Notices de l’Album de vers anciens

Hélène

Valéry reprend à peu près la version des Poètes d’aujourd’hui de Van Bever et Léautaud, mais au v. 9 « conques sonores » devient maintenant « conques profondes ». Voir p. 83 la première version, et la Notice pour les réminiscences d’époque.

Féerie

Intitulé « Blanc » au moment de sa première publication en 1890 (voir p. 63), le poème est très remanié dans trois dactylographies de 1913, en vue de la réédition de 1914 sous le titre de « Fée » (voir p. 259), puis en 1915 et 1916 : la version de l’Album ne modifie que les tercets de 1914. Il est repris en 1930 dans les Morceaux choisis.

Même féerie

De manière tout à fait exceptionnelle, les deux tercets sont ébauchés dans un Cahier du début de 19252 et seule une première version manuscrite très lacunaire est conservée. Le poème est écrit en 1926 et publié la même année dans Quelques vers anciens et, avec des variantes, dans la deuxième édition de l’Album où il s’intitule « Féerie (variante) ». Le titre définitif apparaît en 1929. Valéry dira dans « Fragments des mémoires d’un poème » : « Il m’est arrivé de publier des textes différents de mêmes poèmes : il en fut même de contradictoires3, et l’on n’a pas manqué de me critiquer à ce sujet. Mais personne ne m’a dit pourquoi j’aurais dû m’abstenir de ces variations4. »

Au bois dormant

En 1891, le poème s’intitulait « La belle au bois dormant » et offrait une version très différente (voir p. 80). Deux feuillets manuscrits et quatre dactylographies attestent qu’il est beaucoup retravaillé en 1913, 1915 et 1916.

César

Le sonnet voit le jour à la fin de 1918, est sans doute achevé en 1919 et figure d’abord dans la liste de poèmes dressée par Valéry pour la publication de l’Album en 19205. Retravaillé en 1921, il ne figurera pourtant que dans la réédition de 1926 ainsi que, la même année, dans Quelques vers anciens.

Le bois amical

Le poème est peu remanié. Voir p. 93 la première version, et la Notice. Il est repris en 1930 dans les Morceaux choisis.

Vue

La version du Centaure (voir p. 158) est reprise, avec d’infimes variantes de ponctuation et la suppression de la parenthèse au v. 10, modifications qui datent de 1920.

Anne

Le poème a été ébauché à la fin du siècle précédent10 et a d’abord paru dans La Plume le 1er décembre 1900 (voir p. 246), puis avec des variantes au printemps de 1912 dans le Recueil pour Ariane ou le Pavillon dans un parc (troisième recueil) où il n’a plus que cinq strophes, dont une inédite (les actuelles strophes 1, 2, 3, 6 et 13). Le manuscrit montre que, comme « Un feu distinct… », le poème est au commencement plus ouvertement lié à Agathe : « Ah ! cède davantage et descends plus encore / Versée étrangement à l’absence de pleur / Dans le meilleur du fond où le même s’ignore / Chef-d’œuvre inachevé de l’extrême douleur11. » En 1913, Valéry lui ajoute les strophes 10 et 11, puis y revient en 1915 pour trois nouveaux états, et le retravaille encore en 1916 et à l’été de 1917. Augmenté de trois nouveaux quatrains, ce qui porte l’ensemble à neuf strophes, le poème paraît dans l’Album dès 1920 et, quasi identique, dans Les Écrits nouveaux en décembre 1920. En 1920, la table des matières du recueil donne comme surtitre à « Anne » et à l’« Air de Sémiramis » qui suit : « Poèmes inachevés », et de fait cette première édition de l’Album ne comporte pas les actuelles strophes 7 et 8, pourtant déjà écrites, non plus que la neuvième et la douzième qui seront ajoutées pour la réédition de 1926. André Breton dira de ce poème : « Il y allait d’une pente très glissante de la rêverie, volontiers érotique d’ailleurs12. »

Air de Sémiramis

Le poème s’écrit sous le signe de Degas, mort le 26 septembre 1917. Dès le premier jour, le 6 mai 1918, Valéry se rend à la vente des tableaux qui se trouvaient dans son atelier et, une semaine plus tard, il lit dans L’Action française du 14, sous la plume de Louis Dimier – un agrégé de philosophie proche de Maurras –, un article qui conteste violemment l’achat, par le musée du Luxembourg, d’une œuvre dont le critique considère qu’elle atteste toute l’impuissance du peintre à composer. Ce tableau, Sémiramis construisant Babylone, qu’il mentionne dans Degas Danse Dessin13 et qui est aujourd’hui au musée d’Orsay, Valéry l’a si souvent contemplé dans l’atelier de la rue Victor-Massé qu’il y repense longuement et bientôt note sur la première page de son poème : « Songé à écrire à cause article de Dimier sur Degas et contre ce tableau14. » Ce que réveille en lui la légendaire reine de Babylone, c’est la puissance d’une conscience qui transforme le monde, mais aussi le mythe d’Amphion qu’il confond volontiers avec celui d’Orphée : l’ancien rêve des pierres qui, sur un ordre, s’élèvent et deviennent temple.

Ainsi s’ébauche l’« Air de Sémiramis » dont le titre même renvoie à la musique. Valéry le retravaille durant l’été de 1918, le reprend en janvier 1919 et, en dépit de sa date récente, comme si le poème était lié à l’ancienne contemplation du tableau, il ajoute au titre : « Fragment d’un ancien poème », puis inverse les termes : « Fragment d’un très ancien poème – Sémiramis ». Le texte est retravaillé à la fin de 1919 et au début de 1920, et interrompu, plutôt qu’achevé, au printemps, car Valéry l’a beaucoup remanié sans parvenir visiblement à un ensemble qui le satisfît. Il l’intitule « Sémiramis (Fragment d’un très ancien poème) » lorsqu’il le fait paraître dans Les Écrits nouveaux de juillet 1920, puis « Sémiramis » en 1920 où la table des matières le donne pour « inachevé » (voir ci-dessus la Notice de « Anne ») ; de fait, la deuxième édition de l’Album, parue en 1926 chez Stols, donne, sous le même titre de « Sémiramis », trois nouvelles strophes (22 à 24), après quoi le poème disparaît bizarrement de la réédition de l’Album en 1927, pour faire retour en 1929 dans le volume des Poésies où apparaît son titre définitif. Intitulée « Air de Sémiramis. Fragment d’un ancien poème », la même pièce figure dans Charmes en 1922 et dans les rééditions de février et décembre 1926 avant d’en être définitivement retirée : dans celle de décembre, « Sémiramis » comprend les trois nouvelles strophes (22 à 24) qui figurent déjà dans l’édition Stols de l’Album achevée d’imprimer en mai. Plusieurs modifications sont apportées en 1942.

L’amateur de poèmes

Très peu de variantes par rapport à la version de 1906 (voir p. 251).

 

Plusieurs tables ont été établies. Voici celle que Valéry adresse à Gallimard le 20 août 1917 à un moment où il envisage un volume de pièces diverses qui aurait repris La Jeune Parque15 : « Orphée », « Hélène », « Naissance de Vénus », « Féerie », « Le bois amical », « Au bois dormant », « Narcisse », « Épisode », « Vue », « Un feu… », « Baignée », « Fileuse », « Anne », « Valvins », « Été », « Intérieur », « Heure », « Facilité du soir », c’est-à-dire « Profusion du soir », « (Aurore) Au jardin spirituel » qui passera dans Charmes, « Les doléances », c’est-à-dire « Ébauche d’un serpent » qui sera aussi inclus dans Charmes, « Le vieillard16 ? », « La Jeune Parque », « L’amateur de poèmes », « Nuit », c’est-à-dire « Pour la nuit17 ».

La table que Valéry dresse à l’été de 1920 comprend les pièces suivantes18 : « Heure », « Orphée », « Caresse19 », « Nuit », c’est-à-dire « Ma nuit », « Vaines danseuses », « Sinistre », « Facilité du soir », c’est-à-dire « Profusion du soir », « Flûtes20 », « Ma nuit21 », « Grottes22 », « César » et « Neige ». En marge à gauche, il ajoute « Le Jardin rose23 » et « Ballet24 » ; en marge à droite, « Arion », « Le vieillard25 ».

1. BNF, Naf 19003, f° 20.

2. C.X.589.

4. Voir p. 782, au t. 3 de cette édition.

5. Voir p. 1775.

6. C.I.202.

8. BNF, Naf 19003, fos 72-73.

9. BNF, Naf 19002, fos 151-160.

10. BNF, Naf 19002, fos 161-163.

11. BNF, Naf 19003, f° 133.

12. Entretiens, Gallimard, 1969, p. 15.

13. Voir p. 544, au t. 2 de cette édition.

14. BNF, Naf 19003, f° 165 ter.

15. BNF, Naf 19003, f° 11.

16. Ou « Le vieil homme » : voir p. 923 sqq.

17. Poème abandonné et resté inédit.

18. BNF, Naf 19003, f° 12 bis.

19. C’est-à-dire « La caresse » (voir p. 1227, au t. 3 de cette édition).

20. C’est-à-dire « Colloque (pour deux flûtes) » (voir p. 1219, au t. 3 de cette édition).

21. Voir p. 1433, au t. 3 de cette édition.

22. C’est-à-dire « À des divinités cachées » (voir p. 1428, au t. 3 de cette édition).

23. Poème de 1890 que Valéry avait songé à retenir pour son futur recueil dès 1913.

24. Voir p. 326.