Ces poèmes en prose de jeunesse ont été publiés, sous ce titre qui est celui du premier d’entre eux, par Agathe Rouart-Valéry chez Fata Morgana en 1981. Leur suite n’est pas chronologique et, la plupart des manuscrits étant perdus, il est impossible de reconstituer cette chronologie, comme de dire les raisons qui ont conduit la fille de l’écrivain à choisir l’ordre qui a été retenu. Ils ont cependant été écrits entre l’été 1890 et le printemps 1892 : un ou deux sont peut-être plus tardifs. Ceux de 1892, après la découverte au mois de janvier des Illuminations de Rimbaud, font une place plus grande au sensible et recherchent moins l’abstraction un peu symbolique des pages antérieures. Pour éviter le récit auquel il est de plus en plus rétif – visiblement les poèmes les plus narratifs comptent ici parmi les plus anciens –, Valéry s’essaie assez souvent à des évocations d’intérieur ou bien d’extérieur qui n’échappent pas tout à fait à la description. Lorsque d’autres poèmes plus tard prendront place dans les Cahiers, ils feront au sensible une place bien plus grande138.
Une chambre à qui l’esprit y séjournant, définitif après de la vie et des aventures chromatiques ne trouve jamais qu’une qualité : qu’elle est souple139.
Telle ainsi que les impressions en émanant soient subites et dociles, mobiles selon tout, capables de s’évanouir pour qu’au retour on ne fasse jamais que rentrer dans un charme, seul en fixité.
Alors, choisis une couleur sympathique mais tenue près du très clair ou du très foncé – sans milieu. Très vaste ou exiguë avec le portrait réel d’une fenêtre ouverte quelque part sur des feuilles et de l’air en golfe propagé – mais peut-être aussi quelque baie en haut, sans vue – lueur uniquement pour la concentration. Il faut choisir.
Dans tel coin, descendu droit d’un léger plafond curviligne et bien suspendu, cristallise une console, une île d’or tordant ses chairs de feu ancien et froid où se prépare à trembler un éclair ovale, un minuscule ciel en forme de figure – miroir occidental, trouée d’eau dans cette étendue que désormais vont tes plus chères pensées comme ton cerveau même, hanter de vols nus140. Deux branches et leurs pâles bougies étirées en pistils, sont fières autour, et finissent leurs belles convulsions. Plus bas, une autre glace horizontale laissera surnager et se flétrir avant qu’elles se noient, des roses et les fleurs exsangues du fluvial Aponogeton Distachion141.
Une table est à mi-chemin des jours ; peu élevée, nerveuse et fraîche, où la ventilation céleste agonise sur quelques minces volumes argentés et noirs, diverses feuilles de papier pur, et nulle plume. Elle pose avec son bas fauteuil de roseaux et de fourrure, avec son tabouret de bois obscur et travaillé comme pierre sur le tapis, sans dessins, semé de points brillants et clarissime qui recouvre aux 2/3 le pavement de marbre noir.
Sur la table aussi un vase de forme gracieuse et simple, avec une fleur grande et ornementale dedans. Une glace à main, un éventail exquis, un crayon.
Une lampe minuscule et puissante tombe du plafond. On peut y souffrir des ailes figurées en bronze doré – mais garde-toi de plus approcher l’oiseau réel. Le long des murs, quelques courbes se devinent sauf à la place d’un profond divan de dimensions petites.
Un parfum final adoucira encore ce séjour clos aux femmes que le génie peut maintenant habiter qu’il est sûr d’y être libre, pur et chez lui.
*
L’ovale sérieux d’un miroir vide ressuscite dans une autre pure chambre le vase long et pâle d’où monte une fleur identique142. Une sensation de légèreté et de mystère surprend le visiteur étranger – car dans l’éther minéral de parfums épars, dure – (depuis le miracle de songer là) un cristallin accord de musicale durée, aminci affiné, devenu silencieux et respirable, favorisant ce qui vit en lui d’une secrète harmonie et d’un sourire – né sur la face humaine en onde surprise par le mystérieux frôlement d’aile qui fut ici.
L’oiseau pur enfin, son agonisante jupe frémit encore sur un coussin, cramoisie seule dans l’air verdâtre de ce lieu artistique, repos et souvenir – hanté cependant par les vitres bleues qu’hallucine, d’un rai d’or parfois et monotone, l’idée brûlante qu’on n’est pas parfaitement seul.
*
Mr Rocher habitait Gênes… en 18143…
Au haut d’une grande et vieille maison. Dans un appartement bas, à grandes pièces, toutes l’une après l’autre, nues ou à peu près. Toujours des fleurs dans la première chambre sur une table dans une corbeille chauffaient tout le milieu ; coloriaient, de chambre en chambre toute l’habitation ; l’odeur allait en perspective. Toutes les portes étaient ouvertes à deux battants. Dans la dernière chambre une petite table avec livres, journaux, plumes.
Mr Rocher passait des journées à marcher en va-et-vient, les mains derrière le dos, parcourant l’enfilade. Un pas régulier. Il enfilait les portes une à une, en méditant, sous l’éclairage des persiennes rayé. Quelquefois, tout à coup, il voyait la lumière ; puis il la détruisait de nouveau en pensant. De même, il n’entendait pas le bruit du dehors, ni sa propre chanson et soudainement la ou le rencontrait. Une fois, il s’apercevait qu’un port fumait et qu’une lumière énorme existait dans ses fenêtres. Il allait se coller, regardait sans voir et revenait marcher. Il marchait comme un pendule. Parfois, il chantonnait.
— All right ! dit Laparre (et dans son langage singulier).
— All right ! j’ai mon charbon ! les métaux sont astiqués ! les huiles descendent – mes mathématiques sont à leur place, je suis paré, je tiens mon monde, la logique est en route ; mon pouvoir règle les lumières, et j’attends les événements, mèche allumée.
*
Ici, le fauteuil, le lit, la pendule, la glace, la clef sur l’armoire, la fenêtre, les rideaux, le jour très important, et changeant, les arêtes de la chambre, l’espace libre au milieu, en boule, – la poussière qui unifie, les filets d’eau de lumière aux angles des meubles, les désordres sur la table, les corps des meubles disant toujours la même chose, l’écoulement du temps sur les vitres, les couleurs rapprochées, l’homme qui est assis, les distances.
Le fauteuil attend, le lit se repose, la pendule marche, la glace s’ouvre, la fenêtre bruit, les rideaux plaisent, le jour pense, la chambre continue, l’espace central se défait, l’homme change : grossit144.
*
Il scintille depuis longtemps à la pendule.
Ma solitaire Table ! Jamais sur tes feuilles, éparses feuilles par un vent de quelque arbre échappées, blanchies – jamais, jamais, nulle ombre rose d’un sein frais ne s’y courbera, à peine… Lucidité, vigile, vous demeurez !
Ah !
La lampe agonise ; il n’y a plus que les feuilles pures de papier. Mes livres ne dorment jamais. Tout le reste a disparu. Et l’ombre annule tout le reste.
Seule, cet astre individuel – brûle, la table existe, et ma tête, ma tête vivante sur un cadavre de ténèbres qui n’est plus à moi, déjà ! elle Pense ! toute seule.
Encore un peu de lumière, hélas ! sur ces mains.
Il scintille à la pendule. Il scintillera longtemps à la pendule.
Les belles choses naîtront, Demain !
Il n’y a qu’à puiser un peu de cette ombre, et lui souffler quelque forme – Chanter !
J’ai voulu chanter. L’ombre m’est entrée dans la bouche. Et la lampe qui agonise et la Table qui vacille.
Demain va venir. Il rôde devant la fenêtre. Entrez !
(silence)
Il scintillera – toujours – à la pendule !
*
Je regarde souvent la nuit constellée, et j’attends. La terre s’efface peu à peu. Il n’y a plus que des astres.
J’attends encore.
Un soir, quand tous les hommes seront lassés, comme déjà nous le sommes, tous les regards du monde se tourneront au ciel obscur taché d’étoiles. Et soudain, abreuvant d’horreur l’attente universelle, du fond de l’ombre un doigt sortira qui mènera sur la nuit entre les points sublimes marqués par les planètes, les lignes géométriques, et les courbes sereines dont s’émane l’harmonie secrète des créations.
*
Cantique des étoiles et de l’espace
Brillez, petites, brillez.
Brillons, brillons, plus petites nous ne pouvons nous entendre l’une l’autre, ou bien la voix se change – des méprises infinies.
Il y a plus loin de vous à moi
que de moi, belle nuit, à vous.
Ignorance simultanée, ignorons-nous à la fois identiquement.
Nous sommes tout le temps présent à la fois. Il n’y a, il n’y eut, il n’y aura jamais que cet immense instant.
Il y a place ici pour toutes les contradictoires. Voir le ciel étoilé, c’est voir une région non compensée par l’homme, ni vraie, ni non vraie,
ni existante, ni non existante
ni même moi, ni non moi
Ici vivent les yeux seuls.
*
La lune m’apparut.
Dans une eau pure, elle reposait sur la quille inverse d’une sœur mince.
Des filles, lentement, s’amusaient autour d’Elle, à la nage. Transparentes, leurs membres d’onde étaient silencieux, elles venaient à la lueur de la barque où il n’y avait personne.
Dans la claire courbe se fléchit l’une. Dès que ses yeux furent clos, par la corne moindre de la lune, les bras lumineux des autres l’attirèrent.
Je sentis que je n’aimais pas les autres.
*
Dans un ciel couleur de violette claire, des nuages d’un rose crémeux et plumeux et gonflés et pleins de majesté.
Soudain derrière l’un d’eux apparaît un morceau de cuivre pâle et léger, qui flotte. Il se démasque et s’arrondit et c’est la Cymbale de la Lune.
Des oiseaux volent autour…
*
Un plafond noir de nuages. À l’Occident une bande d’or vert lumineux et vibrant qui est le ciel. Plus bas une bande d’or fauve et teinté de sang sur laquelle se profilent les grêles arbres dépouillés.
Là-bas, très loin, des troupeaux de nuées couleur de cendre, comme des tribus d’éléphants monstrueux en marche dans quelque désert de Rêve, s’en vont à l’Invisible – Et goutte à goutte une cloche de couvent145 tinte dans la campagne, – avec une intermittence – qui fait songer à des baisers.
*
Endiablement à travers l’Italie de 178* d’un jeune, fougueux, très fin, très fou – chevalier de Malte fuguant à une série extraordinaire de Vénus – partout, une lucide et quasi divinatoire habitude de l’imagination mathématique146. Des calculs vertigineux et clairs, parmi mille spasmes çà et là, les superstitions d’un amoureux perpétuel, Italien, – mêlées à l’analyse la plus sensible, se changeant en un sentiment singulier, en le flair de pressentiments. Une action continue, violente et drôle, de ville en ville au-delà des murs, des chapelles, des courtines pendant que l’esprit, partout – en chaise, au lit, sur l’eau, sous la table, – poursuit ses enchevêtrements de raisons, de déductions et d’inspirations.
Au lit comme un poisson à l’eau, je me brûle de joie, de me tordre, de rêver avec une précision qui me consume, l’impossible en science, en guerre, en création – de baiser, de toucher à tout, de mordre, de rire en fusées extralucides, et de porter aux nues où je suis l’ébahissement de la jolie femme en peau et dentelles que je lacère.
*
Sois belle purement comme un vase sacré, et que ta splendeur indéfectible ne laisse jamais mon amour te souiller.
Demeure devant mes yeux, vivant cristal où s’est fixée l’universelle Beauté et défends-toi contre celui qui t’aime…
Défends ton corps, défends ton âme contre moi-même, car ta chair est trop glorieuse, car ma chair est trop mortelle.
En toi, la Forme idéale s’est figée. Tes membres résument la perfection des lignes possibles, dans le Monde. Tes yeux gardent l’infini des mers et des ciels, et tu sembles vêtue de lumière.
Sous tes pas meurent les fleurs oubliées et leurs suprêmes parfums s’élèvent autour de toi.
Et tu n’as qu’une Sœur, une fière rivale aux cheveux sombres, qui s’appelle la Mort.
*
Ses yeux avaient l’éclat perdu d’un miroir oublié dans une chambre obscure147. Et son regard semblait venir de bien loin.
La voix résonnait comme un écho d’une autre voix, un écho assourdi, intérieur, et bien triste, ho ! aussi triste qu’une voix d’adieu ou de souvenir ! Son pas était silencieux dans son allure rythmée. La robe se froissait avec le bruit des feuilles mortes. Entre ses mains transparentes, elle tenait mon portrait, ma propre effigie entourée d’un cadre d’ébène.
Ainsi je la vis un soir d’octobre, murmurant des paroles tendres, sans s’animer comme si elle répétait ce qu’une autre avait dit autrefois, il y a bien longtemps !…
Bien longtemps, bien loin, bien longtemps ! Et forme indécise qui passait dans mon Âme, elle disparut avec lenteur comme un parfum s’évapore…
*
Le prêtre est mort, marquise, celui qui savait tes péchés. Il ne viendra plus à six heures, te dire l’Enfer chaque soir, ni sourire à tes cheveux, en songeant aux flammes certaines. La bouche n’est-elle pas close qui te dévoilait avec pudeur, dans le confessionnal d’ombre ?
Où sont tes secrets, où est, marquise, celui qui savait tes péchés ?
Peut-être a-t-il regret, le prêtre, des regrets assoupis de bruits de baisers dans sa tombe ?… Je redoute le souvenir des péchés perdus avec dédain, – péchés non cueillis aux branches lourdes (ô tes bras précieux !) – souvenirs des vertus vaines et fanées, qui reviennent, comme si l’hier durait encore – dans la tombe !
Le prêtre est mort, marquise, celui qui savait tes péchés148 !
*
Un jour que le Ciel pleure des larmes froides, que l’air est glacé, et que les naseaux des bêtes lancent deux rayons de buée, je traverse la Foule inconnue, la foule interminable, et anonyme, et par les rues je feuillette des Âmes, les âmes de tout le monde.
Dans les Yeux qui passent, je plonge mes yeux, méchants, interrogateurs, et mon regard semble remuer dans les cervelles de la misère et de l’ennui…
J’ai d’étranges Amours. Ils ne durent qu’un choc de regard, le temps de me mirer dans son cristallin, le temps qu’Elle se peint sur ma Rétine149… Et, ce sont des Amours complètes, finies ; il y a eu désir, il y a eu plaisir, – des fois, remords ; et elles sont acquises à mon âme, et elles vont grossir l’Océan intérieur de la Souvenance.
Ainsi, j’ai des haines affreuses ! des bontés infinies, d’inépuisables indulgences…
Mais voici que le soir enfume les rues ; en la purée de la nuit et de la vapeur, des feux s’allument, versicolores. Un diamant, ici, étoile par hasard aperçue, là, une émeraude, un grenat, un saphir, lanternes diverses. Et du trottoir métallisé par la pluie, les lueurs électriques fondues à celles du gaz, font une merveilleuse lame d’orfèvrerie, un retable de vermeil, une Pala d’Oro150 toute vibrante.
Et dans les orbites s’éteignent les yeux de la foule, les yeux jamais semblables, jamais muets des êtres sans nombre, dont Tout m’est inconnu – hors la trahissante prunelle !
*
Une voix est cime de fleuves, pics et gouffres – non sans nuées et vertiges – comme d’un être bien plus beau que toi-même151. Mue à travers l’océan le plus léger, par un esprit sans cesse futur, elle naît pour pouvoir naître encore, chaque fois vierge qui se joue avec les débris flottants et fluides d’elle-même. Ce chant est une foudre continue, une aile d’exception qui dure longtemps aujourd’hui. Oh ! quels yeux faut-il pour vociférer si vastement, si haut ! Quelle figure ayant tout vu ! J’imagine dans le plus lumineux regard divin, le jet d’un torse chanteur, buvant et respirant le Monde, un ange !…
C’est, dis-tu, quelque mort dont la voix est telle ? Quelque homme – et pas un ange, mort ! Un homme sans plus rien d’humain, un mot issu de la terre trouée, un mot lui-même poudreux et sans plus de poids, jamais plus ! J’accepte ton murmure mais la terreur, je la repousse… La voix me paraît s’embellir encore, augmenter son énergie spirituelle… Regarde nous ? Entends nous – Touche toi – Elle est plus la Vie que nous-mêmes !
*
Imagine un pays de nature – l’homme sort alors d’une verdure152. Tout se pense, tout s’apaise à sa place. Le premier objet bien regardé – isolé classifie les autres : une feuille, etc. Des moucherons font une noce. Où fut leur trace ? Cet arbre s’est éloigné de ma main, ici je respire avec bonheur ? trois ou quatre choses viennent briller au bleu d’en haut. Astres ! Autres mouches. Je ne viens jamais à bout de tout voir. Le gros fruit lumière s’en va – ombres ? Je reste seul avec les astres qui font des petits innombrables. Je n’y suis plus. Suis sans comprendre – sans besoin ni désir – pour rien que je sache. Comment se tiennent ces points. Des baguettes doivent les unir.
*
Un site d’herbes et d’eau.
Paysage aux lignes molles et hautes de collines enlacées où des filles, des moines et des pâtres discourent ; et chantent des hymnes élevés.
— Il faudrait faire sentir les fleuves coulant à pleines rives, les eaux épanchées jadis par l’orage qui fluent et abreuvent la terre viride153 ; la montée des sucs fluides dans les prairies, la paix grasse et mystique des pâturages, le calme immense…
— Des nuages s’élargissent sur le ciel triangulaire entre les montagnes, et leur nuance passe dans les lacs oubliés !
Quelques froides figures paissent leurs souvenirs larges et purs, et courbent en les attirant vers leurs visages les hautes fleurs de nuances tendres dont les simples calices palpitent…
*
Une eau transparente et phosphoreuse, une lueur d’un espace debout tremblante, qui se propage en frissonnant, une grande pâleur céleste, une eau où l’œil collé se noie dans l’amas de délirantes couches limpides, une droite danse de minces tempêtes troublées154.
Le mouvement élémentaire circule et la clarté vit de plus en plus dans les parties où elle se distribue. Une vacillation d’algues, puis des jeux en ronds se plaisent à venir jusqu’au bord, à la surface de miroir vieux. Les feux tournent dans leurs distances irrégulières et figurent un monstre central, une nébuleuse, un œil, un gouffre pâle ayant des rondeurs nouvelles. Des cheveux en fuient qui dessinent le courant rond, l’hélice. Le ciel s’est divisé, l’eau s’épure et bleuit, la formation brille et bouge au centre. Elle marche autour de son centre. Elle est différente de son atmosphère.
Sa luminosité augmente, l’ombre d’autour aussi.
C’est un rêve, un monde, une bête, une pensée, un événement, un sentiment irrésistible qui se dégage, vire, grossit, éclaire et se meut avec l’éclair de ses lois jusqu’à mourir en mille autres parties de soi, dans ce ciel paternel.
*
Vers un occident inconnu la tendre figure est tournée, ornée d’une écume de boucles et de spires d’ambre, – chevelure légère dont l’or enfantin s’atténue – il y a deux siècles qu’elle est ondée. Mais les yeux sont arrêtés fixement pour te bien connaître – et sur la brume que sera cette peinture, un jour, ils brilleront solitaires (grands yeux toujours éclairés dans le front pur de pervenche…)
Une bouche en pierrerie scintille froidement avec un grain d’ombre parmi les bijoux des lèvres nues. Et plus bas surgit une garde sombre d’épée.
On la devine trop lourde encore – et longuement désirée par le fils.
Enfant, la fleur des narines et du sourire clair tombera. Tu seras quelque homme… Toute beauté fuira vers d’autres jeunes figures.
Et la candeur disparue, celle par qui tu es une âme universelle encore, tu t’enfermeras dans une personnelle, étroite pensée – signe fatal de la future mort.
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La main de celui qui aventureusement délinéa les premiers ornements, nés sur le vide d’un lieu mesuré, regardé tout entier, suit exactement le désir, l’Éros de l’esprit primitif. Il arrive une symétrie pour le satisfaire, des inflexions qui concordent, des gradations avec le moins de fatigue. Voici enfin que l’ensemble reproduit l’intuition de l’esprit concevant l’espace et le mouvement réciproques. – Miracle naturel de quelque chose unissant cet esprit par cette main aux vibrations d’une eau, d’une nue et du sable. Et tout me dit que nous avons continué.
*
Quand sur le cerne tendre et profond et doux du ciel – Je vois s’effilocher des nuages – des nuages aux blancheurs dorées, aux armures d’argent idéalement légers, soyeux, mobiles et qui ont l’air de frissonner dans l’espace et qui jouent sous la lumière frisante, un rêve me poursuit, insensé !…
Tout nu fauve de soleil, je désire m’élancer d’un bond et sauter dans le vide bleu comme un poisson dans l’eau. Une ardeur me brûle de fuir la gêne du sol limité et de jongler là-haut au milieu des nues, baigné de clarté, glorieux, fort, superbe, étincelant ! Je rêve les saillies des muscles sans entraves, les sauts, les envolées, les plongeons et tous les caprices concevables hors de la pesanteur et de la raison, cette pesanteur de l’Esprit. Je rêve les étourdissements et les griseries du mouvement effréné. Je rêve la rapidité précise de l’oiseau qui va droit comme une balle, la souplesse de l’anguille dans la rivière.
Je songe à planer et à monter toujours et toujours.
Acrobatique poète, clown
Je désire m’élancer d’un bond et sauter dans le vide bleu, tout nu tout fauve de soleil.
*
Des glaces aux brasiers – ta chair155.
Doucement ce bloc gelé, ta tête sculptée s’attiédit – bout et brûle. Les yeux s’échauffent. Aux creux, aux rougeurs des creux, la rougeur. Le froid – monte avec la brûlure. Tu penses en aéronaute. Le soleil du front éclaire tes mains frigides. Le soleil du cœur, système frère, gonfle des ailes intérieures – respire !
Si le grand jour t’appelle, c’est le froid au front, les pieds agités dans une braise à fuir ; dans les mains, on sue et la peau fraîchit par l’air.
Du charbon partout c’est la fièvre.
*
Toi qui n’es pas, fantôme ! Je t’aime : c’est toi la Reine d’un impossible palais de lumière, au fond de cette verte, humide, et trompeuse Forêt, Forêt d’ombre. Les ailes bleues, les ailes noires, les rapides ailes des Oiseaux-jamais-vus, à tes flammes dépeignées, à tes cheveux rouges épars, viennent se brûler !…
Lointainement ! des cris et des bruits peut-être ! Ô ces rires !… Puissent les fées, les grandes fées des fleuves nées, ne point piquer ton cœur avec leurs longues aiguilles d’argent !… tu sais ces acérés rayons de la lune dans un lac durement trempés, dans une eau morte où bleuissent des fleurs…
Quant au jeune prêtre exilé parmi les arbres, adore-le, tout blanc, lui qui supplie ! Éloignée, cachée dans les étoffes sensibles des herbes, écoute car il implore le Soleil…
*
… Dans les brumes à travers les squelettes pressés des arbres il y a des rougeoiements de torches lointaines, et par bouffées à un détour, des hurlements et des sons de cor viennent vous frapper au visage. Tout à coup le galop devient effréné. Le lac, la forêt, la plaine, tout passe dans la lumière trouble, puis on est précipité sur quelque chose qui s’est arrêté dans un coin au pied d’un mur, sous un roc, contre un arbre.
On n’est plus à cheval, on est porté par la meute combattant, on ne voit pas, on n’entend pas tant l’oreille est pleine de bruit mais on sent bien l’acier crissant sur l’os, la lame pénétrant la mollesse des graisses, enfonçant les muscles roides, coupant, déchirant, taillant sans fin dans quelqu’un qui vit. On se sent au visage l’haleine de ce qu’on tue – au ventre ou à la poitrine, l’arme de ce qui vous tue, mais on ne sent pas qu’on meurt car on fait mourir. Le brouillard estompe tout et l’humide atmosphère a des tiédeurs de sang. Soudain dans le gris trouble de toutes choses tombe une clarté horrible. La lune surgissant met des reflets de métal étrange sur les ruisseaux rouges du sol ! Un grand vent passe entre les branches. Le courage s’éteint.
*
Le Monde est ma force156. Je sens qu’il me produit et accompagne ma voix. Ce sentiment est toute la gloire. Ma conscience est aussi belle que le mouvement et que les extrêmes immensités… J’ai mis le feu partout. Aux paroles mortes, aux coins si tristes de ces pays, aux regards usés par des vieillesses agitées en vain. J’ai combiné avec art tout ce que je ne pouvais pas faire. Là, mon esprit à son tour vit ses limites. Elles-mêmes furent une inspiration, le signe de leur abaissement futur. D’abord je fus vite nu, puis pour sentir l’autrui je sautai dans l’eau des mers sous le soleil. Alors, pour aller aux bornes je me réduisis à un point, et je me dispersai en combinaisons merveilleuses. Il importait que je découvrisse. Et que la virginité des suggestions, écumes au large et une fois, m’appelât pour un repos court.
*
Il soulevait le rideau de joncs et la contemplait frémissante et alanguie.
Elle se cuisait au soleil et se roulait avec bonheur sur le sable de la plage dans une débauche intense d’abandon et de langueur, s’abreuvant de lumière, buvant par toutes ses gouttes la chaleur et l’éclat du jour. Elle avait des places d’azur profond et opulent, des frissons d’or et puis vers l’horizon c’était un miroir immense, un miroir ardent, une coulée d’un métal poli, fondu d’argent et de diamants sans un pli, sans une ternissure… !
Il pensait, lui, à sauter dans cette onde chaude à la surface, délicieusement glacée dans les profondeurs. Il se plaisait à voir l’astre rutilant, les cieux d’un bleu dur et brûlé à travers l’émeraude intense du flot criblé de rayons, toute vibrante de clarté, traversée de moires dorées, limpide, caressante, douce comme une femme.
Il rêvait que c’était un désir absurde et il se sentait cependant là-dessous dans la fraîcheur de l’Océan frôlé par les grands poissons frissonnants, bardés d’armures souples, étincelantes, silencieuses, et filant sans effort entre les eaux calmes parfois inondés d’une lueur verte qui jouait sur les pierreries de leurs écailles, parfois, spectres noirs roulant dans les abîmes sombres des grands fonds de la Mer.
*
Nous sommes un être, un être immense, un être qui périra. Nous souffrons sans fin car nous avons des aspirations infinies vers la Lune impassible, et de douleur nous roulons sur le sable, les nuits…
et le battement désespéré d’un cœur qui est caché en nous, c’est lui qui jette vers nous les vagues rythmées, dans un écroulement de lumière et de bruit !
Nous nous plaignons, nous nous plaignons sans fin, et nos plaintes montent vers Personne car nous n’avons pas de Dieux pour la leur adresser.
À vos cœurs parfois nous savons parler quand la souffrance est trop forte et en arrive là où les êtres se comprennent.
Torturés éternellement, jamais satisfaits, jamais exaucés, pleurant sans nous lasser, nous vous ressemblons, ô créatures humaines, mais plus malheureux que vous, nous n’avons pas la ressource de la Mort et d’autres flots pour nous y jeter.
*
Toutes les saveurs tristes du voyage s’égrènent, accoutumées. Et d’abord le train qui file sèchement à travers une légère brume dans l’usuel paysage.
… Là-haut le cimetière157. Il est debout sur le roc sanglant au-dessus des indigos violents de la mer. Il est calme et chaud entassant de carthaginoises splendeurs, des sépulcres riches et barbares de marchands avec des fioritures lourdes de pierre et des tiares de marbre neuf. Dans l’immobile soleil sur la côte rouge où se creusent les tombes, parmi les hiératiques cyprès de bronze pesant, qui ne tremblent pas, les fleurs mornes et les couronnes pourries éventent des parfums oppresseurs. Les dalles plates et les croix vermoulues de bois noir se souviennent des nuits irritées de l’hiver, quand le vent enlevait les bouquets funéraires et que la pluie salée éparpillait les blafardes immortelles ! Eux, dormaient, les morts !
Mais parmi leurs obscures légions il en est dont la sépulture porte les ancres d’airain et les chaînes symboliques ! Ceux-là peut-être se souvenaient de la brise aiguë sur l’Océan ! et rêvaient sous tant de terre sombre à ces fanaux de jadis, les émeraudes de la mer et ses rubis ; les verts et les rouges ! qui sur l’horizon erraient lointainement ! Puis les chocs des mâtures, les râles de la vapeur exaspérée et ses luttes sourdes dans les bielles et les pistons !
…
Là-bas, sur le port bleu et calme des navires s’endorment…
Errons ! Je me plais à ces filets bruns, à ces puanteurs soudaines, révélatrices du bord et du fond de la mer. Les âcres saumures, les iodes, les bromes, les soudes s’exhalent, eux qui saturent les chairs de ces poissons et ces molles algues. L’odeur du voyage, la pesanteur enivrante de la houille, la légèreté vagabonde du sel, le brûlant goudron et le parfum profond de la mer qui hante les traînes à petits plombs m’empoignent. Et dans le clapotis des vagues, une voix triste me parle, me parle du tréfonds pâle des eaux comme d’un royaume enchanté, et regardant le soleil je ne le vois plus que comme une lune verte, à travers tant de fluides émeraudes ! et je songe qu’il y a de réels royaumes fantastiques !
*
Le livre fermé, ivre de l’ivresse supérieure des imaginations rapides assimilées, je courus à travers la campagne en un torrent de pensées emporté.
Et je ne voyais rien. Ma vie s’opposait à moi et je la regardais hors de moi comme un roman, lu dans mon cerveau.
Si bien que soudain réveillé par un coup de soleil entre des buissons, ou un sifflet de machine – qu’importe – Je VIS ! et de suite, s’écrivit le paysage apparu, dans mon esprit.
« La ville », maintenant, brillait au loin – Suite réelle aux imaginaires chapitres déjà parcourus.
Épithymbie158
Ces poèmes facétieux sont adressés le 23 décembre 1894 à Pierre Louÿs qui venait d’annoncer à Valéry son départ pour les Canaries.
Canariæ canant159 !
De l’École Alsacienne160 aux givres de Thuringe
A vécu, a…, a trop fumé celui
De qui sur cette stèle isolément reluit
Le nom, que pour primaire alphabet trouve un singe !
Il fit (les dédiant avec ruse à la Sphinge161
Pour épuiser les yeux dignes d’être éblouis)
Cent poèmes ! qui valaient chacun mille Louis
Obombrant des vélins l’innocente méninge.
Vers la frugale pierre unique sur l’îlot
Prosterne-toi, passant, fruit mûr pour me connaître.
Ma fumée est ici ces beaux feuillages. Être
Sera pour moi, si mort, d’imiter ce vert flot
Qui, quand je viens sur ton visage, en pierrerie
Touche plus les rochers de cette Canarie.
V. H.167
*
Vois ! qu’indigne de la Sixtine
Ce héros (il n’a pas crié)
Chante mieux que mon encrier
Sans effaroucher la tétine
Que trouve au coin du bavolet
S. M168.
Agathe
Manuscrit trouvé dans une cervelle
Le 15 janvier 1898, Valéry écrit à l’adresse de Gide : « Un soir de ces derniers jours, je me suis mis chez moi sub lumine169 à écrire le début du conte suivant que je ne finirai jamais car il est trop difficile. Étant donnée une de ces femmes qui dorment deux, trois ou dix ans de suite, on suppose (fort gratuitement) qu’elle a rêvé tout le temps, et qu’elle peut raconter au réveil ce rêve. Or, depuis deux, trois…, dix ans, il n’y a pas eu de sensations pour elle : donc étudier l’appauvrissement (ou autre chose) du donné avec lequel elle s’est endormie. C’est un problème de psychologie transcendante, imaginaire, qui est fort dur à même envisager. Les zones successives d’altération des images, etc., la variation de la pensée devenue peu à peu vide seraient curieuses à faire. Le thème m’a emballé dix minutes. Puis, sans enthousiasme, j’ai écrit quelques lignes de début, étrangères d’ailleurs au problème – puis je me suis arrêté. Mais, chose bien typique, j’ai classé cet énoncé pour l’étudier à loisir, géométriquement, et en dehors de toute littérature. »
Ce tout début explique que Valéry choisisse aussitôt un titre féminin, qui vient tout droit du tableau de Francisco de Zurbarán (1598-1664), Sainte Agathe que, très jeune, il a vu au musée Fabre de Montpellier et qui, sous le titre de « Sainte Alexandrine », est l’une des deux toiles qu’a évoquées en 1892 « Glose sur quelques peintures170 » : une note du dossier évoque d’ailleurs « Agathe, Sainte du Sommeil171 ». Quant au terme de conte, il est à prendre dans le sens fort vague – sans relation aucune avec les contes de fées ou les contes pour enfants – qu’il a encore en cette fin de XIXe siècle, où il évoque plutôt une sorte de nouvelle ou de très court récit. Pour le reste, ce que Valéry confie à Gide va se trouver démenti car, bien que ses journées passées au ministère de la Guerre lui laissent fort peu de loisir, et qu’il n’écrive plus guère en dehors des Cahiers matinaux, le projet d’Agathe le retient encore quelque temps et, le 28 mars, à Gide encore, il parle d’Agathe ou le Sommeil ; après quoi, le 25 juillet, c’est son ami qui lui demande : « Et “Agathe” ? »
Signe encore de l’intérêt qu’il attache à ce texte, il promet à Joseph Loubet, un ancien ami félibre de Montpellier, de lui donner une « Étude pour Agathe » que publierait sa revue, La Coupe, qui, après avoir disparu en juin 1896, vient de renaître en janvier 1898. Maintenant installé à Paris, son ami lui envoie le premier numéro et, dans le suivant, Valéry fait paraître « Valvins172 ». Mais si Loubet le remercie le 3 février, il attend autre chose encore et le relance le 19 mai, puis à nouveau le 25 juin. Une première version d’Agathe – ou du moins un ensemble de notes plus ou moins achevées – est-elle écrite alors ? On peut le supposer puisque, le 1er février, Valéry informe Fontainas qu’il écrit pour La Coupe, « après supplications véritables, quelques notes intitulées “Étude pour Agathe” ». Et ce sont très probablement ces pages qu’à l’adresse de Gide, le 8 juillet, il désigne comme le « mauvais “Teste” » qui est « parti de suite pour la “Coupe” ». Il se trouve en tout cas puni d’avoir tardé, car la revue a cessé de paraître au mois de juin. Quant à cette « Étude », si elle fut réellement écrite, le manuscrit en est perdu.
Il n’empêche que cette expression de « mauvais “Teste” » prête à confusion, et l’on a pu supposer – hypothèse qui n’est pas totalement à écarter – que, devant la difficulté soulevée par Agathe, Valéry ait fini par renoncer, et remplacé l’étude promise par quelques fragments consacrés au héros de la Soirée. Le plus probable, néanmoins, est que la formule veut seulement exprimer la ressemblance de ces pages envoyées à La Coupe avec le bref récit de 1896, et le rapprochement n’est pas indifférent si l’on songe, par exemple, à l’écriture abstraite des deux œuvres, même si Agathe, parfois, est plus métaphorique. Ce sont aussi deux textes écrits à la première personne, mais de manière différente : les guillemets qui encadrent la Soirée font de la parole du narrateur une manière de monologue qu’ils tirent du côté du discours rapporté plutôt que du monologue intérieur inauguré par Dujardin173 ; mais si Les lauriers sont coupés vise à l’expression de la vie intérieure et offre un « discours non prononcé », si enfin, comme Larbaud l’écrira, il s’agit bien pour Dujardin d’« installer » d’emblée le lecteur « dans la pensée du personnage principal174 » et de lui faire suivre le mouvement de cette pensée, Agathe est alors un vrai monologue intérieur, dont le statut trop confidentiel a empêché que la critique l’évoque au même titre que d’autres monologues, certes plus importants, tels que Le Bavard de Louis-René des Forêts ou L’Innommable de Beckett.
Il semble pourtant que le tout premier projet d’une femme qui sort d’un long sommeil cataleptique ait été vite abandonné, et d’ailleurs le masculin s’impose dès les premières lignes du texte que nous lisons : « Je suis changeant dans l’ombre175. » Agathe, que Valéry reprend un peu, mais sans joie, et comme une besogne à laquelle il s’oblige, au cours de l’année 1900, s’oriente ainsi très vite vers le récit du fonctionnement nocturne d’un esprit et précisément, lorsqu’en 1904 la fille de Mallarmé, Geneviève, et son époux, le docteur Bonniot, lui montrent le manuscrit d’Igitur encore inédit, il écrit à sa femme alors en vacances : « Mais ce qui m’a très fixé – sur ces papiers informes – c’est un fragment plus achevé, le Minuit. Ce Minuit a bien des points de contact avec Agathe – (avec ce qui est fait d’Agathe). De même qu’elle, il est en plusieurs états, avec des reprises, des surcharges, des re-reprises… etc. C’est aussi le noir et le cerveau. Différence : il y a des choses poétiques, c’est-à-dire métaphoriques et quelques objets, pendule – un certain décor. C’est aussi fatigant qu’Agathe, moins rigoureux, plus ingénieux, plus subtil, enfin il y a “jeu-de-mots”176. » Et cependant, même si Valéry rouvre probablement le dossier de loin en loin, l’écriture n’avance plus, mais il n’écarte pas l’idée de l’achever un jour puisque, après le 7 mars 1906, jour de la naissance de sa fille qu’il prénomme justement Agathe, il rebaptise le conte qui devient le Manuscrit trouvé dans une cervelle, sans que l’ancien titre, auquel il demeure attaché, soit tout à fait abandonné.
Mais surtout, une nouvelle étape est franchie en 1912 lorsque Gide lui demande, pour le tout jeune comptoir d’édition que La NRF vient de fonder, un livre qui rassemblerait ses écrits de jeunesse. Il hésite longuement sur son contenu177 et autour du 20 juin, il confie à Gide qu’il réfléchit à un volume qui mêlerait vers et prose. Ce pourrait être l’occasion de faire un petit massif autour de la Soirée : « l’ex-commencement d’“Agathe” deviendrait l’intérieur de la nuit de M. Teste » – idée d’autant mieux venue que la Soirée s’achève sur l’endormissement du héros que son ami quitte « à pas de loup178 » ; à quoi s’ajouterait « un petit tour avec Monsieur Teste179, dont j’ai le début, et on en ferait le ventre avec des morceaux de mes notes ». C’est donc probablement de cette année-là que date la dactylographie qu’il en fait sur sa machine à écrire Oliver, à moins que cette mise au net n’ait lieu en 1910, puisque Valéry a alors rouvert le dossier. En tout cas, l’idée s’impose finalement d’un recueil de vers – l’Album de vers anciens qui ne verra le jour qu’en 1920 – et le Manuscrit trouvé dans une cervelle semble bien oublié.
Tout en le disant impubliable, il y resonge au printemps de 1917, au moment où s’achève La Jeune Parque, et s’en ouvre à Pierre Louÿs avec lequel l’écriture du poème a donné lieu à une correspondance considérable ; son ami, le 11 juillet, lui fait remarquer que, si la seconde partie de ce nouveau titre est excellente, la première est trop proche du Manuscrit trouvé dans une bouteille de Poe, titre qu’Henri de Régnier, d’ailleurs, a déjà à peu près repris pour intituler l’un de ses contes : Le Manuscrit trouvé dans une armoire180. Et, précisément, c’est dans une armoire, ou dans un tiroir, que pour toujours le manuscrit va se trouver remisé. Ce tiroir, Valéry l’ouvre cependant de loin en loin pour donner lecture à quelques amis de ces pages auxquelles, non sans raison, il demeure particulièrement attaché. Au début de 1919, c’est André Breton qui les découvre et s’enthousiasme assez pour vouloir les publier en mars dans le premier numéro de sa revue, Littérature, mais Valéry préfère lui donner le « Cantique des colonnes ».
Un an plus tard, au moment de faire paraître son Album de vers anciens chez Adrienne Monnier, il envisage de lui confier aussi le Manuscrit qu’elle aimerait publier ; mais il faudrait le reprendre, et puis surtout l’achever, et il renonce très vite. En 1925, enfin, c’est l’éditeur Ronald Davis qui lui exprime son désir d’en faire une plaquette, et la princesse de Bassiano y songe aussi pour sa revue Commerce que Valéry dirige avec Fargue et Larbaud ; mais tous les deux essuient un refus courtois, et le texte ne paraît que bien plus tard, en 1956, sans nom d’éditeur, imprimé par Albert Tallone : la fille de Valéry, Agathe Rouart-Valéry, a elle-même établi le texte à partir de la dactylographie du début du siècle et le volume, outre ce premier cahier, en offre, sous emboîtage, un second qui présente en fac-similé un manuscrit qui donne un autre état du texte. Quant au titre, Agathe Rouart-Valéry, non sans raison, a choisi de garder son propre prénom qui avait été envisagé bien avant sa naissance. Manuscrit trouvé dans une cervelle – mis ici en sous-titre – eût cependant peut-être mieux convenu, et en particulier parce que le narrateur est devenu masculin, mais il est vrai que Valéry lui-même ne s’était jamais tout à fait résolu à abandonner le titre initial.
Tel qu’il nous demeure, ce Manuscrit ne relève d’aucune forme qui le définisse de manière convaincante. Si court qu’il soit, il est cependant trop long pour correspondre à l’idée que nous nous faisons aujourd’hui du poème en prose, et l’écriture en est d’autre part trop abstraite pour que l’on puisse parler de prose poétique. C’est bien un conte, dans l’acception ancienne que je disais, un conte abstrait dont le fil narratif existe, si ténu soit-il, et l’on ne peut ici que songer à ce que Valéry dira à Frédéric Lefèvre à propos de La Jeune Parque dont le sujet est « la peinture d’une suite de substitutions psychologiques, et en somme le changement d’une conscience pendant la durée d’une nuit181 » – et d’une nuit qui, ici, au surplus, doit certainement beaucoup à la lecture que le jeune Valéry a faite des mystiques.
Sans doute le narrateur rêve-t-il, mais ce n’est pas ici un récit de rêve fait au réveil, c’est la dramaturgie intérieure d’un esprit qui, la nuit, est supposé pouvoir se penser pensant182, la dramaturgie, aussi, d’une intelligence qui est à elle-même sa seule sensation. Le manuscrit l’atteste, puisque Valéry songe dès le départ à l’adage scolastique : « Nihil est in intellectu quod non fuerit in sensu », mais il le reprend tel que Leibniz le complète et corrige : « excipe : nisi intellectus183 ». C’est-à-dire : Rien n’est dans l’intellect qui d’abord n’ait été dans les sens, si ce n’est l’intellect lui-même. Et Valéry commente : « Je vais à la formule Intellectus ipse [l’intellect lui-même]. / J’ai posé une situation du narrateur-théâtre. / C’est un décor – avec musique. / Décor de l’intellect à exposer184. » Là viennent ainsi se nouer l’imaginaire du texte et sa philosophie, dans ce théâtre d’une conscience pure qui se regarde, qui s’observe et se parle.
N. B. Le texte est ici établi à partir de la dactylographie de la BNF185 qui a été évoquée plus haut. Elle est intitulée Manuscrit trouvé dans une cervelle, et porte, de la main de Valéry : « Exemplaire de travail. » De fait, le texte présente des corrections presque toujours faites au crayon, ainsi que des ajouts, toujours au crayon, entre les lignes et dans les marges, qui sont parfois des réflexions destinées à nourrir une reprise ultérieure qui n’est pas advenue. J’ai essayé de restituer, sans trop entraver la lecture, ce qui marque cet inachèvement, car proposer un texte dépourvu d’ajouts, corrections ou variantes, reviendrait à donner à tort l’impression d’un travail fini. Dans la mesure où elles demeurent lisibles – car certaines sont presque effacées –, je tiens donc compte, sans le signaler, des corrections faites au crayon, et je note entre des barres obliques les mots ajoutés en interligne. Quelques passages sont légèrement biffés ou marqués d’une croix, signes qui signifient sans doute plus l’insatisfaction de Valéry que le désir de vraiment supprimer ces passages : je les maintiens pour la continuité du texte, tout en signalant les traits qui les barrent. Par souci de cohérence, je maintiens aussi les mots barrés tout en indiquant qu’ils le sont.
1 Plus je pense, plus je pense186 ; si, peu à peu nouveaux, je vois tous les êtres connus devenir étonnants dans moi-même, et ensuite mieux connus. Tout à coup je les ai conçus lentement ; et, quand ils disparaissent, c’est sans peine.
2187 Je suis changeant dans l’ombre, dans un lit. Une idée / vie / devenue sans commencement, se fait claire, mais fausse, mais pure : puis vide ou immense ou / même / vieille188 : elle devient nulle, pour s’élever à l’inattendu ; et elle amène tout mon esprit.
Mon corps connaît à peine que les masses tranquilles et vagues de ma couche le lèvent189 : là-dessus, moi seul régnant regarde et mélange / malaxe / médite / l’obscurité. Je fixe, j’ébranle, je perds, par le mouvement de mes yeux, quelque centre dans l’espace sans lumière ; et rien du groupe noir ne bouge.
Il en résulte qu’une lueur tout près de moi, paraît.
Sur le nu ou le velours de l’esprit ou du minuit, elle, de qui je doute, représente, par une faible valeur tardive, toute antérieure clarté ; seulement suffisante, elle porte parmi la ténèbre active, un reste léger du jour brillant, pensé, presque pensant. Cette lueur pauvre se transforme en une joue terne et passagère, bientôt physionomie inutile souriant contre moi ; prompte elle-même bue par la noirceur reprenant / remirant / son éclat.
C’est mon fond que je touche. À ce nombre de figures spontanées retourne toute invention, soit que recommence, ici, loin de toute grandeur190 comparable, après un laps indifférent, ayant suivi des chemins toujours perdus, l’être fait pour l’oubli ; ou que reviennent séparés les charmes diurnes et se défasse la constellation / les assemblages / de formes du jour naturel.
La noirceur imagine encore quelques fragments d’étendue marine mince, les souffle, et une croupe glaciale de cheval… Ma durée poursuit doucement la destruction d’une suite de semblables foyers, nécessaires dans une région anéantie.
Sur cette ombre sans preuve / positive / instable /, j’écris, comme avec le phosphore, de mourantes formules que je veux ; et quand je suis au bout, près de les voir, je dois toujours les tracer encore, qui s’éteignent, s’endorment à mesure que je les nourris, avant que je les combine191. Si, une fois je les presse et surpasse la vitesse de leur mort ; que je puisse les retenir en feu suspendues apparentes au-dessus de l’horizon de plusieurs moments, par effort j’ai cru les approfondir, et ne fais que passer enfin à des formes nouvelles dont la liaison avec les premières peut sans cesse former d’autres questions : ce qui mène je ne sais où, infiniment et aussitôt192.
Là, perdu que je suis, mais sans horreur, et nouveau mystérieusement193, la nécessité du changement, la loi ou puissance de l’incohérence me prolonge, et m’oublie. Ces idoles qui se développent, par une déformation insensible me transportent. Lui-même, mon étonnement s’éloigne / se place / parmi tant de fantômes qui s’ignorent entre eux.
À ce moment de moi, je distingue se détruire ce qui pense jusqu’à ce qui pensera. Un rien de temps manque à tous ces instants pour les sauver de la nullité ; mais revenant de la profondeur trouvée amère, je m’embarque sur des bois délicieux194.
Alors ressemblerais-je à celui qui dort, si je ne l’imitais point. Je respire mes vérités / mon existence /, je rêve ce que je suis.
Mes muscles mêlés à leur couche indéfinie, la force paraît une agitation de feuilles par l’air, à peine lue au loin.
Je commence d’appeler « mouvement » tout désir ; et uni plus étroitement à l’exécution pure de la pensée, je visite chaque tendance jusqu’à son repos ; je ne décris que ce qui arrive ; tout195 ce que je devine se colore ; je suis partout où je serai.
Si je veux légèrement, je prononce une action immense, où ne se mélange aucune machine, et qui se déploie sans résistance devant mes moindres inclinations. À cause d’une liberté secrète qui augmente, telle que je dédaigne la marche, la trace, et le poids particuliers, je délivre en moi-même une source d’agilité fidèle196 : je ranime toute nuance physique, et je dénoue la nage aux yeux mouillés, l’abondance d’une flexible paresse aux pieds fluides dans le même de l’eau haute197… Humain presque debout dans le ressort de la mer ; drapé de vaste froid, et que l’entière grandeur presse, jusqu’aux épaules, jusqu’aux oreilles vaines de bruit qui varie ; je touche encore l’absence étrange de sol, comme une origine de notions toutes nouvelles ; et avec le reste de ma vigueur, je tremble. Ma puissance est désordonnée, ma faiblesse n’est plus la même. Cette facilité incompréhensible qui m’ébranle, me trouble et absorbe les travaux de tout mon corps : une hauteur plus glacée198, cachée au-dessous de moi, me cède, et reviendra me boire dans quelque rêve.
Il ne m’en coûte rien d’appartenir à ces abîmes, assez199 véritables de profondeur, et assez200 vains par leur durée, pour que je sente toute leur force, entre deux fois que je connais la mienne. Je réponds à ce grand calme qui m’entoure201 par les actes les plus étendus, jusqu’à des monstres de mouvement et de changement. Qu’est-ce qui se renverse avec bonheur, dans le repos, et se détache ? Qui se joue et circule sans habitude, sans origine et sans nom ? QUI interroge ? Le même répond. Le même qui écrit, efface une même ligne. Ce ne sont que des écritures sur des eaux.
Une fois que mon pouvoir s’est trompé, je le possède plus que jamais / d’abord /.
Cette heure qui ne compte pas ; qu’importe toute mon histoire ? Je la méprise comme un livre. Mais c’est ici l’occasion toute pure : défaire du souvenir l’ordre mortel, annuler mon expérience, illuminer ce qui fut indifférent, et par un simple songe nocturne me déprendre tout à fait / ne pas me reconnaître dans ma forme /, y méconnaître ma propre forme. Tout me semble partiel. Cette idée qui me vient est un phénomène local. Au milieu de cette extension, je maintiens mon esprit dans le hasard, et tout autre que le dormeur, je m’abandonne clairement.
Et qu’importe ce qui se transforme si disparu202. Visibles, déjà, sont toutes transformations, et la certitude infinie / l’objectivité, la réciprocité /, étant infiniment divisée. Les sentiments qui furent graves montrent leur mort uniforme. Absente est l’attente continue de la suite de la connaissance ; je n’entends plus le murmure de la profonde, intarissable sibylle qui calcule sans cesse les éléments de l’avenir le plus proche, et qui additionne obscurément / grenaille / les apparitions de ma durée, au dernier connu203 le premier inconnu, sans faute, sans retour. Éternellement le reste, la suite, c’était une prévision toujours coulante, commençant le nouveau fatal par une intime conséquence de chaque instant, et qui faisait paraître lucide / raisonnable, cohérent / la suite / la marche / des jours naturels204 par une imperceptible préparation de leurs changements205.206 Je ne ressens plus la différence intérieure. Tout se fait sans étonnement, puisque les ressorts de la surprise sont détendus. Les êtres / contacts / les plus éloignés se touchent sans que leurs contacts me rendent extraordinaire207. Le comprendre n’a plus de proie ; et aucune valeur (importance) singulière ne marque certaines notions208.
Cette dérive, différente d’un rêve, approche / imite / tant que je veux les secrets du sommeil, – sauf que, légère / étrange / ou fruste / seule /, jusqu’en ce clos unique où mes êtres quelconques se consument à l’égal, – entre quelque chose indépendante : le bruit, ou des ondes enveloppant la distance / des enveloppes de la distance dans les ondes /. Au large, se meurt, si je ne la forme, une masse capitale de boue et de feux.
L’extrémité de la rumeur de la ville pénètre dans ma sphère singulière / personnelle /. C’est le moment que tout se fige, et que le retentissement se décime / se déploie / [que] le moindre bruit se développe. Les derniers changements se comptent. Un domaine extérieur démesuré se dépouille de l’existence.
L’ouïe se délie ; jusqu’à l’étendue ; et elle surplombe un lieu / port / qui se fait immense209. Une créature de plus en plus fine se penche sur le vide pour boire le moindre son : j’approfondis par elle un espace que le possible souffle et je vole ! comme nul son n’arrête ce désir de son, à la limite du suspens de moi-même, – jusqu’au timbre de mon sang et à l’animation de ma propre durée.
Tant le silence se fixe et la nuit se fortifie, qu’ils m’éveillent de plus en plus.
Que pur est le désir de rien, le chemin de moi-même vers / dans / demain ! Je sens sur le front du temps fuir le vague, l’événement venir, sa vigueur, sa langueur, l’expérience fondre, et le voyage reparaître, aussi pur, aussi dur que lui-même, orné de perpétuel intellect. La nouveauté se verse d’avance210, par un tour plus insensible que l’angle de la figure du ciel…
Tu te connais à reculons / trop tard /. Tu transportes / exerces / en arrière un pouvoir211, une sorte de discernement ; et n’étant éclairé que dans la direction opposée à ta route, tu divises ce qui est accompli, tu n’agis que ce qui est achevé.
Une fois, j’avais réfléchi sur un nombre magnifique de sujets212 ; mais maintenant je suis si tranquille qu’il me semble d’être séparé, et comme suspendu entre ce nombre fini, et une masse tout entière prochaine, qui sera peut-être sans combinaison avec lui. Tout problème est tendu par ces deux parties / rives / différentes, dont l’intervalle forme comme une interrogation naturelle. Tout ce que je sais tire / aspire / à soi tout ce que j’ignore ; mais213 pendant que je pense unir dans le milieu de la région plus vague, des idées que je contiens distinctes encore, il me souvient que je puis corrompre toute évidence, obscurcir ce que je veux, et non sûrement éclairer ce que je veux. J’ai toujours plus d’une manière de m’échapper de ma certitude.
La qualité de ce calme est tellement transparente que si je suis mû par quelques moments autour de la même pensée, je distingue de leur simple diversité, cette pensée ; je vois comme elle se passe, je pressens ses retours, je balance le pouvoir d’en couper la suite, et, interrompue, de simuler un certain commencement.
Ou bien, je m’avance par peu de mots jusqu’à une borne déjà connue où je fus conduit de toutes parts aveuglément par la rigueur, et je suis abandonné à la difficulté nue ; qui, elle-même214, ne pouvant se transformer plus, et pure, m’abandonne par son immobilité pour que le reste musical de mon esprit m’envahisse215. Mais je reviens toujours sur le bord d’un cercle impénétrable, dans lequel je suis sûr qu’il y a une chose dont je pourrais m’amuser longtemps : quelque chose brève et universelle : une perle abstraite roulerait toujours future dans le repli de la pensée ordinaire : une loi admirable, confondue à celui qui la cherche, habiterait ceci : un instant livrerait cette perle : quelques mots la présenteraient à toujours216.
Que ce soit une grande clarté, à jamais latérale, ou un être intact comme le centre d’une orbite217, sa place ne donne point d’image, ni aucun doute. Extérieure à tout chemin, inconnue à toute violence, elle est gisant hors de toute figure et de toute ressemblance, en pleine certitude ; comme une chose est tranquille à une ligne des doigts vivants.
J’ai d’elle le désir ; le soupçon ; le lieu vague ; les conséquences : seulement les fantastiques. Ni sa forme ou puissance, mais j’en découvre infiniment le manque, et rien que de ce manque / lacune / bien /, je me suis fait un signe utile.
Parfois, laissant de chercher, je suppose que je trouve, j’agite avec bonheur218 ce qui n’est pas encore vrai : je remue en moi-même les innombrables chances de la méditation, et prophétise ; parce qu’une sorte de réponse légère, visiblement fragile, accompagne les problèmes au moment qu’ils apparaissent219 : tous ne se montrent que dans l’alliance d’une solution provisoire ailée, où le sentiment de la véritable commence.
Invente donc les effets de quelque Idée extrêmement désirable : vue une fois, elle absorberait dans une fixité splendide, n’importe quelle pensée pouvant venir après elle ; de sorte que toute nouveauté en devrait être affaiblie.
Elle serait, d’abord, si satisfaisante que la plus grande distraction pourrait seule s’y substituer tout de suite220 : je saurais que nous nous reverrions : ce n’est que la règle du jeu221 ; je gagne, je perds, et il y a un lien…
J’en suis proche peut-être, et je touche des lois ! dans cette enveloppe parfaite nocturne, où chaque pensée se module222 tourne en observation d’elle-même, traînant une valeur après soi223 ; quand de mes sens également déserts, la noire et délicate unité paraît si facilement infinie, que les plus profondes déductions, les visites les plus internes y finissent de leur propre opération, parmi mon entière puissance attentive, au milieu d’une limpidité identique. SI toujours cette pureté était, isolant de l’imprévu l’exécution complète d’une pensée, permettant la séparation de ses aspects, et la division de la durée spirituelle en intervalles clairs224, – bientôt, je ferais toutes mes idées irréductibles ou confondues.
Encore un temps, je garderai la variété de mon inquiétude : je maintiens en moi un désordre pour attirer mon propre pouvoir ou quelque dispersion qui l’attente225.
Puisque, voluptueusement, la palpitation de l’espace multiple ne ravive plus qu’à peine ma chair isolée ; et que, volontairement je ne goûte plus d’idée isolée ; l’ensemble de connaissances diverses, également imminentes qui me constitue ; dominé, pressenti de haut, par le sens de ma propre antiquité, forme maintenant un système nul ou indifférent à ce qu’il vient produire ou approfondir, quand l’ombre imaginaire doucement cède à toute naissance, et c’est l’esprit ; si ce n’est que, bien étranges, bien seuls à la limite de cet univers, un doute, un trait, un souffle uniques, parfois s’échangent.
Ici, brille sur la paix : que l’à-propos est le maître du monde : liaison / rencontre / de l’idée avec le point de son apparition.
Une se lève d’elle-même, et se met à la place d’une autre ; nulle d’entre elles ne peut être plus importante que son entrée.
Elles montent, originales ; dans un ordre insensé / inintelligible / ; mystérieusement mues jusque vers le midi admirable de ma présence, où brûle, telle qu’elle est, la seule chose qui existe : l’une quelconque. Ô ma flamme !
Et toute leur naturelle quantité est aussi : une d’entre elles226.
1. On trouvera ci-dessous, classés suivant leur date d’écriture, les textes de cette première période qui ont été publiés de manière dispersée après la mort de Valéry.
2. P. 224.
3. « La beauté est… / Un bien tout incertain, vernis, verre, fleur, / Perdu, fané, brisé, mort en l’espace d’une heure » (The Passionate Pilgrim, Le Pèlerin passionné, XI). (Naf 19001, f° 13.)
4. La citation est tirée du tout début du Second Faust (« Une contrée riante », v. 4649) traduit par Nerval.
5. P. 91 sq.
6. BNF, Naf 19001, f° 10.
7. P. 226.
8. Qu’il faut prononcer joi-e, conformément à la règle classique de moins en moins suivie, il est vrai, au XIXe siècle. Nadal donne « ressentir ».
9. P. 224-225. Une version à peine différente, datée « Nov. 87 », est conservée à la BNF (Naf 19001, f° 8). Elle porte le même titre en latin, « Vox rerum », et en épigraphe : « La parole est d’argent / Mais le silence est d’or. »
10. En 1941, à la mort de Fourment, Valéry notera : « Nous avions fini par nous connaître à ce point que nous ne pouvions plus nous dire que ce que nous ne voulions absolument pas nous dire, et que nous passions des heures ensemble, à marcher sans parler » (C.XXIV.30).
11. Il faut prononcer des idé-es, conformément à la règle classique de moins en moins suivie, il est vrai, au XIXe siècle.
12. P. 225.
13. Naf 19001, fos 33-34 et 86.
14. Cf. Baudelaire : « Le beau est toujours bizarre » (« Exposition universelle [1855]. I. Méthode de critique »).
15. Cf. les « barils à liqueurs » que des Esseintes appelle son « orgue à bouche » : « des relations de tons existaient dans la musique des liqueurs » (chap. IV).
16. Excroissances sur un os, ou sur le tronc d’un arbre.
17. Correspondance Valéry-Fourment, p. 213-214, et Naf 19001, f° 96.
19. « Siècles admirables ».
20. Naf 19001, f° 99, et Correspondance Valéry-Fourment, p. 214.
21. Correspondance Valéry-Fourment, p. 211 et 68.
22. BNF, Naf 19001, fos 127 et 103.
23. En ancien français, « chargée de broderies ».
24. Naf 19001, fos 101 et 102, et La Poésie de Valéry, p. 35.
25. C’est par ce Elle avec majuscule que Valéry désigne souvent Mme de Rovira (par exemple « Elle revue »), et il n’est donc pas impossible qu’il songe ici à la jeune baronne dont il est amoureux depuis quelques mois (voir p. 15).
31. En haut du manuscrit dont je suis le texte (BNF, Naf 19016, fos 45-55), à gauche, Valéry a écrit en travers et souligné : Anywhere out of the world, N’importe où hors du monde : titre donné par Baudelaire, comme on sait, à l’un des poèmes du Spleen de Paris.
32. Phrase qui résume au plus près le sentiment du jeune Valéry qui fréquente les prostituées depuis le début de l’année et est en train de porter un amour éthéré et sublime à Mme de Rovira (voir p. 15).
33. Sept ans plus tard, Monsieur Teste dira : « Autrefois, – il y a bien vingt ans, – toute chose au-dessus de l’ordinaire accomplie par un autre homme, m’était une défaite personnelle » (voir p. 178).
34. P.-O. Walzer, La Poésie de Valéry, p. 27 : version ici reprise, et Naf 19001, fos 104 et 105. Le premier état est dédié à « Eu. B. », c’est-à-dire Eugène Bonnet, camarade de lycée depuis la classe de première qui adresse régulièrement à Valéry les vers qu’il compose.
35. Naf 19001, fos 106 et 107 (le second état est quasi identique à celui de Nadal) et Correspondance Valéry-Fourment, p. 214-215.
36. Naf 19001, f° 108, et Correspondance Valéry-Fourment, p. 216.
37. BNF, Naf 19001, ff° 109-113 (la citation est tirée de « Paraboles », in Amour, 1888), et Correspondance Valéry-Fourment, p. 216-218. Sur la découverte de Verlaine, voir p. 45.
38. C’est-à-dire la Brillante : c’est le nom d’une des filles d’Ouranos et de Gaïa, traditionnellement associée à la lune.
39. Valéry l’a sans doute donné à la fin de sa vie à Jean Voilier, puisqu’il figure dans le dossier de textes qu’il lui adresse en 1945 et qui est conservé dans la collection Carlton Lake du Harry Ransom Center de l’université d’Austin, au Texas.
40. La Poésie de Valéry, p. 23, et Naf 19001, f° 121.
41. Précocité de Valéry, p. 109, et Naf 19001, f° 117.
42. Comme « pestilence » au-dessus, le mot appartient bien sûr au vocabulaire de Baudelaire que Valéry vient de découvrir.
44. Et le publie dans le premier volume de la revue Dossiers, Éd. J. B. Janin, 1946. Le texte de cette édition a été relu à partir du manuscrit (Bibliothèque Doucet, MNR MS 1530).
45. Cf. Poe : « Pour moi, la première de toutes les considérations, c’est celle d’un effet à produire » (« La genèse d’un poème », in Histoires, essais et poèmes, éd. citée, p. 1510).
46. Probable souvenir de Baudelaire qui, dans ses « Notes nouvelles sur Edgar Poe », évoque le Virginien « qui court à l’extrême orient quand le feu d’artifice se tire au couchant » (Écrits sur la littérature, Le Livre de Poche, 2005, p. 293).
47. Orthographe vieillie.
48. Le refus de l’inspiration et la domination de la composition seront toujours des articles clés de la poétique valéryenne.
49. Au chapitre XIV d’À rebours que Valéry vient tout juste de découvrir, Huysmans définit le poème en prose comme « un roman concentré en quelques phrases qui contiendraient le suc cohobé [c’est-à-dire distillé] des centaines de pages » et serait « l’osmazôme [suc tiré de la viande] de la littérature ». C’est à partir de 1889, précisément, que Valéry, après des poèmes de forme libre, commence à multiplier les sonnets.
50. L’idée vient de Banville qui, dans son Petit traité de poésie française (1872), écrit qu’un poème doit être une composition si parfaite « qu’on n’y puisse faire aucun changement » (rééd. Fasquelle, 1909, p. 5). Mais Huysmans écrit également, toujours au chap. XIV d’À rebours et toujours au sujet du poème en prose : « Alors les mots choisis seraient tellement impermutables qu’ils suppléeraient à tous les autres. »
51. On trouve en effet sous la plume de Baudelaire plusieurs formules qui vont dans ce sens : « L’allégorie est un des plus beaux genres de l’art » (« Victor Robert », in Salon de 1845), ou bien encore : « L’allégorie, ce genre si spirituel, […] est vraiment l’une des formes primitives et les plus naturelles de la poésie » (Les Paradis artificiels, « Le poème du haschisch », IV).
52. Valéry, qui ne connaît encore que très peu de pièces de Mallarmé, vient tout juste de découvrir, cité dans À rebours, un fragment d’Hérodiade qui l’enthousiasme au point qu’il écrit au maître, pour lui demander le texte complet, une lettre… qu’il n’envoie pas. Quant à Sully Prudhomme, il tombera vite de ce piédestal.
54. Sic.
55. En dépit de la documentation solide d’Eurêka, le mot est bien excessif.
56. « Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé [sur le buste pâle de Pallas] » (trad. de Baudelaire). Rappelons que c’est la genèse de ce poème, « Le corbeau », qu’analyse le texte de Poe.
57. En dépit de l’absence de guillemets, il s’agit ici de la dernière phrase du poème pour laquelle Valéry suit, non la traduction de Baudelaire, mais celle de Mallarmé dont Les Poèmes d’Edgar Poe paraissent chez Deman en 1888, et chez Vanier l’année suivante. La traduction exacte est : « et mon âme, de cette ombre qui gît flottante à terre, ne s’élèvera – jamais plus. »
58. L’expression est due à l’Allemand Paul Lindau dont Johannes Weber venait de traduire le Richard Wagner en 1885 (Éd. Hinrichsen et Cie). C’est à propos des adieux de Siegfried à Brünnhilde, dans le prologue du Crépuscule des dieux, qu’il écrit : « Les divers Leitmotive confluent ici pour ainsi dire comme de petites rivières et se gonflent en un torrent mélodique qui se précipite avec une joyeuse impétuosité » (p. 101). Lindau consacre par ailleurs au leitmotiv de nombreuses pages qui ont sans doute inspiré ce que Valéry en dit juste après.
59. Sic.
60. Valéry connaissait sans doute les poèmes en prose du Drageoir aux épices (1874) de Huysmans, et il venait tout juste de découvrir, dans l’édition pirate de Léon Vanier, l’Album de vers et de prose (1887) de Mallarmé édité à Bruxelles : cette mince brochure comprenait quatre poèmes en prose.
61. Plus qu’une école, la Décadence constitue, en 1885, la première phase de recomposition du paysage littéraire contre le Parnasse et le naturalisme, avant la seconde phase qu’est en 1886 le symbolisme, moins bohème et moins négatif, plus soucieux d’idéal.
62. Formule étrange si l’on songe que le premier est mort en 1885, le deuxième en 1880, et que Jules de Goncourt a disparu en 1870.
63. P. 227.
65. P. 21. Un manuscrit quasi identique est à la BNF (Naf 19002, f° 48).
66. Cf. Baudelaire : « Oui ! ce taudis, ce séjour de l’éternel ennui, est bien le mien » (« La chambre double », in Le Spleen de Paris, Le Livre de Poche, 2008, p. 70-71).
67. Naf 19001, f° 136.
68. Qui d’ordinaire désigne Marie Madeleine, premier témoin de la résurrection du Christ (Jean, 20).
69. La Poésie de Valéry, p. 41.
70. Coléoptère dont la femelle, aptère et phosphorescente, est le ver luisant.
72. Précocité de Valéry, p. 262-263.
73. Voir, au tome 3 de cette édition, p. 444, le poème en prose qui, vingt ans plus tard, évoque de nouveau ces cloches de Gênes.
74. Celui de la sœur de sa mère, Vittoria Cabella.
75. Naf 19001, f° 158.
76. Naf 19001, f° 139.
77. La Poésie de Valéry, p. 25 sq.
79. Naf 19001, fos 146 sq.
80. Linge placé sur l’autel afin d’y poser les hosties.
81. La version de Véran donne : « Qui font s’enfuir vers le Mourir et vers le rêve ! »
82. La version de Véran donne : « Sur Toi, j’accomplirai, Jardin de mes tendresses ».
83. Le manuscrit est à la BNF, Naf 19001, f° 148.
84. La Poésie de Valéry, p. 25, et Naf 19001, fos 153 et 154.
85. Cf. le vers 2 de « Brise marine » de Mallarmé que Valéry connaît : « Fuir ! là-bas fuir ! »
86. Où les vers 3 et 4 sont un peu différents : « Où mes yeux ont puisé dans un mortel azur / Mon image de fleurs funèbres couronnée ».
87. Regard sur Paul Valéry, fac-similé placé en hors-texte après la p. 24.
88. Walzer, La Poésie de Valéry, p. 89-90, et Mondor, Les Premiers Temps d’une amitié, p. 118-119.
89. Le vers est faux et il s’agit bien d’un brouillon.
90. Naf 19001, f° 150, et La Poésie de Valéry, p. 40 sq.
91. Le vers est faux, mais le manuscrit de la BNF et la version adressée à Louÿs donnent le même. Walzer ajoute entre crochets « mon » avant « pressentiment ».
92. La version adressée à Louÿs donne « bleu ».
93. La Poésie de Valéry, p. 36-37. Un manuscrit incomplet et non daté est à la BNF (Naf 19001, f° 169).
94. Cf. Mallarmé : « Mais de l’or, à jamais vierge des aromates » (Hérodiade, v. 37), ou : « Par le verre brûlé d’aromates et d’or » (« Don du poème », v. 3).
95. La version adressée à Louÿs donne « des Temps ».
96. Naf 19001, f° 145.
97. Naf 19002, f° 50.
98. Insectes d’eau.
99. Naf 19001, f° 128.
100. P. 23-27.
101. Animal fantastique à pattes de pourceau et ailes de chauve-souris, et dont le corps est celui d’un serpent. On trouve des guivres dans la littérature médiévale.
102. Palos de Moguer est le port d’où partit Christophe Colomb, le 3 août 1492. Le manuscrit de la lettre fait hésiter entre deux lectures : « Palos » ou « Palas », graphie que l’on trouve dans la version du sonnet que Heredia a donnée à la Revue bleue le 19 décembre 1885 et que, dans Les Trophées, il corrigera en « Palos ». Mais dans la version de 1889, Valéry avait bien écrit « Palos ».
103. Peut-être le 10, selon la date proposée par Peter Fawcett dans sa nouvelle édition de la Correspondance (p. 57).
104. « Lis », en latin. Deux versions très proches, non datées, sont à la BNF (Naf 19002, fos 26-27).
105. Le nom de Bathylle est plutôt masculin : il apparaît dans les poèmes d’Anacréon, et c’est le nom d’un médiocre poète contemporain de Virgile.
106. Pour Louÿs, « où s’amuse ».
107. Ce vers, où « sa » remplacera « la », deviendra en 1892 le vers 5 de « Baignée » (voir p. 105).
108. Pour Louÿs, « Dans la voûte nativement ».
109. Amoureuses d’Orphée, mais incapables de décider qui, parmi elles, serait à lui, les femmes thraces déchirèrent son corps. Au mois de mai, Valéry venait de consacrer un sonnet à Orphée (voir p. 78 sq.).
110. Il est ici relu d’après le manuscrit de la BNF (Naf 19016, fos 212-220) : je rétablis l’intégralité des mots abrégés.
111. À Saint-Brieuc, en 1838.
112. Un des récits (1885) de L’Amour suprême (1886).
113. Jean de Villiers (1384-1437) fut vice-roi de Chypre pendant l’interrègne des Lusignan, puis Philippe-Auguste de Villiers de l’Isle-Adam (1464-1534), fondateur de l’ordre des Chevaliers de Malte, fut grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem et reçut de Charles Quint la souveraineté de Chypre. C’est en 1862, après que le roi Othon de Grèce eut été renversé et que les nations protectrices durent lui trouver un successeur que Villiers, jugeant suffisant l’éclat historique de son nom, aurait demandé une audience à l’empereur pour faire acte de candidature : reçu par le duc de Bassano, son chambellan, il aurait été promptement invité à se retirer.
114. « Jésus répondit : “Mon royaume n’est pas de ce monde” » (Jean, 18, 36).
115. En fait Les Chansons… (1865).
116. En 1860. Villiers a vingt-deux ans et Mendès, qui en a dix-neuf, fonde cette année-là La Revue fantaisiste, dont il dira qu’elle fut « le premier des journaux parnassiens ». En 1866, il fonde Le Parnasse contemporain.
117. « Hélas ! nous sommes pareils à ces cristaux puissants où dort, en Orient, le pur esprit des roses mortes et qui sont hermétiquement voilés d’une triple enveloppe de cire, d’or et de parchemin » (« Sentimentalisme », in Contes cruels).
118. Valéry ne fait ici que reprendre ce que Mallarmé a dit devant lui, rue de Rome, le 13 octobre 1891.
119. « Illusion pour illusion, nous gardons celle de Dieu, qui donne, seule, à ses éternels éblouis, la joie, la lumière, la force et la paix » (Axël, Ire partie, I, VI). La phrase est suivie de « Nous », puis de deux mots illisibles.
120. La phrase prend une résonance tout à fait singulière en ce début de 1892 où Valéry commence à connaître un désarroi qui le conduira à ce qu’on appelle « la Crise de Gênes » (voir p. 15 sqq.).
121. Valéry réunit ici deux phrases distinctes d’Axël : « Surgis ! Moissonne ! Monte ! Deviens ta propre fleur ! », et plus loin : « Spiritualise ton corps : sublime-toi » (IIIe partie, I, I).
122. Entre tirets, on lit ensuite « ce », suivi de l’abréviation d’un mot illisible.
123. En compagnie de Catulle Mendès et de sa femme Judith Gautier, la fille du poète, Villiers séjourna un peu plus d’une semaine, durant l’été de 1869, auprès de Wagner, à Tribschen, près de Lucerne ; ils y retournèrent l’année suivante.
124. Dans deux comptes rendus de représentations : « “L’Or du Rhin” » (1869) et « “Lohengrin” à Bruxelles » (1870).
125. Dans la Genèse (3, 5), le Serpent dit à Ève, pour la tenter de manger le fruit défendu : « Le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux [et eritis sicut Dii]. » Valéry cite volontiers ce mot que l’on trouve dans une lettre à Gide du 5 décembre 1891, et plus tard dans Mauvaises pensées (voir t. 3 de cette édition, p. 320). Il y fait de nouveau allusion dans « Mon Faust » (voir t. 3 de cette édition, p. 1119).
126. Il apparaît dans le recueil qui porte son nom (1887) et comprend cinq récits.
127. Gomme tirée du latex.
128. Dans ce roman de 1886, Lord Ewald tombe amoureux de Miss Alicia Clary, d’une grande beauté, mais d’une âme vulgaire. Il va voir le célèbre ingénieur Edison qui lui offre une créature, Hadaly, parfaitement semblable à Miss Clary, mais d’une âme sublime.
129. « L’affichage céleste », l’un des Contes cruels (1883).
130. Autre conte cruel.
131. S’il y a parfois des silences dans ce drame joué en 1876, on ne trouve pas de scène où personne ne parle.
132. Ce mot est suivi d’une courte parenthèse illisible, mais où figure « topo ».
133. Récit paru en juillet 1885 dans La Revue contemporaine qui le présentait comme une « légende hindoue », et en plaquette l’année suivante.
134. Correspondance Valéry-Fourment, p. 21-22.
135. Naf 19002, f° 52.
136. P. 105-112.
137. 4/4/4/2. La Poésie de Valéry, p. 55-56.
138. Sur la question du poème en prose, voir la Notice de Tel Quel II (t. 3 de cette édition, p. 431-440).
139. Le manuscrit est de 1892.
140. Cf. Mallarmé, « Le vierge, le vivace… » : « Ce lac dur oublié que hante sous le givre / Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui ». Le sonnet figurait dans une petite brochure acquise par Valéry en 1889.
141. Souvenir du jardin botanique de Montpellier qu’aimait fréquenter Valéry. Il s’agit d’une plante dont les longues feuilles ovales, qui deviennent vertes après avoir d’abord été de couleur pourpre, flottent au-dessus de l’eau.
142. Le manuscrit est de 1892.
143. Il n’est pas impossible qu’il s’agisse d’une personne réelle que Valéry ait eu l’occasion de connaître durant ses vacances d’été, chez sa tante Vittoria Cabella.
144. Ce poème a peut-être été écrit à Paris en 1894, après l’installation de Valéry rue Gay-Lussac : dans sa chambre se trouvait en effet une armoire à glace (« la glace s’ouvre »), et « l’espace libre au milieu, en boule » peut renvoyer à la table ronde qui se trouvait au centre de la pièce.
145. Ces lignes sont peut-être écrites en souvenir de Gênes.
146. Le manuscrit est de 1892.
147. Le 3 juillet 1890, Valéry adresse à Pierre Louÿs une version à peine différente de cette « Vision » qui, au-dessus du titre, porte : « Poème en prose ».
148. Le rondeau en vers reprend, séparé à la fin du poème, un refrain, le rentrement, qui est la reprise partielle du premier hémistiche du premier vers. Le même procédé apparaissait dans « Perspectives » (voir p. 286 sq.).
149. C’est par ce Elle avec majuscule que Valéry, dans ses notes personnelles, désigne souvent Mme de Rovira croisée dans les rues de Montpellier (par exemple, « Elle revue »), et il est donc probable que ce poème évoque sa passion pour la jeune baronne (voir p. 15). Il l’appelle la Méduse et note en 1892 : « 2 yeux lents qui vous regardent comme on crache au fond d’un puits » (Naf 19140, f° 15).
150. « Retable d’or » du maître-autel de l’église Saint-Marc à Venise où Valéry ne se rendra qu’au tout début d’octobre 1895.
151. Le manuscrit est de 1892.
152. Le manuscrit est de 1892.
153. Cf. les « mers virides » de Rimbaud (« Voyelles », v. 9).
154. Le manuscrit est de 1892.
155. Le manuscrit est de 1892.
156. Le manuscrit est de 1892.
157. Évocation du trajet de Montpellier à Sète où le cimetière se trouve sur la hauteur du mont Saint-Clair. Ce sera Le Cimetière marin en 1920.
158. Étymologiquement : « sur le tombeau ». Nom donné à Aphrodite pour la statue qui, dans le temple de Delphes, la représentait présidant à la fin de la vie.
159. « Que les [îles] Canaries chantent ! »
160. Dont Pierre Louÿs a été l’élève à Paris.
161. Autre nom du Sphinx, qui est d’ailleurs un monstre féminin.
162. Le poète Gustave Kahn (1859-1936), importante figure du Paris littéraire d’alors.
163. Handicapé, le peintre Ary Renan (1858-1900), fils d’Ernest, s’appuyait sur une canne.
164. Surnom donné à Gide par Pierre Louÿs dans sa précédente lettre.
165. L’épisode biblique (Daniel, 13) de Suzanne surprise au bain dans son jardin par deux vieillards a donné lieu à de nombreux tableaux. Suzanne sera de nouveau évoquée dans Degas Danse Dessin (voir t. 2 de cette édition, p. 517).
166. Titre d’une nouvelle de Maupassant dans le recueil éponyme (1881) : c’est le nom d’une maison close. Débauchée, Messaline était la femme de l’empereur Claude.
167. Victor Hugo.
168. Stéphane Mallarmé. Le professeur de chant Édouard Gravollet (avec deux l) était un ami d’Edmond Bonniot, futur gendre de Mallarmé, et tous deux fréquentaient les mardis de la rue de Rome où Valéry les avait rencontrés. Un bavolet est une coiffure de femme, mais, au XVIIe siècle un « joli bavolet » voulait dire une « jolie fille ».
169. « À la lumière de ma lampe ».
171. Naf 19019, f° 109.
174. Dujardin, Le Monologue intérieur, Messein, 1931, p. 59, et Larbaud, préface à la réédition des Lauriers, Messein, 1925, p. II-III.
176. Lettre inédite à Mme Valéry, non datée [été 1904], BNF, non coté.
180. Louÿs et Valéry ignorent sans doute qu’André Salmon, en avril 1905, a fait paraître Le Manuscrit trouvé dans un chapeau dans l’unique numéro de la Revue immoraliste. Le texte sera repris séparément en 1919 à la Société littéraire de France.
181. Très au-dessus d’une pensée secrète, p. 65.
182. La formule du « Yalou » : « à quoi penser, pensé-je ? » (voir Regards sur le monde actuel, note 122), se trouve d’ailleurs ici ajoutée entre deux lignes du texte (voir p. 358).
183. Livre II, « Des idées », des Nouveaux essais sur l’entendement humain.
184. Naf 19019, f° 114.
185. Naf 19019, fos 77-88.
186. La formule figure dans un Cahier de la fin de 1897 (C.I.182) ; elle figurait déjà la même année dans un Cahier un peu antérieur, suivie de ces mots : « si, peu à peu nouvelle, toute idée ou figure connue devient sous mes yeux étonnante, sensation difficile et finalement mieux connue » (C.I.515). Cf. ce que dit Teste à la fin de la Soirée : « Pensons de tout près. Bah ! on s’endort sur n’importe quel sujet… Le sommeil continue n’importe quelle idée… » (voir Première section, note 290).
187. Ici, Valéry, à l’encre, a noté en marge : « Versets ». Mais seuls ce paragraphe et le précédent sont numérotés (à l’encre). La phrase qui suit est proche de celle d’un Cahier de 1898 : « X était allongé dans l’ombre, dans son lit, pensant fraîcheur spéciale » (C.I.247).
188. Membre de phrase rayé.
189. Teste encore : « Je fais la planche. Je flotte !… Je sens un roulis imperceptible dessous, – un mouvement immense ? Je dors une heure ou deux tout au plus, moi qui adore la navigation de la nuit » (voir p. 179).
190. Mot rayé au crayon.
191. Au-dessus de ce passage, Valéry a noté : « Simple, je ne puis les atteindre – les attendre. »
192. Paragraphe marqué d’une grande croix.
193. Valéry ajoute au-dessus : « à quoi penser, pensé-je », formule du « Yalou » (voir p. 1522, note 3) qu’il vient peut-être de relire si cet ajout est de 1912.
194. « Trouvée amère » est biffé et un trait renvoie à une phrase inachevée ajoutée à l’encre, mais qu’il est impossible d’intégrer syntaxiquement : « Que faut-il à ce – qui – pour être génie, me changer profondément ? »
195. Mot rayé.
196. Idem.
197. Idem.
198. Deux mots rayés.
199. Mot rayé.
200. Idem.
202. Mot de lecture incertaine. La phrase est ajoutée au crayon.
203. Masculin qui s’explique par le fait que Valéry, juste avant, a remplacé « éléments » par « apparitions » sans modifier la suite.
204. Groupe de mots rayé.
205. Valéry a noté en marge : « Le nouveau n’est que conséquence, le triomphe d’une suite, la catastrophe, un résidu. »
206. Ici Valéry a noté « (ailleurs) », pour signifier son désir de déplacer la phrase.
207. Ces deux mots sont biffés.
208. En dessous de ce paragraphe, Valéry a noté au crayon : « Je ne contiens plus le personnage simple qui ne fait que prévoir sans voir. »
209. Cf. les « Inspirations méditerranéennes » (t. 2 de cette édition, p. 438) : « Il n’est pas de spectacle pour moi qui vaille ce que l’on voit d’une terrasse ou d’un balcon bien placé au-dessus d’un port. »
210. Mot rayé. Au-dessus de ce paragraphe, Valéry a noté au crayon : « formes vides ».
211. Ajouté au-dessus du paragraphe : « Tout ce que tu vois est mort. »
212. Au-dessus, Valéry a noté au crayon : « une fois étaient les autres êtres ».
213. À partir d’ici, la fin du paragraphe est rayée, mais partiellement reprise, non rayée, au feuillet suivant.
214. Mot rayé.
215. Phrase biffée de petits traits.
216. Ce qu’éclaire le manuscrit où Valéry évoque « le terme enfin de la recherche spirituelle comme si elle arrivait à chercher un objet sûr d’une marche finie » (f° 50) – terme qui, bien sûr, serait Dieu pour les mystiques.
217. Image qui renvoie à cet invariant de l’esprit qu’est le Moi pur, qu’il figure volontiers comme le centre d’une bague (voir p. 818, la Notice de l’« Introduction » de 1919).
218. Mot rayé.
219. En marge, Valéry a noté au sujet de cette phrase à déplacer : « ailleurs ».
220. Valéry a ajouté au-dessus cette phrase de lecture incertaine : « Il faudrait bien, sauter de joie, crier, sauter. »
221. En marge, Valéry a noté au sujet de cette phrase à déplacer : « ailleurs ».
222. Mot rayé.
223. Groupe de mots rayé.
224. Trois mots rayés.
225. Cinq mots rayés.
226. Le début de la phrase est rayé.
*1. Cf. Mallarmé sur Wagner. / … Trompettes tout haut d’or pâmé sur le vélin, / Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre, / Mal tu par l’encre même en sanglot sibyllin. [Dans ces vers de l’« Hommage » à Richard Wagner, « vélin » est en fait au pluriel, comme « sanglot sibyllin », et il n’y a pas de virgule après « sacre ». En 1931, la note sera supprimée.]
*2. Hostinato rigore ; obstinée rigueur. Devise de L. de Vinci.
*3. L’importance philosophique de ce raisonnement a été, pour la première fois, mise en évidence par M. Poincaré dans un article récent. [Le raisonnement par récurrence consiste à démontrer une propriété de tous les nombres entiers naturels : si cette propriété est satisfaite par l’entier 0 et par n entiers naturels, elle est satisfaite par n + 1, et par tous les nombres entiers naturels. Henri Poincaré y voyait « le raisonnement mathématique par excellence ». L’article qu’évoque Valéry, « Sur la nature du raisonnement mathématique », parut dans la Revue de métaphysique et de morale en juillet 1894, et sera repris dans La Science et l’Hypothèse en 1902. Valéry consulta Poincaré. Le mathématicien, qui habitait tout près de la pension où lui-même résidait, rue Gay-Lussac, y déposa une carte non datée où il écrivait : « Le raisonnement par récurrence a été employé souvent par les mathématiciens, mais je crois que son importance philosophique n’avait pas encore été mise en évidence » (correspondance BNF). Valéry reprend donc la formule mot pour mot.]
*4. Voir dans le Traité de la peinture, la proposition CCLXXI. « Impossibile che una memoria possa riserbare tutti gli aspetti o mutationi d’alcun membro di qualunque animal si sia… È perchè ogni quantità continua è divisibile in infinito… » Il est impossible qu’une mémoire puisse retenir tous les aspects [ou changements] d’aucun membre de n’importe quel animal. Démonstration géométrique par la divisibilité à l’infini d’une grandeur continue [ici comme ailleurs, trad. de Valéry]. / Ce que j’ai dit de la vue s’étend aux autres sens. Je l’ai choisie parce qu’elle me paraît le plus intellectuel de tous. Dans l’esprit, les images visuelles prédominent. C’est entre elles que s’exerce le plus souvent la faculté analogique. Le terme inférieur de cette faculté qui est la comparaison de deux objets peut même recevoir pour origine une erreur de jugement accompagnant une sensation peu distincte. La forme et la couleur d’un objet sont si évidemment principales qu’elles entrent dans la conception d’une qualité de cet objet se référant à un autre sens. Si l’on parle de la dureté du fer, presque toujours l’image visuelle du fer sera produite et rarement une image auditive.
*5. Sans toucher les questions physiologiques, je mentionne le cas d’un individu atteint de manie dépressive que j’ai vu dans une clinique. Ce malade, qui était dans l’état de vie ralentie, reconnaissait les objets avec une lenteur extraordinaire. Les sensations lui parvenaient au bout d’un temps considérable. Aucun besoin ne se faisait sentir en lui. Cette forme, qui prend parfois le nom de manie stupide, est excessivement rare. [Souvenir probable du service du professeur Albert Mairet, à Montpellier : Albert Coste, un ami étudiant en médecine, y menait volontiers Valéry voir les fous.]
*6. EDGAR POË [sic], sur Shakespeare (Marginalia). [Au sujet de Shakespeare qui « écrivit Hamlet comme si Hamlet était lui-même », Poe considère que « Shakespeare sentit qu’il en était ainsi […] par son merveilleux pouvoir d’identification » (§ LXXXVII des Marginalia dans le volume qu’a utilisé Valéry : Contes grotesques, suivis des Marginalia, trad. Hennequin, Ollendorff, 1882. Sur cette faculté, voir Première section, note XX, dans la Soirée.]
*7. Si l’on éclaircit pourquoi l’identification à un objet matériel paraît plus absurde que celle à un objet vivant, on aura fait un pas dans la question.
*8. Je fais allusion ici à la géométrie synthétique et à ses rapports avec l’intuition sensible. [À la différence de la géométrie analytique, la géométrie synthétique, ou pure, étudie les théorèmes et les propriétés selon des méthodes d’intersections, de transformations ou de constructions.]
*9. Je rappelle aux logiciens scientifiques la conception du démon distributeur de Maxwell. [Dans sa Théorie de la chaleur (1871), Maxwell, pour contester la seconde loi de la thermodynamique, suppose l’intervention d’un démon intelligent : entre deux compartiments clos d’une enceinte remplie d’un gaz à l’équilibre thermodynamique, le démon ouvre une valve et envoie, du premier compartiment dans le second, les molécules les plus rapides et, du second dans le premier, les molécules les moins rapides.]
*10. Voir la description d’une bataille, du déluge, etc., au Traité de la peinture et dans les manuscrits de l’Institut. (Éd. Ravaisson-Mollien.) Aux manuscrits de Windsor se voient les dessins des tempêtes, bombardements, etc.
*11. Croquis dans les manuscrits de l’Institut.
*12. Voir le manuscrit A, Siccome la pietra gittata nell’ acqua…, etc. [f° 9 verso du ms A de la Bibliothèque de l’Institut : « De même que la pierre jetée dans l’eau… »] ; voir aussi la curieuse et vivante Histoire des sciences mathématiques, par G. LIBRI, et l’Essai sur les ouvrages mathématiques de Léonard, par J.-B. VENTURI. Paris, an V (1797).
*13. CLERK MAXWELL, préface au Traité d’électricité et de magnétisme, trad. Seligmann-Lui. [La citation exacte est : « que ces idées pouvaient être exprimées par les formes mathématiques habituelles, et être ainsi comparées à celles des mathématiciens de profession » (p. XIII).]
*14. CLERK MAXWELL, préface au Traité d’électricité et de magnétisme, trad. Seligmann-Lui. [La citation exacte est : « Faraday, dans ses conceptions, voyait les lignes de force traverser tout cet espace où les mathématiciens ne considéraient que des centres de force agissant à distance ; Faraday faisait intervenir un milieu là où ils ne tenaient compte que de la distance » (p. XIII).]
*15. Codice sul volo degli uccelli [Codex sur le vol des oiseaux]. Édition Sabachnikoff [Paris, 1893, p. 142].
*16. M. Walras cite, à la page 69 de son ouvrage, un M. de Quincey. Thomas de Quincey, probablement inférieur comme économiste, n’en est pas moins un des meilleurs prosateurs de l’Angleterre, très connu en France par la traduction de Ch. Baudelaire. C’était loin d’être, comme le croit M. Walras, un quidam. [Dans Les Paradis artificiels, « Un mangeur d’opium » est, plutôt qu’une traduction, une adaptation des Confessions d’un mangeur d’opium.]
*17. La Conquête allemande (1897). Mercure de France, 1er août [sic pour septembre] 1915.
*18. Voir le Danger Allemand, chapitre III, et le Made in Germany passim. [Note supprimée à partir de 1915.]
*19. En janvier 1896, on chantait au Cap : « Strange German faces passing to and fro / What have you come for, we should like to know ? / Looking mysterious as you join the train – / Say, now, you Uhlans, shall we meet again ? » [« Étranges visages allemands qui allez et venez / Nous aimerions savoir pour quoi vous êtes venus ? / Vous qui paraissez mystérieux lorsque vous rejoignez le train, / Dites, maintenant, vous les Uhlans, nous rencontrerons-nous de nouveau ? » Les éditions suivantes placent l’appel de note un peu plus haut, après « apparaît ».]
*20. La Machine à explorer le Temps, par H. G. Wells.
*21. Péniblement, car la formule de cette loi, si longtemps élaborée, reste inélégante, inachevée, adroite, au point que je n’ai pas voulu transcrire ci-dessus le membre de phrase très vague qui s’y intercale : « … et sous le même rapport… » [Valéry reprend ici la formulation traditionnelle qui se trouve dans la Métaphysique d’Aristote (Γ, 3, 20)].
*22. Ombres, Variante [Heredia évoque « le fabuleux métal » (v. 5 des « Conquérants »)].
*23. Conquis.