionnisme est étroit, et le thème – l’impuissance des individus face au cours des événements –, récurrent dans sa production. Au cours des années 1920, son style plus réaliste s’approche de la Nouvelle Objectivité. Les figures féminines stylisées des Épouses de mineurs à Dortmund devant la mine après un accident (1925) sont toutes semblables par leur silhouette et leur expression hagarde, tendues vers le quart gauche, vide, de la page, dans l’incertitude quant au sort des mineurs. M. Worringer connaît un succès critique et commercial pour ses dessins et gravures, ses réalisations a tempera, et ses broderies qu’elle compose comme des peintures. En 1928, le couple et ses trois filles déménagent au bord de la mer Baltique. Ce sont des années difficiles, au cours desquelles les thèmes de la douleur et de la mort se font prégnants. Bien qu’inscrite à la Reichskammer für Bildende Künste (« département des beaux-arts du Reich »), M. Worringer rencontre des difficultés avec le pouvoir national-socialiste. Ses créations de cette époque sont inspirées de la Bible ou de contes. À partir de 1942, ses dessins décrivent avec émotion la détresse et l’angoisse des familles fuyant l’ennemi (L’Exode des réfugiés, 1942). En 1944, elle fuit avec sa famille à Berlin, abandonnant ses réalisations. Le couple finit sa vie à Munich ; les autoportraits de M. Worringer se font de plus en plus méditatifs. Un grand nombre de ses œuvres sont aujourd’hui conservées à la August Macke Haus de Bonn.

Carole BENAITEAU

Meiner Arbeit mehr denn je verfallen (catalogue d’exposition), Bonn, Verein August Macke Haus, 2001.

JOCHIMSEN M., Rheinische Expressionistinnen, Bonn, Verein August Macke Haus, 1993.

WOUTERS, Liliane [BRUXELLES 1930]

Écrivaine belge d’expression française.

Dans son récit autobiographique, Paysage flamand avec nonnes (2007), Liliane Wouters évoque sa naissance « illégitime », sa famille flamande pauvre où le français est langue d’émancipation sociale, et ses années de formation, au cours desquelles s’affirment sa foi profonde, son attrait pour la poésie et ses attirances homosexuelles. Son premier recueil, La Marche forcée (1954), explore les contradictions intimes d’une nature inquiète ; il témoigne d’une parfaite maîtrise des règles de la prosodie classique, qui tranche sur les tendances formelles de l’époque. Publié à Bruxelles, il reçoit à Paris le prix de la Nuit de la poésie. Les titres suivants paraîtront dans la capitale française : Le Bois sec (1960), Le Gel (1966) où elle fait l’expérience de la « cruauté de l’art ».  Elle adapte des poèmes flamands du Moyen Âge, réunis dans Belles Heures de Flandre (1961) et coédite les quatre volumes de La Poésie francophone de Belgique (1970). Elle écrit aussi pour le théâtre. Présence obsédante de la mort, dramaturgie du non-dit, irruption de la folie : plusieurs de ses pièces sont marquées par l’influence symboliste. Mais c’est avec une œuvre d’ancrage réaliste que l’auteure connaît le succès populaire. En 12 tableaux, La Salle des profs (1983) suit un groupe d’enseignants pendant une année scolaire et souligne les difficultés de leur métier. Souvent traduite, la pièce sera adaptée pour la télévision. Journal du scribe (1986), son chef-d’œuvre, marque un retour à l’écriture poétique. Le Billet de Pascal (2000), d’inspiration plus autobiographique, fait se rejoindre dans une même expérience de l’extase une femme peu instruite, grand-mère de la poétesse, et l’auteur des Pensées. L. Wouters a été élue en 1985 à l’Académie royale de langue et de littérature françaises.

Carmelo VIRONE

L’Équateur, suivi de Vies et morts de Mademoiselle Shakespeare, Bruxelles, J. Antoine, 1984 ; Charlotte ou la Nuit mexicaine, Bruxelles, Les Éperonniers, 1989 ; Tous les chemins mènent à la mer, Bruxelles, Les Éperonniers, 1997 ; avec NAMUR Y., Le Siècle des femmes, Bruxelles, Les Éperonniers, 2000 ; Changer d’écorce, poésie 1950-2000, Tournai, La Renaissance du livre, 2001 ; Vie-poésie, Carnières, Lansman-Chaire de Poétique, 2011.

WRIGHT, Alexis [CLONCURRY 1950]

Écrivaine australienne.

Née de parents australiens dont une mère aborigène, Alexis Wright est originaire du nord de l’Australie. Son œuvre comprend des romans, Les Plaines de l’espoir (1997) et Carpentarie (2006), qui lui ont valu le prestigieux prix Miles-Franklin, mais également des textes non littéraires : Grog War (« la guerre contre l’alcool », 1997) et Croire en l’incroyable (2000). Elle est aussi l’auteure d’une nouvelle, Le Pacte du serpent arc-en-ciel (2002), ainsi que l’éditrice d’une anthologie de textes sur le mouvement de restitution des terres en Australie : Take Power, Like This Old Man Here : An Anthology of Writings Celebrating Twenty Years of Land Rights in Central Australia (« prenez le pouvoir comme ce vieil homme ici, une anthologie d’écrits célébrant vingt ans de droits de la terre en Australie centrale », 1998). Hantée par le thème de la mémoire du peuple aborigène, qu’elle tente de faire revivre à travers l’héritage culturel de sa mythologie et de sa tradition orale, l’œuvre d’A. Wright est aussi une œuvre engagée qui aborde sans détour des problèmes contemporains comme l’alcoolisme et les difficultés d’intégration des Aborigènes ou encore la violence raciale dont ceux-ci sont victimes. Son premier roman, Les Plaines de l’espoir, aborde le sujet de la mémoire, individuelle mais aussi collective, à travers trois générations de femmes, dont une petite fille aborigène élevée par des missionnaires blancs. Figure emblématique de la génération d’enfants arrachés à leur mère aborigène sous prétexte de les intégrer à l’Australie blanche – phénomène connu sous l’appellation Stolen Generation –, Ivy représente cette génération privée de son passé, condamnée à une amnésie forcée et longtemps gommée du discours officiel. Le dernier roman de l’auteure, Carpentarie, renoue avec la tradition orale et nous fait entendre la voix des anciens, qui nous parvient par bribes au fil d’un récit fragmenté fait de vignettes. Il mêle la mythologie aborigène du dreamtime – ce temps d’avant notre ère dont les légendes expliquent la formation du paysage australien par l’intervention des esprits – à la chronique d’une petite ville minière, où populations blanche et aborigène s’observent sans véritablement se côtoyer. Ce récit fonctionne sur le mode de la cueillette, selon une image chère à A. Wright, et brosse petit à petit le portrait détaillé d’une ville rurale australienne.

Françoise KRAL

Croire en l’incroyable (Believing the Unbelievable), Arles, Actes Sud, 2000 ; Le Pacte du serpent arc-en-ciel (The Serpent’s Covenant), Arles, Actes Sud, 2002 ; Les Plaines de l’espoir (Plains of Promise, 1997), Arles/Montréal, Actes Sud/Leméac, 2002 ; Carpentarie (Carpentaria, 2006), Arles, Actes Sud, 2009.

WRIGHT, Judith ARUNDELL [THALGARRAH STATION 1915 - CANBERRA 2000]

Poétesse australienne.

Comptant parmi les poétesses australiennes les plus importantes du XXe siècle et activiste écologique pour la défense des droits territoriaux des Aborigènes, Judith Arundell Wright est issue d’une famille pastoraliste, dont les racines remontent aux années 1820. Elle vécut son enfance à la campagne, futur matériau de sa poésie, surtout lors de son retour à ses origines rurales après un séjour prolongé en ville. Son œuvre est considérable : The Moving Image (« l’image [é]mouvante », 1946), Woman to Man (« de femme à homme », 1949), The Gateway (« le portail », 1953), The Two Fires (« les deux feux », 1955), Birds (« les oiseaux », 1962), Five Senses (« les cinq sens », 1963), The Other Half (« l’autre moitié », 1966), Shadow (« l’ombre », 1970), Alive : Poems 1971-1972 (« vivante, poèmes 1971-1972 », 1973), Fourth Quarter and Other Poems (« le quatrième quart et autres poèmes », 1976) et Phantom Dwelling (« habitation fantôme », 1985). La représentation de sa contrée natale – la montagneuse Nouvelle-Angleterre –, ainsi que celle de la flore et de la faune australiennes, se démarque nettement des préoccupations esthétiques allogènes pour révéler une profonde empathie avec la culture aborigène, qui fut couronnée par sa relation amicale avec la poétesse aborigène Oodgeroo Noonuccal* (née Kath Walker). Tout comme Les Murray, dont elle devançait l’œuvre, J. A. Wright ne se réclamait pas d’un point de vue aborigène, mais soulignait l’importance de respecter l’autre sans nier le gouffre béant qui les séparait. Sa poésie donne souvent l’impression d’une intense conversation panthéiste avec la nature, qui fait penser à cette autre poétesse de l’autre Nouvelle-Angleterre, Emily Dickinson* ; mais son art reste terre à terre, sans la troublante ambivalence d’un Ted Hughes. Les poèmes de la période médiane traitent des relations mère-fille et homme-femme, tandis que la forte dimension éthique de certains poèmes ultérieurs signale son engagement pour des causes sociopolitiques. Quant à la forme, la poétesse a longtemps employé le pentamètre iambique de la tradition anglaise pour ensuite utiliser des formes plus exotiques comme le ghazal et le haïku. J. A. Wright est la récipiendaire de nombreuses distinctions, dont la très convoitée Queen’s Gold Medal for Poetry (1992).

Peter H. MARSDEN

BRADY V., South of My Days : A Biography of Judith Wright, Sydney, Angus & Robertson, 1998 ; HOPE A. D., Judith Wright, Melbourne, Oxford University Press, 1975 ; WALKER S., Flame and Shadow : A Study of Judith Wright’s Poetry, St Lucia, University of Queensland Press, 1991.

WRIGHT-MASSON, Elsie [DUNKERQUE 1878 - PONTIVY 1953]

Écrivaine et militante pacifiste française.

Dans l’ouvrage érudit qu’ils consacrent à Émile Masson, professeur de liberté (1991), J. Didier et Marielle Giraud ne manquent pas une occasion d’évoquer, en une sorte d’unité duelle, le couple Masson : « les Masson », « Elsie et Émile », « Émile et Elsie », marquant ainsi à quel point ces deux personnalités, mari et femme, se trouvent intimement associées dans leurs réalisations communes, aux côtés de productions plus strictement individuelles. Un propos d’Elsie Wright-Masson, au début de leur rencontre, énonce le principe de ce compagnonnage : « Camarade, sœur dans le combat, dans la bataille » – bataille de l’âpre lutte quotidienne, de l’enfantement, de la rébellion politique et de la création littéraire, qu’E. Wright-Masson mènera jusqu’à la fin avec une énergie, une générosité et une lucidité exemplaires. « Née à Dunkerque en 1878 de parents anglais… enfant non reconnue, comme le précisent les Giraud, élevée en Angleterre jusqu’à l’âge de 16 ans », Elsie, après des études en Angleterre et en France, trouve un emploi à Strasbourg, territoire allemand, et collabore au Petit Bulletin pour nos Enfants (1911). Traductrice, entre autres, de Ruskin, elle écrit à un inconnu, Émile Masson, qui vient de publier en 1901 une traduction de Ruskin dans Pages libres. Échange de lettres, et rencontre quasi miraculeuse à Paris. Elsie, 23 ans, l’accueille. Émile la décrit : « très brune, de cheveux et de teint… une délicate figure de quarteronne presque… ses yeux d’or sombre… quelque chose d’exotique et de rare. » Passion amoureuse et laborieuse ensemble : mariage, naissance difficile de deux enfants, travaux d’écriture et de traduction, enseignement, action politique, dures conditions de vie qu’aggravent les troubles psychologiques dont souffre Émile n’altèreront en rien cette exceptionnelle communauté de vie, de travail et de militantisme, sous le signe d’un anarchisme et d’un pacifisme souples, rigoureux et critiques.

Roger DADOUN

La Vie et l’Œuvre de John Ruskin, Paris, Pages libres, 1902 ; Un individualiste américain : Henry David Thoreau et « The Ruskin School-House », Paris, Pages Libres, 1905 ; Walt Whitman, ouvrier et poète, Paris, Mercure de France, 1907 ; Lettres d’amour de Jane Welsch et Thomas Carlyle, 2 vol., Paris, Mercure de France, 1910.

GIRAUD D. et M., Émile Masson, professeur de liberté, éditions Canope, 1991 ; GIRAUD M., « Le monde d’Émile Masson : du côté des femmes», in Émile Masson, prophète et rebelle, DIDIER J. et GIRAUD M. dir., Presses Universitaires de Rennes, 2005.

WROTH, Mary (née SIDNEY) [1587-1653]

Romancière et poétesse britannique.

Fille de Robert Sidney, de l’illustre famille de mécènes et lettrés de la Renaissance dont plusieurs membres sont des poètes célèbres, Mary Sidney, qui doit son prénom à son illustre tante, reçoit une solide éducation de la part de ses tuteurs. La réputation de sa famille lui permet d’approcher la cour de Jacques Ier et, introduite auprès de la reine Anne, de participer à de nombreux « masques » et autres divertissements de cour. Ben Jonson lui dédie sa pièce The Alchemist (1610). En 1604, elle épouse un propriétaire terrien, John Wroth, qui décède en 1614, peu après la naissance d’un fils qui mourra lui aussi deux ans plus tard. M. Wroth se lie alors à son cousin William Herbert (dont elle aura deux enfants), qu’elle dispute à la reine Anne. C’est là sans doute l’objet de The Countess of Montgomery’s Urania (l’Uranie étant un hommage à l’Arcadie de Philip Sidney, son oncle), le premier roman à clef écrit en anglais par une femme, en 1621, et qui décrit ses contemporains et les scandales de cour de manière satirique, sous couvert de l’histoire des amours de Pamphilia et son amant Amphilanthus. Les sonnets pétrarquéens qui suivent et reprennent le thème sont également les premiers sonnets écrits par une femme. Si Pamphilia transgresse les codes de son époque en voulant choisir l’homme qu’elle aime, c’est aussi ce que fait la poétesse en donnant la parole à une femme, dont elle loue l’indépendance au lieu de la condamner, ce qui lui vaut l’interdiction de publication dans les mois qui suivent la parution de son texte.

Geneviève CHEVALLIER

HANNAY M. P., Mary Sidney, Lady Wroth, Farnham, Ashgate, 2010.

WU CHIEN-SHIUNG [SHANGHAI 1912 - NEW YORK 1997]

Physicienne sino-américaine.

Élevée dans une petite ville à 50 kilomètres de Shanghai, Wu Chien-Shiung mène une enfance nourrie de discussions sur la science et les mathématiques, mais aussi sur la liberté et le rôle de l’éducation. Son père est le fondateur d’une école professionnelle pour femmes. Très tôt, elle complète l’enseignement reçu à l’école par des lectures personnelles. Elle poursuit ses études aux États-Unis dès 1936. Elle soutient sa thèse en 1940 sous la direction du Pr Ernest Lawrence à l’université de Berkeley. Elle se démarque par sa capacité à concevoir des montages expérimentaux originaux fournissant des mesures précises. Son sujet de thèse concerne les produits de fission de l’uranium. Elle accepte un premier poste au Smith College, une école pour femmes de la côte est. Mais il n’y a pas les infrastructures lui permettant de mener à bien la recherche expérimentale qu’elle affectionne. En 1943, elle est la première femme embauchée comme enseignante à l’université de Princeton. En 1944, elle est invitée à rejoindre le groupe de scientifiques du projet Manhattan à l’université Columbia de New York. Elle y passera le reste de sa carrière, au département de physique. On lui doit de nombreuses découvertes et la mise au point d’expériences décisives pour la compréhension de la physique nucléaire. Wu Chien-Shiung a notamment amélioré les méthodes d’enrichissement de l’uranium en développant de nouvelles techniques de séparation d’isotopes radioactifs. Elle a fait progresser la technologie des compteurs Geiger, appareils de mesure de la radioactivité. Elle a proposé un test permettant de vérifier la nature de la désintégration bêta, réaction entre des particules élémentaires. Ces travaux viendront corroborer les hypothèses de Tsung-Dao Lee et Yang Chen Ning. Ils seront utilisés par ces deux futurs Prix Nobel, mais elle-même ne sera pas récompensée. Son livre Beta Decay reste cependant une référence dans le domaine de la physique des particules élémentaires et ses contributions ont permis de grandes avancées dans le domaine de la physique subatomique. À la fin de sa carrière, elle s’est intéressée à des problèmes de biophysique, étudiant les modifications de l’hémoglobine dans l’anémie falciforme. Reconnue par la communauté scientifique, elle a été plus d’une fois la première femme à accéder à certains titres dans le monde des physiciens et notamment la première présidente de l’American Physical Society (élue en 1975).

Carole ÉCOFFET

Avec MOSZKOWSKI S. A, Beta Decay, New York, Interscience, 1966 ; avec HUGHES V., Muon Physics, New York, Academic Press, 1975.

DAINTITH J., MITCHELL S., TOOTILL E., A Dictionary of Scientists, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; MILLAR D., MILLAR I., MILLAR J., MILLAR M., The Cambridge Dictionary of Scientists, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.

WUDALAT GEDAMU (ou WEDDALLAT GÄDAMU) [TCHAKE, GOJJAM 1960]

Romancière et poétesse éthiopienne d’expression amharique.

Orpheline de père à l’âge de 5 ans, Wudalat Gedamu est élevée par sa mère qui la scolarise malgré les difficultés à Bitchena, petite ville voisine de Tchake, puis à Debre Markos, la capitale régionale. Elle grandit à la campagne, imprégnée de contes et de poésie, rompue aux jeux de mots et autres devinettes. Adolescente, elle se passionne pour les fables (en vers) du grand écrivain éthiopien Kebbede Mikael et participe aux programmes d’écriture littéraire de son lycée. Elle y compose des poèmes qu’elle lit en public ; puis elle devient membre permanent du club littéraire de l’École de formation des maîtres de Jimma qu’elle intègre en 1976. Très bonne élève et sportive plusieurs fois médaillée, elle ambitionne de poursuivre ses études à l’université, mais elle doit y renoncer pour devenir institutrice à Bitchena (1979). Plus tard, elle obtiendra un diplôme en littérature étrangère à l’université d’Addis-Abeba. L’écrivaine publie en 2003-2004 deux nouvelles dans un ouvrage collectif de femmes écrivains intitulé Et’a (« le destin »). Dans la première nouvelle, Məsqəlqəl (« désordre »), elle aborde le thème de la vengeance à travers l’histoire d’une famille qui en est la victime ; dans la seconde, Doqa (« le collier »), elle raconte le calvaire d’une femme qui contracte le virus du sida et veut qu’à sa mort, ses biens servent à la lutte contre ce fléau. En 2004-2005, l’auteure vend sa maison pour financer la publication de sa première collection de poésie, Ənnatənna leğ (« mère et fille »), poèmes sur des thèmes variés, tantôt brefs et directs comme des instantanés, tantôt narratifs comme des contes. En 2007, à l’occasion des célébrations du second millénaire éthiopien, elle publie une série de poèmes dans un ouvrage collectif, Yäzämän qälämat (« les couleurs du temps »). Sensibilisée à l’éducation des enfants dans l’actuelle société éthiopienne en pleine mutation, elle fait paraître en 2008 un premier livre de contes en vers pour enfants intitulé Bəddərwan yalkäffäläčč wäf (« l’oiseau malhonnête »), réédité en 2011. Il est suivi en 2010 de Səddätäñña gət’močč (« poèmes d’exil) », son second recueil de poèmes composés entre 2002 et 2010. Cofondatrice de Zema Bə’ər, association des femmes écrivains, la poétesse collabore à plusieurs journaux dont une revue littéraire, sous différents noms de plume. Elle travaille actuellement à l’Agence des statistiques à Addis-Abeba.

Delombera NEGGA

WUIET, Caroline [RAMBOUILLET 1766 - SAINT-CLOUD 1835]

Dramaturge, compositrice et femme de lettres française.

Les dons musicaux de Caroline Wuiet, âgée de 5 ans, attirent l’attention de Marie-Antoinette, qui confie sa formation artistique à de grands maîtres : elle apprend la musique avec Grétry, l’art dramatique avec Beaumarchais et Charles-Albert Desmoustier, et la peinture avec Greuze. Elle se distingue comme dramaturge : ses pièces Angélina (1782) et L’Heureux Stratagème (1786) sont jouées au théâtre des Beaujolais. Elle compose aussi plusieurs opéras et est l’un des premiers compositeurs (et peut-être la première femme) à écrire à la fois les paroles et la musique de ses œuvres. L’Heureuse Erreur (1786) est acceptée et répétée à la Comédie italienne, mais jamais jouée. Elle est aussi nommée membre d’académies savantes, telles l’académie des Arcades à Rome. Royaliste, elle est arrêtée puis exilée en Hollande et en Angleterre pendant la Révolution. De retour à Paris en 1797, elle établit une société de femmes, fait partie du salon de Mme Tallien. La « lionne du Directoire » subvient à ses besoins grâce à la composition musicale et au journalisme : elle publie Le Cercle, Le Papillon, Le Phénix et La Mouche de 1798 à 1800. Sous l’Empire, son Essai sur l’opinion publique [et] fragments de poésies fugitives (1800) et son roman Mémoires de Babiole, ou la Lanterne magique anglaise (1803) rencontrent du succès. Elle écrit aussi pour le Journal des dames et des modes. Devenue veuve après un bref mariage avec le colonel Joseph Auffdiener, elle donne des leçons de musique. Elle finit par avoir des difficultés financières et est atteinte de troubles mentaux. Elle passe ses derniers jours dans le parc de Saint-Cloud, où elle se bat en duel avec une autre femme. Elle y est trouvée morte, avec sur elle une esquisse au crayon qui la montre vêtue en homme – elle avait obtenu la permission de porter des pantalons – et une gravure d’avant la Révolution, qui la représente en captive de l’Amour.

Heater Belnap JENSEN

Sophie, comédie en un acte, Paris, Cailleau, 1787.

SOUVESTRE É., « Souvenirs de la République, Mémoires d’un bourgeois de Paris, Une femme célèbre », in Le Siècle, 9-15 avr. 1841 : 1-3.

WU LUSHENG [LUSHAN 1930]

Architecte chinoise.

Après son diplôme d’architecture à l’université de Nankin en 1952, Wu Lusheng devient jeune professeure et passe plus de vingt ans au sein du département d’architecture de l’université Tongji de Shanghai, où elle enseigne la conception et la construction. Dans les années 1950, elle commence également à exercer en tant qu’architecte et mène, depuis lors, une carrière en étroite collaboration avec son mari Dai Fudong (1928), professeur et architecte réputé. Son premier projet important, achevé en 1958, est l’ensemble Mei Ling du lac Est à Wuhan, destiné aux hauts responsables politiques du pays. Malgré cela, il lui faut travailler avec les contraintes imposées par la pénurie de ressources d’alors. Elle développe des idées originales pour l’exploitation efficace des ressources naturelles et limitées, employant des murs en pierre, habillant les murs intérieurs avec du lin, divisant les plafonds par des éléments de bois brut. La variété des édifices et leurs relations au site sont exprimées de façon très lisible. À la fin des années 1970, elle devient architecte en chef de l’Institut d’architecture de la même université Tongji et, dans ce cadre, mène à bien d’importants projets, parmi lesquels on peut citer un bâtiment administratif du campus, Yifu Lou (1993), distingué par le prix national du ministère de la Construction pour sa maîtrise des coûts qui n’a pas sacrifié la qualité des espaces intérieurs. Son œuvre reflète la pratique courante, guidée par l’idée que l’architecture est une combinaison de solidité, de commodité et de beauté, élaborée selon la triade héritée de Vitruve, qui a prévalu en Chine durant presque toute la deuxième moitié du XXe siècle. Elle dit même de son œuvre qu’il s’agit d’une « architecture dans laquelle la forme suit les fonctions ». Avec son mari, elle réalise plusieurs projets : entre autres la base d’entraînement sportif et artistique pour les handicapées à Shanghai (2002), où le vaste atrium est organisé et dimensionné pour s’adapter à la communication entre les personnes malentendantes ou aveugles, et l’îlot central du campus de l’université Zhejiang de Hangzhou (2003), qui présente une forte unité formelle destinée à abriter des fonctions complexes et répondre à l’environnement.

LU YONGYI

DAI F., WU L., Dand dai Zhongguo jian Zhu Shi. Contemporary Chinese Architects, Pékin, Zhongguo jian zhu gong ye chu ban she, 1999 ; ZHU J. (dir.), Sixty Years of Chinese Architecture 1949-2009. History, Theory, Criticism/Jianzhu 60 Nian (1949-2009). Lishi Lilun Yanjiu, Pékin, China Architecture and Building Press, 2009.

WU MAN [HANGHZOU 1963]

Musicienne chinoise.

Issue du conservatoire de Pékin, Wu Man est la première titulaire d’un master en pipa, un instrument traditionnel à cordes pincées proche du luth. En 1989, elle remporte le premier prix d’une compétition nationale de musique et publie son premier album, une anthologie de pièces classiques. Elle s’installe en 1990 aux États-Unis, à Boston, pour étudier à Harvard, et entame deux ans plus tard une longue collaboration avec le Kronos Quartet, concrétisée en 1997 par le disque Ghost Opera, composé par Tan Dun. Elle est repérée par le violoncelliste d’origine taïwanaise Yo-Yo Ma, qui la choisit pour le prix du protégé Glenn-Gould de la Ville de Toronto en 1999, et qu’elle suit la même année pour un concert à la Maison Blanche, où elle est la première artiste invitée à représenter la Chine. Elle participe l’année suivante au disque de Terry Riley et The Bang on a Can All-Stars, In-C (2001). Elle poursuit diverses collaborations avec Philip Glass (Orion, composé pour les Jeux olympiques d’Athènes, 2004), le Kronos Quartet (pour un hommage au compositeur de Bollywood Rahul DevBurman), Terry Riley et le Silkroad Ensemble. En 2009, elle a carte blanche au Carnegie Hall dans le cadre du festival Voies anciennes, voix modernes, dédié à la culture chinoise, et ses voyages au pays à la recherche des musiciens du spectacle font l’objet d’un film documentaire. La même année, Wu Man présente la première de A Chinese Home avec le Kronos Quartet, mis en scène par Chen Shi-Zheng, où elle est musicienne mais aussi actrice et chanteuse. Elle publie en 2010 Immeasurable Light, un album solo de mélodies du XIIIe au XXIe siècle et de nouvelles compositions, avant d’être invitée en tant que soliste avec le Taipei Chinese Orchestra l’année suivante, autour d’un concerto pour pipa, The Yang’s Saga, du compositeur Yiu-Kwong Chung. Elle enregistre en 2011 avec des musiciens tadjiks et ouïghours un disque destiné à la série Musiques d’Asie centrale et consacre en 2012 une pièce aux musiciens aborigènes des montagnes taïwanaises. Très attachée à ses origines après vingt ans passés aux États-Unis, Wu Man est aujourd’hui une ambassadrice de renom de la culture chinoise.

Jean BERRY

Avec le KRONOS QUARTET, Ghost Opera. Nonesuch, 1997 ; Pipa Froma Distance. Naxos, 2003 ; Wu Man and Friends, Traditionnal Crossroads, 2005 ; avec GLASS P., Orion. Orange Mountain Music, 2008.

WUOLIJOKI, Hella (née Ella MURRIK) [VILJANDI, AU SUD DE L’ACTUELLE ESTONIE 1886 - HELSINKI 1954]

Dramaturge finlandaise.

La carrière de Hella Wuolijoki est un phénomène exceptionnel dans la littérature finlandaise. Après une maîtrise de lettres à l’université d’Helsinki, cette auteure d’origine estonienne s’engage dans le monde des affaires. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est condamnée à une peine de prison pour son orientation politique à gauche et, ayant rejoint le parti communiste au sortir de la guerre, est élue au Parlement en 1946. Elle dirige la radio finlandaise de 1945 à 1949. Son œuvre compte 16 pièces, publiées sous le nom de Juhani Tervapää. C’est la saga Niskavuori, qui raconte en cinq pièces l’histoire et les vicissitudes d’une famille propriétaire de la ferme de Niskavuori et qui transcrit avec justesse le caractère agricole de la Finlande, qui l’a rendue célèbre. Le titre du premier volet de la série, Niskavuoren naiset (« les femmes de Niskavuori », 1936) donne le ton, puisque ce sont des femmes qui sauveront la ferme. C’est d’ailleurs par sa représentation de figures féminines fortes et indépendantes que l’auteure a bâti sa réputation littéraire. Des pièces comme Justiina (1937), Juurakon Hulda (« Hulda Juurakko », 1937) et Niskavuoren Heta (« Heta Niskavuori », 1953) ont été très appréciées du public finlandais qui, par ailleurs, a pu connaître les œuvres de cette auteure à travers les adaptations cinématographiques qui en ont été faites. Hella Wuolijoki a également fourni la trame d’une des pièces de Bertolt Brecht, Maître Puntila et son valet de ferme Matti (1941), que l’écrivain allemand, en exil en Finlande, écrivit dans sa ferme, en 1940.

Janna KANTOLA, Hannu K. RIIKONEN et Riikka ROSSI

BRECHT B., Maître Puntila et son valet de ferme Matti (Herr Puntila und sein Knecht Matti, 1941), Paris, L’Arche, 1983.

KRUUS O., Hella Wuolijoki, Tallinn, Virgela, 1999 ; KOSKI P., Kaikessa mukana, Hella Wuolijoki ja hänen näytelmänsä, Helsinki, Otava, 2000.

WU QING [CHONGQING, SICHUAN 1938]

Femme politique chinoise.

Wu Qing est connue en Chine en raison de son engagement concret pour la cause des femmes. Professeure d’anglais, elle est élue en 1984 députée du peuple du district de Haidian à Pékin et fonde l’année suivante le Forum d’étude des femmes, l’une des premières organisations non gouvernementales chinoises. Pour elle, seule l’éducation peut changer la réalité des campagnes chinoises où le taux de suicide des femmes est le plus élevé du monde. En tant que députée, elle est connue pour sa gestion de proximité, inhabituelle en Chine : elle tient des réunions publiques chaque semaine pour sonder l’opinion des résidents et les aider à résoudre certains problèmes. Wu Qing est partisane de ce que les Chinois appellent la « supervision », l’idée que la population devrait exercer une fonction de surveillance pour empêcher les abus de pouvoir. En 2001, Wu Qing a reçu le prix Ramon Magsaysay. Elle parraine le magazine Nong jia nu (« femmes rurales »).

Anne LOUSSOUARN

WU SHIHONG (ou Juliet WU) [PÉKIN V. 1952]

Dirigeante d’entreprise et traductrice chinoise.

La carrière de Wu Shihong s’inscrit dans les réformes amorcées en 1978, qui conduisent la Chine vers l’« économie sociale de marché » et l’ouverture internationale. N’ayant pas pu suivre d’études secondaires, c’est en autodidacte acharnée qu’elle deviendra la première dirigeante, et de nationalité chinoise, d’une entreprise étrangère dans son pays. D’abord femme de ménage puis infirmière, elle entre en 1985 chez IBM Chine en tant qu’employée, suit un programme de formation aux États-Unis, devient directrice des ventes puis directrice générale de la firme en 1997. Sa bonne connaissance du marché chinois et son désir d’implanter des entreprises étrangères dans son pays l’appellent à diriger Microsoft Chine en 1998. Un an plus tard, elle entre chez TCL Group, entreprise publique d’industrie de l’information, dont elle sera vice-présidente durant trois ans. Son autobiographie, Up Against the Wind : Microsoft, IBM and I, publiée en 1999, est devenue un best-seller en Chine. À partir de 2002, elle se tourne vers la philanthropie, travaille avec des organisations non gouvernementales et propose ses services bénévoles au ministère de la Santé pour juguler l’épidémie du Sras en 2003. Elle traduit en 2006 Comment changer le monde du journaliste canadien David Bornstein. Constatant que le microcrédit est quasiment inconnu en Chine, elle traduit Banker to the Poor de Muhammad Yunus, avant qu’il ne reçoive le prix Nobel de la paix, puis Capitalism 3.0 de l’écologiste Peter Barnes, qui traite de la responsabilité sociale des entreprises. Wu Shihong veut désormais mettre son argent et son expérience de gestionnaire au service de l’entrepreneuriat social, pour susciter la créativité et l’esprit d’entreprise au sein des organismes qui financent l’aide au développement.

Jacqueline PICOT

WU YI [WUHAN, HUBEI 1938]

Femme politique chinoise.

Surnommée « la Dame de fer chinoise », connue pour sa maîtrise des dossiers sensibles, Wu Yi est l’une des femmes politiques les plus puissantes de Chine. Ingénieure en pétrochimie, elle gravit les échelons de la hiérarchie du parti communiste jusqu’aux plus hauts postes (ministre du Commerce extérieur et des Coopérations économiques, conseillère d’État de 1998 à 2003, puis vice-premier ministre du Conseil des affaires d’État jusqu’en 2008). Elle accède au très fermé Bureau politique lors du 16e comité central du parti. Avant elle, seules trois femmes avaient occupé ce poste, toutes trois épouses de dirigeants du parti. Elle est la femme des missions difficiles : elle se trouve sous les feux de l’actualité internationale en 2003 durant l’épidémie de Sras (syndrome respiratoire aigu sévère). En pleine panique mondiale, elle remplace le ministre de la Santé, Zhang Wenkang, limogé pour sa gestion opaque de la crise sanitaire. Elle prend des mesures radicales de contrôle de l’épidémie qui fait plusieurs centaines de morts dans le monde. Son efficacité lui vaut le titre de « Déesse de la Transparence » décerné par le magazine Time, qui la place parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète en 2004. Elle est également l’artisane de l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale de la santé (OMC) et s’attaque dans la foulée à la réorganisation des services douaniers de la République populaire de Chine après les plaintes américaines contre les violations répétées de la propriété intellectuelle.

Anne LOUSSOUARN

WU ZAO [RENHE 1799 - ID. 1862]

Poétesse et auteure dramatique chinoise.

Issue d’une famille de commerçants aisés, Wu Zao reçut, dès son enfance, une bonne éducation. Passionnée de littérature, de musique et de peinture, elle excellait dans la création poétique, en particulier dans la composition des ci (poésie chantée) et des qu (opéras dérivés de ballades chantées). Disciple de Chen Wenshu (1771-1843), poète et initiateur de la littérature féminine, elle entretint des relations avec des personnes des deux sexes, tous bords confondus : commerçants, fonctionnaires, peintres, calligraphes et savants. Elle fréquenta notamment la poétesse Zhang Xiang et la femme de lettres Wang* Duan, devenues ses amies intimes. Femme ouverte d’esprit, soucieuse d’indépendance, elle eut la chance de vivre à une époque où la société chinoise se montrait assez tolérante vis-à-vis des activités sociales féminines. La Chine étant exposée à l’impact de la culture occidentale, nombre de ses intellectuels se mirent à réclamer des réformes idéologiques et culturelles. Les femmes, qui obtenaient progressivement leur place dans le projet social, prirent ainsi conscience de l’exigence de l’émancipation individuelle. Cependant, les changements tardant à porter leurs fruits, Wu Zao se sentit parfois frustrée et malheureuse ; c’est la raison pour laquelle elle se rapprocha du bouddhisme dans les dernières années de sa vie. Jouissant d’un grand prestige dans le champ littéraire de l’époque, puis appréciée par les chercheurs ultérieurs, elle écrivit à profusion et laissa beaucoup de chefs-d’œuvre : Hualian ci (« le rideau de fleurs », 1829), un recueil de ci composés avant l’âge de 30 ans ; Xiangnan xuebei ci (« le sud parfumé le nord enneigé », vers 1837), un second recueil écrit après 30 ans ; Hualian shuwu shi (« poèmes du cabinet au rideau de fleurs »), dont nous ignorons la date précise de publication. Du point de vue stylistique, son écriture du ci se caractérise par la vigueur, la distanciation et la noblesse ; elle manifeste une grande liberté de langage, aussi accessible que recherché, rythmique que pittoresque. Les deux recueils de ci, incluant plus de 300 textes, donnent à voir aux lecteurs l’évolution mentale et les réflexions de l’auteure sur l’histoire, la société, le destin des êtres humains. Les thèmes principaux de son œuvre sont l’expression des émotions, la description sentimentale des objets, l’introspection et la rétrospective, les souvenirs d’amitié. Parmi ses compositions de qu, la pièce intitulée Yinjiu du Sao tu (« peinture de la lecture de Sao en état d’ébriété »), dont nous avons perdu la trace, remporta un vif succès auprès du grand public et engendra des polémiques enthousiastes : l’héroïne, Xie Xucai, se distingue des autres femmes par son caractère viril et son goût pour la lecture et le combat ; déguisée en homme, elle réalise son autoportrait pour exprimer ses frustrations et son indignation face à une société masculine. Ce personnage est, en quelque sorte, le reflet même de Wu Zao qui, sous son accoutrement, souhaite s’écarter des images féminines conventionnelles, transmettre sa volonté de prendre part à la vie sociale et exprimer sa revendication en faveur de l’émancipation des femmes. Ses idées nouvelles et sa notoriété littéraire firent entrevoir la transition spirituelle en train de s’opérer au crépuscule d’une société féodale. Insatisfaites de leurs conditions de vie, des intellectuelles, qui ne manquaient pas de courage, commencèrent à réclamer la liberté, l’égalité entre les sexes et l’autonomie.

WANG DI

BAO Z., Qingdai nüzuojia tanci yanjiu, Tianjin, Nankai daxue chubanshe, 2008 ; GUO M., LI Y., Lidai nüshiren shici, Guiyang, Guizhou renmin chubanshe, 1988 ; HUANG Y., Qingdai si da nü ciren, zhuanxing zhong de Qingdai zhishi nüxing, Pékin, Hanyu dacidian chubanshe, 2002 ; ZHANG H., ZHANG Y. (dir.), Gudai nüshiren yanjiu, Wuhan, Hubei jiaoyu chubanshe, 2002.

WU ZETIAN [CHANG’AN, AUJ. XI’AN, SHAANXI 624 - LUOYANG, HENAN 705]

Impératrice chinoise et poétesse.

Wu Zetian est sans conteste la femme la plus illustre de la dynastie des Tang. Prenant en main le pouvoir pendant un demi-siècle, elle a fait campagne pour élever la position des femmes dans la société chinoise et contrecarrer les croyances confucéennes hostiles au pouvoir exercé par une femme. Elle a été la seule impératrice à fonder sa propre dynastie parmi les 243 empereurs qui régnèrent sur les deux millénaires s’écoulant de la dynastie des Qin (221 av. J.-C.) à la fin de la dynastie des Qing (1911). Régnant de 690 à 705, elle est la personnalité la plus légendaire de l’histoire chinoise. Née dans une riche famille et connue pour son intelligence et sa beauté, elle est choisie pour entrer au gynécée de l’empereur Tang Taizong à l’âge de 14 ans avec le grade de « talent », l’un des plus bas. À la mort de Taizong, elle est présentée au prince héritier, le futur empereur Tang Gaozong, et devient rapidement sa favorite. Après une visite de l’impératrice, sa fille nouveau-née est découverte étouffée. Wu Zetian accuse l’impératrice du meurtre et réussit à convaincre l’empereur de lui retirer son titre. En 654, promue impératrice, elle fera arrêter et exécuter la première épouse. Durant les dernières années de règne de son mari, gravement malade, elle prend une influence de plus en plus grande et dirige réellement le pays à l’égal de l’empereur. Après la mort du souverain, elle écarte l’héritier légitime au profit de ses fils, qu’elle destitue l’un après l’autre, pour s’introniser elle-même Shengshen Huangdi « empereur Shengshen » et fonder la dynastie des Zhou (en 690). Elle tente de briser le système des privilèges réservés aux familles nobles en créant des concours administratifs pour tous et met en application diverses mesures visant à alléger les charges fiscales notamment pour les paysans. Elle réprime les rébellions des familles royales et des nobles et crée une police secrète. Elle règne d’une main de fer, si l’on en croit les écrits forcément très critiques des historiens confucéens, trois cents ans plus tard. Wu Zetian fait écrire les biographies de femmes célèbres et élève la position du clan de sa mère. Son règne voit également l’épanouissement du bouddhisme. En 705, elle est poussée à céder le pouvoir à son troisième fils à l’occasion d’une nouvelle rébellion. Celui-ci restaure la dynastie Tang. Elle meurt la même année à l’âge de 81 ans. Son fils lui décerne le titre posthume de « Grand et Saint Empereur régissant le ciel et l’Empire ».

Anne LOUSSOUARN

WU ZHENGDAN [LIAONING 1981]

Acrobate chinoise.

Gymnaste de haut niveau, formée à l’acrobatie à l’École de cirque de la province du Liaoning, officier et députée dans la troupe militaire de la province du Guandong, Wu Zhengdan a créé avec son partenaire et mari, Wei Baohua, un extraordinaire numéro de portés acrobatiques inspiré par l’histoire de la danseuse Zhao Feiyan, qui vivait sous le règne de l’empereur Cheng. Elle avait la réputation d’être plus légère que le vent et le prouvait en dansant sur la paume ouverte de son partenaire. Forts de cet exemple légendaire, Wu Zhengdan et Wei Baohua ont construit, après sept années de répétition, un pas de deux acrobatique où la jeune femme se tient en équilibre sur les pointes, sur le bras ou l’épaule de son partenaire. Elle enchaîne les attitudes avec fluidité, achevant son numéro en réalisant une arabesque parfaite, sur pointe, sur la tête de Wei Baohua. En 2002, ils remportent un Clown d’or au Festival international du cirque de Monte-Carlo. Lors de leur tournée en France en 2003 avec le Cirque Phénix, invités par Claude Bessy* à visiter l’École de danse de l’Opéra de Paris, ils se montrent fascinés par la virtuosité des danseuses classiques, source évidente d’inspiration, mais lointains modèles puisque ni l’un ni l’autre des deux artistes chinois n’a jamais pratiqué la danse.

Pascal JACOB

WYBRANDS, Harita [BELGRADE 1948]

Traductrice, essayiste et peintre macédonienne.

Jusqu’à 13 ans, Harita Wybrands vit à Bitola, en Yougoslavie (auj. Macédoine). Elle est issue d’une famille mixte : père macédonien et mère serbe, tous deux médecins. Elle fait des études de lettres à la faculté de philosophie de Belgrade, puis des études de philosophie à la Sorbonne. De nombreux séjours linguistiques en Grande-Bretagne et en Allemagne font d’elle une polyglotte. Elle a traduit près de 25 ouvrages, notamment, du serbo-croate, Les Loulous de banlieue (1981) de Vidosav Stevanović, Paysage peint avec du thé (1990), de Milorad Pavić, et Signes au bord de la route (1997) d’Ivo Andrić et, du macédonien, les poèmes de Champ d’absinthe de Liljana Dirjan* (1999), ceux d’Expulsion du mal de Kata Kulavkova* (2002) et, de Dejan Dukovski, la pièce de théâtre Quel est l’enfoiré qui a commencé le premier ? (2004). Élève d’Emmanuel Levinas, son travail philosophique s’inscrit dans la lignée de la phénoménologie post-husserlienne. Comme essayiste, elle publie des articles dans diverses revues françaises : Exercices de la patience, La Nuit surveillée, NRF, Études, Passages, Cultures, Europe, etc., et étrangères (Italie, Macédoine, Yougoslavie, entre autres). Avec la guerre en Yougoslavie, la philosophie ne semble plus lui suffire pour exprimer un vécu qui ne trouve sa place nulle part. Elle commence à peindre en 1995. Son premier pastel représente un peuple qui s’enfonce dans une grotte. Ses tableaux sont d’inspiration très sombre. Sa première exposition s’intitule « Les corps tombés ». Puis elle passe à l’acrylique, plus proche de l’abstraction recherchée ; cependant le motif du corps reste très visible. Ainsi la peinture a compensé ce que l’écriture ne pouvait exprimer : « Une part d’affect qui est autre chose qu’occidental. »

Frosa PEJOSKA-BOUCHEREAU

DIRJAN L., Champ d’absinthe (Pelin pole, 1989), Paris, Est-Ouest, 1999 ; KULAVKOVA K., Expulsion du mal (Izgon na zloto, 1997), Trois-Rivières, Écrits des forges, 2002 ; DUKOVSKI D., Quel est l’enfoiré qui a commencé le premier ? (Mamu mu ebam koj prv počna, 1996), Paris, L’Espace d’un instant, 2004 ; DUKOVSKI D., L’autre côté (Druga strana, 2004), Paris, L’Espace d’un instant, 2007.

WYNDHAM GOLDIE, Grace [ARISAIG, ÉCOSSE 1900 - LONDRES 1986]

Journaliste, directrice de la télévision britannique.

Dotée d’une solide éducation en français, histoire, philosophie et économie, Grace Wyndham Goldie est d’abord professeure d’histoire. Installée à Liverpool après son mariage avec un comédien, elle publie un livre sur le répertoire théâtral de Liverpool de 1911 à 1934, puis rédige des critiques sur la radio pour le journal The Listener. Pendant la guerre, elle est au Board of Trade, le futur ministère de l’Industrie et du Commerce. En 1944, elle intègre la BBC comme productrice et travaille pour le Third Programme, émission de radio culturelle prestigieuse. En 1948, encore débutante, on lui offre un poste à la télévision. Gerald Cock, un des fondateurs de la BBC, l’encourage et elle devient la première femme à s’occuper de production télévisuelle. En février 1950, pour le premier scrutin électoral susceptible de faire l’objet d’une campagne couverte par la télévision, G. W. Goldie persuade la BBC de communiquer les résultats le soir des élections. Diffusée en direct, l’émission mélange l’annonce des résultats et les commentaires d’universitaires. Le succès est immense et donne lieu au premier « spot »politique. En 1950 débute In the News, une émission iconoclaste où quatre commentateurs abordent les controverses courantes. Avant la fin de l’année, environ la moitié des téléspectateurs de l’époque suivent ce programme. En 1953, dans l’émission Press Conference, trois journalistes interviewent un leader politique. L’engouement médiatique est tel que les ministres doivent obtenir l’autorisation du Premier ministre pour y apparaître. Pendant les dix années suivantes, G. W. Goldie supervise le secteur politique et lance de nombreux programmes, dont la première émission artistique régulière, le premier magazine de nuit, le premier programme d’actualité satirique et plusieurs séries influentes du petit écran britannique. De nombreux présentateurs, surnommés « Goldie Boys », lui doivent leur carrière. Le Grace Wyndham Goldie (BBC) Trust Fund, une fondation créée en sa mémoire, porte assistance au personnel des émissions, ainsi qu’à leurs enfants et ayants droit.

Marion PAOLI

WYSE POWER, Jennie (née Jane OTOOLE) [BALTINGLASS, WICKLOW 1858 - DUBLIN 1941]

Nationaliste et suffragiste féministe irlandaise.

En 1881 et 1882, avec Anna Parnell*, Jennie Wyse Power dirige l’exécutif de la Ladies Land League (ligue de femmes pour la réforme agraire). Elle épouse John Wyse Power, journaliste et nationaliste, avec qui elle a quatre enfants, et milite au sein du groupe Gaelic League. La proclamation d’indépendance de l’Irlande de 1916 est signée chez elle. Membre de l’Irish Women’s Suffrage and Local Government Association et de l’Irish Women’s Franchise League, puis élue Poor Law Guardian à Dublin entre 1903 et 1911, elle participe aussi à la fondation d’Inghinidhe na hÉireann (« filles d’Irlande ») et du Sinn Féin (le parti nationaliste). Elle sera présidente de Cumann na mBan (« ligue des femmes »). Élue au conseil municipal de Dublin en 1920, elle accepte, contrairement à la majorité des femmes de Cumann na mBan, le traité de paix et de partition de l’Irlande en 1921, mais, en 1936, elle adhère au parti du gouvernement d’Eamon de Valera, Fianna Fáil (opposé au traité). Dans tous les cas, elle s’oppose à toute politique contre les droits des femmes.

Máire CROSS

CULLEN M., « Power, Jane Wyse (1858-1941) », in Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.

WYSOCKA, Stanisława (née DZIĘGIELEWSKA) [VARSOVIE 1877 - ID. 1941]

Metteuse en scène, actrice et directrice de théâtre polonaise.

Ayant intégré en 1893 la classe de diction et de déclamation de la Towarzystwo Muzyczne, Stanisława Wysocka débute sur les planches l’année suivante. En tournée avec sa troupe, elle interprète en particulier des rôles comiques à Saint-Pétersbourg (Russie), à Riga (Lettonie) et à Moscou (Russie), puis à Kielce, à Lublin et à Radom (Pologne). Ayant pris goût à la rencontre avec divers publics, toute sa vie elle mènera de front une carrière dans de grands théâtres et des tournées dans des salles secondaires, créant même son propre théâtre itinérant, Rybałt. Grâce à Józef Kotarbiński, qui l’engage en 1901 au Théâtre de la ville de Cracovie, elle passe progressivement à la tragédie avec Marie Stuart*, de Friedrich von Schiller ; Balladyna, de Juliusz Słowacki ; Macbeth, de Shakespeare. Elle interprète également quelques héroïnes d’auteurs réalistes. Avec l’arrivée de Ludwik Solski à la direction du théâtre, elle a l’occasion de montrer son grand talent dans les tragédies classiques. Elle est Jocaste dans Œdipe roi, de Sophocle, Phèdre dans Hippolyte, d’Euripide, et Clytemnestre dans L’Orestie, d’Eschyle. Elle signe également sa première mise en scène en 1913, avec Macbeth au théâtre populaire de Łódź. Mariée à Kazimierz Wysocki, elle s’installe à Kiev (Ukraine) de 1914 à 1919 et dirige le théâtre Studio, fondé sur le modèle du Théâtre d’art de Moscou. En correspondance avec Constantin Stanislavski, dont elle admire le travail, elle reprend ses idées sur la formation de l’acteur dans des articles et des essais. De retour en Pologne, elle poursuit son triple travail d’actrice, de metteur en scène et d’enseignante (entamé en 1910) dans les écoles de théâtre et de cinéma, et assure la direction de divers théâtres et écoles théâtrales. Durant l’Occupation, elle enseigne à l’école clandestine de l’Institut du théâtre.

Marie-Thérèse VIDO