CHAPITRE 21

La structure des prélèvements obligatoires

Une fois la notion de PO définie, dans sa diversité (cf. chapitre 3), une typologie des impôts peut être esquissée, de manière à identifier les particularités de la structure française des PO en général et du système fiscal en particulier. Ce système fiscal se révèle être complexe en France.

1 Les impôts s’inscrivent dans plusieurs typologies

Au sein des impôts, qui constituent une sous-catégorie des prélèvements obligatoires, plusieurs typologies peuvent être dressées.

1.1 Impôts directs et impôts indirects : laisse courte ou laisse longue ?

Une première distinction peut être faite selon la manière dont un agent économique est mis à contribution. Soit il acquitte directement un impôt, soit il supporte économiquement le poids d’un impôt qu’il n’acquitte pourtant pas directement.

À la première catégorie des « impôts directs » appartiennent ceux assis sur les revenus, les bénéfices, le patrimoine ou une autre assiette permettant d’appréhender une faculté contributive. L’impôt sur le revenu (IR), l’impôt sur les sociétés (IS), l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les taxes foncières, la taxe d’habitation sont ainsi des impôts directs. Un impôt par capitation1 relèverait de cette même catégorie.

Les impôts directs sont proportionnels, lorsque leur taux ou leur tarif est uniforme, ou progressifs, lorsque le taux, résultant d’un barème, croît avec l’importance de l’assiette (un revenu plus élevé est ainsi imposé à un taux moyen plus élevé qu’un revenu plus faible).

La seconde catégorie des « impôts indirects » abrite les impositions dont le fait générateur est généralement une transaction portant sur un bien ou un service. La taxe sur la valeur ajoutée, la taxe sur les transactions financières, les taxes sur le chiffre d’affaires, les accises sur les produits de consommation (énergie, tabacs, alcools…) sont des impôts indirects. Ils sont pour la plupart dus non par le consommateur mais par l’entreprise partie à la transaction, quand bien même le prix d’achat intègre le montant de la taxe. Les droits de mutation à titre onéreux ou gratuit relèvent de cette catégorie.

Ils sont généralement proportionnels mais peuvent être progressifs, à l’instar des droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

Cette classification n’est cependant pas totalement satisfaisante car, selon le point de vue, un impôt peut être considéré comme direct ou indirect. Selon qu’une taxe assise sur un salaire est due par le salarié (CSG, certaines contributions salariales spécifiques) ou l’employeur (taxes sur les salaires, forfait social…), elle sera considérée comme un impôt direct ou indirect du point de vue du particulier. À l’inverse, du point de vue de l’entreprise, les mêmes taxes peuvent être assimilées à un impôt indirect dans les deux cas car la taxe due par le salarié renchérit la main-d’œuvre pour l’employeur, tandis que la taxe due par ce dernier est assise sur une charge (et non sur un bénéfice).

1.2 La classification la plus pertinente repose sur l’assiette fiscale

Une seconde classification plus aisément exploitable, notamment pour les comparaisons internationales, repose sur la nature économique de l’assiette de l’impôt. À partir de la typologie retenue par l’OCDE, on peut ainsi distinguer trois grands types d’impôts.

1°) Les impôts sur les revenus et les bénéfices.

Ils renvoient à une même approche d’imposition directe des facultés contributives les plus immédiates des ménages (le revenu) et des entreprises (le bénéfice).

Ils sont respectivement dus par les personnes physiques (IR et prélèvements sociaux) et par les sociétés (IS et cotisations additionnelles).

2°) Les impôts sur le patrimoine.

Les facultés contributives peuvent aussi être appréhendées par d’autres assiettes ou faits générateurs ayant pour point commun de renvoyer à la détention, la jouissance ou la transmission d’un patrimoine.

La détention d’un ensemble de biens et de droits patrimoniaux est imposée dans le cadre de l’ISF. La transmission d’un patrimoine est appréhendée par les droits de mutation à titre gratuit. La détention et l’occupation de biens immobiliers sont taxées respectivement par les taxes foncières et la taxe d’habitation ou la cotisation foncière des entreprises. La contribution à l’audiovisuel public est due à raison de la jouissance d’un poste de télévision dans le foyer fiscal.

3°) Les impôts sur les biens et services (ou sur la « dépense »2).

La fiscalité des transactions constitue une troisième grande catégorie qui embrasse les impôts portant sur la dépense. Elle comprend les impôts sur la consommation de biens et services, qu’ils soient généraux (TVA), spécifiques à des biens et services déterminés (tels les accises et les taxes sur le chiffre d’affaires, à l’image de la taxe sur les billets de cinéma) ou « autres » (rubrique balai intégrant les droits de timbre, dus à l’occasion de la demande d’un passeport par exemple).

Il est possible d’y ajouter les impôts sur la production des entreprises. Cette catégorie, agglomérée avec les impôts sur les biens et services dans les enquêtes statistiques, renvoie aux impôts assis sur les salaires et la main-d’œuvre, qui sont dus par l’employeur à raison d’une dépense, ou encore aux impôts assis sur des soldes intermédiaires de gestion, telle la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Cette classification n’est naturellement ni exclusive, ni suffisante. Lorsque l’on étudie les effets redistributifs de la fiscalité, on peut ainsi sérier cette dernière entre impôts proportionnels, progressifs ou régressifs, en se référant aux taux ou tarifs des impôts, tout en tenant compte des règles d’assiette. Ainsi, plus le taux d’un impôt est progressif en fonction de son assiette (typiquement : le revenu), plus il est redistributif.

2 Au regard de la structure moyenne dans l’OCDE, la France se détache nettement

En reprenant la classification retenue par l’OCDE, la structure des prélèvements obligatoires apparaît naturellement hétérogène selon les pays. Au regard de la structure moyenne tant des PO que des impôts, la France se caractérise par des singularités assez nettes.

2.1 La moyenne OCDE fait apparaître un équilibre entre impôts sur les revenus, impôts sur les biens et services et cotisations sociales

Au premier rang des prélèvements obligatoires dans l’OCDE figurent les impôts sur les revenus et les bénéfices, avec une moyenne de 11,6 % du PIB (cf. tableau 1). Viennent ensuite les impôts sur les biens et services et sur les salaires, avec 11,4 % du PIB. Les impôts sur le patrimoine représentent une part moyenne relativement marginale, avec 1,9 % du PIB, mais sont très variables selon les pays. Enfin, les cotisations sociales représentent 9,1 % du PIB.

Cette part prise par les cotisations sociales peut sembler modérée au regard du poids des assurances sociales dans les pays développés. Cela s’explique par les modalités d’organisation et de financement diverses retenues pour l’action publique en matière de protection sociale. En premier lieu, les systèmes de protection sociale peuvent compter une part reposant sur l’assurance privée, ce qui exclut les cotisations afférentes du champ des prélèvements obligatoires3. En second lieu, l’assurance publique peut également être financée par des prélèvements de nature fiscale, ce qui réduit d’autant l’importance des cotisations sociales.

En 2015

En % du PIB

France

Allemagne

OCDE (2014)

Impositions sur les revenus et les bénéfices

10,7

11,6

11,2

Impositions sur le patrimoine

4,1

1,1

1,9

Impositions sur les biens et services et sur les salaires

12,7

10,1

11,4

Cotisations sociales

16,9

14,0

9,1

2.2 La France se caractérise par des impositions sur le patrimoine et des cotisations sociales élevées

En comparaison, la structure des prélèvements obligatoires de la France fait apparaître quatre faits notables.

Premièrement, avec 10,7 % du PIB, les impositions sur les revenus et les bénéfices, malgré le doublonnement entre impôt sur le revenu et prélèvements sociaux (cf. chapitre 23), sont en France légèrement inférieures à la moyenne OCDE. Cet écart a cependant été réduit et est compensé par l’imposition sur le patrimoine.

Deuxièmement, les impôts pesant sur le patrimoine, avec 4,1 % du PIB, sont environ deux fois plus élevés que la moyenne OCDE et quatre fois plus qu’en Allemagne. Le niveau français n’apparaît cependant pas extravagant (cf. chapitre 24).

Troisièmement, avec 12,7 %, la France est au-dessus de la moyenne du taux d’impôts sur les biens et services et sur les salaires, en raison du poids des taxes sur ceux-ci.

Quatrièmement, les cotisations sociales représentent 16,9 % du PIB, soit près du double de la moyenne OCDE (cf. chapitre 3). Malgré cet écart, les cotisations sociales ne sont pas seules à financer la protection sociale, qui bénéficie en outre du concours de plusieurs impôts (cf. chapitre 17).

Certaines des spécificités de la structure du système fiscal français ne sont pas sans lien avec l’existence des dépenses fiscales (cf. chapitre 22), qui ont pour effet, toutes choses égales par ailleurs, de réduire le poids des impôts dans le PIB. De fait, en proportion des recettes nettes qu’ils procurent, les impôts français sur les revenus et les bénéfices sont les impôts les plus marqués par les dépenses fiscales.

3 Un système fiscal complexe

3.1 Un nombre important et croissant d’impôts

Il n’existe pas de recensement exhaustif des impositions de toute nature perçues en France, leur appréhension globale n’étant pas facilitée par la pluralité des administrations chargées de leur gestion et par la difficulté à tracer la frontière avec d’autres prélèvements, telles les contributions volontaires obligatoires (CVO)4. En tout état de cause, il en existe plusieurs centaines.

a Une propension française à créer de nouveaux impôts

Clemenceau relevait : « La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts ». Il est vrai que l’on crée davantage d’impôts que l’on en supprime. Les suppressions, par exemple de l’imposition forfaitaire annuelle (IFA) en 2014, sont rares. Les créations sont plus fréquentes. Ainsi, la LFI pour 2012 a créé six impôts, dont seuls les deux premiers cités sont temporaires : la contribution sur les hauts revenus, la taxe de financement de la réserve des nouveaux entrants dans le système d’échange de quotas de CO2, la taxe dite « Apparu » sur les loyers élevés des logements de petite surface, deux cotisations sur les boissons à sucre ajouté et celles contenant des édulcorants, la taxe « brouillage » finançant les interventions de l’Agence nationale des fréquences.

La propension à créer de nouvelles taxes peut s’expliquer par plusieurs facteurs, respectivement juridique, politique et technique.

La taxe professionnelle supprimée par la LFI pour 2010 (cf. chapitre 25) a ainsi été remplacée par trois impôts : une contribution économique territoriale (CET) composée d’une cotisation foncière des entreprises (CFE), dont le taux est déterminé au niveau territorial, et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont le taux est défini au niveau national ; une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), composée de diverses cédules (transformateurs électriques, trains…) et destinée à faire payer les gagnants de la réforme. Cette réforme montre que la France est capable de modifier en profondeur son système fiscal. Mais modernisation n’est pas (toujours) simplification.

Cette multiplication des impôts trouve du reste des limites naturelles. D’une part, modéliser les effets (budgétaire, économique, social, environnemental…) de l’institution de nouveaux impôts est un exercice complexe, reposant largement sur des conventions, de sorte que l’intention initiale peut ne pas être atteinte. D’autre part, une taxe à faible rendement soulève la question de son coût de gestion, généralement proportionnellement plus élevé que pour des impôts à rendement élevé. La logique économique conduit à privilégier des impôts dont le coût de gestion est faible, afin de maximiser la rentabilité du système fiscal.

b L’équilibre du système fiscal repose sur des combinaisons d’impôts aux caractéristiques propres

Les cotisations sociales obéissent à une logique à part : de nature assurantielle et prélevées sur les revenus d’activité (exceptionnellement, sur les revenus de remplacement), elles ouvrent des droits aux cotisants. Ces droits étant souvent limités, les cotisations sont historiquement plafonnées, c’est-à-dire calculées uniquement pour la seule fraction du salaire inférieure au plafond de la sécurité sociale. L’introduction d’une logique de redistribution verticale, concrétisée par un large déplafonnement, a cependant perverti la conception originelle des cotisations sociales.

Chaque impôt a, en principe, une fonction propre qui marque sa conception et qui justifie que ses caractéristiques sont distinctes de celles d’un autre impôt. Ces singularités expliquent la coexistence d’impôts que d’aucuns pourraient envisager de fusionner voire de supprimer, comme l’IR et la CSG.

S’agissant de l’imposition du revenu des personnes physiques, l’IR a pour objet de taxer les revenus de manière progressive, dans une double optique budgétaire et d’équité, en tenant compte de toutes les facultés contributives du foyer ; par exception, des prélèvements proportionnels sont cependant appliqués, notamment pour les plus-values immobilières, pour tenir compte de la nature spécifique de ce revenu. Quant aux prélèvements sociaux, ils taxent proportionnellement les catégories de revenus dans une logique de rendement, pour financer les dépenses des ASSO. Enfin, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CHR) se situe dans le prolongement de l’IR et surimpose, de manière temporaire, dans une logique de solidarité nationale et de rendement, les bénéficiaires de hauts revenus. À l’inverse, la taxe d’habitation (TH), dont l’assiette est locale et dont l’objet est de contribuer aux charges des collectivités territoriales, n’est pas un impôt sur le revenu mais tient cependant compte des revenus des contribuables modestes.

L’imposition de la détention du patrimoine est double. D’une part, l’ISF taxe les grandes fortunes dans un objectif d’équité nationale, en frappant une catégorie de redevables dotée d’une faculté contributive potentielle particulièrement élevée. D’autre part, les taxes foncières ont surtout pour objet de contribuer aux charges des collectivités territoriales, notamment des charges fixes induites par la présence d’une habitation ou d’un terrain.

L’imposition des entreprises est également plurielle. Les bénéfices, qui représentent le plus directement les facultés contributives des entreprises, sont imposés dans le cadre de l’IS ou de l’IR, selon le statut ou l’option de l’entreprise. Pour faire contribuer les grandes entreprises, mêmes déficitaires, une contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) a été instituée. Des taxes affectées sont également dues par l’ensemble des entreprises, notamment à raison de la masse salariale, pour financer des dépenses (transport, formation…) dont les entreprises profitent indirectement et ainsi internaliser le coût réel du facteur travail, ainsi qu’à raison de la valeur ajoutée (CVAE) et des immobilisations foncières (CFE), pour financer les charges des collectivités territoriales.

Enfin, les impôts indirects ont pour une part un objectif de rendement ; c’est le cas de la TVA. Certains intègrent cependant des objectifs comportementaux et environnementaux, notamment les accises dues sur les produits énergétiques, les tabacs, les alcools ou encore les boissons à sucre ajouté…

L’existence d’un impôt trouve ainsi toujours au moins une justification, ce qui explique qu’il soit difficile d’en supprimer. La révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO) engagée par le président de la République Nicolas Sarkozy en 2008, malgré des réalisations importantes (notamment la suppression de la taxe professionnelle), n’a ainsi pas eu le même retentissement que la RGPP. D’autres ambitions de « remise à plat » de la fiscalité (gouvernement Ayrault) ont buté sur les mêmes écueils.

3.2 Des circuits financiers et comptables multiples

Nonobstant le principe d’universalité budgétaire, la destination des sommes prélevées par l’impôt est une question qui intéresse le citoyen. Or les affectations totales ou partielles de recettes fiscales et l’enchevêtrement de flux financiers, même réalisés en toute transparence, ne facilitent pas la compréhension du système fiscal, ce qui est susceptible de nuire au consentement à l’impôt.

a Des prélèvements revenant à l’Union européenne

Premièrement, des prélèvements obligatoires sont versés directement et indirectement à l’Union européenne (cf. chapitre 20).

D’une part, les droits de douane et assimilés (cotisations sur le sucre, droits agricoles) collectés par la France constituent des ressources propres traditionnelles de l’UE et lui sont par conséquent directement reversés, moyennant cependant une quote-part conservée par la France (20 %) au titre des frais d’assiette et de recouvrement.

D’autre part, les recettes fiscales effectivement perçues par l’État sont diminuées des prélèvements sur recettes reversées à l’Union européenne, au titre des ressources TVA et RNB (revenu national brut) de l’UE.

b Des impositions affectées aux ASSO et aux APUL

Deuxièmement, des impôts sont affectés à la protection sociale (cf. chapitre 17)5. Il s’agit principalement des prélèvements sociaux sur les revenus, de la C3S et de certaines accises, notamment sur les tabacs. Cependant, une fraction de la TVA nette de l’État est reversée aux ASSO, ce vecteur permettant d’affecter à ces dernières le produit de certaines réformes, par exemple de la diminution du plafond du quotient familial par la LFI pour 2014 (1 Md€), ou de compenser une baisse de recettes de la sécurité sociale induite par la politique de l’État (e.g. des allégements de charges).

Troisièmement, la fiscalité locale est un ensemble disparate (cf. chapitre 15) dans lequel l’État se trouve aussi dans la position de contribuable.

Il existe tout d’abord un prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, pendant à celui existant au profit de l’UE. Il est le vecteur de dotations qui présentent un caractère budgétaire, tel le FCTVA, et ne relèvent pas de la fiscalité locale.

À l’inverse, les impôts locaux, telles les taxes foncières, constituent bien des ressources fiscales. Il en est de même de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales, c’est-à-dire des impôts dont ces dernières perçoivent tout ou partie du produit sans avoir de marge de manœuvre, notamment quant au taux (TICPE, TSCA…).

Il faut cependant ajouter que l’État compense aux collectivités territoriales des dégrèvements d’impôts locaux décidés par le législateur et, si la loi le prévoit, des exonérations d’impôts. Dans cette mesure, l’État est un contribuable local. Toutefois, il perçoit aussi des frais de gestion sur ces impôts locaux ; ces frais constituent juridiquement et comptablement des recettes fiscales de l’État.

c Des taxes affectées au sein de la sphère État

Quatrièmement, des impôts sont affectés, toujours en vertu d’une disposition expresse de la loi de finances, à des opérateurs de l’État ou organismes chargés de missions de service public, personnes morales distinctes de l’État. Ce mode de financement public, dérogatoire au principe d’universalité budgétaire (cf. chapitre 7), s’est fortement développé au cours de la décennie passée. Le Conseil des prélèvements obligatoires, qui a publié à l’attention du gouvernement en juillet 2013 un rapport consacré à la fiscalité affectée, rappelle que, hors collectivités locales et sécurité sociale, 309 impositions sont actuellement affectées à des entités distinctes de l’État. Elles représentent environ 112 Md€ de recettes.

Afin de maîtriser les dépenses des opérateurs et de réaffirmer les principes budgétaires, le gouvernement a engagé un travail de limitation et de pilotage des ressources des opérateurs provenant des taxes affectées. Certes, l’affectation de recettes fiscales à des entités distinctes de l’État conserve une justification économique dans de nombreux cas, lorsque les taxes sont acquittées dans une logique de redevance (telle la contribution à l’audiovisuel public) ou que l’opérateur recouvre lui-même les taxes.

Cependant, alors que les dépenses de l’État baissent (cf. chapitre 2), la plupart des taxes affectées ont connu et connaissent encore une évolution dynamique, sans que celle-ci soit nécessairement en adéquation avec les besoins liés aux missions de service public qui leur ont été confiées.

C’est pourquoi l’article 46 de la LFI pour 2012, toujours applicable, a introduit un principe de plafonnement individuel de certaines taxes affectées : au-delà d’un certain montant défini par la loi de finances, les recettes sont écrêtées et versées au budget général de l’État. Ce plafonnement a été étendu à de nouvelles taxes par les LFI successives et concerne désormais 90 taxes dont les recettes affectées sont plafonnées à 9,6 Md€. Au-delà du plafonnement, des mesures exceptionnelles ont été prises, consistant à opérer un prélèvement sur des fonds de financement et des fonds de roulement de plusieurs opérateurs (chambres de commerce et d’industrie, chambres d’agriculture et agences de l’eau) dont la trésorerie a été jugée excessive au regard des missions assumées, pour un rendement de 350 M€ en 2017.

En termes statiques, cette mesure est neutre pour le contribuable, le montant de l’impôt n’étant pas modifié. Toutefois, en termes dynamiques, elle contribue à limiter les dépenses des opérateurs et donc leur financement par l’impôt.

Enfin, l’article 16 de la LPFP 2014-2019 construit une véritable gouvernance de la fiscalité affectée à des tiers (hors collectivités locales et organismes de sécurité sociale), applicable dès 2016. Premièrement, il prévoit la généralisation du plafonnement à l’ensemble des taxes affectées en 2016 et, à défaut, la suppression des taxes non plafonnées en 2017. Il n’est cependant pas certain que cet objectif d’exhausivité ait été atteint.Deuxièmement, toute nouvelle affectation d’une recette fiscale doit être non seulement plafonnée mais aussi gagée par la suppression d’une ou de plusieurs taxes affectées d’un montant équivalent. Pour responsabiliser les ministères souhaitant affecter de nouvelles ressources fiscales, les taxes supprimées doivent relever du même « champ ministériel » que les nouvelles. Troisièmement, des règles de gouvernance sont fixées pour limiter le recours à l’affectation de taxes à trois cas limitatifs, dans lesquels une taxe affectée est justifiée sur le plan économique. Sont ainsi reconnues comme légitimes les taxes présentant une logique économique de redevance (la ressource est en relation avec le service rendu par l’affectataire à un usager), de prélèvement sectoriel (la ressource finance des actions d’intérêt commun pour un secteur d’activité) ou revêtant le caractère d’une contribution assurantielle.

*

La France montre des spécificités dans sa structure de PO : un niveau élevé de cotisations sociales, malgré une fiscalisation partielle de la protection sociale, une préférence pour les impôts indirects et les impôts sur le patrimoine, plutôt que sur le revenu.

Sans parler de spécificité, la France se caractérise également par un système fiscal complexe, avec des impôts nombreux et des flux financiers divers. Cette complexité est néanmoins la contrepartie de la recherche d’un système fiscal adapté aux enjeux économiques, sociaux et politiques que connaît notre pays.

En réalité, au-delà du « système fiscal » proprement dit, il faut aussi regarder plus globalement le système des PO, tant les liens entre fiscalité et autres PO sont étroits. À cet égard, la tentative de TVA sociale de 2012 puis l’institution du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) par la LFI 2013 témoignent de ce que les grands enjeux de compétitivité des entreprises, de coût du travail et de taxation des ménages ne peuvent être toujours traités en retouchant de manière ciblée un impôt ou une cotisation.