{1} P. Tort (édition et notes), Warburton, Essai sur les hiéroglyphes des Egyptiens, Paris, Aubier, 1977, p. 47. Le texte cité est extrait de l'Introduction (« Transfigurations : archéologie du symbolique »).
{2} Ibid., p. 66.
{3} Par analogie avec la « texture », le tissu, mais encore le « voile » pour en revenir à notre première image. Voir là-dessus : Legendre, P., Sur la question dogmatique en Occident, Paris, Fayard, 1999.
{4} Il existe des ouvrages de référence dans cette perspective. Citons : Drioton, Vandier, 1962 ; Daumas, 1965 ; Yoyotte, 1965 ; Trigger, Kemp, O'Connor, Lloyd, 1983 ; Grimal, 1988 ; Kemp, 1989 ; Vercoutter, 1990 ; Vercoutter, 1992 ; Vandersleyen, 1995. Pour la préhistoire : Midant-Reynes, 1992 ; Midant-Reynes, 2003.
Une bibliographie générale ainsi que des index seront publiés ultérieurement (HESAE, I, t. 2, à paraître, ou HESAE, II).
Citons ici le livre récent, L'Egypte des pharaons – de Narmer, 3150 av. J.-C., à Dioclétien, 284 ap. J.-C., Paris, 2016, de D. Agut et J. C. Moreno-Garcia, très déstructuré et très partial mais complété par des tableaux chronologiques détaillés.
{5} L'essentiel en est posé dès la « dynastie 0 » suivie des dynasties thinites (environ 3100-2715) et explicité au cours de l'Ancien Empire (environ 2715-2195). Les évolutions juridiques n'en sont pas moins marquantes et considérables entre les débuts du régime politique des pharaons, à la fin du IVe millénaire, et ses avatars sous les dominations étrangères de la deuxième moitié du Ier millénaire, avec toutes les étapes intermédiaires.
{6} Bibl. Hist., I, LXX, 1 à LXXII, 6.
{7} Catalano, P., Siniscalo, P., « Narrazioni leggendarie storico-politiche sull'origine dei principi russi dall'imperatore Augusto e sui doni dell'imperatore Costantino Monomaco » et « Narrazioni sui principi di Vladimir », in Catalano, P., Siniscalo, P. (dir.), Documenti e studi. Documenti I, L'idea di Roma a Mosca, Secoli XV-XVI (coll. Da Roma alla Terza Roma, Roma-Mosca), Rome, 1989, spécialement p. 215-221 et p. 226-229.
{8} Menu, B., Maât. L'ordre juste du monde, Paris, Michalon, 2005, réimpr. 2010. Assmann, J., Maât, l'Egypte pharaonique et l'idée de justice sociale, Paris, Julliard, 1989. Egalement Menu, B., « La notion de maât dans l'idéologie pharaonique et dans le droit égyptien », in Anagnostou-Canas, B. (éd.), Dire le droit : normes, juges, jurisconsultes, Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2006, p. 33-44 ; ead., « Ne pas procéder. Règles éthiques et mesures dissuasives dans l'Egypte pharaonique », in Hoareau-Dodineau, J. et al. (éd.), Procéder. Pas d'action, pas de droit ou pas de droit, pas d'action ?, Limoges, Pulim, 2006, p. 11-22 ; ead., « Maât et le pharaon », in Hoareau-Dodineau, J., et al. (éd.), Le prince et la norme. Ce que légiférer veut dire, Limoges, Pulim, 2007, p. 11-24 ; ead., « Maât au cœur des justices de l'Invisible : l'état de maâty », in Verdier, R., et al. (éd.), Les Justices de l'Invisible, Paris, L'Harmattan, 2013, p. 182-196 ; ead., « Maât, ordre social et inégalités dans l'Egypte ancienne. De l'apport égyptien au concept gréco-romain de justice », in Kourilsky-Augeven, C. (dir.), De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalités, revue Droit et Cultures, 69, 2015, p. 51-73 (revue consultable en ligne) ; ead. « Le manquement professionnel au Moyen Empire et dans les inscriptions de Pétosiris (IVe s. av. J.-C.) », in Menu, B. (dir.), Le juste et le sacré. Les territoires de la faute dans l'Egypte ancienne, en Mésopotamie et dans la Bible (Droit et Cultures, 71), Paris, L'Harmattan, 2016, p. 119-145.
{9} En l'occurrence, l'habituelle comparaison effectuée par les égyptologues avec les waqf du droit musulman ou avec les biens de mainmorte du droit de l'Occident chrétien médiéval s'avère inappropriée, comme nous le démontrerons dans la suite des développements.
{10} Ce constat amène l'économiste ou le (la) juriste de l'Antiquité à utiliser avec beaucoup de circonspection des travaux scientifiques dotés cependant de la plus grande érudition. C'est la raison pour laquelle j'ai entrepris, après avoir présidé pendant plus de vingt ans une structure associative, l'AIDEA (Association internationale pour l'étude du droit de l'Egypte ancienne) qui a produit une dizaine d'ouvrages collectifs sur le droit économique et social de l'Egypte ancienne, d'organiser un séminaire de réflexion destiné aux étudiants avancés (SADEA, association loi de 1901, mairie, 07200 Lanas).
{11} Voir les travaux réalisés sous l'égide de Raymond Verdier, un des initiateurs, avec ses collaborateurs, de cette discipline en France au sein du Centre de recherche « Droit et cultures » (Paris 10-Nanterre), de l'association et de la revue du même nom.
{12} Warburton, D. A., « Understanding Economic Growth : The Importance of Money in Economic History and Theory », in Csabai, Z. (éd.), Studies in Economic and Social History of Ancient Near East in Memory of Péter Vargyas (Ancient Near Eastern and Mediterranean Studies, 2), Budapest, L'Harmattan-Hungary, 2014, p. 423-481. L'auteur relève à juste titre l'importance du rôle joué par l'Etat dans le développement économique pour avoir non pas « créé » comme il l'écrit (p. 461) mais soutenu et encouragé le rôle des marchés et de la monnaie.
{13} Cf. Godelier, M., article « Economiques (systèmes) », in Bonte, P., Izard, M., Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF, 1991, 3e éd., 2004, p. 219 : « Le fait que des rapports “purement” économiques existent, séparés des autres rapports sociaux, est une exception dans l'histoire qui correspond seulement au mode capitaliste de production ».
{14} Menu, B., Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, II, Le Caire, IFAO, 1998, p. 65-98 ; ead., Egypte pharaonique. Nouvelles recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 17-99 ; ead., « La mise en place des structures étatiques dans l'Egypte du IVe millénaire », BIFAO, 103, 2003, p. 307-326 ; ead., « Le Faucon et le Triangle. Politique et environnement dans l'Egypte du IVe millénaire », in Grimal, N., Kamel, A., May-Sheikholeslami, C. (éd.), Hommages à Fayza Haikal, Le Caire, IFAO, 2003, p. 195-207 ; ead., Maât. L'ordre juste du monde, Paris, 2005, réimpr. 2010, p. 14-20 ; ead., « Aspects du symbolisme animal dans l'Egypte du IVe millénaire », in Massiera, M., Mathieu, B., Rouffet, F. (éd.), Apprivoiser le sauvage/Taming the Wild (CENiM 11), Montpellier, 2015, p. 275-286.
{15} Voir, à la fin de la présente introduction, la première définition du droit civil produite par les anciens jurisconsultes romains et exprimée par Cicéron (De oratore I, 188-190) lui-même inspiré par Aristote (Ethiques à Nicomaque, livre V) : Villey, M., Le droit et les droits de l'homme, Paris, PUF, 1983, p. 33-68. On observe en Egypte dès le IIIe millénaire une application empirique de cette définition dans les autobiographies des hauts fonctionnaires (notes 16 et 17 ci-dessous). Cf. Menu, B., « Maât, ordre social et inégalités dans l'Egypte ancienne. De l'apport égyptien au concept gréco-romain de justice », in Kourilsky-Augeven, C. (dir.), op. cit. supra, n. 8.
{16} Circonscription administrative de l'Egypte ancienne.
{17} Graffito Hatnoub, 12, d'après la translittération de Lichtheim, M., Maât in Egyptian Autobiographies and Related Studies (OBO, 120), Fribourg, 1992, p. 27-28.
{18} Menu, B., BIFAO, 95, Le Caire, 1995, p. 285-288.
{19} Cf. Menu, B., Maât. L'ordre juste du monde, op. cit.
{20} Lichtheim, M., op. cit.
{21} Voir la formule répétitive : « J'ai jugé les deux plaideurs de sorte qu'ils s'en aillent satisfaits » (et variantes) dans les autobiographies des hauts magistrats (Ancien et Moyen Empire) : Lichtheim, M., op. cit., et la phrase en italique dans l'exemple cité ci-dessus (inscription de Thotnakht-ânkh à Hatnoub) ; Roccati, A., La littérature historique sous l'Ancien Empire égyptien (LAPO, 11), Paris, Les éditions du Cerf, 1982 ; cf. les contributions réunies dans : Menu, B., (dir.), La fonction de juger. Egypte ancienne et Mésopotamie (Droit et Cultures, 47, 2004/1).
{22} P. Brooklyn Museum 16.205, vo : Menu, B., Saint-Bertrand-de-Comminges, 1997 (= Recherches, III, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 270-272).
{23} Voir par exemple mon interprétation du P. Louvre E 3226 : Menu, B., « Le rôle économique des dattes dans l'Egypte du Nouvel Empire », in Csabai, Z. (éd.), Studies in Economic and Social History of Ancient Near East in Memory of Péter Vargyas (Ancient Near Eastern and Mediterranean Studies 2), Budapest, L'Harmattan-Hungary, 2014, p. 200-215.
{24} Menu, B., BIFAO, 99, Le Caire, 1999, p. 353.
{25} Ce second volume sera consacré à ce que l'on pourrait appeler la matière proprement sociologique et juridique : droit des personnes et des biens ; relations juridico-sociales et juridico-économiques entre les particuliers, les institutions, l'Etat ; relations internationales privées et publiques.
{26} Lire, mutatis mutandis, le passage suivant de l'article de Maurice Godelier, cité supra à la note 13 : « Des rapports sociaux sont “économiques” s'ils assument une au moins des trois fonctions suivantes, dont la combinaison constitue les structures économiques d'une société, son “système économique” : a) l'accès des groupes et des individus aux ressources naturelles exploitées et aux moyens de production utilisés ; b) le déroulement des divers procès de travail par lesquels les membres d'une société agissent sur la nature qui les entoure pour en disjoindre certains éléments matériels et les faire servir à leurs besoins, soit dans leur état naturel soit sous une forme transformée par l'homme ; les individus sont répartis selon leur sexe, leur âge, leur groupe social d'appartenance (lignages, castes, classes, etc.) entre les divers procès de travail nécessaires à la production des conditions matérielles d'existence de chacun et de tous ; c) les manières spécifiques dont les produits du travail individuel ou collectif circulent dans la société et sont redistribués. » (op. cit., p. 218-219).
{27} La notion de droit sera conçue par nous, 1) dans le cadre de l'anthropologie juridique, d'une façon minimaliste et avec une large extensibilité, comme « l'ensemble des règles qui régissent un groupe social déterminé, dont le respect par tous les membres du groupe est obtenu et garanti par une autorité légitime qui détient un pouvoir coercitif », les phénomènes juridiques englobant à la fois la norme sociale et la règle de droit, et 2) d'une manière plus précise en rappelant la définition claire du droit civil qu'ont donnée les Veteres et Cicéron (voir infra, p. 20).
{28} Menu, B., Le régime juridique des terres et du personnel attaché à la terre dans le Papyrus Wilbour (Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Lille, XVII), Lille, 1970.
{29} Ciceron, De oratore, I, 188 et suiv. ; Villey, M., Le droit et les droits de l'homme, Paris, PUF, 1983, p. 33-68 ; id., Recherches sur la littérature didactique du droit romain : à propos d'un texte de Cicéron, De oratore I-188 à 190, Paris, Domat-Montchrestien, 1945 ; Menu, 2015, supra, n. 8, in Kourilsky-Augeven (dir.), 2015.
{30} Voir supra et références.
{31} Notons qu'une Histoire économique et sociale de l'Egypte ancienne, ayant pour cadre l'Ancien Empire, a été publiée dans les années 1930. Cet ouvrage, qui s'appuie principalement sur les travaux de Jacques Pirenne et d'Alexandre Moret, est loin d'être dénué d'intérêt ; on y trouve des remarques pertinentes et des explications judicieuses mais de nombreux développements s'avèrent à présent obsolètes, insuffisamment documentés au vu des nombreux apports récents des découvertes archéologiques, et inspirés par des théories ethnologiques maintenant dépassées : Dykmans, G., Histoire économique et sociale de l'Egypte ancienne, 3 vol. : t. 1, Des origines aux Thinites, Paris, Picard, s. d. ; t. 2, La vie économique sous l'Ancien Empire, Paris, Picard, 1936 ; t. 3, L'organisation sociale sous l'Ancien Empire, Paris, Picard, 1937. Le champ d'exploration chronologique de cet ouvrage est de surcroît limité à l'Ancien Empire, soit, même si l'on déborde en amont sur la période thinite et, en aval, sur la Première Période intermédiaire, le tiers seulement de l'histoire pharaonique.
L'ouvrage de Helck, W., Wirtschaftsgeschichte des Alten Ägypten im 3. und 2. Jahrtausend vor Chr. (Handbuch der Orientalistik, Erste Abt., Erster Bd., Fünfter Abschn.), Brill, E. J., Leyde, Cologne, 1975, 307 p., enregistre, en quarante-six paragraphes plutôt que chapitres, répartis sur trois périodes (Ancien, Moyen, Nouvel Empire) des accumulations de données très utiles, mais il ne tente guère la description historique raisonnée des faits économiques et sociaux, de leur genèse, de leur articulation, de leur évolution, ou de leur utilisation idéologique par les pharaons et leur entourage. Le même auteur a d'une autre part réuni dans plusieurs fascicules les traductions commentées et très utiles de nombreux textes égyptiens du Nouvel Empire pouvant servir à une étude de l'économie pharaonique durant cette période : Materialien zur Wirtschaftsgeschichte des Neuen Reiches, 6 vol., Akademie der Wissenschaften und der Literatur in Mainz, Wiesbaden, 1960-1969, et Hofmann, I., Indices zu W. Helck, Materialien, Wiesbaden, 1969.
Outre ces tentatives globales, l'économie au temps des pharaons a fait l'objet de nombreuses études ponctuelles, surtout pour les périodes plus récentes de l'histoire, c'est-à-dire le Nouvel Empire (spécialement les règnes ramessides) et la Basse Epoque. Celles-ci seront citées au fil de mes développements. J'ai fait en sorte de rassembler les éléments acquis et d'y ajouter ceux qui apparaissent à leur confrontation et à l'exploitation d'autres sources, réunissant ainsi les pièces d'un puzzle que j'ai essayé de reconstituer, de la manière la plus rigoureuse possible.
Les principaux résultats de mes trois volumes de « Recherches » (Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, 350 p. in-8o, Versailles, 1982, abrév. Recherches, I ; Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, II, BiEtud, 122, 423 p. in-4o, Le Caire, 1998, abrév. Recherches, II ; Egypte pharaonique. Nouvelles recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, 391, p. in-8o, coll. « Droits et Cultures », 4, Paris, 2004, abrév. Recherches, III) ont été intégrés dans le présent ouvrage qui en dépasse largement le contenu par la volonté de mise en ordre des données sur le très long terme et par l'étude de nouveaux documents – qui sont venus enrichir mes démonstrations et les conforter, mais l'on s'y référera nécessairement pour des démonstrations plus détaillées ou pour des développements spécifiques.
Le livre de synthèse que nous avons le plaisir de présenter au public est donc le premier du genre à paraître en France et même sur la scène internationale. Comme toutes les œuvres pionnières, cet ouvrage présente sans doute des imperfections dont nous espérons que le lecteur ne nous tiendra pas rigueur.
Le public auquel s'adresse le présent ouvrage étant plus large que la communauté scientifique égyptologique proprement dite, je m'efforcerai de ne pas multiplier les références mais au contraire de les limiter aux ouvrages essentiels, qu'ils soient anciens ou récents, et en ouvrant des perspectives sur les recherches actuelles qui, pour certaines, laissent entrevoir des découvertes prometteuses, notamment sur le plan archéologique.
Enfin, index et bibliographie générale seront annexés à chacun des deux volumes. Le présent tome 1 du volume I est cependant complété par une liste des principales abréviations utilisées.
{32} Le présent chapitre n'a d'autre objectif que de tenter de mettre en ordre et d'analyser, avec les outils intellectuels idoines, une documentation originelle foisonnante (fin IVe millénaire) qui a fait l'objet, souvent d'une manière partielle, de nombreuses publications et d'une multitude de commentaires depuis le xixe siècle. Mon but est de clarifier, de classer et de synthétiser les problématiques de l'évolution politique qui a présidé à la naissance de l'Etat pharaonique. Il se veut non pas exhaustif mais explicatif, ne retenant pour les lecteurs que les documents les plus significatifs et les études les plus décisives, tout en proposant des solutions nouvelles, paraissant sans doute parfois audacieuses mais inéluctables, résultant en toute logique d'un regard englobant l'ensemble de la documentation léguée par le IVe millénaire.
{33} Alain Anselin voit dans certains hiéroglyphes les « échos ultimes » de la pastoralisation, des témoignages d'une culture dont le « modèle boomorphe » a structuré le langage et l'écriture (Archéo-Nil, 11, 2001, p. 150).
{34} Pour une mise en lumière récente de ce phénomène, voir Dachy, T., « Réflexions sur le stockage alimentaire en Egypte, de la préhistoire aux premières dynasties », Archéo-Nil, 24, 2014, p. 31-46.
{35} Hendrickx, S., « The Relative Chronology of the Naqada Culture. Problems and Possibilities », in Spencer, J. (dir.), Aspects of Early Egypt, Londres, 1996, p. 36-69 : id., « La chronologie de la préhistoire tardive et des débuts de l'histoire de l'Egypte », Archéo-Nil, 9, 1999, p. 13-81. Voir aussi Wilkinson, T. A. H., State Formation in Egypt. Chronology and Society, BAR International Series, 651, Cambridge, 1996, en particulier p. 9-15.
{36} Voir la contribution fondamentale de Bietak, M., « Urban Archaeology and the Town Problem in Ancient Egypt », in Weeks, K. (dir.), Egyptology and the Social Sciences, Le Caire, American University, 1979, p. 97-140.
{37} Les autres sites du Delta explorés dans les vingt dernières années sont : Kom el-Khilgan, Kafr Hassan Dawoud, Tell el-Mash'alah, Tell el-Iswid. Voir, sur les établissements urbains du Delta, l'article de synthèse de Keshk, F., « Urban Development of Settlements Sites of the Pre – and Early Dynastic Delta (ca. 4500 – 3100 BC) », Cahiers Caribéens d'Egyptologie, 18, 2014, p. 21-47 et bibliographie, p. 40-42.
{38} En fait deux d'une manière assurée : Scorpion et Ka, voir infra.
{39} La grauwacke (Goyon, 1957), greywacke, ou métapélite (Goyon, J.-C., et al., 2004 ; Aufrère, 2008), est la « pierre de békhen » des anciens Egyptiens, extraite des carrières du ouadi Hammamat dans le désert oriental. C'est « une roche sédimentaire détritique de la classe des arénites (minéraux : quartz, 5 à 7 % feldspath, 2 % de minéraux accessoires cf. épidotes, tourmaline, sphène, zircon. Ils sont dispersés dans une matrice argileuse, recristallisée en chlorite associée à d'autres minéraux argileux), homogène et de teinte sombre, voire noire » (Wissa, M.) : Wissa, M., « L'approvisionnement en pierres, des origines de l'Egypte à 2700 av. J.-C. », Archéo-Nil, 7, 1997, p. 70 ; voir également Bloxam, E., Harrell, J., Kelany, A., Moloney, N., el-Senussi, A., et Tohamey, A., « Investigating Predynastic origins of greywacke working in the Wadi Hammamat », Archéo-Nil, 24, 2014, p. 11-30). Ce très beau matériau a été utilisé par les pharaons pour leurs statues et monuments les plus importants ; les palettes « à fard » prédynastiques, souvent dites « en schiste » sont en greywacke ou métapélite.
{40} Ou plutôt n'appartenant pas au même registre : voir, sur la décoration et les scènes représentées sur les vases gerzéens (Nagada II), les travaux de Gwenola Graff, cités plus bas.
{41} Toutefois par exemple sous la protection, au moins en Basse-Egypte, des flèches croisées, l'emblème de la déesse guerrière Neith – qui est aussi une vache primordiale.
{42} Huyge, D., « The Painted Tomb, rock art and the recycling of Predynastic Egyptian imagery », Archéo-Nil, 24, 2014, p. 93-102, relève judicieusement la grande probabilité qu'il y eut une « modernisation » au Nagada III de la composition décorative initiale de cette tombe (Nagada IIC).
{43} Quibell, J. E., et Petrie, W. M. F., Hierakonpolis, Part I. Plates of Discoveries in 1898, rééd., Londres, 1989.
{44} Peut-être une image illustrant et inspirant le mythe primitif d'Horus et de Seth, les champions respectifs originels de la Haute- et de la Basse-Egypte ? Sur le « conflit archaïque » précédant le « mythe osirien » on se reportera à l'article de Mathieu, B., « Du conflit archaïque au mythe osirien. Pour une lecture sociopolitique du mythe dans l'Egypte pharaonique », in Menu, B. (dir.), Le juste et le sacré. Les territoires de la faute dans l'Egypte ancienne, en Mésopotamie et dans la Bible, Droit et Cultures, 71, 2016/1, p. 85-117.
{45} L'écriture est un processus extrêmement volontaire, mis en place sur un temps relativement court, issu du langage symbolique constitué, depuis le début du VIe millénaire, d'un stock hétéroclite de signes et de symboles répondant à des besoins différents. Voir infra.
{46} Menu, B., « Maât, ordre social et inégalités dans l'Egypte ancienne. De l'apport égyptien au concept gréco-romain de justice », in Kourilsky-Augeven, C. (dir.), De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalité (Droit et Cultures, 69), 2015/1, p. 51-73.
{47} Voir plus loin, ainsi que mon article intitulé « Aspects du symbolisme animal dans l'Egypte du IVe millénaire », in Massiera, M., Mathieu, B., Rouffet, F., Apprivoiser le sauvage/Taming the Wild (CENiM, 11), Montpellier, 2015, p. 275-286 (en particulier les notes 4 et 35 en bas de cet article), et surtout mes développements infra. D'autres explications ont été proposées pour le thème des « défilés d'animaux », notamment la capture d'animaux sauvages en vue de leur sacrifice rituel au bénéfice de chefs puissants dans un contexte de contrôle de l'environnement, par exemple : Raffaele, F., « Animal Rows and Ceremonial Processions in Late Predynastic Egypt », in Raffaele, F., Nuzzolo, M., Incordino, I. (dir.), Recent Discoveries and Latest Researches in Egyptology, Wiesbaden, 2010, p. 245-285 ([PDF] : www.francescoraffaele.com) ou D. V. Flores, Funerary Sacrifices of Animals in the Egyptian Predynastic Periods, in Hendrick, S., Friedman, R. F., Cialowicz, K. M., Chlodonicki, M. (dir.), Egypt at its Origins, Studies in Memory of Barbara Adams (OLA, 138), Louvain, 2004, p. 731-763. Cette interprétation, ainsi que je l'ai exposé dans mon article cité ci-dessus (Menu, 2015), est parfaitement recevable mais d'une manière partielle car elle ne rend pas compte de tous les enjeux de telles représentations dans leur contexte politique et anthropologique. La raison d'être des défilés d'animaux me semble à rechercher aussi et surtout dans les essais de classifications à la fois naturalistes, symboliques, rituelles et sociales – qui accompagnèrent les tout premiers pas d'une évolution politique en direction de la formation de l'Etat : la métonymie complète désormais la métaphore et conduit vers l'organisation de la société.
{48} Une interprétation politique du motif de l'éléphant et des serpents entrelacés pour l'époque prédynastique d'une manière spécifique est tout à fait envisageable ainsi que nous le verrons plus loin. Pour une interprétation plutôt magico-rituelle et chronologiquement plus large de cette figure, voir Massiera, M., « Des éléphants entrelacés. Enquête sur des motifs prédynastiques », 2015 : 245-261. Rappelons ici l'ambivalence du symbole ophidien : le serpent évoque à la fois le danger par son venin et la protection contre les animaux nuisibles qu'il dévore.
{49} Nous garderons cette désignation commune et commode au long de nos développements. Il s'agit de toute manière d'un poisson siluriforme de la famille des claridés, d'abord indéterminé, puis plus précisément l'hétérobranche (poisson-nâr, tel qu'il est représenté sur les documents constitutionnels de Nârmer, voir infra, passim, et Menu, Montpellier, 2015) ; cf. Brewer, D. J., Friedman, R. F., Fish and Fishing in Ancient Egypt, Warminster, 1989, p. 60-63 ; Aufrere, S., Poissons du Nil, coquillages de la mer Rouge et fossiles marins dans la pensée de l'Egypte ancienne, Saint-Jean-du-Gard, 1996, et la bibliographie annexée ; Menu, 2015, p. 283-286. Baqué-Manzano, L. (thèse inédite, Montpellier, 1998) propose de voir un calamar sur le manche de couteau de Pitt-Rivers (infra, fig. 49) ; la morphologie générale de cet animal peut cependant s'inscrire parfaitement dans le dessin de l'hétérobranche qui figure sur les documents de Nârmer et dans le sérekh de sa palette (plus loin, fig. 55 et 56) ; de plus, le très mauvais état de conservation du manche de couteau de Pitt-Rivers (voir les photos sur le site : http://www.photo.rmn.frarchive07-512670-2C6NU0CRLA18.html) rend très douteuse toute restitution des détails de l'animal visant à en faire un calamar, tels qu'ils sont dessinés à la fig. 49, infra. Ajoutons que le poisson-chat est, lui, bien attesté dans la documentation entre la fin du Nagada IID2 et le Nagada III A-IIIB.
{50} Menu, Montpellier, 2015.
{51} Voir mon article « Aspects du symbolisme animal... », 2015, ainsi que plus loin pour une mise au point sur la question du totem, trop vite évacuée par les égyptologues à la suite des travaux publiés par Cl. Lévi-Strauss.
{52} Hendrickx, S., Eyckerman, M., « Visual représentation and state development in Egypt », Archéo-Nil, 22, 2012, p. 23-72.
{53} Voir l'article de Huyge n. 10, et son intéressante suggestion selon laquelle la décoration de cette tombe fut « mise à jour » au Nagada III.
{54} Notons qu'il y eut plusieurs dieux-faucons. Voir Corteggiani, J.-P., L'Egypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, Paris, Fayard, 2007, s. v. « Faucon », p. 154), tous plus ou moins reliés à l'entité qui désigne le pouvoir pharaonique dans ce qu'il a de plus essentiel : la monarchie absolue et sacrée de nature solaire/universelle (incluant le monde invisible et les croyances funéraires). Sur les différents aspects d'Horus, voir l'étude de Mathieu, B., « Horus : polysémie et métamorphoses », ENiM, 6, 2013, p. 1-26.
{55} Les découvertes effectuées récemment au Ouadi `Ameyra (Sud-Sinaï) confortent cette hypothèse alors que, selon Tallet, Laisney, 2012, elles l'infirment. Voir plus loin mes démonstrations.
{56} Nous verrons au cours et à l'issue des développements suivants qu'il n'y a pas lieu de le nommer « Scorpion I », le prétendu « Scorpion II » pouvant parfaitement être identifié à Nârmer. Un seul roi Scorpion, celui de la tombe U-j, le Fédérateur et fondateur de la dynastie 0, semble en fait attesté.
{57} Dreyer, G., Das prädynastische Königsgrab U-j und seine frühen Schriftzeugnisse (Archäologische Veröffentlichungen, 86), Mayence, 1998.
{58} Ibid., p. 13-14, et pl. 10 a-b.
{59} Ceux-ci, produits à la même époque dans des buts différents mais convergeant vers la reconnaissance du nouveau pouvoir fédéral, ont fait partie d'un stock de signes ayant donné naissance ultérieurement aux hiéroglyphes et à l'écriture mais ne sont pas encore de l'écriture à proprement parler (voir infra).
{60} Menu, B., « Le faucon et le triangle. Politique et environnement dans l'Egypte du IVe millénaire », in Grimal, N., Kamel, A., May-Sheikholeslami, C. (dir.), Hommages à Fayza Haikal (BiEtud 138), Le Caire, 2003, p. 195-207.
{61} Voir mon article « Aspects du symbolisme animal... », cité plus haut (n. 16) pour une mise au point sur la question du totem, trop vite évacuée par les égyptologues à la suite des travaux publiés par Levi-Strauss, Cl., notamment Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, 1962, 9e éd., 2002. Lévi-Strauss ne nie pas l'existence des totems, il réfute le totémisme en tant que système défendu notamment par des savants comme Frazer ou Durkheim (début xxe s.) influencés par l'évolutionnisme de leur époque. Lévi-Strauss inverse radicalement la perspective. Les phénomènes dits totémiques ne traduisent pas, selon lui, l'interpénétration de la nature et de la culture, « mais au contraire une césure entre ces deux ordres, ce qui permet leur interprétation. L'identification nominale ou rituelle [...] résulte d'un double mouvement de l'intellect : percevoir la différenciation des espèces dans l'ordre de la nature et se servir des écarts perçus pour rendre compte d'une différenciation au sein de l'ordre social. » (Desveaux, E., in Bonte, P., Izard, M. (dir.), Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, 1991, 3e éd., 2004, p. 710). Les tentatives de classification des espèces ont été une préoccupation majeure des élites des périodes Nagada II/Nagada III, ainsi qu'en témoignent les « défilés d'animaux ». Voici la définition minimale et provisoire que je propose du totem (animal, plante ou n'importe quel objet) : « le totem est la métaphore d'un groupe social déterminé dont il est l'emblème et/ou l'esprit gardien ; il a des fonctions sociales et rituelles. »
{62} Petrie, W. M. F., The Royal Tombs of the First Dynasty, Part I (EEF 18), Londres, 1900, en particulier pl. XL, pl. XLIV..., et The Royal Tombs of the Earliest Dynasties, Part II (EEF 21), Londres, 1901, par exemple pl. XIII, montrant les transformations successives suivantes : triangle, triangle à la pointe inférieure arrondie, ovale, demi-ovale (cf. le signe neb, EG, V30), et enfin ovale à coins étirés, c'est-à-dire la bouche humaine (signe ro, EG, D21). Le faucon sur la barque est une désignation très proche (voir ci-dessous et plus loin ; notons l'exemple ci-dessous du faucon sur un triangle aux côtés courbes, au-dessus d'une barque : double symbole de la maîtrise de la vallée et du fleuve, à rapprocher d'une des inscriptions du Ouadi `Ameyra, voir infra) :
{63} Tallet, P., Laisney, D., « Iry-Hor et Nârmer au Sud-Sinaï (Ouadi `Ameyra). Un complément à la chronologie des expéditions minières égyptiennes », BIFAO, 112, 2012, p. 381-398. La récente découverte de graffitis sur les rochers du Ouadi `Ameyra montre la mention « Iry-Hor » (« Hor-ro ») à côté du sérekh de Nârmer. Voir plus bas mon interprétation du titre Hor-Ro.
{64} L'on retrouve l'association des deux signes et ce thème sur un grand nombre de documents attribuables à Scorpion, à Ka et à Nârmer (voir infra). Le faucon et la barque font aussi partie de groupes de signes associés à la représentation de barques en grande taille et en nombre dans le contexte des expéditions aux mines du Sud-Sinaï sous la dynastie 0, dans une série absolument remarquable d'inscriptions découvertes récemment au Ouadi `Ameyra (en bordure du golfe de Suez) sur une surface rocheuse. L'interprétation de la série des quatre inscriptions attribuables clairement à la dynastie 0 est fondamentale pour l'histoire de cette dynastie et de la gestation de l'Etat. Voir plus loin mon commentaire de la publication de la découverte effectuée in situ par Tallet, P., et Laisney, D., BIFAO, 112, 2012, op. cit.
{65} Ressort primordial du processus de centralisation de l'Etat comme nous aurons l'occasion de le démontrer.
{66} L'écriture hiératique fut probablement inventée presque en même temps que l'écriture hiéroglyphique, voir infra.
{67} MDAIK, 54, 1998, p. 187-217.
{68} Menu, B., « Quelques aspects du symbolisme animal dans l'Egypte du IVe millénaire », op. cit.
{69} La palette de la Chasse (fig. 11) montre un double protomé de taureau à côté d'une représentation du per-néser ; l'intention politico-idéologique de telles représentations ne fait aucun doute dans la recherche d'expressions relatives à la suprématie des forces en présence, en particulier sur la Haute- et la Basse-Egypte.
{70} Allusion à une action militaire victorieuse menée par ce dynaste précédant de peu l'avènement de Scorpion (voir infra) ? N(y)-Neith semble avoir eu un rôle important dans le processus de centralisation fédérale menée à bien par Scorpion ; il se pourrait que N(y)-Neith soit le dernier roi de la Basse Egypte avant l'unification territoriale sur le mode fédéral réalisée par le premier roi de la dynastie 0, et son principal allié.
{71} Menu, B., op. cit.
{72} Voir, infra, mes arguments et développements mettant très fortement en doute l'existence d'un roi nommé Iry-Hor. Ce nom s'avère plutôt comme étant une épithète-titre en relation, comme je le montre plus loin, avec la maîtrise du fleuve et l'unification du territoire, accompagnant le processus fédérateur initié par Scorpion, poursuivi par Ka et achevé par Nârmer avant qu'il ne promulgue son « corpus constitutionnel » fondateur de l'Etat centralisé.
{73} Pour une discussion sur l'origine de la « façade de palais » : Jimenez-Serrano, A., « The Origin of the Palace-Façade as Representation of Lower Egyptian Elites », Göttinger Miszellen 183, 2001, p. 71-81 ; van den Brink, E. C. M., « Some Comments in the Margins of “The Origin of the Palace-Façade as Representation of Lower Egyptian Elites”, Göttinger Miszellen 183, 2001, p. 99-111 ; Hendrickx, S., « Arguments for an Upper Egyptian Origin of the Palace-Façade and the Serekh during Late Predynastic-Early Dynastic times », Göttinger Miszellen 184, 2001, p. 85-110 ; pour cet auteur, si la plupart des sérekh proviennent de Memphis, leur origine est à rechercher en Haute-Egypte. Il semble que la façade de palais seule soit vraisemblablement originaire du nord tandis que le sérekh complet (façade de palais contenant le nom du roi, l'ensemble surmonté d'un faucon) est attribuable à la dynastie 0 d'origine sudiste. Le premier roi à posséder un sérekh complet est Ka/Zékhen, peut-être également Crocodile. Nous verrons plus loin qu'originellement la barque royale représente l'habitacle de la fonction royale pour les rois du Sud, et le palais royal, celui de la fonction royale des rois du Nord.
{74} Voir, supra, la n. 18.
{75} Cette lecture, avec la traduction « Celui qui est relié à Horus », me semble doublement anachronique, à la fois sur le plan de la restitution d'une notion grammaticale et d'un stade de l'écriture probablement non encore atteints, et sur le plan politique, le faucon n'étant encore à ce stade de l'évolution idéologique que l'être vivant dont la vue est suffisamment perçante pour englober de très haut (her) tout un territoire, et peut-être pas encore Horus, le symbole divin de la royauté unique centralisatrice tel qu'il apparaît sur les documents de Nârmer.
{76} C'est-à-dire le Her (celui qui exerce son emprise visuelle sur) la vallée du Nil et plus précisément sur le delta (Ro, la bouche, l'embouchure du fleuve) : voir supra et ci-dessous.
{77} Les fouilles effectuées dans le Delta et dans le Sud-Sinaï au cours de la dernière décennie (Tallet Laisney, 2012) ont permis de mettre au jour quelques exemples du titre-nom (I)r(y)-Hor (Hor-Ro), phénomène lié de toute manière au processus d'extension de l'autorité des premiers rois d'Egypte (dynastie 0 et règne de Nârmer) vers le nord de l'Egypte ; des inscriptions lues « Iry-Hor » sur des artefacts provenant de Tell el-Iswid sont en cours d'étude par B. Midant-Reynes.
{78} Voir supra et, à l'appui, les graphies réunies par Petrie, I, 1900, et II, 1901, avec l'évolution du signe du triangle déformé successivement, ainsi qu'il est montré ci-dessus à la n. 31, jusqu'à dessiner le signe parfaitement hiéroglyphique de la bouche, surmontée par ou juxtaposée à un faucon.
{79} Menu, Mél. F. Haikal, Le Caire, 2003, op. cit.
{80} La tombe B1-B2 d'Abydos, attribuée à l'hypothétique Iry-Hor du fait que ce groupe de hiéroglyphes y est largement présent (mais jamais contenu dans un serekh) et inscrit souvent à côté du nom de Nârmer, est réduite à une infrastructure en briques séchées. Y figurent aussi des fragments aux noms de Ka et de Nârmer. D'après Toby A. H. Wilkinson, il pourrait s'agir simplement d'une fosse de stockage et Iry-Hor serait le nom d'un haut fonctionnaire de Nârmer attaché à la gestion du Trésor. Quoi qu'il en soit, cet auteur met en doute l'existence d'un roi Iry-Hor/Hor-ro : Wilkinson, T. A. H., « The Identification of Tomb B1 at Abydos : refuting the existence of a king Hor-Ro/Iry-Hor », JEA, 79, 1993, p. 241-243, et également Early Dynastic Egypt, Londres et New York, 1999, p. 55. Nous confirmerons plus loin qu'en fait « Iry-Hor » ou plutôt « Her/Hor-ro » est une épithète-titre ou un titre-nom porté par les trois rois de la dynastie 0 : Scorpion, Ka, et Nârmer durant la première partie de son règne.
{81} Voir infra ma démonstration tendant à mettre en lumière le rôle fédérateur du roi Scorpion avec des exemples du titre Hor-Ro associé à son nom et au nom de ses deux successeurs, Ka et Nârmer.
{82} A ma connaissance, à l'exception d'un ou deux cas très douteux, il en est de même pour Scorpion, promoteur du titre Hor-Ro, titre qui sert à le désigner comme roi fédérateur.
{83} A l'issue des précédents commentaires, l'on peut conclure finalement que (I)r(y)-Hor est à lire Hor-Ro et serait selon la plus grande vraisemblance un titre porté par les rois fédérateurs précédant immédiatement Nârmer, c'est-à-dire Scorpion et Ka, de même que Nârmer lui-même au début de son règne. La figure du faucon surmontant une bouche apparaît comme une déformation, une évolution plutôt, de celle du faucon sur le triangle ainsi qu'en témoignent les nombreux dessins que nous en possédons. Cette appellation désigne donc selon moi le « Le Faucon – le maître – de la Vallée et du Delta », le premier unificateur de l'Egypte sur le mode fédéral, c'est-à-dire Scorpion, dont la tâche fut menée à bien par Ka, et poursuivie par Nârmer avant d'être parachevée par sa propre action centralisatrice. Parmi les prédécesseurs immédiats de Nârmer au sein de la dynastie 0, seuls seraient alors vraiment attestés Scorpion et Ka, Crocodile pouvant être considéré aussi comme un usurpateur.
Voici un exemple du titre Hor-Ro associé à Ka :
Fig. 30 : Marque de jarre au nom du « Hor-ro » Ka.
L'exemple cité ci-dessus (Kaiser, Dreyer, MDAIK, 38, 1982, p. 234, fig. 10d) serait à lire non pas « Iry-Hor, les redevances de la Haute- et de la Basse-Egypte », mais « Le Faucon de la Vallée (Hor-Ro), Ka (ici bras levés), <les redevances de> Haute- et Basse-Egypte », mettant l'accent sur le rôle de ce roi dans le processus de fédération et d'union de la Haute- et de la Basse-Egypte initié par Scorpion.
{84} « Etiquette » de `Aha dont il existe plusieurs exemplaires : dessin dans Spencer, A., Early Egypt, Londres, 1993, p. 63, fig. 42 ; également : Vandier, J., Manuel d'archéologie égyptienne I, Paris, 1952, p. 829, fig. 556 ; Menu, B., « Mise à mort cérémonielle et prélèvements royaux sous la 1re dynastie », Archéo-Nil, 11, 2001, p. 171, fig. 5. Le roi y est encore désigné par le titre « Faucon (Horus) au-dessus de la barque (royale) », porté par Scorpion, Ka, et Nârmer au début de son règne (cf. n. 31, supra).
{85} Tallet, Laisney, 2012, p. 389.
{86} Cela pourrait signifier que, pour ce roi originaire du Sud, le bateau royal et son habitacle sont plus représentatifs que le palais (voir supra) ; la façade de ce dernier (le sérekh) sera adoptée au règne suivant (Ka) pour symboliser la fonction royale.
{87} Cette lecture du groupe : mur crénelé + massue-hedj (massue piriforme) résulte d'un état postérieur d'avancée de l'écriture, efficient sans doute plusieurs années, voire quelques décennies plus tard au cours du règne de Nârmer. La massue-hedj figure très tôt et à plusieurs reprises à côté de ou dans des façades de palais (utilisées dans la composition des futurs sérekh complets) originaires de Basse-Egypte : voir par exemple ci-dessus le tableau de S. Hendrickx (fig. 29) ; il n'est pas certain que le signe de la massue piriforme ait désigné la blancheur dans ce contexte mais qu'il est sans doute dans ce cadre plutôt un symbole guerrier.
{88} Lecture et traduction consensuelles (pour une autre lecture de ces deux importantes mentions, par exemple : MacArthur, 2010). Notons ici que ces tout premiers essais d'écriture sont d'ordre économique. L'on notera l'importance de ces deux mentions sous les successeurs de Nârmer, en particulier `Aha : Résy djéfaou. Méhou inou, « Les provisions du sud. Les impôts du nord » (Etiquette de `Aha, par exemple : Spencer : 65, fig. 44 ; Menu, B., Archéo-Nil, 11, 2001, p. 163-175) et la confirmation de l'impact considérable du contexte économico-idéologique sur le processus d'élaboration et d'évolution de l'écriture.
{89} Le totémisme aujourd'hui, Paris, 1962. Voir mon article intitulé « Le symbolisme animal dans l'Egypte du IVe millénaire », in Massiera, M., Mathieu, B., Rouffet, F., Apprivoiser le sauvage/Taming the Wild (CENiM, 11), Montpellier, 2015, p. 275-286.
{90} Menu, Montpellier, 2015.
{91} Hendrickx, S., Eyckerman, M., « Les animaux sauvages dans l'Egypte prédynastique », op. cit., p. 197-210, et LeBlanc, M. J., « The Zoomorphic Transformation of the King in Early Egyptian Royal Military Victory Rituals and its Relationship to the Sed Festival », ibid., p. 199-243.
{92} Graff, G., Jimenez Serrano, A. (dir.), Préhistoires de l'écriture. Iconographie, pratiques graphiques et émergence de l'écrit dans l'Egypte prédynastique, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2016. Cet ouvrage comporte douze importantes contributions complétées par des bibliographies très utiles. Voir aussi le récent article de Vernus, P., « La naissance de l'écriture dans l'Egypte pharaonique : une problématique revisitée », Archéo-Nil, 26, 2016, p. 105-125, suivi d'une abondante bibliographie aux p. 125-134 (voir infra).
{93} Ce type d'expression graphique est sans doute à l'origine des principes et procédés de l'écriture hiératique. Cependant, les signes inscrits sur des jarres (« potmarks ») appartiennent à un registre tout à fait différent de celui des « étiquettes » et des sceaux et empreintes de sceaux car il s'agit de la notation d'informations d'ordre économique et commerciale et de leur traitement administratif dans le cadre du pouvoir fédéral tandis que les « étiquettes » et les sceaux appartiennent à la sphère idéologique et politique du régime. Il n'est pas certain que les signes appelés « potmarks » aient tous donné naissance à des hiéroglyphes ; certains – et même peut-être un grand nombre – furent sans doute abandonnés dans le choix des signes d'écriture formant le système hiéroglyphique. En revanche, les graphies rapides furent certainement inventées très tôt pour des besoins administratifs et économiques et elles ont favorisé l'apparition d'une version cursive précoce de l'écriture hiéroglyphique, le hiératique.
{94} Les compositions logographiques antérieures (dès le Nagada I) élaborent un récit compréhensible visuellement par tous sans recourir à une transposition graphique du langage parlé. Voir les travaux de Gwenola Graff, en dernier lieu Construire l'image, ordonner le réel, Paris, Errance, 2013, où sont analysées les scènes peintes sur deux types de céramique décorée produits à des époques différentes de la période prédynastique (amratien ou Nagada I et gerzéen ou Nagada II) ; cf. également : Hendrickx, S., Eyckerman, M., « Visual representation and state development in Egypt », Archéo-Nil, 22, 2012, p. 23-72.
{95} Nârmer, successeur et peut-être fils de Ka, a très certainement collaboré avec ce dernier avant même d'accéder au pouvoir suprême et d'achever le processus entrepris sous le règne précédent.
{96} Ce titre s'applique aussi au successeur de Nârmer, `Aha, qui poursuivit son œuvre et porte lui aussi le nom de Mény sur les étiquettes en ivoire plus grandes de son règne, liées principalement à des événements d'ordre à la fois économique et idéologique (perception des taxes et tributs à l'occasion de cérémonies royales et funéraires) ; voir, par exemple : Menu, B., « Mise à mort cérémonielle et prélèvements royaux sous la 1re dynastie (Nârmer-Den) », Archéo-Nil, 11, 2001, p. 163-175.
{97} Voir supra ma remarque suivant laquelle la toute première tentative de rendre un son par une image est reconnaissable dans l'utilistation du nom royal inscrit dans le sérekh (ex. : N(y)-Neith).
{98} L'Etat fédéral, juste avant le processus de centralisation achevé par Nârmer.
{99} Dans « Hieroglyphic Writing During the fourth Millenium B. C. : an Analysis of Systems », Archéo-Nil, 11, 2001, p. 101-134. L'auteur conclut : « Only during the reign of Sekhen/Ka are all the functions of the hieroglyphs attested for the first time, and only in the time of Den is the syllabary more or less complete » (ibid., p. 124).
{100} Vernus, P., « La naissance de l'écriture dans l'Egypte ancienne », Archéo-Nil, 3, 1993, p. 75-108. Pascal Vernus a publié récemment (Archéo-Nil, 26, 2016) un artice très fouillé sur les origines de l'écriture hiéroglyphique dans lequel son regard linguistique aigu opère des catégorisations intéressantes (par exemple celle des « sémiologies restreintes ») qui non seulement ne s'opposent pas à la restitution historique et anthropologique que j'ai l'honneur de présenter ici pour la première fois mais au contraire en renforcent involontairement les propositions-phares. Voir aussi : Vernus, P. (dir.), Les premières cités et la naissance de l'écriture (Colloque de Nîmes, 29 septembre 2009), Arles, 2011.
{101} Les Egyptiens avaient inventé un alphabet – ce que les spécialistes appellent les « signes unilitères » – dès la fin du IVe millénaire. S'ils ont gardé le système hiéroglyphique et la complexe sémiologie de l'image jusqu'à la fin du régime pharaonique et bien au-delà (jusqu'à l'édit de l'empereur romain Théodose Ier en 391), c'est que cette écriture permettait des gammes d'expression à l'infini. Au point de vue formel, retenons l'intéressante remarque de P. Vernus selon laquelle « [les hiéroglyphes] deviennent signes d'écriture en subissant trois contraintes : calibrage ; investissement dense et harmonieux de l'espace ; orientation » (Archéo-Nil, 3, op. cit. à la note ci-dessus, p. 92, n. 60). L'articulation texte/image est un autre moyen couramment utilisé par les anciens Egyptiens afin de raffiner les modes d'expression (voir, par exemple, Fischer, 1986 ; Roquet, 1985). Ces constats rejoignent des réflexions très actuelles et importantes sur la bande dessinée et ses potentialités d'expression à l'infini : Menu, J.-C., La bande dessinée et son double : langages et marges de la bande dessinée (Thèse de doctorat, Paris I-Sorbonne), Paris, L'Association, 2011.
{102} Dénomination de l'écriture hiéroglyphique, par exemple sur la pierre de Rosette dans la traduction en grec du texte égyptien. L'écriture hiéroglyphique dans le cadre de l'Egypte pharaonique couvre tout le champ idéologique (politique, juridique, religieux).
{103} Ce qui, a priori, n'exclut pas des influences réciproques entre les différentes civilisations d'une aire géographique très vaste allant du Soudan au nord de l'Inde.
{104} Les premières traces apparaissent dès ca. 3200 et les dernières subsistent jusqu'à ca. 1700, date d'abandon progressif du territoire.
{105} Colas, G., « L'énigme de l'écriture de l'Indus », URL : http://classes.bnf.fr/ecriture/arret/signe/dechiffrement/09.htm.
{106} « A statistical Approach for Pattern Search in Indus Writing » (16 p.), 2008, et « Segmentation of Indus Texts » (21 p.), étude de la fréquence de certaines combinaisons de signes. Une publication récente fondée sur de nouvelles techniques analytiques identifie dix-sept signes qui pourraient être des verbes ou des noms ; l'auteur semble en outre accréditer l'hypothèse selon laquelle l'écriture de l'Indus correspondrait à une langue dravidienne : Wells, B. K., The Archaeology and Epigraphy of Indus Writing, Archaeopress Archaeology, Oxford, 2015.
{107} Farmer, S., Sproat, R., Witzel M., « The collapse of the Indus-script thesis : The myth of a literate Harappan civilization », [PDF], 2004, URL : http://www.safarmer.com/fsw2.pdf, et réponse de Parpola, A., Airavati. Felicitations volume in favour of Iravatham Mahadevan, Tamailnadu (India), 2008. Lawler, A., « The Indus Script : Write or Wrong ? », Science 306, 2004, p. 2026-2029, résume l'état des controverses entre tenants d'une véritable écriture traduisant la langue articulée et partisans d'une écriture purement symbolique, autour de l'affirmation péremptoire de Steve Farmer (qualifié de « brash outsider » par l'auteur de l'article), selon lequel les efforts des savants pendant 130 ans sont voués à l'échec parce que les symboles de l'Indus ne sont pas de l'écriture. Pour une mise en contexte très large et très savante de l'état de la question : Asko Parpola, The Early Aryans and the Indus Civilization, Oxford University Press, New York, 2015. L'on conclura provisoirement que la question de la nature des signes qui constituent l'hypothétique « écriture de l'Indus » reste ouverte en l'absence actuelle de documents permettant de trancher sans hésitation. Néanmoins la position d'Asko Parpola (in Vernus, P. (dir.), Les premières cités et la naissance de l'écriture, Arles, 2011) semble actuellement faire un point avancé sur la question.
{108} Vernus, 1993, p. 92.
{109} Vernus, 1993, p. 96.
{110} Menu, Montpellier, 2015.
{111} Voir Menu, B., « Mise à mort cérémonielle et prélèvements royaux sous la 1re dynastie (Nârmer-Den) », Archéo-Nil, 11, 2001, p. 163-175, avec les références antérieures.
{112} Menu, B., « Aspects du symbolisme animal... », 2015, op. cit. à la n. 16 supra.
{113} Le roi recevra couramment l'épithète de « lion » et de « taureau » au cours de toute l'histoire pharaonique.
{114} Menu, 1997, 2004 ; Heagy, T. C., « Who Was Menes ? », Archéo-Nil, 24, 2014, p. 59-92.
{115} Les canidés sont étroitement liés à l'histoire idéologique de l'Egypte ancienne. A l'époque prédynastique, seul est représenté le chien sauvage, le lycaon (Lycao pictus) reconnaissable à ses oreilles rondes, qui, sur les grandes palettes en greywacke de la dynastie 0, est représenté dans des postures montrant qu'il enserre de ses quatre pattes un monde sauvage chaotique et dangereux (Hendrickx, 1992, 2006 ; Baines, J., « Symbolic Roles of Canine Figures on Early Monuments », Archéo-Nil, 3, 1993, p. 23-33 ; Hendrickx, S., « The dog, the Lycaon pictus and order over chaos in Predynastic Egypt », in Kroeper, K., Chlodnicki, M., Kobusiewicz, M. (ed.), Archaeology of Early Northeastern Africa. In Memory of Lech Krzyzaniak (Studies in African Archaeology 9), 2006, p. 723-749). Le chien domestique, auxiliaire de chasse et gardien de la personne royale, est représenté sur d'importants documents royaux dès la fin de la première partie du règne de Nârmer (passage de la dynastie 0 à la 1re dynastie), par exemple sur le tableau 7 de la scène rupestre de Nag el-Hamdulab où un chien domestique accompagne le roi Nârmer. Les divinités canines sont toutes des chacals (Baines, 1993) et le loup n'a jamais existé dans l'environnement de l'Egypte (ibid.) Si le chien domestique est lié à la chasse, à la protection des défunts et à l'affirmation du pouvoir royal à la fin de la dynastie 0 et sous les premiers règnes de la 1re dynastie, l'apparition successive des principaux dieux-canidés (Khentamentyou, Oupouaout, Anubis) est assez difficile à restituer. Les empreintes de sceaux d'Abydos (fig. 39 et 40) énumèrent les « Khentamentyou » (c'est-à-dire les rois défunts et immortalisés) : Horus-Nârmer, Horus-`Aha, Horus-Djer, etc. ; il s'agit là de la première dénomination d'un canidé, concurremment avec celle d'Anubis (voir infra). Oupouaout, dieu-chien dont le nom signifie « Celui-qui-ouvre-les-chemins », représenté dès la dynastie 0 et en tout cas au début de la 1re dynastie, ne sera nommé que par la suite (règne de Chepseskaf) : pierre de Palerme-Caire ; Textes des Pyramides ; voir aussi Baines, J., op. cit.). La mise au monde des étendards de la royauté est liée, à partir de `Aha (deuxième roi de la 1re dynastie), aux tournées royales et à la perception des impôts ; cf. Wilkinson, T. A. H., Royal Annals of Ancient Egypt, Londres et New York, 2000. La pénultième année de `Aha, par exemple, est déterminée par les actions conjuguées shémet Hor et méset Inépou (« la tournée d'Horus », « la mise au monde d'Anubis », op. cit., p. 90). Voir aussi Menu, B., « Mise à mort cérémonielle et prélèvement des impôts sous la 1re dynastie », Archéo-Nil, 11, 2001, p. 164-175. Dès `Aha, les étiquettes en os ou en ivoire – qui archivent les actions royales d'une manière beaucoup plus développée que les étiquettes de la tombe U-j d'Abydos, réduites à leur plus simple expression – montrent l'étendard de la nébride (imy-out) accompagnant l'étendard au faucon, tous deux introduits par le verbe mès, « mettre au monde ». L'imy-out ou « nébride », peau d'animal, représenterait primitivement les entrailles d'Anubis, le dieu-canidé inventeur de l'embaumement, d'après Logan, T. J. (« The origins of the imy-out fetish », JARCE 27, 1990, p. 61-69) ; on verra, pour un panorama des différentes interprétations de l'imy-out : Corteggiani, 2007, s. v. « nébride ». Dans la tradition prédynastique le chien est un symbole de pouvoir, puis de pouvoir royal lors de l'instauration de la monarchie, « ce qui ne fut pas appelé à perdurer » (Hendricks et al., 2009, p. 172). Il faut donc s'entourer de précautions lorsque l'on tente d'identifier les dieux-chiens lors du passage de la dynastie 0 à la 1re dynastie. Le canidé debout sur l'étendard (scène rupestre de Nag el-Hamdulab ; tête de massue dite « du Scorpion » ; tête de massue de Nârmer ; palette de Nârmer) est-il déjà Oupouaout ? Certes, il est représenté debout, comme Oupouaout, tandis que Khentamentyou – ainsi qu'Anubis un peu plus tard – seront représentés couchés. Qu'Oupouaout ne soit nommé qu'ultérieurement ne veut pas dire qu'aux premiers jours de la monarchie le chien debout ne s'appelait pas déjà Oupouaout. Dans un premier temps, l'on se contentera peut-être de constater que le chien, lors du passage de la dynastie 0 à la 1re dynastie, cesse d'être un symbole de pouvoir pour devenir le compagnon divin du roi, tantôt guide et auxiliaire de chasse (Oupouaout, « celui qui ouvre les chemins ») tantôt gardien, avant d'incarner la durée éternelle du souverain sous son épithète Khenty-Imentyou ou Khentamentyou, « Celui-qui-est-à-l'avant-des-Occidentaux (c'est-à-dire des défunts) ». Quant à Anubis, il est lui aussi lié aux débuts de la royauté et aux croyances que celle-ci instaure, en particulier dans le domaine funéraire. Les inhumations de chiens à l'époque prédynastique militent en faveur du rôle surtout protecteur du chien dans et autour des tombes des chefs (Hartley, Archéo-Nil, 25, 2015).
{116} Selon ma démonstration, opérationnelle dès 1996 (Méditerranées 6-7, article repris dans mes Recherches, II, 1998), cette scène rupestre doit donc être attribuée à Nârmer dans la première partie de son règne.
{117} Des lycaons (Lycao Pictus), d'après la forme arrondie des oreilles. Sur le chien et le lycaon pictus : Baines, J., « Symbolic of Roles of Canine Figures on early Monuments », Archéo-Nil, 3, 1993, p. 57-74 ; Hendrickx, S., « The dog, the Lycao pictus and order over chaos in Predynastic Egypt », op. cit.
{118} Nous avons déjà vu plus haut que « Faucon dans/sur la Barque » est un titre porté par Scorpion et Ka, également par Nârmer avec l'épithète « unique » : « Le Faucon Unique (ouâ) dans la Barque (royale) » : recto de la palette de Nârmer (fig. 55). « Faucon dans/sur la Barque » évoque la maîtrise de la navigation par les trois rois de la dynastie 0 (en incluant Nârmer durant la première partie de son règne).
{119} Les serpents entrelacés évoquent aussi la technique de la corde dont l'importance à la fois symbolique et économique à la fin de l'époque prédynastique est considérable (Menu, 1996, 1998) : voir infra. Sur le thème iconographique de l'éléphant et des serpents entrelacés, l'on verra aussi, avec une interprétation magique du thème, l'article récent et bien documenté de Massiera, M., « Des serpents entrelacés et des éléphants. Enquête sur des motifs prédynastiques », in Apprivoiser le sauvage, 2015, op. cit. plus haut, p. 245-261.
{120} Dernièrement, avec les références antérieures : Hendrickx, S., Eyckerman, M., « Visual représentation and state development in Egypt », Archéo-Nil, 22, 2012, p. 23-72.
{121} Voir en dernier lieu : Somaglino, Cl., Tallet, P., « Une campagne en Nubie sous la 1re dynastie. La scène nagadienne du Gebel Sheikh Suleiman comme prototype et modèle », NéHet I (revue numérique), p. 1-46, avec une photographie de la scène (Needler, JARCE, 6, 1967, pl. I, fig. 1).
{122} En dernier lieu : Wilkinson, T. A. H., « Narmer and the concept of the Ruler », JEA, 86, 2000, p. 23-32 ; Ray, J. D., « The Name of King Narmer », LingAeg, 11, 2003, p. 131-148, et « The name of King Narmer. Postscript », Göttinger Miszellen, p. 201, 204, 211 ; Pätznick, J.-P., « Encore et toujours l'Horus “Narmer” ? Vers une nouvelle approche de la lecture et de l'interprétation de ce nom d'Horus », in Régen, I., Servajean, F., Verba manent. Recueil d'études dédiées à Dimitri Meeks (CENiM 2), Montpellier, 2009, p. 307-324 ; id., « Ab-Hor, “Désiré d'Horus”, et le poisson silure électrique tacheté », in Massiera, M., Mathieu, B., Rouffet, F. (éd.), Apprivoiser le sauvage/Taming the Wild (CENiM 11), Montpellier, 2015, p. 287-291.
{123} Brewer, D. J. Friedman, R. F., Fish and Fishing in Ancient Egypt, Warminster, 1989, p. 63 ; Menu, B., « Aspects du symbolisme animal dans l'Egypte du IVe millénaire », in Massiera, M., Mathieu, B., Rouffet, F. (dir.), Apprivoiser le sauvage/Taming the Wild, CENiM, 11, 2015, p. 275-286, avec les références bibliographiques.
{124} Cf. Menu, B., « Aspects du symbolisme animal... », in Apprivoiser le sauvage... (CENiM 11), 2015, op. cit., p. 275-286.
{125} Voir Menu, B., Maât. L'ordre juste du monde, Paris, Michalon, coll. « Le Bien commun », 2005, réimpr. 2010 ; à compléter par Menu, B., « Maât fille de Rê », DBAT, 12, Heidelberg, 1991, p. 55-60 (= Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte II, Le Caire, IFAO, 1998, p. 225-229) ; ead., « Le tombeau de Pétosiris (2). Maât, Thot et le droit », BIFAO, 95, 1995, p. 281-295 ; ead., « Introduction à l'analyse du régime pharaonique : Maât, la Référence », Droit et Cultures, 42, 2001, p. 127-145 (= Egypte pharaonique. Nouvelles recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, Paris, L'Harmatttan, 2004, p. 85-99) ; ead., « La notion de maât dans l'idéologie pharaonique et dans le droit égyptien », in Anagnostou-Canas, B. (éd.), Dire le droit : normes, juges, jurisconsultes, Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2006, p. 33-44 ; ead., « Ne pas procéder. Règles éthiques et mesures dissuasives dans l'Egypte pharaonique », in Hoareau-Dodineau, J. et al. (éd.), Procéder. Pas d'action, pas de droit ou pas de droit, pas d'action ?, Limoges, Pulim, 2006, p. 11-22 ; ead., « Maât et le pharaon », in Hoareau-Dodineau, J. et al. (éd.), Le prince et la norme. Ce que légiférer veut dire, Limoges, Pulim, 2007, p. 11-24 ; ead., « Maât au cœur des Justices de l'Invisible : l'état de maâty », in Verdier et al., R., Les Justices de l'Invisible, Paris, L'Harmattan, 2013, p. 182-196 ; ead., Maât, « Ordre social et inégalités dans l'Egypte ancienne. De l'apport égyptien au concept gréco-romain de justice », in Kourilsky-Augeven, C. (dir.), De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalités (Droit et Cultures, 69), 2015, p. 51-73.
{126} Sur le « conflit archaïque » précédant le « mythe osirien » on se reportera en dernier lieu à l'article de Mathieu, B., « Du conflit archaïque au mythe osirien. Pour une lecture sociopolitique du mythe dans l'Egypte pharaonique », Droit et Cultures, 71, 2016, p. 86-117 ; voir aussi Mathieu, B., « Seth polymorphe : le rival, le vaincu, l'auxiliaire », ENiM, 4, 2011, p. 137-158 et « Horus : polysémie d'un théonyme et métamorphoses d'un dieu », ENiM, 6, 2013, p. 1-26.
{127} Le sérekh étant très vraisemblablement originaire de la Basse-Egypte (voir supra), cela expliquerait son adoption comme attribut royal attesté au niveau du territoire entier sous les règnes simultanés et conjoints de Crocodile (Basse-Egypte) et Ka (Haute-Egypte) puis son adoption définitive par ce dernier au cours de son règne non partagé. Scorpion, roi fédéral de la première unification du territoire, n'eut peut-être jamais de sérekh du fait de son origine sudiste, l'habitacle de la royauté, sudiste à l'origine, étant non pas le palais mais la barque royale (voir supra).
{128} Les deux têtes de massues ont été retrouvées côte à côte dans les ruines du Trésor (« Main Deposit ») du temple de Hiéraconpolis (photo Quibell, Hierakonpolis, I, pl. XXV, en bas) tandis que la célèbre palette se trouvait à environ un mètre de là. Ceci démontre la ferme volonté des rois successifs de maintenir dans le même lieu ces trois documents fondateurs, d'une importance cruciale. D'autres massues et palettes dont il reste ici ou là des fragments déclinaient probablement des points particuliers dérivés des principes du « code constitutionnel » tripartite, soigneusement conservé dans le Trésor de Hiéraconpolis.
{129} CNRS Editions, 2010. Il s'agit d'une version remaniée de la conférence inaugurale prononcée lors du colloque international The Political Role of Tribes in the Middle East, Amman (Jordanie), 27-29 octobre 2009.
{130} Op. cit., p. 13.
{131} Op. cit., p. 46.
{132} Voir supra, p. 24-27 à propos de la « révolution néolithique ».
{133} La néolithisation, du fait de la sédentarisation de l'habitat et du stockage des récoltes, fait forcément prendre davantage conscience des nouveaux risques encourus, ce qui entraîna certainement la multiplication et la diversification des recours à des forces invisibles (« déités »).
{134} Dauvillier, J., « Problèmes juridiques de l'époque paléolithique », in Droits de l'Antiquité et Sociologie juridique. Mélanges Henri Lévy-Bruhl, Paris, Sirey, 1959, p. 351-359. Dans la grotte Chauvet (Paléolithique supérieur/ aurignacien, env. 35 000-32 000), des groupes de lionnes et des groupes de chevaux (vraisemblablement de Prjewalski) – autrement dit des animaux chasseurs et des animaux chassés – coexistent et sont représentés avec une noblesse, une sérénité et un respect incroyables, comme si les humains de cette époque (Sapiens et pourquoi pas Néandertal, étant donné que les deux cohabitaient à cette même époque dans la moyenne vallée du Rhône : par exemple Slimak, L., Ardèche-Archéologie 22, 2005, p. 1-7) avaient compris que l'équilibre résulte des contraires.
{135} Ce que semble bien confirmer la Palette de la Chasse.
{136} Celle-ci fut préparée par les fondateurs de l'Etat fédéral, unifié par Scorpion et Ka, les prédécesseurs de Nârmer (voir supra, chap. 1).
{137} [Cf. également « tableau 3 », chap. 1]. On se reportera aux travaux de Maurice Godelier sur les notions d'« invariant », d'« idéel », notamment son ouvrage, L'imaginé, l'imaginaire & le symbolique, Paris, CNRS Editions, 2015, et de Pierre Legendre sur celles de « montage institutionnel », de « tiers institué », notamment : Sur la question dogmatique en Occident, Paris, Fayard, 1999.
{138} Le terme « idéologie » est entendu ici dans le sens d'un système d'idées générales constituant un corpus de doctrine philosophique, religieuse et politique à la base d'un comportement individuel et/ou collectif, excluant toute connotation péjorative.
{139} A traduire d'une manière large : « amener l'ordre de vie/repousser le désordre mortifère ».
{140} Voir tout dernièrement mon article publié dans Droit et Cultures, 71, 2016/1, p. 122, n. 10 (références complètes infra, n. 41) et mes développements dans le chap. 3, ci-après.
{141} Assmann, J., Maât, l'Egypte pharaonique et l'idée de justice sociale, Paris, Julliard, 1989 (2e éd., 1999).
{142} Menu, B., Maât, l'ordre juste du monde, Paris, Michalon, coll. « Le Bien commun », 2005, réimpr. 2010. On verra également les articles complémentaires que j'ai consacrés à maât/Maât depuis 2005 : Menu, B., « La notion de maât dans l'idéologie pharaonique et dans le droit égyptien », in Anagnostou-Canas, B. (éd.), Dire le droit : normes, juges, jurisconsultes, Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2006, p. 33-44 ; ead., « Ne pas procéder. Règles éthiques et mesures dissuasives dans l'Egypte pharaonique » in Hoareau-Dodineau, J. et al. (éd.), Procéder. Pas d'action, pas de droit ou pas de droit, pas d'action ?, Limoges, Pulim, 2006, p. 11-22 ; ead., « Maât et le pharaon », in Hoareau-Dodineau, J. et al. (éd.), Le prince et la norme. Ce que légiférer veut dire, Limoges, Pulim, 2007, p. 11-24 ; ead., « Maât au cœur des justices de l'Invisible : l'état de maâty », in Verdier, R. et al. (éd.), Les Justices de l'Invisible, Paris, L'Harmattan, 2013, p. 182-196 ; ead., « Maât, ordre social et inégalités dans l'Egypte ancienne. De l'apport égyptien au concept gréco-romain de justice », in Kourilsky-Augeven, C. (dir.), De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalités, Droit et Cultures, 69, 2015/1, p. 51-73 ; également l'article cité infra, 2016, n. 41.
{143} Cette idée est à la fois contestée et très contestable. Voir par exemple : Teeter, E., The Presentation of Maat. Ritual and Legitimacy in Ancient Egypt, Chicago, 1997, p. 11-13. La rareté des représentations privées de « piété personnelle » par rapport à la pléthore de ses expressions royales à la même époque, d'une part, et, d'autre part, leur insertion dans un programme décoratif et non idéologique, ne permettent pas de considérer qu'il s'agit d'un changement moral dans la société. Si évolution il y a, elle réside dans le fait que des sentiments ou des émotions jusqu'alors tus par pudeur sont affirmés sans complexe ; à la même époque naissent les chants d'amour dans la littérature alors que le sentiment amoureux n'était sûrement pas inexistant auparavant.
{144} Voir mon article cité à la fin de la n. 7, supra.
{145} Dans mes citations des Textes des Pyramides, je me réfère à l'ouvrage de Faulkner, R. O., The Ancient Egyptian Pyramids Texts, Oxford, 1969, en raison de son accessibilité, sachant que l'édition de base demeure celle de Sethe, K., Übersetzung und Kommentar zu den altägyptischen Pyramidentexten, 6 vol., Gluckstadt, 1935-1939, Hambourg, 1962, et qu'il existe maintenant des publications savantes, excellentes et récentes, dues principalement à J. P. Allen (notamment Allen, J. P., Der Manuelian, P., The Ancient Egyptian Pyramid Texts, Leyde, 2005, 2007, 2015) et à Bernard Mathieu qui prépare une édition complète des Textes des Pyramides.
{146} Notons dès maintenant que Maât, contrairement aux autres « divinités » égyptiennes, n'eut ni animaux sacrés, ni dévotion populaire, ni rôle personnel dans l'élaboration des grands cycles mythiques.
{147} Détournées de leur utilisation originelle à des fins symboliques.
{148} Pour moi les « Enseignements » expriment la doctrine juridique explicitant la plupart du temps les divers aspects de la maât (voir mes articles récents, cités ci-dessus, n. 7, in fine, ainsi que ci-dessous, n. 41).
{149} Celle-ci tisse des liens très étroits avec Maât. Entre autres, l'effigie de Bat sera portée en pendentif sur la poitrine des juges comme et avant celle de Maât : Menu, B., Recherches II, 1998, p. 343-345, et infra, fig. 83.
{150} Cf. Derchain, Ph., « L'Atelier des Orfèvres à Dendara et les origines de l'Alchimie », ChronEg, 65, 1990, p. 219-242, en particulier p. 238-239.
{151} Cenival (de), Fr., Le mythe de l'œil du soleil, Demotische Studien, 9, Sommerhausen, 1988.
{152} Menu, B., « La “voie de Dieu” dans les inscriptions du tombeau de Pétosiris », Trans. 16 (Mél. J. Briend), 1998, p. 21-30, ainsi que Menu, B., « L'apport des autobiographies hiéroglyphiques à l'histoire des deux dominations perses », Trans., 35, 2008, p. 143-163.
{153} Derchain, 1990.
{154} Selon l'expression convenue.
{155} Menu, B., « Captifs de guerre et dépendance rurale dans l'Egypte du Nouvel Empire », in Menu, B. (éd.), La dépendance rurale dans l'Antiquité égyptienne et proche-orientale (BiEtud, 140), Le Caire, 2004, p. 187-209.
{156} Brit. Mus. 20791 + Oxford AM 1892.1171 + fragment de Lucerne.
{157} Louvre E 11052.
{158} La pintade est un symbole d'éternité : Beaux, N., « La pintade, le soleil et l'éternité », BIFAO, 104, 2004, p. 21-38.
{159} Menu, B., « Le rôle économique des dattes dans l'Egypte du Nouvel Empire », in Csabai, Z. (éd.), Studies in Economic and Social History of the Ancient Near East. Papers Dedicated to the Memory of Péter Vargyas (Ancient Near Eastern and Mediterranean Studies, 2), Budapest, 2014, p. 199-215.
{160} Contraction consensuelle de « serpent » et « léopard ».
{161} Voir chap. 1, n. 84, pour les références, en particulier : Baines, 1993, Hendrickx, 1992, 2006, et Hendrickx, Eyckerman, 2012.
{162} Menu, B., « Quelques aspects du symbolisme animal dans l'Egypte du IVe millénaire », in Massiera, M., Mathieu, B., Rouffet, F., Apprivoiser le sauvage/Taming the Wild (CENiM, 11), Montpellier, 2015, p. 275-286.
{163} Voici un exemple explicite. Sur le tableau de droite de l'architrave, au nord et à l'extérieur du propylône d'Amon-Rê-Montou à Karnak, figure une scène de présentation de Maât par Ptolémée III Evergète à Amon-Rê et à son fils Khonsou. Maât est « l'œsophage » d'Amon-Rê dans la légende de cette scène. Le roi déclare au dieu suprême : « Prends pour toi ta Méret (la « méret » est la statuette de Maât assise sur la corbeille) vénérable qu'aime ton ka car ta majesté l'aime – à savoir ton œsophage (littéralement : « le tuyau qui conduit la nourriture ») ; tu vis de la voir ; tu respires le souffle doux grâce à elle ; tu es rassasié quand on te la donne pour tes narines ; ton cœur vit de la voir » : Aufrère, S. H., Le Propylône d'Amon-Rê-Montou à Karnak-nord (MIFAO, 117), Le Caire, 2000, p. 210-211.
{164} Dans les mastabas de l'Ancien Empire le geste de tirer sur la corde (par exemple dans une scène navale) est désigné par le verbe maâ qui évoque fort bien l'idée d'amener un élément favorable : en l'occurrence il s'agit de manœuvrer la voile du bateau pour bénéficier du vent propice. Ce verbe tel qu'il est inscrit en son contexte pourrait être à l'origine du mot maât (mais rappelons-nous qu'on n'explique pas un concept par son étymologie !).
{165} Nouveau-né du bubale : E9, « Sign-list », Gardiner, Egyptian Grammar, Oxford, 3e éd. 1988.
{166} El-Baghdadi, S. G., Archéo-Nil, 9, 1999, p. 5-11 ; id., « Protodynastic and early-dynastic necropolis of Minshaat Ezzat and El-Samarah », in Goyon, J.-C., Cardin, Chr. (éd.), Actes du Neuvième Congrès international des Egyptologues, vol. 1 (OLA 150), Louvain, 2007, p. 487-499, spécialement p. 491 et fig. 3h, p. 493. Il s'agit d'un rare exemple de palette historiée de la fin de l'époque prédynastique trouvée dans son contexte funéraire originel, la plupart des palettes connues provenant d'achats dans le commerce des antiquités au xixe et dans la première moitié du xxe siècle.
{167} L'on ne peut évidemment pas exclure que ces animaux secondaires (crocodile, canard, nouveau-né du bubale, etc.) soient des animaux-symboles exprimant, comme la pintade de la palette du Champ de bataille, une idée complémentaire sur le mode iconique (N. Beaux, n. 23, supra).
{168} Entourant fermement les tiges entrecroisées des plantes symbolisant les Deux-Terres (Haute- et Basse-Egypte), parfois tirées par deux forces opposées incarnant respectivement des déités protectrices ou les dieux tutélaires de chaque grande région.
{169} Plus rarement l'appareil digestif humain (infra). Gardiner, Egyptian Grammar, 3e édition, Oxford, 1988, « Sign-List », place les hiéroglyphes néfer et séma dans la section F : « Parts of Mammals » (F 35 et F 36) alors qu'il s'agit d'organes non pas animaux mais de toute évidence humains : respectivement l'appareil digestif et l'appareil respiratoire
vus de face. Le signe néfer (F35, à gauche) ne représente certainement pas l'ensemble « trachée et cœur » mais clairement le système digestif humain : œsophage et ensemble foie-pancréas/estomac-intestins en leurs trois étages superposés ; voir plus loin les fig. 73 et surtout 75.
{170} Voir Mathieu, B., « Seth polymorphe : le rival, le vaincu, l'auxiliaire », ENiM, 4, 2011, p. 137-158.
{171} Autobiographie de Chéchi, 5e dynastie, parmi de nombreux exemples : Roccati, A., La littérature historique sous l'Ancien Empire égyptien, LAPO, 11, Paris, Le Cerf, 1982, p. 144-145.
{172} Supra, Préambule, p. 7-8, Graffito Hatnoub, [Anthes] no12 (début Moyen Empire) : Lichtheim, M., Maât in Egyptian Autobiographies and Related Studies (OBO 120), Fribourg, 1992, p. 27-28.
{173} Pour une analyse de Ptahhotep et d'Ipouour dans cette optique on verra mon article publié dans Droit et Cultures, 69, 2015/1, cité supra à la n. 7, in fine.
{174} Menu, B., Droit et Cultures, 71, 2016/1, p. 119-145.
{175} Remontant aux origines de la royauté, dès la fin du IVe millénaire, ces textes furent très vraisemblablement compilés par Chepseskaf, dernier roi de la 4e dynastie ; cf. Menu, B., « Chepseskaf, pharaon intermédiaire ? », EAO, 15, 1999, p. 51-56, et Recherches, III, p. 127-134 ; voir aussi Kitchen, 1998.
{176} L'Histoire de Sinouhé est également un texte didactique exposant les principes étonnamment modernes d'une théorie juridique de la responsabilité et de la culpabilité : Menu, B., « Le manquement professionnel au Moyen Empire et dans les inscriptions de Pétosiris (IVe s. av. J.-C.) », in Menu, B. (dir.), Le juste et le sacré. Les territoires de la faute (Égypte ancienne, Mésopotamie, Monde biblique), Droit et Cultures, 71, 2016/1, p. 119-145.
{177} Mathieu, B., « La complainte de Khâkhéperrê-Seneb », EAO, 2, 1996, p. 13-18.
{178} Voir les n. 7 et 41 supra.
{179} Menu, B., « Le tombeau de Pétosiris (2) : Maât, Thot et le droit », BIFAO, 95, 1995, p. 281-295.
{180} Voir les n. 39 et 41, supra.
En outre, le fait de s'écarter de la maât d'une manière totalement non intentionnelle crée dans certains cas autour de soi une zone d'ombre dérangeante, tolérée mais non souhaitée. Ainsi les individus atteints de maladies affectant la peau (lèpre, variole), les épileptiques, les prostituées itinérantes ou les vagabonds du fait d'une tare physique, sont des marginaux dans la société égyptienne parce qu'ils échappent à la normalité de la vie sociale et à la pratique de la maât qui exige une contribution volontaire de chacun. « Les exclus de la Maât ne sont pas vraiment sous l'emprise d'isfet, mais paraissent davantage manquer d'oudjat (santé) et de ouâb (pureté) » (Spieser, C., ChronEg, 83, 2008, p. 127, compte rendu de l'ouvrage de Fischer-Elfert, H.-W., Abseits von Maât. Fallstudien zu Aussenseitern im Alten Ägypten, Wahrnehmungen und Spuren Altägyptens, 1, Würzburg, 2005).
{181} Toutefois la traduction « offrande » rend compte du geste royal et du rituel tous deux étroitement apparentés aux « scènes d'offrande » en général, ayant pour objet des vivres et autres produits. Maât est symbolisée par « la trachée, l'œsophage » (voir plus haut, n. 28 et 34), ainsi que le proclament les commentaires ptolémaïques, car elle apporte aux divinités, garantes de l'existence même du genre humain, le souffle et la nourriture qui entretiennent la vie. L'image de l'œsophage source de bien-être est présente dans l'iconographie (cous démesurément allongés d'animaux réels ou fantastiques) dès la dynastie 0 (voir supra l'iconographie du séma-taouy ou « Union des Deux-Terres », l'un des deux principaux rituels, avec celui du « Triomphe royal », symbolisant l'exercice de la royauté).
{182} Teeter, E., The Presentation of Maat. Ritual and Legitimacy in Ancient Egypt (Studies in Ancient Oriental Civilization, 57), Chicago, 1997 ; Spieser, C., Les noms du Pharaon comme êtres autonomes au Nouvel Empire, OBO, 174, Fribourg, 2000 ; Lurson, B., « L'offrande du nom au Nouvel Empire : l'importance du sphinx Karnak-nord Inv. 839 », ZÄS, 126, 1999, p. 55-60.
{183} Traduction d'après la transcription hiéroglyphique de Kitchen, K. A., Ramesside Inscriptions, V, 1, Oxford, 1970, p. 115-15 à 116-1.
{184} Réparti en ses deux aspects principaux d'ordre universel et de justice humaine.
{185} Oréal, E., RdE, 59, 2008, p. 335-356.
{186} Alexandre le Grand ou peut-être son fils, Alexandre fils d'Alexandre (Alexandre IV Aegos).
{187} Friedman, R., « Pebbles, Pots and Petroglyphs. Excavations at HK 64 », The Followers of Horus (Mél. M. A. Hoffman), Oxford, 1992, p. 99-106.
{188} Menu, 2006, 2015 (voir plus haut, ainsi que la n. 7 supra).
{189} Voir mon article dans Droit et Cultures, 69, 2015, cité à la n. 7 supra, in fine.
{190} Le « vizir » n'est pas une sorte de premier ministre (chef du gouvernement) ainsi qu'il est fréquemment affirmé dans les écrits égyptologiques mais le chef de l'administration et le délégué (éventuellement substitut) du roi.
{191} Quack, J. F., « Le manuel du temple – une nouvelle source sur la vie des prêtres égyptiens », EAO, 29, 2003 p.11-18.
{192} Menu, B., « La “voie de Dieu” dans les inscriptions du tombeau de Pétosiris », Trans. 16 (Mél. J. Briend), 1998, p. 21-30 ; ead., « L'apport des autobiographies hiéroglyphiques à l'histoire des deux dominations perses », Trans., 35, 2008, p. 143-163.
{193} Menu, B., « L'apport... », Trans. 35, 2008, op. cit.
{194} Gabolde, M., « Une interprétation alternative de la “Pesée du cœur” du Livre des Morts », EAO, 43, 2006, p. 11-22.
{195} C'est le sens qu'il faut attribuer à cette sentence : cf. t. 2, chap. 1. Barguet, P., op. cit., en donne une traduction littérale : « Je n'ai pas commencé de journée ayant reçu une commission de la part des gens qui devaient travailler pour moi, et mon nom n'est pas parvenu aux fonctions d'un chef d'esclaves ». Nous verrons en outre ultérieurement (t. 2, chap. 1) que le terme « esclave », totalement inapproprié dans le cadre institutionnel de l'Egypte pharaonique, doit être remplacé par celui de « serviteur », « dépendant », voire « relevant ».
{196} D'autres interprétations des Deux Maât ont été proposées. Ce serait :
– un moyen d'intensifier la notion en la doublant (Breasted) ;
– une allusion aux prétentions rivales de deux plaideurs (Gardiner) ;
– une métaphore pour la vie et la mort (Bleeker) ;
– une façon d'exprimer l'autorité judiciaire suprême sur les Deux-Terres, Haute- et Basse-Egypte (Gwyn Griffiths, J., 1994, résumant les opinions précédentes) ;
– une assimilation à Isis et Nephtys (Barguet) ;
– l'élément masculin et l'élément féminin de Tefnout (Shirun-Grumach, I.) ;
– les Deux Maât peuvent d'ailleurs être sexuellement différenciées et représentées par un homme et une femme, tous deux coiffés de la plume d'autruche (Corteggiani, 2007, p. 305) ;
– etc.
Aucune de ces explications n'est à elle seule satisfaisante.
{197} Sur l'assistance judiciaire : Menu, B., Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte II, (Bibliothèque d'Etude, 122), Le Caire, IFAO, 1998, p. 247-254.
{198} Nous y reviendrons ultérieurement dans le second volume du présent ouvrage, consacré aux aspects socio-juridiques de la vie égyptienne au cours de son histoire dans l'Antiquité.
{199} Voir à ce sujet les références citées dans mon article de Droit et Cultures, 69, 2015 (cf. ci-dessus, n. 7 in fine). A l'appui du constat de la fascination de Platon pour l'Egypte il faut ajouter : Mathieu, B., « En ce temps-là... Voyage d'un incipit narratif égyptien des bords du Nil à l'Agora (Platon, Phèdre, 274 d) », Nova Studia Aegyptiaca IX (Mélanges Josep Padró), Barcelone, 2014, p. 381-391, et le mémoire subtil, savant et abondamment documenté de Mathieu, Fr., Platon. Un regard sur l'Egypte, mémoire de Master II en philosophie, université Montpellier III-Paul Valéry, 2014, 320 pages.
{200} Les lignées familiales (par filiation et par alliance), ainsi que les catégories sociales (armée, clergé, haute administration) ayant vocation à gouverner, ont joué un rôle capital dans la dévolution de la fonction royale. Nous avons mentionné précédemment le cas de la 13e dynastie qui a vu se succéder des familles plutôt que des individus au pouvoir. Citons l'exemple célèbre, à l'issue de la 18e dynastie en voie d'extinction, du général et roi Horemheb désignant pour lui succéder sur le trône un autre général déjà âgé (le futur Ramsès Ier qui régnera seulement un an) vraisemblablement en raison de sa descendance prometteuse. Il était en effet le père d'un personnage brillant aux qualités remarquables (le futur pharaon Séthy Ier) et le grand-père d'un adolescent robuste et déjà valeureux qui régnera pendant soixante-sept ans sous le nom d'Ousermaâtré-Mériamon, le célèbre Ramsès II. Horemheb appelait ainsi à la royauté une dynastie plutôt qu'un personnage particulier, ceci afin de parachever le travail de restauration entrepris après l'épisode amarnien, de renforcer la royauté et de l'asseoir fermement.
{201} Jamais les pouvoirs locaux ne furent totalement évincés de la vie politique, en dépit des conséquences des phénomènes successifs de centralisation/décentralisation et de concentration/déconcentration du pouvoir que l'on observe au cours de l'histoire. Auxiliaires du monarque lors de la première centralisation/concentration du pouvoir dans le dernier quart du IVe millénaire (cf. plus haut, chap. 1), les chefs provinciaux devenus gouverneurs de provinces administratives sous l'égide de leurs dieux tutélaires gardèrent une vocation à occuper le trône des Deux-Terres en cas d'affaiblissement ou de vacance du pouvoir royal.
{202} La référence horienne, le mythe osirien, le culte solaire, la gloire du dieu Amon, ses déboires à l'époque amarnienne et son retour en force, associé au dieu créateur Rê sous les Ramsès, jouèrent un rôle de plus en plus considérable dans l'histoire dynastique et dans l'orientation politique du régime pharaonique en suscitant des clergés influents et intimement liés à l'idéologie royale, sans jamais remettre en question les trois dogmes à l'origine des principes immuables que j'ai définis aux chapitres précédents.
{203} Cf. principalement : Posener, G., Littérature et politique dans l'Egypte de la XIIe dynastie, Paris, 1969 ; id., L'enseignement loyaliste, sagesse égyptienne du Moyen Empire, Genève, 1976 ; Blumenthal, E., Untersuchungen zum ägyptischen Königtum des Mittleren Reiches, I, Die Phraseologie, Berlin, 1970 ; Grimal, N., Les termes de la propagande royale égyptienne de la XIXe dynastie à la conquête d'Alexandre, Paris, 1986.
{204} L'imyt-per, littéralement, « Ce qui est dans la Maison » est un acte juridique écrit, solennel et soigneusement enregistré aux archives de l'administration centrale, par lequel le disposant transmet au bénéficiaire un ensemble indivisible de biens et de revenus. Sur la nature juridique de l'acte d'imyt-per : Menu, B., RdE 23, 1971, p. 155-163 (Menu, B., Recherches I, 1982, p. 200-215). Cette étude propose la seule définition juridiquement fondée de l'acte d'imyt-per. « [L'imyt-per] est le moyen d'assurer l'intégrité permanente d'une masse de biens <essentiellement mobiliers et, parmi ces derniers, autant incorporels que corporels> ayant une affectation spéciale », cette dernière étant la plupart du temps d'ordre cultuel ou funéraire.
{205} C'est bien au droit égyptien ancien, en effet, et à ses raffinements dès le IIIe millénaire, que nous devons les locations de terres de plus ou moins longue durée, de l'emphytéose à la prise à bail d'une parcelle pour une durée en principe d'une année ; le droit égyptien ancien connaissait tous les types de cessions, de concessions, de partages et de transmissions d'usufruits tels, entre autres : les fondations funéraires, les constitutions de rentes, le fermage et le métayage, la tenure en censive, ainsi que toutes sortes de contrats et conventions comme, par exemple, l'échange d'un droit d'utilisation d'une parcelle cultivable contre la cession d'une vache, etc. A ces catégories juridiques s'ajoutent les différents modes économiques d'exploitation du sol (par exemple le faire-valoir indirect, largement répandu dans l'Egypte pharaonique, voir infra).
{206} Nous verrons que l'exploitation minière dans les régions désertiques constitue l'autre volet d'un secteur primaire particulièrement riche dans l'économie de l'Egypte antique. La production du sous-sol était néanmoins largement tributaire de la production alimentaire qui permettait de doter en vivres abondants les membres des expéditions (t. 2, chap. 1).
{207} Mes recherches récentes conduisent à remplacer le concept d'usurpation par celui d'alternance politique, instauré sciemment dès les origines et mis en œuvre, lors des périodes de crise, tout au long de l'histoire pharaonique : voir les chap. 1 et 2, la n. 2 supra et la n. 11 infra.
{208} Leçons au Collège de France, 1992-1993.
{209} « Propriété éminente », dominium directum, ou encore « directe universelle » : ces appellations empruntées à la terminologie juridique médiévale héritière du droit romain définissent le droit exercé en premier lieu par le roi sur le territoire égyptien parce qu'il est le fils unique de Rê, créateur et dieu suprême, et l'héritier d'Horus, le souverain mythique de l'Egypte. Il lui est loisible à tout moment, à condition que son acte soit justifié, de recouvrer l'intégralité de son droit éminent sur les terres. Dans la pratique, le pharaon délègue l'exercice de son droit de propriété à ceux qu'il investit d'une part d'autorité : hauts dignitaires et représentants des dieux reçoivent la « propriété utile », ou dominium utile, sur les portions de territoire qu'ils font fructifier et dont ils recueillent une partie des revenus, selon la technique juridique définie à l'époque médiévale sous le nom de beneficium ou bénéfice foncier, domaine mis en valeur par le bénéficier. L'ensemble foncier ainsi constitué pouvait aussi être divisé et réparti entre les titulaires de tenures civiles ou militaires (dont certaines dépendaient directement de l'administration des biens fonciers de la Couronne). Les tenures étaient susceptibles d'être louées en tout ou en partie et partagées à leur tour en terrains plus petits. En dehors ou à l'intérieur du système des tenures, le bénéficier – que d'un point de vue sociologique, C. Eyre désigne comme « absentee lord » (Allam [éd.], 1994) parce qu'il ne vit pas sur le domaine agricole exploité – peut, de sa propre initiative, louer ou donner à ferme les champs dont il a la propriété utile. On doit garder à l'esprit l'extrême complexité du régime agraire dans l'Egypte pharaonique. Chacun des démembrements de la propriété est assorti de droits qui pouvaient faire l'objet d'aliénations, de cessions de toutes sortes ou de transmissions. Aux divers démembrements de la propriété utile correspondent des termes techniques qui impliquent la perception d'un droit de mutation : on verra plus loin, par exemple, la stèle de l'Apanage (Menu, 1989, 1998) ou les papyrus de Turin 2.118 = 246 et 2.120 = 247 (Malinine, 1953). Tout cela différencie profondément le droit égyptien du droit romain qui, à travers la propriété quiritaire, favorisa l'existence d'une propriété privée pleine et entière. En revanche, comme nous le verrons au long de nos développements, la spécificité et la finesse du droit égyptien ancien ont nécessairement influencé le droit romain dans certaines de ses évolutions. L'on gardera à l'esprit que la conception égyptienne de l'immortalité de la personne humaine engendra d'une manière très précoce des solutions juridiques telles que la cession et la transmission de droits et non de biens, afin d'assurer la permanence des circuits économiques destinés à l'entretien des défunts pour leur survie.
{210} Lors de la mise en place des structures étatiques par Nârmer-Mény (ou Ménès), les pouvoirs fédérés symbolisés par leurs divinités tutélaires furent confirmés dans leur statut d'alliés de l'autorité fédérale devenue monarchie absolue. Mis de ce fait en réserve de la royauté, ils eurent dès lors vocation à exercer d'une manière subsidiaire, en cas de vacance du trône ou de défaillance du pouvoir central, les droits et les devoirs régaliens. C'est ce qui se passa au long de l'histoire pharaonique à chaque effondrement de l'autorité unique (Menu, 1998 et 2003). Ce principe a permis la continuité du dogme pharaonique : lors des crises de la monarchie, les pouvoirs locaux assuraient le relais et, en attendant la manifestation d'un nouveau roi fort et unique, ils incarnaient l'autorité morcelée sous l'égide de leurs divinités respectives (Menu, 1995 et 2005). Le phénomène de glissement d'obédience de la sphère royale vers la sphère divine/locale ainsi mis en évidence, apparaît d'une manière très nette sous les dynastes de la Première Période intermédiaire ; voir les exemples réunis d'un autre point de vue par J. C. Moreno Garcia, « Elites provinciales, transformations sociales et idéologies à la fin de l'Ancien Empire et à la Première Période intermédiaire », in Pantalacci, L., Berger-el-Naggar, C. (éd.), Des Néferkarê aux Montouhotep. Travaux archéologiques en cours sur la fin de la VIe dynastie et la Première Période Intermédiaire, Travaux de la Maison de l'Orient Méditerranéen, 40, Lyon, 2005, pour les références aux sources. L'exemple de la Basse Epoque est également très significatif. Ce constat historique doit être complété par une considération d'ordre théologico-idéologique selon laquelle la royauté est conçue comme une notion divine et diffuse (Posener, 1960) : canalisée comme dans un fleuve en la personne du pharaon aux époques de monarchie forte, elle se diffracte en plusieurs réseaux au travers des dieux locaux et de leurs représentants dans les périodes troublées.
{211} Et sur le sous-sol, selon les époques, par exemple l'exploitation des carrières de calcite ou travertin (albâtre d'Egypte) à Hatnoub par les nomarques du Lièvre (Moyen Empire) ou des mines d'or du Ouadi Hammamat par le temple d'Amon (Nouvel Empire) : cf. t. 2, chap. 1.
{212} Il ne faut pas confondre l'autorité limitée temporairement, exercée par un haut fonctionnaire provincial sur un territoire agricole avec la possibilité d'en percevoir les revenus (propriété utile), et la faculté pour le détenteur d'un tel domaine de transmettre à ses héritiers, avec l'aval de l'administration centrale, une part d'usufruits issus de l'exploitation des terres qui lui ont été confiées durant l'exercice de ses fonctions par l'autorité suprême. Le procédé de la fondation funéraire consiste en la possibilité de transmettre aux successeurs suffisamment de revenus pour le culte post mortem du défunt, en assurant à celui-ci vivres et tous biens de consommation en vue de sa vie dans l'au-delà pour une durée éternelle. Les héritiers désignés sont souvent les enfants du défunt formant un conseil de « serviteurs du ka » sous l'autorité de l'un d'eux, la plupart du temps l'aîné(e), mais ils peuvent aussi être choisis hors du cercle familial, dans l'entourage proche du défunt. Prenons pour exemple l'inscription de Nykaânkh à Tehneh. Dans sa disposition testamentaire, le bénéficiaire du tombeau lègue ses usufruits à tous ses enfants, en indivision, afin qu'ils procèdent, sous l'autorité du fils aîné, aux services d'offrandes cérémonielles à l'intention de leur père défunt, aussi bien au quotidien que lors de certaines fêtes. Le but de l'inscription est le partage des compétences entre le fils aîné et ses frères et sœurs constitués en collège de hémou-ka, « serviteurs du ka ». Les serviteurs du ka agiront sous l'autorité du fils aîné mais ils feront les comptes collégialement pour le défunt, sous le contrôle du fils aîné, lors des offrandes funéraires journalières et à l'occasion des fêtes (Menu, B., Droit et Cultures, 71, 2016/1, p. 122, n. 10).
{213} Voir Menu, B., « Le bornage territorial et ses garanties dans l'Egypte pharaonique », Droit et Cultures, 41, 2001, p. 9-30 ; « L'arpentage, le roi et les dieux », in Aufrere, S. H. (dir.), ERUV, I, Montpellier, 1999, p. 81-98.
{214} Luft, U., in Menu, B. (éd.), Les problèmes institutionnels de l'eau en Egypte ancienne et dans l'Antiquité méditerranéenne (BiEtud 110), Le Caire, 1994, p. 250.
{215} A la suite des recherches récentes dans les domaines de l'agronomie et de l'archéologie, les théories relatives aux grands empires hydrauliques, en vogue dans les années 1970 (liées principalement aux travaux de Wittfogel, K., Oriental Despotism : A Comparative of Total Power, New Haven, 1957 ; trad. fr. Le despotisme oriental, Paris, 1964 ; cf. Vidal-Naquet, P., « Histoire et idéologie : Karl Wittfogel et le concept du “mode de production asiatique” », Annales. Economie, Sociétés, Civilisations, vol. 19, no3, 1964, p. 531-549), sont peu à peu battues en brèche pour faire place à des points de vue qui tendent à remplacer la notion de planification étatique originelle, dès les premières dynasties, par celle d'une confirmation au sommet de l'Etat des méthodes empiriques pratiquées depuis longtemps au niveau local et régies par des coutumes ancestrales. Voir également : Manning, J. G., « Irrigation et Etat en Egypte antique », Annales. Histoire, Sciences sociales, 2002/3, p. 611-623. T. Ruf, (in Menu, B. (éd.), Les problèmes institutionnels de l'eau, 1994, p. 281) considère que « le terme “irrigation” est d'ailleurs impropre pour qualifier l'ensemble de l'hydraulique et de l'agriculture antiques » : il est préférable selon lui d'employer les expressions submersion contrôlée et culture de décrue. Selon cet auteur, le chadouf, appareil relativement rudimentaire de montée de l'eau par levage, d'un étage inférieur à un étage supérieur, n'était employé que pour arroser les jardins des élites du pays. La saqqia et la vis d'Archimède furent introduites tardivement en Egypte (époque ptolémaïque).
{216} Très certainement Nârmer (cf. supra, chap. 1).
{217} Une personnification de l'idée de justice et d'harmonie cosmique étroitement associée à la notion de maât et la précédant de peu aux origines de l'Etat.
{218} Dans Detienne, M., Hamonic, G. (éd.), La déesse-parole. Quatre figures de la langue des dieux, Paris, 1995, G. Charachidzé décrit ainsi le marquage d'un territoire sacré par les porte-étendard des groupes chamanistes géorgiens : le porte-étendard marche en levant vers le ciel un bâton décoré, surmonté d'un symbole ; lorsque le dialogue est instauré avec le dieu, le porte-étendard retire le linge qui entoure le bâton et le met sur son bras, pour que le dieu vienne s'y poser « comme un faucon apprivoisé » ; le porte-étendard suit alors la trace invisible que le dieu lui indique.
{219} Le chien, compagnon du roi, préfigure à la fois Oupouaout, Khentyamentiou et Anubis, dieux-chiens associés aux rites funéraires (voir chap. 1, n. 84) ; il symbolise la vie éternelle du souverain au-delà du tombeau, les nécropoles étant situées en principe à l'ouest du Nil.
{220} Voir chap. 1 : les fragments parallèles montrent que, outre les sandales du roi, ce personnage porte le matériel d'ablutions du souverain : aiguière, bassin, serviette.
{221} Pour l'époque ramesside, par exemple, on verra la stèle de Stuttgart (Kessler, D., « Eine Landschenkung Ramses'III », SAK, 3, 1975, p. 103-104 et pl. II, plus loin fig. 99) ou l'inscription de Pennout à Aniba (Steindorff, G., Aniba, Mission archéologique de Nubie 1929-1934, SAE, t. II, Le Caire, 1937, pl. 101).
{222} Nous verrons dans le t. 2, chap. 1, du présent volume (HESAE I) que technique et symbolique sont souvent étroitement associées pour une efficacité optimale.
{223} Notons qu'au cours de l'histoire pharaonique les dignités militaires sont exercées par de hauts fonctionnaires de l'Etat et/ou des temples. Par exemple, le vizir Ouni (6e dynastie) était général en chef des armées, et le général Hérihor devint premier prêtre d'Amon et administrateur des biens du dieu sous la 21e dynastie.
{224} Goyon, J. C., « Le Roi-frontière », in Roman, Y. (dir.), La frontière, Travaux de la Maison de l'Orient, 21, Lyon, 1993, p. 9-15.
{225} Galán, J. M., Victory and Border. Terminology related to Egyptian Imperialism in th XVIIIth Dynasty (HÄB, 40), Hidelsheim, 1995, p. 101-103.
{226} La 12e dynastie eut à accomplir un profond et colossal travail de refondation, d'expansion et de justification, après les troubles de la première période intermédiaire qui mirent fin à l'Ancien Empire.
{227} Galán, 1995, p. 108.
{228} Le dieu Atoum représente le soleil au plus fort de son parcours diurne ; il fait venir le roi à l'existence « pour être maître de toute terre » (par exemple : Yoyotte, J., « La stèle de Ramsès II à Keswé et sa signification historique », BSFE, 144, 1999, p. 44-58).
{229} Sur les stèles-frontières ainsi que sur les stèles-bornes, les inscriptions sont souvent surmontées du signe représentant le ciel s'appuyant symétriquement sur deux sceptres-ouas, symboles de domination et de propriété royale (dominium) sur toute la terre d'Egypte.
{230} Galán, 1995, p. 105-106.
{231} Voir mes développements : Menu, B., « L'arpentage, le roi et les dieux », in Aufrère, S. H. (éd.), Encyclopédie Religieuse de l'Univers Végétal I (Or. Monsp., 10), Montpellier, 1999, p. 89-98.
{232} Menu, B., « Le bornage territorial et ses garanties dans l'Egypte pharaonique », Droit et Cultures, 41, 2001, p. 9-30 (= Recherches III, 2004, p. 299-319).
{233} L'uraeus est l'insigne sacré du cobra femelle dressé, porté au front des dieux et des rois afin de manifester leur puissance et leur capacité d'assurer la protection et la prospérité du pays et de ses habitants.
{234} Pour un résumé des positions respectives des auteurs, voir Menu B., in Aufrère (éd.),1999, p. 91, 96-97. Pour ma part je penche en faveur de Khnoum, clairement lié à l'acte d'arpentage tandis que Thot en est l'ordonnateur.
{235} Voir Menu, 1999 et 2001, 2004.
{236} Celui-ci relève directement du vizir qui lui-même peut porter le titre de Directeur des Champs dès l'Ancien Empire. Au sommet de la hiérarchie administrative le vizir est le haut responsable direct des deux secteurs les plus importants pour l'économie : la production agricole et l'organisation du travail.
{237} La règle (hep : voir chap. 2, et ultérieurement, HESAE, II) désigne en l'occurrence à la fois le document qui fait figure de texte de loi (le cadastre) et les règlements qui régissent l'opération d'arpentage.
{238} Quirke, 1999, p. 186.
{239} Husserl, E., L'origine de la géométrie, traduction et introduction par J. Derrida, Paris, 1962.
{240} Voir Menu, B., « Le serment et l'idéologie pharaonique », à paraître.
{241} Cf. Recherches II, 1998, et HESAE, vol. II, à paraître ultérieurement.
{242} Les récentes fouilles allemandes sur le site d'Eléphantine ont permis de mettre au jour les ruines, datées des 2e-3e dynasties, d'enceintes sacrées et de sanctuaires qui recouvrent des constructions plus anciennes remontant à l'époque prédynastique (dynastie 0) ; voir, par exemple Seidlmayer, S. J., « Town and State in the Early Old Kingdom. A View from Elephantine », in Spencer, J. (éd.), Aspects of Early Egypt, Londres, 1996, p. 108-127. Sur ce site, des sceaux et empreintes de sceaux des 2e-3e dynasties attestent le lien qui existait dès les très hautes époques entre l'administration centrale et le temple (Pätznick, J.-P., CRIPEL, 22, 2001, p. 137-151).
{243} L'espace territorial délimité par les stèles-frontières d'Akhénaton comportait peut-être déjà des possessions agricoles relevant de grands temples thébains, memphites ou héliopolitains, ainsi que l'atteste plus tardivement le P. Wilbour, d'époque ramesside, qui concerne également cette aire géographique située en Moyenne Egypte (voir plus loin).
{244} La référence indiquée entre parenthèses renvoie à la liste et à la classification de Meeks, D., « Les donations aux temples... », Louvain, 1979, p. 657-687. Cette énumération comporte 130 documents auxquels il faut ajouter quelques-uns des cas douteux cités à la suite ainsi qu'un document nouvellement publié : Meeks, D., ENiM 2, 2009, p. 129-154. Dans l'exemple ci-dessus, selon la désignation adoptée par D. Meeks, le premier chiffre – « (18) » – désigne la dynastie, le second se réfère au règne, et le troisième, à la position chronologique du document à l'intérieur du règne.
{245} J. C. Moreno Garcia (CRIPEL, 25, 2005, p. 11-78) distingue deux pôles, bien séparés, de l'agriculture à l'époque pharaonique : celui de « l'agriculture institutionnelle » et celui de « l'agriculture domestique », alors que, nous le verrons, le premier recouvre nécessairement le second et englobe son fonctionnement dans ses propres stratégies gestionnaires, économiques et fiscales, ce qui rend caduque la dichotomie proposée. C'est à bon droit que ce chercheur suggère d'ajouter aux sources textuelles et iconographiques les contributions des prospections archéologiques à la connaissance des outils et des techniques ou au repérage des anciens « parcellaires » (le parcellaire étant un cadastre, je pense que l'auteur veut évoquer ici les traces laissées, dans certaines régions aujourd'hui désertiques, par d'anciennes limites de champs). Force est pourtant de constater que les premières sont très abondantes alors que les secondes n'ont fourni jusqu'à présent que des indices, certes très intéressants, mais la plupart du temps très ténus et non déterminants. Enfin, la remarque suivante de J. C. Moreno Garcia : « l'étude des économies anciennes a été souvent effectuée à partir de perspectives biaisées qui privilégient les approches juridiques... » (op. cit., p. 15) m'inspire une perplexité d'autant plus grande que son auteur utilise lui aussi une terminologie et des schémas juridiques (car il est impossible, lorsque l'on aborde les questions agraires dans un régime politique quel qu'il soit d'esquiver l'analyse des liens de droit auxquels elles donnent lieu) mais la plupart du temps d'une manière très confuse et inappropriée, aggravée encore par le mélange des genres, des sources, des aires géographiques et des époques (comparaison n'est pas raison et le comparatisme doit se limiter aux ensembles et aux éléments comparables).
{246} Voir le chap. 1 ci-dessus, et plus haut, ainsi que mes principaux articles sur cette question, cités à la n. 14, supra.
{247} Le signe de la houe, sur les documents des époques archaïques, a pu être interprété de deux façons : pour certains auteurs la houe évoque un acte de fondation tandis que pour d'autres elle est un instrument de destruction. Voir infra.
{248} Voir, sur cette dialectique qui subsiste à l'époque gréco-romaine, la brillante analyse de Derchain, Ph., « L'Atelier des Orfèvres à Dendara et les origines de l'Alchimie », ChronEg LXV/130, 1990, p. 219-242. Voir supra les chap. 1 et 2.
{249} Cf. l'étude de Moreno Garcia, J. C., Hwt et le milieu rural égyptien du IIIe millénaire. Economie, administration et organisation territoriale, Paris, 1999. Très riche par ses nombreuses références aux sources, cet ouvrage pèche toutefois par l'absence de notions juridiques adéquates dans les termes de l'analyse et par l'obscurité dans les définitions qui en résulte. On retiendra surtout que l'auteur propose de voir, dans le signe hiéroglyphique désignant la hout, la projection en élévation d'un édifice en forme de tour, le rectangle inscrit dans la façade de la hout représentant la porte de la tour, et non le « château », centre administratif et économique du domaine inscrit en plan dans un périmètre rectangulaire, selon l'explication traditionnelle. L'existence de plusieurs petits carrés ou rectangles à l'intérieur du périmètre primitif de la hout milite plutôt en faveur d'un plan au sol de l'exploitation agricole, de forme rectangulaire, à l'instar du dessin générique qui représente un champ, de même que le territoire égyptien.
{250} Voir supra et, sur la nature juridique des dotations funéraires privées, Menu, B., Recherches, II, Le Caire, IFAO, 1998, p. 155-159.
{251} Dernière publication, avec les références antérieures : Farout, D., « La fondation funéraire de Nykaiânkh II à Tehneh el-Gebel », Egypte, Afrique & Orient, 77, 2015, p. 3-11. Cependant, j'ai proposé (supra, n. 13) une traduction et une interprétation différentes de celles de l'auteur, compte tenu du contexte institutionnel bien connu dès la 4e dynastie (inscriptions de Métjen) et de la langue juridique de l'Ancien Empire.
{252} En fait des prélèvements sous forme de journées de travail : voir t. 2, chap. 1.
{253} Voir t. 2, chap. 2, § 1. I. 2o- B – 1.
{254} Goedicke, H., Königliche Dokumente aus dem Alten Reich, Wiesbaden, 1967, p. 78-80.
{255} Weill, R., Les décrets royaux de l'Ancien Empire, Paris, Geuthner, 1912.
{256} Voir, pour des emplois similaires de la scène d'offrande du pain blanc, le relief de la reine Ahmès-Néfertary et la stèle de Hanovre, de la 18e dynastie (voir t. 2, chap. 2, et Annexe).
{257} Le ouas, lié à la divinité, est un symbole de domination garantissant la stabilité. Les sceptres-ouas sont les « supports du ciel ». Dans « Coptos A », le ciel domine la stèle ; dans les stèles « de donation », beaucoup plus tardives, il est évoqué par un disque solaire ailé qui surmonte le cintre. Voir plus haut (fig. 87) à propos du serment prononcé par un responsable ou un fonctionnaire âgé quant à l'exactitude de l'emplacement d'une borne (cf. Menu, B., « Le serment et l'idéologie pharaonique », à paraître). Le ouas, en tout état de cause, est largement présent dans les figurations accompagnant des actes de fondation ou de concession royale de terres ; il traduit la notion de domination associée au plus haut niveau de la propriété, celui de la divinité et de la royauté.
{258} Jusqu'au Nouvel Empire inclus, les personnages du cintre occupent le plus souvent la même position que dans « Coptos A », c'est-à-dire que le dieu est à droite tandis que le roi se tient à gauche de la scène ; à la Basse Epoque, c'est au contraire le dieu qui est à gauche et le roi, à droite : voir Meeks, D., « Les donations aux temples dans l'Egypte du Ier millénaire avant J.-C. », State and Temple Economy in the Ancient Near East (OLA, 6), vol. 2, Louvain, 1979, p. 626-628, et n. 86.
{259} Selon la terminologie couramment employée dans la littérature égyptologique. Or, il s'agit en réalité de travail temporaire requis périodiquement et, surtout, rémunéré (voir t. 2, chap. 1) ; il ne peut donc être assimilé à la corvée qui est une taxe en nature.
{260} Dans la section 8, R 17-19 des Devoirs du Vizir, le texte fait une distinction entre les champs, selon qu'ils sont situés à la campagne (en « Haute- et en Bassse-Egypte ») ou près de la Capitale : les délais ne sont pas les mêmes pour le règlement des litiges (van den Boorn, 1988, p. 146-147, 162-165).
{261} Le Wörterbuch der Aegyptischer Sprache indique pour souadj : « Häufige Schreibung seit N. R. für soudj » (WB 1V, 78, 6-17), c'est-à-dire « remettre, confier, céder, transmettre ». Voir aussi Lacau, P., Une stèle juridique de Karnak (Suppl. ASAE, 13), Le Caire, 1949, p. 32.
{262} Goedicke, H., Die privaten Rechtsinschriften aus dem Alten Reich (abrév. PRI), Vienne, 1970, p. 174-177 et pl. XVIIa.
{263} Hassan, S., Excavations at Giza II (1930-1931), Le Caire, 1936, fig. 19, et pl. 74-75 ; Goedicke, PRI, p. 31-43 et pl. IV : fig. 96 ci-dessus.
{264} Urk. I, 1-7. Traductions et principaux commentaires : Moret, A., Boulard, L., « Donations et fondations en droit égyptien », Rec. Trav., 29, 1907, p. 57-75 ; Pirenne, J., Histoire des institutions et du droit privé de l'Ancien Empire, vol. 2, Bruxelles, 1934, p. 345-358 ; Goedicke, H., Die privaten Rechtsinschriften aus dem Alten Reich, Vienne, 1970, p. 5-20 et pl. Ia, Ib, II ; Menu, B., avec la collab. d'Harari, I., « La notion de propriété privée dans l'Ancien Empire égyptien », CRIPEL, 2, 1974, p. 127-154 (Menu, B., Recherches, I, Versailles, 1982, p. 45-57) ; Goedecken, K. B., Eine Betrachtung der Inschriften des Meten im Rahmen der sozialen und rechtlichen Stellung von Privatleuten im ägyptischen Alten Reich (Äg. Abhandl. 29), Wiesbaden, 1976 ; en dernier lieu : Baud, M., Farout, D., « Trois biographies d'Ancien Empire revisitées », BIFAO, 101, 2001, p. 43-47 (les auteurs proposent, de certains passages des inscriptions, une autre traduction, tout aussi valable sur le plan grammatical, mais inacceptable sur le plan institutionnel).
{265} Les contrats d'Hâpydjefaï à Siout (règne de Sésostris Ier, 12e dynastie) illustrent bien le mécanisme et la complexité des conventions passées entre le propriétaire de la tombe et les personnes – à la fois représentants d'institutions et personnes physiques – chargées de son entretien rituel : cf. infra, § 4.
{266} Le sékhem est l'autorité responsable, assortie de la possibilité de recourir à la force exécutoire et du pouvoir de disposer des biens.
{267} Moussa, Altenmüller, Das Grab des Nianchchnum und Chnumhotep, Mayence, 1977, p. 87 et pl. 28.
{268} D'après Goedicke, PRI, pl. XVIIb.
{269} Goedicke, H., Die privaten Rechtsinschriften aus dem Alten Reich, Vienne, 1970, p. 5-20, et pl. Ia, Ib, II.
{270} Les développements qui vont suivre sont en partie extraits d'un article cosigné par moi-même et Ibrahim Harari, publié en 1974 dans les Cahiers de Recherches de l'Institut de Papyrologie et d'Egyptologie de Lille (CRIPEL), rédigé par moi en utilisant, outre les résultats de mes propres recherches et analyses, les fiches, aimablement prêtées par Harari, I., ayant servi à l'élaboration de ses travaux des années 1950, notamment sa Contribution à l'étude de la procédure judiciaire dans l'Ancien Empire égyptien, Le Caire, 1953. Plusieurs passages de cet article ont été modifiés substantiellement, d'une part en fonction de l'évolution de ma pensée concernant la propriété foncière dans le droit égyptien ancien et, d'autre part, pour prendre en compte mon hypothèse récente selon laquelle les inscriptions “A” et “B” aménagent des revenus dont Métjen bénéficie en tant que « serviteur du ka » (hem-ka) de son père Inépouemânkh.
{271} Voir supra, p. 264-265 et n. 52.
{272} Voir la mise au point d'Ulrich Luft sur les toponymes de Kahun, Lâhun, Illâhun : Luft, Ul., « The Ancient Town of El-Lahun », in Quirke, S. (éd.), Lahun Studies, Reigate, 1998, p. 1-41.
{273} Le présent paragraphe est issu en grande partie d'un article intitulé « Le patrimoine “foncier” d'Heqanakhte » (Menu, B., Revue d'Egyptologie, 22, 1970, p. 111-129, Recherches, I, 1982, p. 74-100) dans lequel j'ai intégré, en les signalant, les nouveaux résultats obtenus par J. P. Allen à la suite de son réexamen intégral des documents (Allen 2002).
{274} The Hekanakhte Papers and other Middle Kingdom Documents, New York, 1962.
{275} The Heqanakht Papyri, The Metropolitan Museum of Art, New York, 2002.
{276} Steindorf, Aniba, II, 1937, pl. 101 (voir l'extrait de la fig. 98).
{277} James pense que les personnages désignés seulement par leur nom, sans qu'il soit fait mention du nom de leur père, sont les fils d'Héqanakhte (James, 1962, p. 10).
{278} Sans reprendre ici les longues discussions de James, Baer, Cenival, et d'autres, sur la lecture du signe hiératique de la croix désignant une unité de surface, je me réfère à celle retenue en définitive par Allen, soit une « dekaroura », multiple équivalant à 10 aroures ; cependant, plutôt que d'introduire un nouveau terme, tel que « décaroure » en français, j'ai à chaque fois indiqué la superficie des champs en aroures (ex. : 10 aroures, et non 1 décaroure ; 13 aroures, et non 1, 3 décaroures, etc.), afin de faciliter la lecture et les différents calculs.
{279} L'emploi de it méhy, « orge du nord » ou it résy, « orge du sud », selon le lieu de production, signifie seulement que l'on désigne l'orge en tant que tel et non « du grain » d'une manière générale – comportant diverses céréales, notamment l'orge, le froment et le blé amidonnier – comme lorsque le terme it est employé sans qualificatif (t. 2, chap. 2).
{280} Après les « années vides » (Grimal, 1988, p. 196) et le complot contre Amenemhat Ier (ibid., p. 202 ; Vandersleyen, 1995, p. 54-55), des désordres économiques ont peut-être affecté les premières années du règne de Sésostris Ier.
{281} Si le thème de la faim fut utilisé comme topos par les nomarques de la Première Période intermédiaire (Moreno Garcia, 1997) pour vanter leur gouvernement en l'absence d'une autorité monarchique assurant la gestion des richesses <selon la maât>, il semble que nous soyons plutôt ici en présence d'une sentence proverbiale ou d'une métaphore évoquant le stade extrême de la pénurie alimentaire, lorsqu'il ne reste plus qu'un moyen d'assouvir sa faim : manger ses semblables ! L'humour noir convient assez bien au caractère d'Héqanakhte et, en tout cas, l'on doutera sérieusement de l'existence de scènes réelles d'anthropophagie à l'époque où vivait le personnage (règne de Sésostris Ier, deuxième roi de la 12e dynastie, selon J. P. Allen).
{282} Ou : Djéfaïhâpy si l'on rétablit l'ordre des mots en ne tenant pas compte de « l'antéposition honorifique » selon laquelle le nom d'une entité supra-naturelle précède son complément grammatical. Le personnage s'appelle : « Les vivres (djéfaï) d'Hâpy », la crue du Nil sacralisée, mais les Egyptiens écrivaient : Hâpy-djefaï, à la manière du « cas possessif » anglais.
{283} C'est là une des originalités majeures du droit égyptien ancien, les conventions étant établies pour l'éternité.
{284} Transcription hiéroglyphique : Montet, P., Kémi, III, 2-4, 1930-1935, p. 45-69 ; principales traductions et commentaires en français : Théodoridès, A., « Les contrats d'Hâpidjéfa (12e dynastie, xxe s. av. J.-C.) », RIDA, 3e série, t. XVIII, 1971, p. 109-251 ; Devauchelle, D., « Les contrats de Djéfaïhâpy », in Menu, B. (éd.), Égypte pharaonique : pouvoir, société, Méditerranées, 6/7, 1996, p. 159-175.
{285} La nuit du passage d'une année à l'autre est celle de tous les dangers, celle au cours de laquelle il est nécessaire de confirmer les principes fondamentaux par des rituels, qu'il s'agisse du pouvoir royal (voir supra, chap. 2) ou de la propriété des dieux sur leurs domaines respectifs.
{286} Institution présidant à la production des offrandes pures, ou bien étendue cultivable relevant des desservants-ouâbou.
{287} « La 15e dynastie <hyksôs> a sans doute pris directement la relève de la 13e à Memphis et la 17e n'est peut-être que le prolongement de la 13e dont les derniers souverains se seraient retirés vers le sud devant l'envahisseur. » (Vandersleyen, 1995, p. 165). Sur la Deuxième Période intermédiaire, sur la succession problématique des rois et sur la reconquête opérée par les derniers représentants de la 17e dynastie, venant à bout à la fois des Hyksôs et d'opposants locaux, tout en reprenant la Nubie, on se reportera au remarquable exposé de Vandersleyen, 1995, p. 121-206.
{288} Notons qu'aux lignes 10, 14 et 10, 15 il ne faut pas rendre sep par « survivants » (Grandet, 1994, 1, p. 236) mais par sa traduction habituelle de « reste » puisqu'il s'agit du personnel qui reste sur le domaine du temple cité, après distribution de dépendants à d'autres organismes (t. 2, chap. 1).
{289} Décret de Naouri : Griffith, F. Ll., « The Abydos Decree of Seti I at Nauri », JEA 13, 1927, p. 193-208 ; Edgerton, W. F., « The Nauri Decree of Seti I : A Translation and Analysis of the Legal Portion », JNES, 6, 1947, p. 219-230 ; Gardiner, A. H., « Some Reflections on the Nauri Decree », JEA, 38, 1952, p. 24-33 ; Kitchen, K. A., Ramesside Inscriptions. Historical and biographical I, Oxford, 1975, p. 45-58 ; id., Translations I, Oxford, 1993, p. 38-40 ; id., Notes and Comments I, Oxford, 1993, p. 48-55.
{290} Menu, B., « La problématique du régicide en Egypte ancienne », Méditerranées, 2, 1994, p. 55-70.
{291} Voir plus haut (n. 5) ma définition de l'imyt-per.
{292} Le parti pris polanyien de P. Grandet amène parfois cet auteur à une surinterprétation de certains passages du P. Harris I dans le but de faire contribuer ce texte à une application du modèle revendiqué.
{293} L'exemple le plus pertinent de ce mécanisme est exposé dans le tombeau de Pétosiris (fin ive siècle av. J.-C.) : Pétosiris compense par ses œuvres et celles de son père Sishou les manquements graves – rendus pourtant inévitables du fait de la conjoncture politique – imputables à son frère aîné Djéthotefânkh (Menu, 1994, 1995, 1996, 1998a, 1998b, 1999 et 2000).
{294} Les noms des personnages sont rendus dans la forme la plus proche de celle utilisée par Gardiner, afin de ne pas dérouter les lecteurs qui souhaiteraient se reporter à la publication du savant anglais : Gardiner, A. H., The Wilbour Papyrus, Oxford, 4 vol. (I, Plates, 1941 ; II, Commentary, 1948 ; III, Translation, 1948 ; IV, Index, par Faulkner, R. O., 1952).
{295} Voici la note de références au P. Wilbour, rédigée par Haring, B. (Leyde, 1997, p. 283, n. 1), traduite par mes soins : « Edité par Gardiner, The Wilbour Papyrus I (planches), II (commentaire), III (traduction), IV (indices, par Faulkner, R. O.) ; comptes rendus de cette édition par Edgerton, W. F., JAOS, 70, 1950, p. 299-304 ; Malinine, M., BiOr, 8, 1951, p. 64-72 ; Fairman, H. W., JEA, 39, 1953, p. 118-123. Analyse économique et juridique par Menu, Régime juridique, et Stuchevsky, I. A. (résumé par Janssen, J. J., BiOr, 43, 1986, p. 351-366). Analyse statistique par Katary, Land Tenure. Discussions complémentaires : Helck, Verwaltung, p. 89-145 et passim ; Helck, Materialien II, (216)-(329) ; Baer, K., JARCE, 1, 1962, p. 39-44 ». Ajoutons principalement : Haring, B. J., Divine Households, Leyde, 1997, p. 283-326 ; Warburton, D. A., State and Economy, Fribourg, 1997, p. 165-169 ; Katary, S. L. D., « The Wsf Plots in the Wilbour Papyrus and Related Documents : A Speculative Interpretation », in Moreno Garcia, J. C. (éd.), L'agriculture institutionnelle en Egypte ancienne : état de la question et perspectives interdisciplinaires (CRIPEL, 25), 2005, p. 137-155.
{296} Menu, B., Le régime juridique des terres et du personnel attaché à la terre dans le Papyrus Wilbour, Publications de la Faculté des Lettes et Sciences humaines de l'université de Lille (P. U. L. XVII), Lille, 1970, préface de J. Vercoutter, in-4o, 270 pages.
{297} Stuchevsky, I. A., Zemledel'tsy gosudarstvennogo khozyaïstva drevnego Egipta epokhi Ramessidov (The Cultivators of the State Economy in Ancient Egypt during the Ramesside Period), Moscou, 1982. Compte rendu de Janssen, J. J., « Agrarian Administration in Egypt during the Twentieth Dynasty », op. cit. supra à la n. 96.
{298} Ce qui lui fait d'ailleurs écrire, étant donné la date notée au début de la section II du papyrus et correspondant au 23 juillet 1158 av. J.-C., c'est-à-dire au moment qui précède immédiatement la montée des eaux : « Il semble difficile de concevoir un moment moins approprié pour un relevé foncier » < « It seems difficult to conceive of a less suitable time for a land-survey »> (Gardiner, 1948, p. 10). Si l'on admet mon interprétation, il devient au contraire logique d'effectuer l'opération une fois les récoltes engrangées et réparties suivant leur destination. Il est plus facile de mesurer des champs pour calculer un revenu suivant certaines normes que de procéder à des comptages matériels aléatoires sur de grandes quantités de céréales et d'autres produits agricoles, stockés et dispersés sur différents domaines au long d'un territoire.
{299} Menu, 1970, p. 64-77, en particulier p. 76-77, et p. 135-147 ; on notera toutefois que dans mes citations du papyrus Wilbour, j'avais cependant respecté à l'époque les traductions de Gardiner sur le modèle « land cultivated by him » : il n'est pas facile, quand on a 25 ans, de s'imposer face à un savant auréolé d'une immense réputation internationale, justifiée par un grand nombre de travaux égyptologiques fondamentaux !
{300} Il s'agit en très grande majorité de champs voués à la culture des céréales mais également de pâturages et, pour une part beaucoup plus faible, de tout type de culture destiné à la production de biens de consommation courante de première nécessité, comme les plantes fourragères et les plantes vivrières.
{301} Reprises principalement dans : Menu, B., Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, Versailles, 1982 ; ead., Droit. Economie. Société de l'Egypte ancienne (chronique bibliographique 1967-1984), Versailles, 1984 ; ead., Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte II, Le Caire, 1998 ; ead., Egypte pharaonique. Nouvelles recherches sur l'histoire juridique, économique de l'Egypte ancienne, Paris, 2004.
{302} Les mots et chiffres que j'ai soulignés sont en rouge dans le texte hiératique.
{303} Rappelons ici que la coudée carrée équivaut à un centième d'aroure. Voir à la fin du présent volume le tableau des poids et mesures (« Tableau 16 »).
{304} Etant donné l'affinement de ma pensée sur ce point, il faut y remplacer l'expression « en toute propriété » par celle, plus nuancée, de « propriété utile » qui s'applique aux institutions responsables nommées dans les intitulés de paragraphes, ce qui ne change rien au raisonnement dans son ensemble.
{305} Le mot « temple » est seul retenu au long du présent développement afin de simplifier le schéma général exposé, les temples étant de très loin les institutions possédantes les plus représentées dans le P. Wilbour. Il faut toutefois bien garder en mémoire que d'autres institutions cultuelles (ex. : les sanctuaires consacrés à des statues divines ou royales, les reposoirs de barques sacrées) ainsi que des institutions laïques reçoivent des domaines fonciers ou des rentes prélevées sur l'exploitation des terres agricoles.
{306} Stèle Médamoud 5413 : Kitchen, K. A., BIFAO, 73, 1973, p. 193-200 et pl. XVI-XVII.
{307} Voir les ouvrages d'histoire générale de l'Egypte ancienne : Drioton, Vandier, 1962 ; Grimal, 1988 ; Vercoutter, 1990 ; Vandersleyen, 1995.
{308} Meeks, D., « Une stèle de donation de la Deuxième Période intermédiaire », ENiM 2, 2009, p. 126-154. Cf. id., dans OLA 6, Louvain, 1979, p. 605-687 (1979a).
{309} La localisation des champs par rapport aux points cardinaux sera exprimée différemment dans les papyrus rédigés plus tard en hiératique « anormal » et en démotique ; ex. : P. Turin 2.118 = 246 : iou rès èn im-ou, « à leur sud » ; P. Turin 2.120 = 247 : ènty rès èn im-ou, « à leur sud » ; P. Louvre E 7.128 : ènty iou paÿ-ef résy, « qui a à son sud » (Malinine, Choix..., vol. 1, 1953, p. 58-59, 9 ; p. 74-75, 11 ; p. 86-87, 2).
{310} La publication du document par Kessler ayant eu lieu en 1975 (SAK 2, p. 103-134 et 1 pl. reproduite supra, fig. 100), cet exemple du mot qédeb avec la même signification – reconnue par cet auteur – que dans les Papiers d'Héqanakhte, est apparu après mon article de la Revue d'Egyptologie, 22, 1970, et en a corroboré les résultats concernant la signification du mot qédeb et de ses dérivés (cf. supra).
{311} Meeks 1979a : 629-630, propose une interprétation différente de celle de Caminos, pour lequel c'est le donataire qui figure dans le cintre de la stèle. Je pense également que le jardinier en chef de Bastet reçoit une parcelle cultivable qu'il entretient et fait fructifier, à charge pour lui de fournir un luminaire à la déesse.
{312} La 24e dynastie est marquée par un morcellement du territoire, surtout dans le nord de l'Egypte ; on verra, sur cette époque, les travaux importants de J. Yoyotte, notamment Les principautés du Delta au temps de l'anarchie libyenne (MIFAO 66), Le Caire, 1961.
{313} Sur cette graphie : Daressy, G., ASAE, 10, 1910, p. 179, n. 1 ; El-Sayed, R., BIFAO 76, 1976, p. 99. Voir Möller, G., Hieratische Paläographie, III, no322 bis, avec l'exemple du P. Berlin 3.048, 7, 3, et comparer avec ibid., III, p. 108 : il ne peut s'agir d'une graphie de hem-ka.
{314} Article inédit de J. Charay (archives conservées par l'association des Amis de Jean Charay dont le siège se trouve à la mairie de Vals-les-Bains-07).
{315} Celui-ci sera étudié dans le vol. II du présent ouvrage qui comportera des développements consacrés aux procès et à la procédure pénale et civile.
{316} Cf. Menu, B., Le régime juridique des terres..., 1970 : voir, dans cet ouvrage, mes développements et tableaux différenciant les niveaux et secteurs de responsabilité entre les personnages dont le nom est introduit par er-khèt et ceux qui sont précédés de em-djéret.
{317} L'on peut supposer qu'il existe une connexion administrative et/ou économique entre le hotep nétjer (la « Satisfaction Divine ») qui fournit les provisions en vue des offrandes rituelles et le sédef, entité assez mal déterminée affectée à l'approvisionnement, à rapprocher sans doute de la set sédjéfa, « place d'approvisionnement » que l'on rencontre par exemple dans les inscriptions de Métjen (Ancien Empire, voir supra). A l'époque ramesside, les champs relevant de certains temples pouvaient être situés sur le sédef d'autres temples : Haring, B., Divine Households..., 1997, p. 169-173.
{318} Pour se libérer du temps porteur de mort, et conformément au dogme de l'immortalité de la personne humaine, les rédacteurs de la stèle de Chéchonq et de la stèle de l'Apanage ont recouru au procédé du verdict anticipé du jugement divin qui confère l'éternité aux parties présentes à l'acte, rendant ainsi perpétuelles les dispositions gravées sur ces documents. Maâ khérou, « juste de voix », signifie que le défunt a plaidé sa cause avec succès devant le tribunal de l'au-delà (voir supra, chap. 2) alors que les parties concernées sont bien vivantes. Ce subterfuge juridique a pour but de pérenniser une importante disposition dans ses effets futurs, au-delà de la mort apparente des personnes intéressées. Nous touchons là du doigt un des aspects les plus originaux du droit égyptien ancien que nous avons déjà rencontré à propos des installations funéraires : la capacité d'établir des dispositions juridiques pour un temps qui outrepasse la durée d'une vie humaine.
{319} Meeks, D., « Une fondation memphite de Taharqa », in Vercoutter J. (dir.), Hommages à Serge Sauneron, vol. 1, Le Caire, 1979, p. 221-229 et 1 pl.
{320} Les choachytes, ouah mou en égyptien (littéralement : « verseurs d'eau »), étaient chargés de l'entretien funéraire des momies. Chaque choachyte « possédait » un certain nombre de momies, c'est-à-dire qu'il percevait les revenus affectés aux défunts pour les offrandes, les libations, les rites divers et les petites réparations à effectuer dans les tombeaux. Voir Donker van Heel, K., « Use and Meaning of the Egyptian Term W3H MW <ouah mou> », in Demarée, R. J., Egberts, A., Village Voices (Proceedings of the symposium « Texts from Deir el-Medina and their Interpretation », Leyde, 31 mai – 1er juin 1991), Leyde, 1992, p. 19-30.
{321} P. Louvre E 7.852 : Donker van Heel, K., RdE 47, 1997, 81-93 et pl. VIII) ; P. Louvre E 7.856, verso et recto : id., RdE 49, 1998, 91-102 et pl. XII-XIII ; P. Louvre E 7.851, recto et verso : id., RdE 50, 1999, 135-144 et pl. XIII-XIV.
{322} Cruz-Uribe, E., RdE 51, 2000, p. 9-15 et pl. I-II : P. Louvre E 3.231 B et 3.231 C.
{323} Vleeming, S. P., Papyrus Reinhardt. An Egyptian Land List from the Tenth Century B. C. (Hieratische Papyri aus dem staatlichen Museen zu Berlin, Preussischer Kulturbesitz, Lieferung II), Akademie Verlag, Berlin, 1993.
{324} Nous verrons, au t. 2, chap. 1, que la corvée n'est pas attestée dans l'Egypte ancienne (supra, n. 60) ; il s'agit probablement ici d'un mode d'exploitation de la terre lié à la fertilité exceptionnelle des « îles nouvelles » comme, par exemple, le travail temporaire à la tâche (cf. t. 2, ch. 1).
{325} Gasse, A., Données nouvelles administratives et sacerdotales sur l'organisation du domaine d'Amon – XXe-XXIe dynasties, à la lumière des papyrus Prachov, Reinhardt et Grundbuch (BiEtud 104/1 et 2), Le Caire, IFAO, 1988.
{326} La traduction proposée par Annie Gasse (« terre nouvellement mise en culture ») ne me semble pas appropriée et incite à la confusion avec les terres nouvelles du P. Reinhardt.
{327} Meeks, D., Le grand texte des donations au temple d'Edfou (Bibliothèque d'Etude, 59), Le Caire, IFAO, 1972.
{328} « Ce que le souverain ptolémaïque offre ici au dieu, ce ne sont pas des champs qu'il possédait déjà depuis fort longtemps, mais ce domaine sacré, coïncidant avec l'univers et dans lequel, par un jeu de présentation purement graphique, les Donations venaient se fondre. Le nom du roi ne fait que cautionner cet acte pieux dont l'accomplissement, loin d'être désintéressé, devait attirer la sympathie du dieu » (Meeks : 133).
{329} Je préfère traduire mèn, dans ce contexte, par « établir », « fixer » (voir plus haut mon commentaire sur les stèles de donation). Comme nous l'avons souligné au cours des développements précédents, le système des donations permet à la Couronne d'adapter sa politique de gestion des terres à la conjoncture du moment, soit en augmentant ou en diminuant les donations, soit en changeant leurs destinataires, ou en les réintégrant au domaine royal. Nous traduirons donc plutôt ahé mèn par « champs établis » (sous-entendu : par la volonté royale, en faveur de la divinité désignée, le bénéfice et la gestion en étant attribués la plupart du temps à une personne physique).
{330} Voir le calcul des surfaces de champs dans le P. Reinhardt ; celle-ci est obtenue en multipliant un grand côté par un petit côté, en ajoutant le produit des deux autres côtés et en divisant par deux. Ici :
{331} Le mot traduit « parcelle » par D. Meeks est khèt. Meeks précise dans une note (op. cit., p. 61, n. 39) : « ou peut-être mieux “parcelle mesurée et enregistrée au cadastre” [...]. Le déterminatif vient de khèt, “sceau” (Wb. III, 348, 14-15) ».
{332} Si le registre écrit sur papyrus a fait l'objet d'une relecture, il semble que la copie gravée sur la paroi du temple ait été moins soignée dans le rendu des détails chiffrés. Ici, un des signes exprimant la centaine a été omis, entraînant une différence de cent aroures dans les résultats. Ce genre d'erreur n'est pas rare au long du texte. La destination rituelle et non comptable de l'inscription sur pierre explique sans doute les disparités relevées.
{333} Les dates indiquées sont des « repères approximatifs », pour reprendre la formule de Vandersleyen, C., op. cit. infra, 1995. Pour des chronologies plus détaillées et critiques, l'on se reportera aux ouvrages suivants : L'Egypte et la vallée du Nil : t. 1, Vercoutter, J., Des origines à la fin de l'Ancien Empire, Paris, PUF, 1992 ; t. 2, Vandersleyen, C., De la fin de l'Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire, Paris, PUF, 1995. Grimal, N., Histoire de l'Egypte ancienne, Paris, Fayard, 1988. Je n'ai retenu ici que les principales divisions adoptées couramment, depuis l'Antiquité concernant les « dynasties » (Manéthon, iiie s. av. J.-C.), et depuis le xixe s. – et en particulier l'égyptologie allemande – pour la succession des « empires » et leur alternance avec les « périodes intermédiaires ». Ces divisions sont certes artificielles mais commodes. Voir aussi supra, Préambule, p. 2, n. 4, in fine, pour des chronologies détaillées.