ZABILA, Natalia [SAINT-PÉTERSBOURG 1903 - KIEV 1985]

Poétesse, romancière ukrainienne.

En 1924, Natalia Zabila commence à publier ses premiers vers, sous l’influence du modernisme, qu’elle abandonnera après avoir subi une pression du régime soviétique. Sa carrière commence par la publication de recueils : Dalekyi kraï (« le pays lointain », 1927) ; Soniachni reli (« lyres ensoleillées », 1928) ; Boudivnytche (« en marche vers la construction du pays », 1930). Dans son poème « Khatynka nad ozerom » (« la maisonnette au bord d’un lac », 1940), elle évoque les marques d’affection de Lénine pour les enfants lors de son séjour en Finlande en 1917. À partir de 1931, la poétesse se consacre à la prose. Son roman Traktoboud (« l’usine des tracteurs », 1931) parle de l’industrialisation en Ukraine soviétique et de l’importance, pour l’URSS, de la construction d’une grande usine de tracteurs à Kharkiv. On lui doit aussi le roman V dni tryvoh (« les jours d’inquiétude », 1945) et surtout des livres pour enfants (récits, contes et poèmes), dont les plus connus sont Pid ïasnym sontsem (« sous le ciel clair », 1949) et Promeni (« les rayons », 1951). Parmi ses contes les plus populaires, citons : Prohoulianka po lisou (« une promenade dans la forêt ») et le recueil de contes Maryna Dmytrivna, qui ont joué un rôle important dans l’éducation des enfants ukrainiens.

Olga CAMEL

Entsyklopediïa oukraïnoznavstva, t. 2, Munich, Molode jyttia, 1955-1957 ; Istoriïa oukrainskoi litaratoury, Kiev, Vyd-vo Akademii Nauk, 1955.

ZABLUDOVSKY, Gina [MEXICO 1954]

Sociologue mexicaine.

Sociologue de renom, professeure et chercheuse à l’Université nationale autonome du Mexique, Gina Zabludovsky s’intéresse notamment à la continuité et aux points de rupture entre la pensée classique et la pensée moderne, et aux clefs que chaque auteur classique peut fournir pour comprendre les problèmes contemporains. Elle questionne également la valeur de la pensée sociologique produite en Europe et aux États-Unis comme instrument d’étude de la réalité au Mexique et en Amérique latine. Elle a reçu un grand nombre de distinctions académiques dont, entre autres, le prix national María-Lavalle en 2009, décerné par l’Alliance des femmes du Mexique (Alianza para las mujeres de México) aux femmes qui s’expriment sur les problèmes politiques et d’actualité.

Viviane BRACHET-MARQUEZ

México, Estado y empresarios, Mexico, Unam/Acatlán, 1980 ; La dominación patrimonial en la obra de Max Weber, Mexico, Fondo de cultura económica, 1989 ; Norbert Elías y los problemas actuales de la sociología, Mexico, Fondo de cultura económica, 2007 ; Intelectuales y burocracia, Barcelone, Anthropos, 2009 ; Modernidad y globalización, Mexico, Unam/Siglo XXI, 2010.

ZABOUJKO, Oksana [LOUTSK 1960]

Poétesse, philosophe et romancière ukrainienne.

Née en Ukraine occidentale, dans une famille de philologues, Oksana Zaboujko grandit dans un milieu cultivé. Après un doctorat sur l’esthétique du lyrisme soutenu à Kiev, elle enseigne aux États-Unis. Depuis 1989, elle collabore à l’Institut de philosophie de l’Académie des sciences d’Ukraine. Ses recueils (Travnevyï iniï, « le givre du mois de mai », 1985 ; Avtostop, « l’autostop », 1994 ; Novyï zakon Arkhimeda, « la nouvelle loi d’Archimède », 2000 ; Drouha sproba. Vybrane, « deuxième essai, morceaux choisis », 2005) sont traduits dans une trentaine de langues et ont reçu des prix prestigieux (le prix de la Poésie au Canada en 1997 pour le meilleur livre de la littérature étrangère ou celui de la fondation Rockefeller). Mais c’est avec son roman Poliovi doslidjennia z oukraïns’koho sexou (« les recherches sur le sexe ukrainien », 1996), traduit dans douze pays, qu’elle s’impose dans la littérature ukrainienne. La maison d’édition britannique Anthem Press la fait figurer sur la liste des « classiques contemporains de la littérature mondiale ». Elle devient le chef de file de la nouvelle génération d’écrivains ukrainiens grâce à la publication de nombreux travaux sur le développement de la culture ukrainienne. En 2007 paraît Notre Dame d’Ukraine : Oukraïnka v konflikti mifolohiï (« Notre Dame d’Ukraine : l’Ukrainienne dans le conflit des mythologies »), une étude historique et culturelle. O. Zaboujko est également l’auteure de deux études littéraires (Filosofiya oukraïns ‘koï ideï ta ievropeïs’kyï kontekst : Frankivs’kyï period, « la philosophie de l’idée ukrainienne et le contexte européen : la période d’Ivan Franko », 1992 ; Chevtchenkiv mif Oukraïny : Sproba filosofs’koho analizou, « le mythe de l’Ukraine chez Chevtchenko : l’essai d’une analyse philosophique », 1997), d’un recueil de récits, de nouvelles (Sestro, sestro, « sœur, ma sœur », 2003) et d’essais, dont Khronika vid Fortenbrasa (« la chronique de Fortenbrass », 1999), portée à l’écran en 2001. Mouzeï pokynoutykh sekretiv (« le musée des secrets abandonnés », 2010) est une saga familiale, une épopée sur l’Ukraine contemporaine de ces soixante dernières années, relatée à travers trois générations. On y trouve un mélange de plusieurs genres : roman policier, roman socio-psychologique et thriller mystique. Elle est aussi l’auteure de quinze textes sur la révolution ukrainienne réunis dans le recueil My People Go (2005).

Olga CAMEL

ZÁDOR, Anna [BUDAPEST 1904 - ID. 1995]

Historienne de l’art hongroise.

Née dans une famille bourgeoise aisée, Anna Zádor soutient un doctorat en 1926 à l’université Péter-Pázmány, rebaptisée université Loránd-Eötvös (ELTE) en 1950. Son mari, ingénieur, est déporté en Allemagne en 1944 et n’en reviendra pas. À partir de 1952, elle enseigne à l’ELTE où elle est titulaire d’une chaire de 1962 à 1975. Elle obtient en 1961 le prestigieux doctorat de l’Académie hongroise des sciences. Chercheuse compétente, elle fut aussi une pédagogue remarquable qui a formé des générations d’historiens d’art. A. Zádor est spécialiste de l’architecture classique et du baroque tardif. Son intérêt pour ce sujet remonte à 1926, quand elle découvre et analyse l’héritage de Leopoldo Pollack à Milan, architecte né à Vienne en 1751 et mort en Italie en 1806. Elle s’intéresse également au travail de son demi-frère Mihály Pollack (1773-1855) et à l’architecture hongroise de style classique, à propos de laquelle elle écrit A klasszicizmus építészete Magyarországon (« architecture classique en Hongrie », 1943), avec Jenő Rados. Des monographies postérieures élargissent son champ chronologique, avec un ouvrage sur l’art du temps de la Réforme (1961) et, en allemand, Die Architektur des Klassizismus und der Romantik in Ungarn (1985). Elle a écrit des biographies d’artistes – dont celles du peintre Mihály Munkácsy (1844-1900) ou de Mihály Pollack – ou l’analyse d’œuvres d’art importantes, comme La Cathédrale d’Esztergom (1970). A. Zádor a également dirigé la publication d’un volumineux dictionnaire d’histoire de l’art (Művészettörténeti lexikon) qui comble un réel manque. L’ensemble de ses travaux présentent des conclusions novatrices sur le développement de l’art hongrois et sur son inscription dans l’art européen. Déjà première à un concours de l’Académie en 1933, l’historienne est décorée en 1976 de la médaille Arnold-Ipolyi, puis reçoit, en 1992, la prestigieuse distinction Kossuth.

Erika VARSANYI

VARSÁNYI E., « Zádor Anna », in BALOGH M., PALASIK M. (dir.), Nők a magyar tudományban, Budapest, Napvilág Kiadó, 2010.

ZAGORISIOU, Marika [KAVÁLA 1921]

Architecte grecque.

Femme architecte de premier plan, pionnière de l’architecture grecque et amoureuse de l’art folklorique, Marika Zagorisiou poursuit des études à la faculté d’architecture de l’université technique nationale d’Athènes (NTUA) entre 1938 et 1943. Avant la Seconde Guerre mondiale, elle rejoint le groupe de jeunes architectes et artistes chargés d’effectuer, sous la direction de Dimitris Pikionis (1887-1968), des relevés de constructions traditionnelles grecques. Après la Seconde Guerre mondiale, fonctionnaire au sein du ministère des Travaux publics, elle inventorie les dommages causés sur le patrimoine architectural populaire et sur les colonies résidentielles en Crète (Rethimnon et Iráklion), puis, employée par l’Office national du tourisme grec dans le cadre du programme pour la sauvegarde, la conservation et la réhabilitation des villages traditionnels grecs, elle poursuit ses relevés dans d’autres régions de la Grèce (Mytilène, Dhimitsána). Elle a publié plusieurs ouvrages, seule ou avec son mari, l’architecte Giorgos Giannoulellis (1913-1999) et est honorée par le gouvernement grec, en 2008, au titre de sa contribution au développement touristique de son pays.

Lydia SAPOUNAKI-DRACAKI

Folk Architecture in Crete/Laïkí Architektonikí Stin Kríti, Athènes, Benaki Museum, 1996 ; Traditional Architecture of Dimitsana. Survey and Proposals for Restoration and Development/Paradosiakí Architektonikí Tis Dimitsánas, Athènes, Benaki Museum, 1997 ; avec GIANNOULELLIS G., Paradosiakí Architektonikí Tis Lesvou/Traditional Architecture of Lesvos, Athènes, Technical Chamber of Greece, 1995.

ZAHARA VOIR GARCÍA BALMASEDA, Joaquina

ZAHARAH NAWAWI [KAMPUNG PARIT JAWA, ÉTAT DE JOHOR 1940]

Écrivaine malaisienne.

En 1967, Zaharah Nawawi se rend au Japon pour étudier la photographie, études qu’elle abandonne bientôt faute de moyens financiers. De retour en Malaisie, elle travaille comme journaliste, tout en menant une carrière littéraire. À partir de 1995, elle devient écrivaine à plein-temps. Elle est l’auteure de poèmes, de nouvelles, de romans, d’une biographie et de son autobiographie. Dans la plupart de ses œuvres, le personnage principal est une femme déterminée à réussir, pouvant être non seulement égale aux hommes, mais même supérieure à eux, comme dans son deuxième roman, Jalur Sinar di Celah Daun (« rais de lumière à travers les feuilles », 1981). L’auteure puise très souvent dans ses expériences personnelles. Ainsi, son séjour au Japon a inspiré son premier roman, Sebelum Berhujungnya Musim Bunga (« avant que le printemps ne s’achève », 1972), et le travail de receveuse de ferry-boat qu’elle a exercé pour financer ses études a inspiré son roman Pesisir Hitam (« côte noire », 1985). Ses deux romans historiques : Panglima Salleh Selempang Merah (« Panglima Salleh à l’écharpe rouge », 1988) et Anugerah (« récompenses », 1995), reposent sur des recherches solides, une qualité qui lui a permis, entre autres, d’obtenir le SEA Write Award (1996) : le premier met en scène Panglima Salleh, un personnage historique malais qui s’est illustré, dans les années 1940, dans la résistance contre les communistes au sud de la Malaisie ; le deuxième raconte, à travers Ramlah, l’action politique des femmes malaises dans la lutte pour l’indépendance du pays. Z. Nawawi fait également partager son expérience d’écrivaine : elle a fondé, en 1997, un club d’écrivains, le Kelab Penulis Zaharah Nawawi (Kepezi), destiné à former de nouveaux écrivains de talent.

Monique ZAINI-LAJOUBERT

Wangian Bukit Peranginan, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 2001 ; Warna and Wajah, Ipoh, Haqaf Enterprise, 2003 ; Bulan dan Mentari, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 2007.

ZAINI-LAJOUBERT M., « Derniers combats pour l’indépendance », in ID. (dir.), États et littérature en Asie. L’émergence des États modernes (XIXe-XXe siècle), Paris, Les Indes savantes, 2003.

ZAHRAN, Bayan AL- [XXe siècle]

Avocate saoudienne.

En novembre 2013, Bayan Al-Zahran, ayant obtenu une licence de droit, défend un client devant la cour de justice de Jeddah, devenant ainsi la première femme avocate en Arabie Saoudite. C’est d’abord en tant que juriste qu’elle travaille plusieurs années dans un cabinet d’avocats et traite le cas de nombreux clients, mais les femmes sont encore interdites de plaidoirie devant les tribunaux. La campagne lancée par les Saoudiennes, en 2011, pour le droit de plaider, vient juste de triompher quand B. Al-Zahran s’empare de ce droit, lequel reste cependant limité dans la pratique du fait du système de « tutorat » masculin imposé à toute Saoudienne qui travaille, et du respect de la charia. Elle mesure l’importance de l’ouverture aux femmes de cette profession clé et crée, en janvier 2014, avec trois autres avocates, un cabinet dont l’objectif est de se battre pour les droits des femmes en les représentant plus efficacement devant les tribunaux. Elle motive cette initiative hors du commun en invoquant l’extrême ségrégation sexuelle dont souffre la société saoudienne, la difficulté à se parler ouvertement entre homme et femme et, pour un avocat, à comprendre les griefs et les attentes d’une cliente. Pleine d’espérance, B. Al-Zahran est convaincue que les femmes avocates, de plus en plus nombreuses, vont pouvoir contribuer à l’évolution du système juridique et des droits des femmes.

Anne-Marie MARMIER

ZAHRAN, Yasmine [RAMALLAH 1933]

Romancière et historienne palestinienne d’expression anglaise.

Après un doctorat d’archéologie à la Sorbonne, Yasmine Zahran fonde l’Institut d’archéologie islamique à l’université Al-Quds, où elle enseigne de 1991 à 1995. Elle devient ensuite inspectrice générale de l’éducation à l’Unesco et partage son temps entre Paris et Ramallah. Elle a écrit plusieurs livres sur l’époque pré-islamique en Arabie et au Proche-Orient, et un roman autobiographique en arabe sur sa jeunesse dans un village des montagnes, Al-lahn al awwal min ayyam Filistin (« la première mélodie des jours de la Palestine », 1991). Le roman A Beggar at Damascus Gate (« un mendiant à la porte de Damas », 1995), qui traite de l’exil et de la difficulté d’être palestinien, se construit sur une structure complexe : morcellement du sujet dans l’exil, affolement des dimensions spatio-temporelles, déguisement, dissimulation, duplicité. Le nomadisme des personnages, qui n’existent que dans le déplacement, est une métaphore du sort du Palestinien toujours déplacé dans son identité, dans sa représentation de lui-même. Par sa réflexion sur l’écriture et la relation de l’écrivain à sa terre, ce roman d’amour et d’espionnage renouvelle le discours idéologique des autres écrivains arabes d’expression anglaise.

Jacqueline JONDOT

ZAITOUNEH, Razan [DAMAS 1977]

Avocate syrienne et militante des droits de l'homme.

Après des études de droit à l’université de Damas, Razan Zaitouneh s’applique à défendre les victimes des violations des droits de l’homme dans son pays, et en particulier les prisonniers politiques. En 2005, elle crée la SHRIL (Syrian Human Rights Information Link), une plateforme Web divulguant les atteintes du régime. Icône de la révolution syrienne qui débute en mars 2011, elle cofonde les Comités locaux de coordination de la révolution (LCC) ayant pour mission d’organiser les manifestations et d’informer les médias étrangers, et fonde le Centre de documentation des violations (VDC). Devenue très vite une cible de choix, elle entre dans la clandestinité à partir de mai 2011, puis est enlevée par un groupe armé en décembre 2013 dans la banlieue de Damas, avec son mari Wael Hamada et deux collègues du VDC, Samira al-Khalil et Nazem al-Hamadi. Aucune information n’a été jusqu’à présent communiquée sur les conditions de leur détention. Le courage à toute épreuve de R. Zaitouneh est salué par de nombreuses récompenses, dont le prix Sakharov pour la liberté de pensée et le prix Anna-Politkovskaïa en 2011, ou encore le Global Leadership Awards et le prix Françoise-Giroud Nouvelle Vague (2014) qui récompense une innovation journalistique ou une action en faveur de la défense des libertés, en France ou dans le monde.

Chiara PALERMO

AISSAOUI N., « Syrie: pour la libération de Razan, Samira, Wael et Nazem », L’Express.fr, 28-5-2014 ; « Prix Françoise Giroud 2014: Mathieu Palain et Razan Zaitouneh lauréats », L’Express.fr, 1-2-2014 ; « Le dernier témoignage de la militante syrienne Razan Zaitouneh », Le monde, 13-12-2013.

ZAKI, Zakia [1972 - JABALUSSARAJ 2007]

Journaliste afghane.

Figure importante de la société afghane, directrice d’école et mère de six enfants, Zakia Zaki devient directrice de Sada-e-Suhl (« radio de la paix ») après la chute des talibans en 2001. Gérée par des femmes, cette radio communautaire est pourtant ouverte aux hommes. Unique station indépendante de la province de Parwân, région rurale du nord de Kaboul dépourvue de téléphone et d’accès aux médias, Sada-e-Suhl est le seul lien de la population, illettrée à 70 %, avec le monde extérieur. Elle voit le jour grâce au soutien du commandant Ahmad Shah Massoud et de différentes entités telles que le journal Internews Afghanistan ou l’ONG Aide médicale internationale (Ami). La plupart des émissions sont consacrées aux droits de l’homme et à l’éducation. L’équipe, composée de nombreux volontaires, est victime de harcèlements, mais Z. Zaki souhaite faire de sa radio une maison communautaire où chacun s’exprime librement. Elle critique ouvertement les chefs de guerre talibans et reçoit régulièrement des menaces de mort. Les chefs locaux lui interdisent d’interviewer des femmes dans la rue, et, en 2007, elle est assassinée.

Audrey CANSOT

If I Stand Up, Shekeba Adil, 52 min, 2005.

ZAKRZEWSKA, Maria Elizabeth [BERLIN 1829 - BOSTON 1902]

Médecin germano-américaine.

C’est à Boston que Maria Elizabeth Zakrzewska ouvre le premier hôpital pour les femmes et les enfants. D’origine polonaise par son père et allemande par sa mère, sage-femme de profession, elle étudie l’obstétrique à Berlin, dans l’école de sages-femmes de l’hôpital de la Charité où elle exercera ensuite en tant qu’assistante, professeure puis directrice. Des dissensions l’amènent à émigrer aux États-Unis. Elle rejoint en 1853 ses amies Emily et Elizabeth Blackwell* à New York et, sur leurs conseils, s’incrit au Western Medical College de Cleveland, dont elle sort diplômée deux ans plus tard. En 1857, elle retourne à New York pour aider les sœurs Blackwell à organiser le New York Infirmary for Women and Children, qu’elle dirigera pendant deux ans. En 1859, elle devient professeure en obstétrique au New England Female Medical College. En 1862, elle ouvre le New England Hospital for Women and Children, le premier hôpital de Boston où les femmes et les enfants sont soignés par des femmes ; c’est le deuxième hôpital dirigé par des femmes médecins et chirurgiens en Amérique. Des générations de femmes médecins y ont été instruites. En 1890, M. E. Zakrzewska s’installe à Jamaica Plain, un quartier sud de Boston. Féministe et abolitionniste, elle a fait céder les barrières qui empêchaient les femmes d’exercer la médecine et fut pionnière dans le mouvement qui permit aux femmes noires de devenir infirmières.

Yvette SULTAN

ZALTZMAN, Nathalie [PARIS 1933 - ID. 2009]

Psychanalyste française.

Fille unique de parents juifs et laïques, d’origine russe, exilés en France – son père, ancien avocat à Saint-Pétersbourg, avait dû se cacher avec sa famille dans le sud de la France pendant la Seconde Guerre mondiale –, Nathalie Zaltzman grandit à Paris. Parlant plusieurs langues, dont le russe, l’anglais et l’italien, elle travaille d’abord comme interprète à l’Unesco. Après des études de psychologie à la Sorbonne, elle commence une analyse avec Serge Leclaire, à la Société française de psychanalyse puis à l’École freudienne de Paris. Elle a un fils avec François Perrier dont elle divorce en 1968. En 1970, elle rejoint le Quatrième Groupe, fondé l’année précédente par Piera Aulagnier*, une amie dont elle restera toujours proche, François Perrier et Jean-Paul Valabrega ; dès 1972, elle fait partie du bureau, et en 1986 occupe le poste de présidente. Cheville ouvrière de nombreux colloques de son groupe, elle joue un rôle important dans le mouvement psychanalytique en France et à l’étranger, en Russie et au Canada en particulier. Elle collabore à la revue Topique, fondée en 1969, en même temps que le Quatrième Groupe. Elle est également membre du comité de rédaction de la revue penser/rêver, fondée par Michel Gribinski en 2002. On lui doit de nombreux articles publiés dans Topique, dont en particulier l’« Histoire critique des institutions psychanalytiques », ainsi que des préfaces. Les trois livres qu’elle laisse portent la marque d’une grande clinicienne. De la guérison psychanalytique (1988) reprend pour une part certains thèmes abordés dans « La pulsion anarchiste » et « Baiser la mort ? » et soulève, pour la renouveler, la question de la guérison. La Résistance de l’humain (1999) expose ses réflexions, issues du groupe de travail qu’elle dirige depuis 1993, sur la littérature concernant les camps nazis et soviétiques et sur les expériences dégradantes vécues par des êtres qui, malgré des conditions inhumaines, sont arrivés à garder « ce rien d’humain » qui leur a permis de survivre. Dans son dernier ouvrage, L’Esprit du mal (2007), elle reprend cette question et interroge ce qui fait « l’humain » à travers la fiction de William Golding, Sa majesté des mouches, qui montre les pulsions érotiques et meurtrières d’enfants rescapés d’un naufrage et recréant une communauté cruelle et vile. Ce livre réactualise aussi le concept de Sigmund Freud de Kulturarbeit (« travail de culture ») et réexamine les fondements de ce que le tribunal de Nuremberg a désigné, en 1945, comme crime contre l’humanité. Cette analyste courageuse et passionnément engagée dans le mouvement psychanalytique aura toujours réussi à garder une exceptionnelle indépendance d’esprit et une sensibilité toute particulière qui faisait d’elle une dissidente de l’intérieur.

Michelle MOREAU RICAUD

De la guérison psychanalytique, Paris, Presses universitaires de France, 1998 ; La Résistance de l’humain, Paris, Presses universitaires de France, 1999 ; L’Esprit du mal, Paris, l’Olivier, 2007.

ZAMBELLI, Carlotta [MILAN 1877 - ID. 1968]

Danseuse et professeure italienne.

Formée à l’école de la Scala de Milan, Carlotta Zambelli choisit en 1894 d’entrer dans le ballet de l’Opéra de Paris où elle débute dans le divertissement de Faust. Succédant à Rosita Mauri* en 1898, elle y mène une brillante carrière jusqu’à sa retraite en 1930, acceptant peu d’invitations d’autres théâtres (Saint-Pétersbourg 1901, Monte-Carlo à partir de 1904). De 1914 à 1918, elle participe régulièrement aux tournées du Théâtre aux armées. De 1920 à 1955, elle est chargée de la classe de perfectionnement de l’école de danse. Elle entre à l’Opéra de Paris à une époque où le ballet connaît un relatif désintérêt et où la danse classique va être confrontée à l’émergence de nouvelles formes (Isadora Duncan*), puis aux flamboyants Ballets russes de Diaghilev. Avec ferveur et obstination, cette Italienne va se consacrer à la préservation des qualités qui ont fait la renommée de la danse française, avec le soutien de son partenaire et ami Albert Aveline. Elle conquiert le public par l’éclat et la précision de sa technique. La solidité de son travail de pointes et ses qualités giratoires lui permettent d’introduire à l’Opéra l’usage des déboulés et des manèges. Avec élégance et vivacité, elle marque de sa personnalité chacune de ses interprétations dans des styles variés, que ce soit dans le répertoire exotique de l’époque (Les Deux Pigeons, La Maladetta, La Korrigane, Coppélia) ou dans les créations : Javotte (Léo Staats, 1909), Suite de Danses (Ivan Clustine, 1913), Cydalise et le Chèvre-pied (Staats, 1923), Impressions de music-hall (Nijinska*, 1927). Elle est restée légendaire pour son interprétation rayonnante de Sylvia (reprise de Staats, 1919) qui a déchaîné l’enthousiasme du public et de la critique. À Saint-Pétersbourg, elle interprète, outre Coppélia, le grand répertoire (Giselle, Paquita). Elle acquiert une telle renommée que Diaghilev projette de l’engager, et qu’elle danse avec Karsavina* et Nijinski lors d’un gala à Londres en 1912. Son enseignement harmonise la virtuosité et la précision de l’école italienne à l’élégance et au raffinement de l’école française. Elle forme ainsi nombre de grandes danseuses dont Lycette Darsonval*, Yvette Chauviré*, Christiane Vaussard, Renée Jeanmaire*, Lyane Daydé et Claire Motte. Unanimement respectée, la « Grande Mademoiselle » est la première danseuse à recevoir la Légion d’honneur (1926).

Marie-Françoise BOUCHON

GUEST I., « Dossier Carlotta Zambelli », in Revue de la Société d’histoire du théâtre, no 83, 1969.

ZAMBON, Catherine [VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE 1957]

Actrice et auteure dramatique française.

Son goût de l’écriture est né, dit Catherine Zambon, des contes dont son père, immigré italien, a égayé son enfance. Comédienne depuis 1984, date de sa sortie du conservatoire de région de Lille, elle préfère pratiquer l’écriture théâtrale en compagnonnage avec différents créateurs : Sylvie Baillon, marionnettiste (Samain, livret d’opéra) ; Michèle Dhallu, chorégraphe (Voyage en Pa et Ma). Pour le projet Embouteillage, conçu par Anne-Laure Liégeois, elle propose Tiramisu et Le Pont des Ouches (2001). Elle anime auprès de populations diverses (École régionale d’acteurs de Cannes, milieu rural, jeunes en difficulté) des ateliers d’écriture qui lui inspirent des pièces : Les Bello, écrit avec et pour une classe de lycéens (1998) ; Les Z’habitants, 13 textes écrits chez l’habitant (2006-2008). Mais elle recherche aussi parfois l’inspiration dans la campagne beaujolaise de son enfance, entre vignes et rivière (Les Saônes, 2002). Quelle que soit la source de son théâtre, on y entend des mots précis, soigneusement pesés, une énergie mesurée, une douce musique qui vient tempérer le réalisme de ses propos et instille une ambiance feutrée. Parfois, elle met en scène ses propres œuvres (Le Jeu de l’oie, 1996). Il lui arrive aussi de les transformer en récits : ainsi Kaïna-Marseille devient en roman pour adolescents (2007).

Mireille DAVIDOVICI

ZAMBRANO, María [VÉLEZ-MÁLAGA 1904 - MADRID 1991]

Philosophe et essayiste espagnole.

Fille d’enseignants, María Zambrano Alarcón passe son enfance à Ségovie, où son père se lie avec le poète Antonio Machado. En 1924, la famille s’établit à Madrid. Elle étudie la philosophie, avec José Ortega y Gasset et Xavier Zubiri comme professeurs. En 1930, elle publie son premier livre, Horizonte del liberalismo (« horizon du libéralisme »). En 1931, professeure auxiliaire de métaphysique, elle prépare sa thèse de doctorat, intitulée La salvación del individuo en Spinoza (« le salut de l’individu chez Spinoza »). Son premier essai, ¿ Por qué se escribe ? (« pourquoi écrit-on ? »), paraît en 1933 dans la Revista de Occidente. Elle collabore ensuite à d’autres revues, Los Cuatro Vientos et Cruz y Raya, et noue des relations avec des écrivains, dont ceux de la « génération de 27 ». En 1936, elle épouse l’historien et secrétaire d’ambassade Alfonso Rodríguez Aldave ; ils partent pour La Havane et le Chili. Ils reviennent l’année suivante, alors que la guerre civile a éclaté. Il rejoint l’armée pour défendre la République ; elle est nommée « conseillère de Propagande » et « conseillère nationale de l’Enfance évacuée ». En janvier 1939, elle s’exile avec sa famille en France, où elle mène une activité littéraire intense et publie, la même année, Pensamiento y poesía en la vida española (« pensée et poésie dans la vie espagnole ») et Philosophie et poésie (Filosofía y poesía). Séparée de son mari en 1948, elle commence à veiller sur sa sœur Araceli, retrouvée à Paris, après avoir subi les tortures nazies. Elles vivront ensemble jusqu’au décès d’Araceli, en 1972. Suivent des années de vie nomade en Amérique (New York, Mexique, Porto Rico et La Havane), puis en Europe (Paris, Rome, La Pièce dans le Jura, Genève). Elle ne reviendra en Espagne qu’en 1984, après quarante-cinq ans d’exil. Parmi ses œuvres les plus importantes figurent Les Rêves et le Temps (Los sueños y el tiempo, 1939), L’Homme et le Divin (El hombre y lo divino, 1951), Persona y democracia (« personne et démocratie », 1958). Elle évolue vers le mysticisme, avec Les Clairières des bois (Claros del bosque, 1977) et De l’aurore (De la aurora, 1986). Pour l’auteure, la philosophie commence avec le divin et avec l’explication des choses quotidiennes. Deux postulats s’imposent : la création de la personne et la raison poétique, l’une comme fondement de l’autre, toutes deux unies à la phénoménologie du divin et à l’histoire. La création de la personne est le centre de sa pensée : l’être humain avec ses aspirations, nostalgies, espoirs, échecs et tragédies comme problème fondamental à résoudre. Le sujet de la raison poétique constitue l’un des noyaux essentiels de sa philosophie. Il s’agit d’instaurer une « pensée poétique » capable de dépasser l’abîme entre philosophie et poésie ; dans son œuvre, ces éléments s’entremêlent et se confondent. Un article du philosophe José Luís Aranguren dans la Revista de Occidente en 1966 entame la lente reconnaissance de son œuvre en Espagne. En 1980, elle est nommée « fille adoptive de la principauté des Asturies », sa première reconnaissance officielle. En 1981, elle obtient le prix Prince des Asturies et est nommée « fille préférée » par sa ville natale. En 1982, elle devient docteure honoris causa de l’université de Málaga ; en 1988, elle reçoit le prix Cervantes. Une fondation porte son nom, de même que la bibliothèque de l’institut Cervantes de Rome (elle est la seule écrivaine à avoir mérité un tel honneur parmi les 47 bibliothèques qui existent à travers le monde). D’importantes philosophes ont fondé, en 1997, l’Asociación española de filosofía María Zambrano.

María José VILALTA

Philosophie et poésie (Filosofía y poesía, 1939), Paris, José Corti, 2003 ; L’Homme et le Divin (El hombre y lo divino, 1951), Paris, José Corti, 2006 ; Sentiers (Senderos, 1986), Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1992 ; Délires et destin (Delirio y destino, 1989), Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1997 ; Notes pour une méthode (Notas de un método, 1989), Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 2005.

ZAMORA, Bernice (Bernice ORTIZ ZAMORA, dite) [AGUILAR, COLORADO 1938]

Poétesse américaine chicana.

D’origine mexico-américaine (ou chicana), Bernice Zamora parle espagnol avec sa famille et anglais à l’école. Elle participe activement au mouvement littéraire chicano des années 1970. C’est la publication du recueil de poèmes Restless Serpents, en 1976, avec José Antonio Burciaga, qui attire l’attention sur son travail poétique. Le serpent, image clé de sa poésie, est dans ce recueil comme un emblème associant la vision chrétienne du pouvoir du mal aux pratiques cultuelles des Aztèques, qui évoquent les origines historiques et mythiques de la communauté chicana. C’est en explorant son identité chicana qu’elle établit un dialogue avec la langue et la poésie américaines. Cette intertextualité créative est notamment illustrée par le poème « Let the Giants Cackle », qui s’attaque à l’indifférence de la communauté blanche américaine à l’égard des traditions culturelles des Chicanos et de leur lien avec la langue espagnole. Elle montre aussi la violence d’une politique qui permet de déposséder économiquement et culturellement des communautés dites « minoritaires ». Elle accorde une grande importance à la lecture publique de ses poèmes, car, selon elle, il s’agit d’une nécessité culturelle pour une poétesse chicana de s’inscrire dans sa communauté. Malgré son intense travail littéraire, par exemple en tant que coéditrice de l’anthologie de littérature chicana Flor y Canto IV and V (1980), ce n’est qu’en 1994 qu’elle publie son deuxième recueil de poésie, Releasing Serpents, qui sera suivi, en 1997, de deux autres : Bellow et Recalling Richard. Dans sa poésie, elle aborde des questions politiques et sociales, en particulier celle de l’oppression des femmes, qui subissent l’emprise d’un monde masculin. Elle revient sur ces questions dans son essai Silence at Bay, publié dans le recueil d’essais Máscaras, édité par Lucha Corpi*, en 1997. Son public s’est élargi et sa poésie se situe aujourd’hui au croisement des cultures des États-Unis.

Melina BALCÁZAR MORENO

CANDELARIA C., Chicano Poetry : A Critical Introduction, Westport, Greenwood Press, 1986 ; HAWLEY J. C., Cross-Addressing : Resistance Literature and Cultural Borders, Albany, State University of New York Press, 1996.

ZAMORA, Daisy [MANAGUA 1950]

Poétesse nicaraguayenne.

Daisy Zamora a publié plusieurs recueils de poésie, notamment En limpio se escribe la vida (« la vie s’écrit au propre », 1988), La violenta espuma (« l’écume violente », 1982) et A cada quien la vida (« à chacun la vie », 1994). Elle a aussi dirigé la publication d’une anthologie, La mujer nicaragüense en la poesía (« la femme nicaraguayenne dans la poésie », 1992). Elle est membre du Front sandiniste de libération nationale depuis 1973, un engagement politique qui l’a obligée à s’exiler un temps au Honduras, au Costa Rica et au Panamá. Elle a été vice-ministre de la Culture aux côtés du poète Ernesto Cardenal. Sa poésie est construite autour d’une série d’éléments de la nature empreints de nostalgie. Elle retourne à l’enfance, aux rencontres du passé, aux liens familiaux qui se défont avec le temps. L’activation des souvenirs fonctionne à partir de la mention de petites choses qui déclenchent des images dans la mémoire. Témoins de son esprit de synthèse, ses vers sont simples, clairs et concis, écrits sur un ton direct et intime qui incite le lecteur à se fondre dans les histoires que racontent ses poèmes.

Ingrid SOLANA

ZAMORA DE PELLICER, Carolina [CORDOUE 1911 - MADRID 1998]

Pédiatre, psychiatre et psychanalyste espagnole.

Née à Cordoue où elle fait ses études secondaires, Carolina Zamora part à Madrid pour étudier la médecine et obtenir, en 1936, ses diplômes en pédiatrie et en psychiatrie. Elle exerce alors dans différents hôpitaux, à San Sebastián et à Madrid, où elle devient professeure assistante à la faculté de médecine. En 1940, elle épouse le peintre Rafael Pellicer y Galeote. Son atelier était un haut lieu de rencontres pour les artistes, les intellectuels et tous ceux qui s’intéressaient alors à la psychanalyse. C’est en 1952 qu’elle commence une analyse qu’elle poursuivra, à Paris, en 1955. Après sa conférence, en 1958, sur l’Histoire de la névrose, elle devient membre de la Société psychanalytique de Paris. Elle jouera un rôle très important lors de la fondation, en 1966, de l’Association psychanalytique espagnole, après avoir fait partie du comité directeur de la Société luso-espagnole de psychanalyse. Dès lors, elle s’est engagée à promouvoir la psychanalyse dans les cercles intellectuels espagnols.

Nicole PETON

ZAMUDIO, Adela [COCHABAMBA 1854 - ID. 1928]

Écrivaine bolivienne.

Les premières poésies d’Adela Zamudio, signées du pseudonyme de Soledad, l’ont rendue célèbre. Son premier livre, Ensayos poéticos (« essais poétiques », 1877), comprend le poème « Nacer hombre » (« naître homme »), qui dénonce le statut privilégié accordé aux hommes. Son œuvre littéraire est publiée dans des journaux de l’époque, mais ses nouvelles ne seront connues que quinze ans après sa mort avec la publication posthume, en 1943, de Cuentos breves (« nouvelles brèves ») et de Novelas cortas (« romans courts »). Dans Íntimas (« intimes », 1913), son unique roman, elle propose deux niveaux d’observation des relations entre les sexes : le style épistolaire masculin, ordonné et chronologique, s’oppose au style féminin, chaotique et désordonné. Disqualifié par la critique, oublié et ignoré pendant quatre-vingt-six ans, le roman est réédité en 1999. C’est dans le recueil de poèmes Ráfagas (« rafales », 1914) que l’on peut lire « Quo vadis », un réquisitoire contre le pouvoir du Vatican et en faveur de la laïcité qui déclenche un débat relayé par la presse bolivienne et lui vaut les foudres de l’Église et de l’oligarchie. A. Zamudio enseigne avec passion à partir de 45 ans jusqu’à la fin de sa vie. Elle fonde une académie de peinture pour petites filles, dirige un lycée de jeunes filles et écrit Ensayo pedagógico (« essai pédagogique ») ainsi que La misión de la mujer (« la mission de la femme »). En 1926, le président de la République Hernando Siles lui rend hommage lors d’une cérémonie à la fois solennelle et populaire. Si les écrivaines qui l’on précédée lui ont ouvert la voie, c’est A. Zamudio qui a su qualifier le mieux la situation des femmes boliviennes, ce qui fait d’elle une pionnière. En 1980, Lidia Gueiler, première présidente de Bolivie, instaure le 11 octobre comme Journée de la femme bolivienne en mémoire du jour de la naissance d’A. Zamudio. La productrice franco-bolivienne Danièle Caillet, la Bolivienne Raquel Romero ont produit, respectivement, un documentaire et un film à propos de son œuvre.

Virginia AYLLÓN

GUZMÁN A., Adela Zamudio, biografía de una mujer ilustre, Juventud, La Paz, 1986.

Nacer hombre. Video arte sobre el poema homónimo de Adela Zamudio con coreografía de Norma Quintana, Danielle Caillet, Norma Quintana, 15 min, 1994 ; No te mueras en el silencio, Raquel Romero, vidéo 84 min, 1994.

ZANA, Leyla [KURDISTAN TURC 1961]

Militante kurde et femme politique turque.

Mariée à 14 ans à Mehdi Zana, maire en 1977 de Diyarbakir, « capitale » du Kurdistan turc, Leyla Zana se revendique de son héritage politique lorsqu’il est emprisonné et torturé par le gouvernement turc, au début de 1980, pour activité « séparatiste ». Elle se présente aux élections parlementaires turques en 1991, dans la circonscription de Diyarbakir, sur la liste du Parti de la démocratie du peuple, et devient la première femme kurde députée. Elle provoque un tollé au sein du Parlement turc lorsqu’elle prête serment en langue kurde avec trois autres députés kurdes. Ils sont arrêtés dans l’enceinte même du Parlement. Privés de leur immunité, dans un pays où l’usage de la langue kurde est sévèrement puni par la loi, et accusés sans preuve d’être membres du PKK, un parti classé organisation terroriste par le département d’État américain et par Ankara, ils sont traduits devant la Cour de sûreté de l’État pour trahison. Au terme d’un procès inique, auquel assistent par solidarité de nombreuses personnalités et associations venues d’Europe, L. Zana, alors âgée de 33 ans, est condamnée à quinze ans d’emprisonnement. Depuis sa prison, malade, elle continue à militer et défend la cause des femmes à travers ses Écrits de prison. Elle écrit : « Je voudrais par ce recueil transmettre aux femmes kurdes comme à toutes les autres le même message de combat : prenez la parole ! Que nul ne puisse plus jamais vous dire : “Femme, tais-toi ! ” Parler librement, c’est déjà une avancée décisive sur le chemin de la liberté. » Plusieurs textes militants rédigés en prison donnent lieu à un alourdissement de sa peine. La mobilisation en sa faveur se développe tandis qu’elle devient une égérie du combat pour la liberté d’expression et de conscience. Son courage et son engagement ont été honorés par plusieurs prix, dont le prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de pensée qu’elle a reçu en 1995. Les interventions critiques de la Cour européenne des droits de l’homme à partir de 2001 permettent l’annulation, par la Cour suprême de Turquie, de la condamnation des quatre députés kurdes, et leur libération en juin 2004.

Lydie FOURNIER

Écrits de prison, Paris, Des Femmes-Antoinette Fouque, 1995.

« Une femme, un combat, Leyla Zana », in L’Humanité, 12 juin 2004.

KUDRET G., Leyla Zana, l’espoir d’un peuple, 52 min, 2002.

ZÂNAN – REVUE [Iran 1991-2008]

La revue Zânan est fondée par Shahla Sherkat (1956), après son renvoi de son poste de rédactrice en chef du magazine féminin Zan-é-Rouz (« femme actuelle ») pour ses idées avant-gardistes et féministes. Encouragé par des personnalités comme le prix Nobel Shirin Ebadi *ou le futur président iranien Mohammed Khatami, le journal devient une tribune pour nombre de femmes artistes, veuves de martyrs, détenues. La ligne éditoriale, féministe et progressiste, qui traite de questions taboues en Iran comme les lois sur le divorce, la prostitution, le sida ou la maltraitance conjugale, rencontre un réel succès. Cependant, si la rédaction se positionne ouvertement contre certains membres du gouvernement islamiste et critique des règles discriminatoires comme le quota sexuel favorable aux garçons à l’université, le féminisme défendu par le journal se veut spécifique et non pas importé de l’Occident. Il tente de construire une identité « autochtone », un « féminisme islamique » fondés sur une lecture moderniste du Coran et sur l’adaptation à la vie moderne de la loi canonique islamique, la charia.

Ce positionnement inédit provoque maintes controverses qui compliquent la vie du journal. Outre des difficultés de financement, car ses seules ressources viennent de la publicité, il doit faire face à de multiples attaques. Dans les années 1990, ses bureaux sont saccagés. S. Sherkat prend en flagrant délit les auteurs du vandalisme et négocie pendant des heures avant qu’ils quittent les lieux. La police refuse d’intervenir malgré ses demandes. Les autorités menacent l’équipe d’emprisonnement et S. Sherkat, fréquemment convoquée par le tribunal de la presse pour s’expliquer sur le contenu de certains articles, est condamnée en 2001 à quatre mois de prison pour avoir participé, à Berlin, à une conférence portant sur l’Iran. Grâce à la procédure d’appel, la rédactrice en chef échappe à la prison, mais doit s’acquitter d’une forte amende. En 2008, le journal est suspendu par les autorités.

Audrey CANSOT

SHERKAT S., Zanân, Le Journal de l’autre Iran, Paris, CNRS, 2009.

ZANCARINI-FOURNEL, Michelle [SAINT-ÉTIENNE 1947]

Historienne française.

Connue pour ses travaux sur l’histoire des femmes et du genre, le militantisme ouvrier et les « années 68 » (expression qu’elle a popularisée), Michelle Zancarini-Fournel est restée fidèle durant sa vie professionnelle à l’étude des formes d’engagement du milieu ouvrier. L’héritage familial comme l’expérience des études à Nanterre dans les années 1960 l’ont sensibilisée aux thématiques qui ont scandé sa production d’historienne : l’éducation, le travail, les grèves et la culture populaire. L’expérience d’un échange avec l’université Brown en 1984 la confronte en particulier aux premières recherches américaines sur le genre, qui sera au cœur de la plupart de ses travaux d’histoire. Sa carrière universitaire débute en 1991 à l’université Paris 8 après des années d’enseignement dans le secondaire et l’écriture d’une thèse à quatre mains avec Mathilde Dubesset, publiée en 1993 sous le titre Parcours de femmes, Réalités et représentations, Saint-Étienne, 1880-1950. Ce premier ouvrage anticipe ses travaux ultérieurs soucieux de lier une réflexion sur la matérialité des vies des femmes (maternités, éducation, travail, famille) et les représentations de celles-ci. Elle poursuit cette démarche, qui croise l’histoire sociale matérielle avec une histoire discursive à l’échelle d’une ville, dans des travaux ultérieurs sur la protection sociale (Différence des sexes et protection sociale, XIXe-XXe siècles, codirigé avec Leora Auslander, 1995) ou dans ses nombreuses publications sur les années 1960 : Le Moment 68, une histoire contestée (2008) et 68, une histoire collective (codirigé avec Philippe Artières, 2008). Ces derniers travaux s’interrogent en particulier sur les rapports entre mémoire et histoire et font le choix d’une histoire sociale de l’événement s’appuyant sur des sources écrites, orales et visuelles. Sa manière de pratiquer cette histoire sociale des contestations reste toujours attentive aux logiques individuelles et collectives. Enseignante et chercheuse engagée, elle est à l’origine avec Françoise Thébaud* de la création de la revue Clio, Histoire, femmes et sociétés dont elle a dirigé de nombreux numéros. Elle a aussi créé avec Agnès Fine* une collection aux Presses universitaires du Mirail, « Le temps du genre ». Auteure d’un des premiers manuels d’histoire des femmes, Histoire des femmes en France, XIXe-XXe siècle (2005), elle a beaucoup œuvré pour faire découvrir et développer ce champ de recherche, dans ses cours du soir à Paris 8 comme à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Lyon où elle est nommée maître de conférences puis professeure (2001). Chargée par le ministère de l’Éducation nationale de la mise en œuvre au sein des IUFM d’une convention pour promouvoir l’égalité des femmes et des hommes dans le système éducatif, elle a encouragé les recherches et les expériences centrées sur la prise en compte du genre dans la formation des professeurs stagiaires.

Rebecca ROGERS

ZANGANA, Haifa [BAGDAD 1950]

Romancière et essayiste irakienne.

Combattante pour les droits de l’homme et membre du Parti communiste irakien, Haifa Zangana, d’origine kurde, est emprisonnée et torturée en 1974, puis fuit à Damas et prend fait et cause pour la résistance palestinienne. En 1976, elle s’installe à Londres, où elle écrit et peint, participant à des expositions internationales. Ses œuvres littéraires, traduites en plusieurs langues, regroupent des essais politiques comme Halabja (1989), du nom de la ville kurde, qui dénonce le largage de bombes chimiques par l’armée irakienne sur des villages kurdes ; des récits autobiographiques comme Through the Vast Halls of Memory (« à travers les galeries de la mémoire », 1990) qui porte sur les tortures infligées en Irak aux prisonniers politiques ; des recueils de nouvelles ; ou encore un roman partiellement autobiographique, Nisā’ʻalā safar (2001), paru en anglais sous le titre Women on a Journey : Between Baghdad and London (« des femmes en voyage : entre Bagdad et Londres », 2007). En 2009, elle publie Dreaming of Baghdad. Comme le souligne l’écrivaine irakienne Inaam Kachachi*, H. Zangana montre que la tragédie irakienne n’est pas uniquement imputable à l’Occident, mais qu’elle puise ses sources à l’intérieur des Irakiens eux-mêmes, dans leur acceptation étroite du militantisme partisan, leur refus de la différence et l’annihilation de l’autre. En ce sens, la tragédie irakienne ressemble à celle des Atrides.

Christian LOCHON

ZANGARO, Patricia [ARGENTINE 1958]

Dramaturge argentine.

Patricia Zangaro est l’une des figures majeures du théâtre argentin de la période post-dictatoriale. À sa première œuvre montée, Hoy debuta la finada (« aujourd’hui, c’est le début de la fin », 1988), succèdent Pâques des traîne-misère (1991), véritable consécration, et Pour un royaume (1993), où, depuis la marge, elle interroge le monde, comme l’indique le recueil Teatro y margen (1997). Sa « vocation pour les marges » mixe les conventions théâtrales et donne naissance à un style bigarré, à l’image de sa conception de l’identité argentine. Auto de fe… entre bambalinas (1996), qui reçoit de nombreuses récompenses, prolonge l’exposition des marges à travers le protagoniste acteur et révolutionnaire homosexuel. Avec A propósito de la duda (« à propos du doute », 2000), composé de témoignages de parents de disparus, elle participe au cycle Teatroxlaidentidad et s’associe à l’action des grand-mères de la Plaza de Mayo. Tiempo de aguas (2000) marque une nouvelle orientation inspirée par une subjectivité poétique qui déconstruit les mythes féminins pour les réinventer. La dramaturge adapte aussi des pièces d’autres auteurs, comme La Tempête, de William Shakespeare (2000).

Stéphanie URDICIAN

Pâques des traîne-misère (Pascua rea, 1991), Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 1998 ; Pour un royaume (Por un reino, 1993), in Revue du théâtre, hors-série no 10 : « Argentine, écritures dramatiques d’aujourd’hui », Paris, juil. 1999 ; Des-montajes, reflexiones sobre dramaturgia y dramaturgos, Buenos Aires, La Bohemia, 2003.

ZANGA TSOGO, Delphine (dite MME TSANGA) [LOMIÉ 1935]

Femme politique et romancière camerounaise.

Après avoir fréquenté le collège moderne de jeunes filles de Douala, Delphine Zanga Tsogo obtient un diplôme d’infirmière d’État à Toulouse. De retour au Cameroun en 1960, elle travaille dans plusieurs hôpitaux. Menant en parallèle une carrière politique, elle est élue en 1964 présidente nationale du Conseil des femmes du Cameroun, et occupe, dès lors, plusieurs places dans l’administration camerounaise. Auteure de deux romans publiés en 1983, L’Oiseau en cage et Vies de femmes, elle décrit dans le premier la vie d’une jeune fille, Ekobo, qui cherche par tous les moyens à améliorer sa condition de vie, à s’exprimer et à être elle-même. Mais la société africaine moderne, caractérisée par l’avènement du christianisme occidental et dont les enseignements contribuent à la soumission de la femme à son mari, se présente comme un obstacle à son épanouissement. Face à cette opposition, Ekobo devient confuse, elle ne sait plus quoi faire, tourne en rond comme un oiseau dans une cage. À travers cet ouvrage, D. Zanga Tsogo remet en question le christianisme occidental au sein de la société africaine en général, et chez la femme camerounaise en particulier, et montre comment l’individu est absorbé par la société. Dans Vies de femmes, elle exprime également les problèmes des femmes dans la société camerounaise et y décrit leurs conditions de vie au quotidien.

Après ses carrières politique et littéraire, D. Zanga Tsogo s’investit dans le domaine de la recherche et de la protection de l’environnement, et contribue ainsi à combattre la crise que traverse le Cameroun, notamment par la valorisation des produits forestiers.

Ariane NGABEU

Vies de femmes, Yaoundé, CLE, 1983 ; L’Oiseau en cage, Paris, Edicef, 1983.

ZANGHÌ, Sara [CASTELL’UMBERTO 1931]

Écrivaine italienne.

Née dans la région de Messine, Sara Zanghì quitte la Sicile après avoir obtenu son diplôme à l’université et part enseigner la littérature italienne et l’histoire à Viterbe, puis à Rome. À Viterbe, elle travaille également sur des recherches historiographiques et publie Storia del Viterbese (« histoire de la région de Viterbe », 1974). Quelques années plus tard, elle renoue avec l’écriture créative, qu’elle avait abandonnée durant ses études universitaires. Grâce aux encouragements de la poétesse Amelia Rosselli*, qui en compose la préface, Sara Zanghì publie en 1986 son premier recueil de poésie, Fort-da, suivi du texte Il circo smantellato (« le cirque démoli »), inséré dans le volume collectif Testarda tregua (« trêve tenace », 1987). Par la suite, elle compose le recueil de récits Io e loro (« eux et moi », 1992), suivi du roman La cima della stella (« la cime des étoiles », 1998), de Una sospettata inclinazione (« une inclination suspecte », 1995), prix de poésie Dario-Bellezza en 1997, et de Nebris (2003), prix Amelia-Rosselli en 2004. Ses textes ont été publiés dans plusieurs anthologies telles que Donne in poesia (« femmes en poésie ») en 1988 ; La città dei poeti (« la ville des poètes ») en 1990 ; deux ouvrages dirigés par Idolina Landolfi*, Amori (« amours », 2001) et Bugie (« mensonges », 2004) ; et la collection anthologique de Delia Vaccarello* Principesse azzurre, « amours et histoires de femmes entre femmes ».

Maria Valeria CICOGNA

ZAN’KOVETSKA, Mariya (Maryia ADASOVS’KA, dite) [ZAN’KY 1860 - KIEV 1934]

Actrice ukrainienne.

Mariya Zan’kovetska est considérée comme la plus grande actrice ukrainienne du XIXsiècle. Issue d’une famille de la petite noblesse, elle fait ses études au conservatoire d’Helsinki. Elle débute en 1882 dans le répertoire classique, pour les principaux théâtres russes et ukrainiens, et se place au premier rang des artistes dramatiques de son pays. Elle étend sa réputation à l’étranger. Saint-Pétersbourg consacre définitivement son talent après qu’elle a joué au Théâtre impérial devant le tsar Alexandre III et sa famille. Le plus grand critique de théâtre russe, Alexandre Souvorin, la couvre d’éloges et la compare à Sarah Bernhardt. Elle marque d’une empreinte personnelle les rôles, écrits par Mykhaïlo Starytsky, de Katria (Le Destin), d’Olena (La Servante), et celui d’Aza (La Tsigane Aza), œuvre de Ivan Karpenko-Kary. Fervente de musique et de poésie, elle fut une actrice à l’originalité tranchée, joignant à une extraordinaire mobilité de la physionomie le charme de la voix, et obtenant des effets d’émotion vive par un jeu simple et naturel. Que ce soit dans les rôles tragiques ou romantiques, son tempérament dramatique, sa diction empathique et son extrême féminité ont séduit le public.

Olga CAMEL

DMYTRO A., Trysta rokiv ukrainskoho teatru (1619-1919), Kiev, VIP, 2003 ; Entsyklopadia ukrainoznavstva, t. 2, Munich, Molode jyttia, 1955.

ZANTA, Léontine [MÂCON 1872 - ID. 1942]

Femme de lettres, enseignante et journaliste française.

Fille d’un professeur alsacien, agrégé de grammaire, Léontine Zanta est, en 1914, la première femme docteure ès lettres et philosophie. Sa thèse, La Renaissance du stoïcisme au XVIe siècle, soutenue à la faculté des lettres de l’université de Paris, conclut que le stoïcisme – basé sur la raison – et le christianisme – basé sur l’amour – ne peuvent s’épouser qu’au détriment de l’un ou de l’autre. Dans Mémoires d’une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir* raconte qu’elle fut l’un de ses premiers modèles, car, à son époque, les filles titulaires d’un diplôme universitaire se comptaient sur les doigts de la main. L. Zanta attribue à l’un de ses personnages – professeure de philosophie et maîtresse à penser de l’héroïne – le magnifique surnom de « La Lampe » que lui donnaient ses propres étudiantes. Sa Psychologie du féminisme (1922), préfacée par Paul Bourget, est une référence. Elle publie en 1927 Le Féminisme : ses manifestations variées à travers les faits, les institutions, les tendances, les mouvements d’opinions, et encourage les jeunes filles à suivre des études supérieures. En 1929, elle participe aux premiers États généraux du féminisme, organisés par le Conseil national des femmes françaises à Paris, pour le droit de vote des femmes, et elle participe au jury du prix Femina entre 1920 et 1942. Au cours de ses voyages et de ses séjours en Asie, Pierre Teilhard de Chardin, dont elle était la conseillère et amie, lui écrit régulièrement pour l’encourager dans son travail et lui faire part de ses propres réflexions. Elle est l’auteure de deux romans d’initiation, La Science et l’Amour, journal d’une étudiante (1921) et La Part du feu (1927).

François LE GUENNEC

TEILHARD DE CHARDIN P., Lettres à Léontine Zanta, Paris, Desclée de Brouwer, 1965 ; MALEPRADE H., Léontine Zanta, 1872-1942. Vertueuse aventurière du féminisme, Paris, Rive droite, 1997.

ZAPATA PRILL, Norah (Norah Talía ZAPATA PARRILLA, dite) [COCHABAMBA 1943]

Poétesse bolivienne.

Norah Zapata Prill habite en Suisse depuis 1976, elle est l’auteure de quatre recueils : De las estrellas y el silencio (« des étoiles et du silence », 1973) ; Géminis en invierno (« gémeaux en hiver », 1978) ; Fascinación del fuego (« fascination du feu », 1985) et Diálogo en el acuario (« dialogue dans l’aquarium », 1985). Avec un vers aussi fluide qu’intense, elle construit une poétique de l’amour qui lui permet de nommer le monde. La passion, le désir, la rencontre ou les adieux sont des métaphores de la destruction, de la résurrection, de l’évasion ou de l’illusion. Sa production est sans doute une des plus belles et en même temps des plus originales de la poésie bolivienne. En effet, bien que le poème d’amour soit présent dans la production de nombreux poètes, elle est la seule à faire de celui-ci le lieu unique de l’énonciation.

Virginia AYLLÓN

ZAP MAMA – GROUPE DE MUSIQUE BELGO-ZAÏROIS [depuis les années 1980]

Les Zap Mama, ce sont cinq jeunes femmes, emmenées par la Belgo-Zaïroise Marie Daulne, qui surent séduire la planète entière avec un concept de groupe radicalement nouveau, entre polyphonies vocales et pop. Née au Congo en 1964, M. Daulne passe la première année de sa vie cachée chez les Pygmées, sa mère ayant fui avec ses enfants dans la région des forêts pour échapper à la guerre civile. Une vingtaine d’années plus tard, désormais installée à Bruxelles, la jeune femme crée les Zap Mama avec quatre comparses, également d’origine africaine. Chants pygmées, yodel, percussions vocales mais aussi rap et scat, les Zap Mama ne pratiquent que l’a cappella. Elles donnent un coup de projecteur sur les incroyables possibilités vocales que l’être humain recèle. Deux albums, Zap Mama (1992) et Sabsylma (1994), convainquent de l’incroyable potentiel de ces cinq-là et de leurs invitées (comme la Camerounaise Sally Nyolo). Suite à l’accouchement de M. Daulne, le groupe se met en pause. À la fin des années 1990, cette dernière relance la formation avec d’autres participantes. D’un collectif, les Zap Mama devient son projet personnel. Elle s’installe en 2000 à New York où elle reste quatre ans. En 2009, elle sort l’album ReCreation avec de nombreux invités dont G Love, Vincent Cassel et Bilal, Tony Allen, Meshell Ndegeocello. Aujourd’hui, les Zap Mama de la première époque restent une référence incontournable pour tout artiste s’intéressant aux liens entre cultures africaines et musiques urbaines.

Elisabeth STOUDMANN

ZAPOLSKA, Gabriela (Maria Gabriela Stefania KORWIN-PIOTROWSKA, dite) [PODHAJCE, UKRAINE 1857 - LWÓW, AUJ. LVIV 1921]

Actrice, écrivaine et journaliste polonaise.

Fille d’une ballerine de l’Opéra de Varsovie et d’un propriétaire terrien aisé, Gabriela Zapolska grandit dans une Pologne partagée entre la Prusse, la Russie et l’Autriche. Engagée à 19 ans dans un mariage malheureux, par la suite annulé, elle enfreint l’ordre d’une société polonaise assez fermée, rompt avec sa famille et débute comme actrice dans des troupes itinérantes. Gabriela Zapolska est son principal pseudonyme, les autres étant G. S., M. P., Marya, Józef Mascoff, Omega, Szczera, Walery Tomicki. Pour subvenir à ses besoins, elle collabore à différents journaux, où elle publie ses premières nouvelles, notamment Malaszka (1883), ainsi que des romans : Kaska Kariatyda (1886) et Przedpiekle (« les limbes », 1889). Elle y dénonce l’hypocrisie sociale, l’indifférence face aux plus pauvres et aux exploités, la tyrannie dans les familles, en particulier à l’égard des femmes. La critique conservatrice et littéraire, alors dominée par les hommes, lui est très hostile. Surnommée la Zola polonaise, elle se rend à Paris en 1889. Correspondante de plusieurs journaux de Varsovie, elle noue des contacts avec les milieux littéraire, théâtral et artistique. En 1892, elle suit avec attention les débats du Congrès international des femmes et envoie en Pologne des comptes-rendus très pertinents. Ses jugements sur l’art s’affinent sous l’influence du peintre nabi Paul Sérusier et plusieurs de ses articles, souvent novateurs, en témoignent. Toutefois, sa rencontre la plus importante sera sans doute avec Antoine, le fondateur du Théâtre libre, qui l’engage dans sa troupe et lui fait découvrir sa conception du théâtre naturaliste. Elle traduit en polonais plusieurs pièces et continue à travailler à son œuvre personnelle. En 1895, elle rentre en Pologne, reprend sa vie d’actrice et fonde une école de théâtre et une troupe : la Scène libre. Puis, abandonnant la scène notamment pour des raisons de santé, elle continue d’écrire des pièces de théâtre, des critiques théâtrales, des romans et des articles. C’est à cette époque que naissent ses œuvres dramatiques majeures : La Morale de Madame Dulska (1906), Ich czworo (« eux quatre », 1907), Skiz (1908), Panna Maliczewska (« mademoiselle Maliczewska », 1910). Son œuvre littéraire compte une trentaine de pièces de théâtre, dont plusieurs font désormais partie du répertoire polonais. G. Zapolska écrit dans des conditions parfois difficiles, mais tout en restant profondément convaincue de sa mission sociale. Dans ses comédies, elle observe avec lucidité et humour la société bourgeoise de son époque, tandis que ses tragédies restent sous l’influence de l’école naturaliste. G. Zapolska s’est dressée contre l’antisémitisme, dans son roman Antysemitnik (« l’antisémite », 1899). Ses nombreuses chroniques pour des journaux polonais, jointes à son abondante correspondance, souvent très savoureuse, représentent, pour la période parisienne, un millier de pages.

Elisabeth VIROL

ZARAÏ, Rika (née GOZMAN) [JÉRUSALEM 1938]

Chanteuse israélienne.

Rika Zaraï prend des cours de piano au conservatoire à 7 ans, et obtient, à 15 ans, un premier prix. À 17 ans, elle effectue son service militaire et assure la direction musicale du groupe artistique de son régiment. Elle commence à interpréter des chansons françaises en hébreu, puis tente sa chance à Paris, où elle vivote en se produisant dans des cabarets de strip-tease et en animant des fêtes juives. Elle finit par enregistrer un 45 tours, L’Olivier, qui obtient un succès d’estime. Elle rencontre Jean-Pierre Magnier, qui devient son imprésario et son mari. Jacques Brel, qui croit en elle, l’engage en 1963 en première partie de son Olympia. Il écrit au verso de l’un de ses disques : « Voici le feu, voici la force, voici la terre. C’est la vie qui chante. » Le succès arrive enfin avec Hava nagila, Michael, ainsi que Et pourtant, signée Charles Aznavour. En 1969, en s’inspirant d’une mélodie russe que lui fredonnaient ses parents pour l’endormir, elle enregistre Casatchok et se retrouve en tête du hit-parade devant Claude François et Johnny Hallyday. Le disque se vend à plus d’un million d’exemplaires et devient un succès en Italie et en Allemagne. En novembre 1970, elle est victime d’un très grave accident de voiture, reste six jours dans le coma et manque de demeurer paralysée. Quatorze mois plus tard, le corps dans un corset, elle arrive sur une civière à l’Olympia et parvient à chanter debout pendant cinquante minutes. La rééducation va se prolonger pendant trois ans. Au début des années 1980, elle raconte son expérience dans un livre qui se vend à 3 millions d’exemplaires, record absolu de l’histoire de l’édition française. En cinquante ans de carrière, elle a vendu 28 millions de disques, des chansons qu’elle considère comme des messages de paix, une façon d’aider les autres à vivre plus heureux.

Jacques PESSIS

ZARDOYA, Concha [VALPARAÍSO 1914 - MAJADAHONDA 2004]

Écrivaine espagnole.

Née au Chili, Concha Zardoya a 17 ans lorsque ses parents décident de regagner leur pays, l’Espagne ; elle s’installe avec sa famille à Madrid, où, au cours de ses études universitaires en littérature, elle approche des personnalités comme Ortega y Gasset ou Jorge Salinas. Lors de la guerre civile, elle est chargée d’une mission culturelle pour le ministère de l’Éducation de la République, à Valence. La mort d’un frère au front la pousse à écrire. Elle publie ses premiers poèmes dans Hora de España (« heure d’Espagne »), revue littéraire dirigée par María Zambrano*. L’après-guerre la contraint à exercer différents métiers. La traduction qu’elle donne de Walt Whitman lui ouvre les portes des États-Unis ; elle y fait plusieurs séjours comme enseignante universitaire et entreprend une recherche critique sur la littérature espagnole, où elle privilégie les auteurs du XXe siècle, tout en continuant à cultiver la poésie. La reconnaissance lui vient à partir des années 1980, avec l’attribution de plusieurs prix (premio Ópera optima, Prometeo de la poesía, Fémina, entre autres). Elle se partage entre poésie, biographie, conte et critique littéraire (Poesía española del siglo XX, 1974), bien que sa renommée soit surtout due au genre lyrique. Les sujets qu’elle aborde sont des thèmes éternels : le passage du temps, le comportement social et éthique – Ciudadanos del reino (« citoyens du royaume », 1996) met en exergue les figures de l’avare, du vaniteux –, l’essence de la poésie, l’amour, la mort ; celle-ci est présente dès ses premiers livres (Pájaros del Nuevo Mundo, « oiseaux du Nouveau Monde », 1946 ; Dominio del llanto, « domaine des pleurs », 1947) et acquiert des nuances multiples au fil des ans, même si sa conception est généralement déterminée par la philosophie de Sénèque ou la morale chrétienne. Le thème de l’Espagne revient aussi sans cesse, au point de se teinter de patriotisme. Ses vers rendent parfois hommage à ses prédécesseurs : Los ríos caudales (« les ruisseaux coulent », 1982) fait l’éloge des poètes de la « génération de 27 », qu’elle a connus et admirés ; El don de la simiente (« le don de la semence », 1993) se rapporte à l’œuvre des poétesses de tous temps, parmi lesquelles Rosalía de Castro* et Carmen Conde*.

Carme FIGUEROLA

Poesía española contemporánea, Madrid, Guadarrama, 1961.

RODRIGUEZ PEQUEÑO M., La poesía de Concha Zardoya, estudio temático y estilístico, Valladolid, Universidad de Valladolid, 1987.

ZARIAB, Spojmaï [KABOUL 1949]

Écrivaine afghane.

Née au sein d’une famille francophone, Spojmaï Zariab fait ses études au lycée franco-afghan Malalaï de Kaboul. Diplômée de littérature française, elle vit en France depuis 1991 et écrit en persan ; La Plaine de Caïn, un recueil de 13 nouvelles, est publié en français en 1988. S. Zariab y dénonce un monde enfermé dans l’ignorance, où la femme reste une victime. Dans ses œuvres, l’écrivaine transpose le conte oriental dans la réalité contemporaine.

Claude SADOZAI et Homayun SADOZAI

La Plaine de Caïn, Paris, Souffles, 1988 ; Ces murs qui nous écoutent, Paris, L’Inventaire, 2000 ; Dessine-moi un coq, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2003.

ZARRI, Adriana [SAN LAZZARO DI SAVENA 1919 - CROTTE DI STRAMBINO, TURIN 2010]

Théologienne italienne.

Issue d’une famille modeste, Adriana Zarri dirige pendant sa jeunesse l’association l’Azione Cattolica et devient journaliste en 1952. Elle vit à Rome et dans diverses villes italiennes jusqu’en 1975, puis se retire à la campagne dans la province de Turin. Elle publie dans différents journaux catholiques comme L’Osservatore romano, Rocca, Studium, et écrit pour des magazines comme Micro mega et Il Manifesto, où elle tient une rubrique intitulée Parabole. Partisane d’une théologie antitraditionaliste et d’une critique sociale active, elle participe comme invitée permanente à l’émission d’actualité Samarcanda et à d’autres débats télévisés. Elle s’investit pour le droit à l’avortement et pour la remise en question du célibat au sein de l’Église. Malgré son choix de vivre retirée, elle continue de faire entendre un point de vue critique sur les questions sociales et politiques du moment. Elle reçoit de nombreuses distinctions, dont le prix Témoin du temps, le prix Matilde-di-Canosa, le prix Minerva – pour son activité scientifique et culturelle –, et des prix littéraires pour Vita et morte di Celestino IV (2008), un texte qui interroge l’exigence de conversion de l’Église actuelle.

Chiara PALERMO

Impazienza di Adamo, ontologia della sessualità, Torino, Borla, 1964 ; Dodici lune, Milano, Camunia, 1989 ; Nostro Signore del deserto, Assisi, Cittadella, 1991 ; Erba della mia erba, resoconto di vita, Assisi, Cittadella, 1998 ; Un eremo non è un guscio di lumaca, Torino, Einaudi, 2011.

ZARRI, Gabriella [BOLOGNE 1942]

Historienne italienne.

Née dans une famille de petits commerçants, Gabriella Zarri fait ses études supérieures et universitaires à Bologne. Le concile Vatican II, son militantisme catholique, sa découverte du centre de documentation (devenu ensuite l’Istituto per le scienze religiose) fondé à Bologne par Giuseppe Dossetti ainsi que l’enseignement universitaire de Paolo Prodi contribuent à orienter ses recherches sur la condition et le rôle des femmes dans l’Église et dans la société. Elle place l’analyse de l’histoire religieuse et des institutions ecclésiastiques dans le cadre de l’histoire urbaine et sociale, renouvelant ainsi les études sur les ordres religieux aux XVe et XVIe siècles. G. Zarri est recrutée à l’université de Bologne en 1977 puis enseigne à Udine (1986-1989), avant d’obtenir une chaire d’histoire moderne à l’université de Florence. Fondatrice avec Sofia Boesch Gajano* de la collection « Sacro/Santo » chez l’éditeur turinois Rosenberg & Sellier, G. Zarri entreprend des recherches sur les modèles de sainteté féminine et sur la simulation de sainteté, apportant ainsi une contribution originale aux études sur le culte des saints et la sainteté. Mais ses travaux les plus importants concernent la fonction des religieuses dans le milieu urbain (Recinti, donne, clausura e matrimonio nella prima età moderna, 2000) et dans les cours princières de l’Italie de la Renaissance (Le sante vive, profezie di corte e devozione femminile tra ‘400 e ‘500, 1990), ainsi que la circulation des textes spirituels (Libri di spirito, l’editoria religiosa in volgare nei secoli XV-XVII, Turin 2009). Après avoir dirigé, avec Lucetta Scaraffia, le premier volume de la Storia delle donne in Italia (Donne e fede, santità e vita religiosa in Italia, 1994), elle coordonne de nombreuses recherches collectives et interdisciplinaires qui explorent de façon novatrice les sources de l’histoire des femmes et donnent matière à des ouvrages collectifs – sur les livres destinés à un public féminin, l’écriture épistolaire, les biographies ou la culture monastique féminine. Parmi ses travaux, citons encore La religione di Lucrezia Borgia, le lettere inedite del confessore (2006), Female Sanctity, 1500-1660 (2007) et l’édition du volume III de la Storia della direzione spirituale, consacré à l’époque moderne (2008).

Isabelle CHABOT et Anna SCATTIGNO

ZARSANGA (ZALOUBAÏ, dite) [ZAFAR MAMAKHEL, DISTRICT DE LAKKI MARWAT, PAKISTAN 1946]

Chanteuse pakistanaise.

Bergère nomade, Zarsanga, littéralement « rameau d’or » en langue pachto, se fait remarquer à l’âge de 20 ans par sa voix de soprano au cours d’un mariage. De son vrai nom Zaloubaï, elle commence à chanter dès 1965 à Radio Pakistan. S’ensuivront des tournées aux États-Unis, au Moyen-Orient et en Europe. À Paris, elle joue au Théâtre de la Ville, en 1993 et 2003, et au Théâtre des Abbesses, en 2009. Surnommée « la reine du folklore pachto », ses chants d’amour sont des landey, des distiques populaires, dont le sujet central est la présence ou l’absence du bien-aimé.

Son village, détruit et reconstruit suite à une offensive contre les talibans, est totalement submergé en août 2010 par une coulée de boue. Mère de 10 enfants, elle vit depuis sous une tente avec ses six fils et leurs familles, dans une extrême pauvreté. Son appel à l’aide a ému les artistes et le gouvernement pakistanais, lequel devait dépêcher des moyens pour la reconstruction de sa maison et de son village. Simple et naturelle, ne sachant ni lire ni écrire, de par son répertoire traditionnel et folklorique Zarsanga est le symbole de tous les Pachtounes. Elle dit qu’elle n’est sur terre que pour chanter et parle de sa voix comme d’un « mirage dans le désert, un écho dans les montagnes, une vague dans la rivière ».

Claude SADOZAI et Homayun SADOZAI

Musique du Pakistan, Yves Billon, Zaradoc, 1993.

Chants du Pashtou/Songs of the Pashtu, Longue Distance, 1993.

ZARUMEY, Shaïda [MALI 1938]

Poétesse nigérienne.

Socio-économiste de formation, Shaïda Zarumey a exercé jusqu’à sa retraite en tant que fonctionnaire internationale dans le domaine de la promotion et de l’intégration économique des femmes. Son premier recueil de poèmes, Alternances pour le sultan, a été édité à compte d’auteur (1981). Il renferme une trentaine de poèmes dont le thème principal est l’amour de l’âge mûr, le « dernier printemps du cœur ». Avec à l’honneur la culture et le paysage sahéliens, ils vont de l’évocation sublimée du paysage et de l’artisanat à la manière traditionnelle de courtiser une jeune fille (« Foney »), en passant par l’évocation de l’usage des perles de hanches et de l’encens par les femmes savantes en amour. Appartient aussi à cette insertion culturelle forte et voulue le symbolisme soutenu du sultan et de la kadine (la sultane, l’épouse du cœur, la préférée), exprimant la dignité et la noblesse de l’amour. La poésie de S. Zarumey est une parole risquée. Non seulement en raison de sa prise de position politique, mais aussi et surtout en raison de sa transgression fondamentale des limites érigées par les tabous sociaux. Elle brise le silence que le Nigérien « décent » est censé observer quant aux questions intimes. Elle évoque librement étreintes volées, « baisers de soie », « corps enlacés ». Son exaltation de l’amour rapproche l’extase de la prière dans des mots qui sonnent vrai au cœur de tout amoureux et qui transparaissent dans certains livres sacrés. Il n’empêche que certains trouveront probablement à redire à la métaphore qui compare les perles de hanches de la femme savante au chapelet musulman. En effet, dans un langage faussement sage, S. Zarumey contemple en rêve l’amant royal qui égrène les sourates de l’amour, ses doigts courant sur les perles de hanches de l’aimée.

Antoinette TIDJANI ALOU

Alternances pour le sultan, Paris, Imprimerie Quantics, 1981.

ZASK, Catherine [PARIS 1961]

Graphiste et affichiste française.

Diplômée de l’École supérieure d’arts graphiques (Esag) de Paris en 1984, Catherine Zask travaille surtout avec des institutions culturelles pour lesquelles elle conçoit l’identité visuelle et l’ensemble du matériel de communication, dont l’université de Franche-Comté, de 1985 à 2002, projet qui a été exposé au centre Georges-Pompidou en 1991 ; la Société civile des auteurs multimédia (Scam), depuis 1993 ; L’Hippodrome, Scène nationale de Douai, de 1997 à 2006 ; le ministère de la Culture, direction de l’architecture, depuis 1998 ; l’université Paris-Diderot, en 2006 ; Hermès International, 2007-2008 ; l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) de Paris. C. Zask donne de nombreuses conférences et participe à des jurys tant en France qu’à l’étranger. Elle expose au Museum für Gestaltung, à Zürich, en 2005 ; Kaleidosask à la galerie Artazart, à Paris en 2006 ; Cz in Cz au Design Center of the Czech Republic de Brno, en 2006, et de Prague, en 2007. Une exposition rétrospective, Zask’s the Question, a lieu en 2004 à la galerie Anatome, à Paris. Elle a reçu de nombreux prix : en 1996, elle est lauréate du Third Crane European Letterhead Competition ; en 1998, elle remporte le Typography Excellence Award au Type Director Club, à New York ; en 2002, le grand prix de la Biennale de Brno ; en 2003, le prix spécial du jury au First China International Poster Biennal ; et, en 2004, l’Abeille d’or, de la VIe Biennale Golden Bee, à Moscou. Pensionnaire de la Villa Médicis, à Rome, en 1993, elle crée une police de caractères, l’Alfabetempo. Ce travail est le prolongement d’une recherche engagée dix ans auparavant autour du tracé, du signe, de l’écriture. « Si, avec Alfabetempo, j’ai dépecé la lettre jusqu’à l’os, les temps du tracé, c’est simplement parce que les lettres (donc les mots, les textes, le sens) ont toujours été pour moi le meilleur des moyens pour chercher. La recherche toujours et toujours. » Graphiste, affichiste, artiste auteure, C. Zask est aussi multiple que ses écritures ou la matière à partir de laquelle elle développe son langage visuel. C’est l’une des graphistes françaises les plus créatives. Le dialogue avec le client et le public est crucial pour la faire avancer. « Je fais du graphisme pour inclure les autres. »

Margo ROUARD-SNOWMAN

ZASK C. et al., Poster Collection 12Catherine Zask, Zurich/Baden, Museum für Gestaltung Zurich/Lars Muller Publishers, 2005.

ZATELI, Zyranna (Anna KARAKOLI, dite) [SOHOS, THESSALONIQUE 1951]

Romancière grecque.

Ses études de théâtre et de danse ont sans doute rendu Zyranna Zateli plus attentive aux tendances actuelles du roman international, au rythme, au charme et, de façon générale, à la magie de l’art. Elle a longtemps vécu en France, avant de s’installer en Grèce. Ses romans, peu nombreux mais volumineux, ont connu le succès en Grèce et une certaine reconnaissance à l’étranger. Après deux recueils de nouvelles, I persini arravoniastikia (« la fiancée de l’année dernière », 1984) et Stin erimia me chari (« dans la solitude avec grâce », 1986), pour lequel elle a obtenu le Prix d’État pour la nouvelle en 1994, sont parus le roman Le Crépuscule des loups (1993), prix d’État en 2002, la longue nouvelle O dikos tis aeras (« l’air qu’elle a », 2005) et, sous le titre d’ensemble Me to paraxeno onoma Ramanthis Erevous (« avec l’étrange nom de Radamanthe Erebus », 2001), les romans O thanatos irthe telefteos (« la mort est venue en dernier », 2001) et To pathos chiliades fores (« la passion, des milliers de fois », 2009). Ses œuvres sont des fictions foisonnantes apparemment réalistes mais pleines de détails étranges et inexpliqués. Le rapprochement a été fait avec le « réalisme magique » de Gabriel Garcia Marquez et de la littérature sud-américaine en général. Le récit, qui fait une place au parler régional, hésite entre la simplicité linéaire du conte et la composition imprévisible par association d’idées.

Henri TONNET

Le Crépuscule des loups (Ke me to fos tou lykou epanerchome, 1993), Paris, Seuil, 2001.

TSAKNIA S., Epi ta ichni, Kritika kimena, 1985-1988, Pezografia, Athènes, Sokolis, 1990 ; ID., Prosopa ke maskes, Kritika kimena, 1988-1999, Athènes, Nefeli, 2000.

XEXAKIS M., « Mia megali tichografia me techniki miniatourista », in Entefktirio, no 25, 1993-1994.

ZÄUNEMANN, Sidonia Hedwig [ERFURT 1714 - PLAUE 1740]

Poétesse allemande.

La vie peu conventionnelle pour son époque que mène à Erfurt Sidonia Hedwig Zäunemann, poétesse et femme célibataire, se reflète dans son œuvre littéraire. De surcroît, elle revendique pour sa poésie des sujets tels que l’architecture minière, la vie des héros et des soldats ou encore la création de l’université de Göttingen, sujets que l’on peut considérer comme des moyens de franchir les frontières habituelles des sexes. En 1738, à Göttingen, elle est nommée poétesse impériale. Deux ans plus tard, elle meurt noyée, chez sa sœur à Ilmenau, lors d’une des nombreuses excursions à cheval qu’elle effectue seule, habillée en homme.

Elle entre dans la vie publique avec des poèmes de circonstance dédiés à d’éminents personnages. Parallèlement, elle fait de la question des femmes un objet littéraire, et revendique pour elles égalité et éducation. La poétesse couronnée Christiana Mariana von Ziegler* est pour elle un modèle. Pour une (re)construction cohérente de son œuvre, l’interprétation des vers satiriques des Lumières Die von denen Faunen gepeitschte Laster (« les vices fouettés par les faunes », 1736) se révèle encore aujourd’hui difficile, car S. H. Zäunemann y délaisse ses positions explicitement féministes des premiers temps pour revendiquer la soumission de la femme mariée au système patriarcal.

Sigrid NIEBERLE

Poetische Rosen in Knospen, Erfurt, Nonne, 1738.

GRESKY W., « Eine Göttinger Dichterkrönung von 1738, Sidonia Hedwig Zäunemann » in Göttinger Jahrbuch, 1984 ; TRAGNITZ J. R., « Sidonia Hedwig Zäunemann, feminist poet manqué ? » in Lessing Yearbook, no 24, Detroit, Wayne State University Press, 1992.

ZAVALA, Iris M. [PONCE 1936]

Écrivaine, historienne et critique littéraire portoricaine.

Comme beaucoup de femmes portoricaines de sa génération, Iris M. Zavala fait ses études dans un collège catholique, où elle s’initie à la littérature anglophone. Elle étudie ensuite la philosophie et la littérature à l’université de Porto Rico, puis commence une carrière de journaliste à El Mundo, avant de partir travailler pour le Reader’s Digest, à New York, entre 1959 et 1962. Sa thèse, Unamuno y su teatro de conciencia (« Unamuno et son théâtre de conscience »), soutenue à l’université de Salamanque, est publiée en 1963 et reçoit le Prix littéraire national à Porto Rico l’année suivante. En 1965, elle collabore avec les équipes de recherche du Colegio de México, puis lors d’un nouveau séjour à New York, de 1976 à 1983, elle donne des cours dans plusieurs universités américaines et commence à écrire en anglais. À l’université d’Utrecht (Pays-Bas), elle organise l’école de théorie critique et sémiotique, dont la séance inaugurale est donnée par Adrienne Rich*. À l’université d’Amsterdam, elle participe à un projet de recherche sur la sociologie de la littérature. Elle dirige avec Myriam Díaz-Diocaretz le volume Women, feminist identity and Society in 1980’s (« femmes, identité féministe et société dans les années 1980 »). Elle contribue aussi à restaurer la mémoire historique des femmes depuis la fin du XIXe siècle, en particulier en Espagne avec Breve historia feminista de la literatura española en lengua castellana (« brève histoire féministe de la littérature espagnole en castillan », 1993-1999) et La otra mirada del siglo XX, la mujer en la España contemporánea (« l’autre regard du XXe siècle, la femme dans l’Espagne contemporaine », 2004), où, aux côtés de la femme politique et littéraire apparaissent l’ouvrière, la scientifique et la sportive. Son livre El bolero, historia de un amor (« le boléro, une histoire d’amour », 1991), qu’elle décrit comme un « essai-fiction », se voit décerner le prix du PEN club en 1992 ; il fait partie de sa très vaste œuvre critique. Sa poésie est publiée dans les recueils Barro doliente (« argile souffrante », 1965), Poemas prescindibles (« poèmes superflus », 1972), Escritura desatada (« écriture déchaînée », 1973) et Que nadie muera sin amar el mar (« que personne ne meure sans aimer la mer », 1982). Elle a aussi publié des romans : Kiliagonía (1980), Nocturna mas no funesta (1987), El libro de Apolonia o de las islas (1993) et Percanta que me amuraste (2007). I. M. Zavala s’intéresse à l’interdisciplinarité entre philosophie et littérature, littérature et histoire, philosophie et théâtre, histoire et clandestinité, ainsi qu’aux relations entre écriture et pouvoir, modernité et technologie. Elle a été nommée docteure honoris causa des universités de Porto Rico, en 1996, et de Malaga, en 2003.

Yaël WEISS

ZAVATTA, Lydia [PARIS 1938]

Artiste, chanteuse, chef d’orchestre et directrice de cirque française.

Fille aînée d’Alfonso, dit Achille, Zavatta (1915-1993), clown et directeur de cirque, et de Julia Moore, artiste, Lydia Zavatta descend de vieilles familles banquistes italienne, anglaise et française. Tout au long de son parcours, elle doit composer avec ses aspirations et un statut complexe de femme appartenant à une société très traditionnelle, patriarcale, dominée chez les Zavatta par la personnalité considérable et autoritaire d’Achille. Son éducation est faite d’une scolarité un peu chaotique, d’un apprentissage familial des disciplines acrobatiques, de leçons de danse et de musique. À 6 ans, elle accompagne son père dans un duo comique en dansant et en jouant du saxo. À 14 ans, elle remporte un premier prix de saxophone. Elle tient la baguette de chef d’orchestre dans le cirque de son père, remplace au pied levé une soliste, compose des chansons. Ces dons et sa formation d’artiste polyvalente lui permettent de concevoir et présenter des attractions musicales avec ses frères. Créé en 1956 sous le nom des Zavatta juniors, le trio se produit au cirque Medrano, au casino d’Istanbul, au cirque Joss Müllens, en Hollande, dans un spectacle de Raymond Devos au théâtre Fontaine. L. Zavatta travaille au Casino de Paris aux côtés de Mick Micheyl*, mais doit renoncer à une carrière de chanteuse car ses parents s’y opposent. Elle ouvre pour sa mère, divorcée, un café au faubourg Saint-Antoine, « Aux fils d’Achille », qui reçoit le Tout-Paris, et crée en 1974 avec ses frères le cirque Zavatta Fils dont elle programme et présente les spectacles. Enfin, elle ouvre sa propre enseigne, le cirque Lydia Zavatta, avec son fils Sébastien. Femme-orchestre, elle multiplie les spectacles, partenariats et tours de chant pour assurer la vie de l’entreprise, sa création. Elle publie un livre après la mort de son père : Achille Zavatta (1994).

Marika MAYMARD

Achille Zavatta, Paris, Hachette/Carrère, 1994.

ZAVATTA C., PLANCKE R.-C., Il était une fois les Zavatta, Dammarie-les-Lys, Lys Éditions Amatteis, 1995.

ZAWISTOWICZ-ADAMSKA, Kazimier [HANIEBNO 1897 - ŁÓDŹ 1984]

Ethnologue polonaise.

C’est dans les années 1920 que Kazimiera Zawistowicz-Adamska s’intéresse à l’ethnologie, en participant aux conférences du professeur Stanislaw Poniatowski dont elle devient l’assistante à l’institut d’ethnologie de l’université libre polonaise à Varsovie. Mais c’est à la faculté de philosophie de l’université Jagellonne de Cracovie qu’elle soutient sa thèse de doctorat. Elle part ensuite un an étudier à Paris chez l’anthropologue français Marcel Mauss. Avant la Seconde Guerre mondiale, elle est membre de nombreuses expéditions scientifiques en Finlande, Estonie et Lettonie. Commencée en 1937, sa collaboration avec le précurseur de la sociologie polonaise, le professeur Ludwik Krzywicki, lui a permis de mener des recherches de terrain intensives sur l’influence de l’émigration de subsistance dans les transformations de la campagne polonaise. Militante de l’armée nationale, elle donne des conférences clandestines en ethnologie à ses étudiants dans une Pologne occupée par les nazis. Habilitée en 1952, elle est nommée professeure et contribue à la création du très actif institut d’ethnographie, qu’elle dirige de 1954 à 1972 à l’université de Łódź. Dans la même ville, elle est également nommée directrice de 1956 à 1962 du Musée archéologique et ethnographique. Membre de l’Institut international d’anthropologie et de la Commission internationale des arts et traditions populaires à Paris, elle a présidé la Société polonaise d’études populaires.

Adam POMIECINSKI

Socio-economic co-operation in local communities of the polish village, Łódź, Wydawnictwo Uniwersytet Łódzki, 1982 ; Społeczność wiejska, Varsovie, Ludowa Spółdzienia Wydawnicza, 1958.

BIERNACKA M., « Kazimiera Zawistowicz-Adamska (1897-1984) », in Etnografia Polska, vol. 30, no 1, 1986.

ZAWISTOWSKA, Kazimiera [RASZOWICE, PODOLIE 1870 - CRACOVIE 1902]

Poétesse polonaise.

Fille d’un riche propriétaire terrien, Kazimiera Zawistowska reçoit une éducation soignée. Ses contacts avec les milieux artistiques, ainsi que plusieurs voyages en Italie et en Suisse, contribuent à l’approfondissement de sa culture littéraire. Elle débute dans les meilleures revues littéraires de l’époque : Życie (« la vie ») et Chimera (« chimère »). En même temps que ses propres poèmes, elle publie des traductions de Verlaine et de Baudelaire. Son œuvre est modeste mais originale et d’une grande richesse formelle. Le sentiment amoureux est exprimé à travers toute une gamme de tonalités. Les instants de recueillement contrastent avec de grands élans, et la mélancolie succède à l’exaltation. Par souci de sincérité, elle n’hésite pas à outrepasser les conventions et fait coïncider une sensualité flamboyante avec des moments d’extase qu’éveille en elle le spectacle de la nature. Trop absolue dans ses aspirations, malheureuse, elle meurt précocement, probablement par suicide. L’audace de ses poèmes, au caractère fortement contrasté, est sans égale dans la littérature polonaise de l’époque. Son unique recueil est publié à titre posthume (Poezje, 1903).

Maria DELAPERRIÈRE

BARANOWSKA A., « W noc pójdę ciemną… », in Kraj modernistycznego cierpienia, Varsovie, PIW, 1981.

ZAYAS, María DE [MADRID 1590 - ID. V. 1661]

Romancière espagnole.

Malgré sa renommée, peu de données sur la vie de María de Zayas y Sotomayor nous sont parvenues. Sa famille appartient à la noblesse et elle est liée au comte de Lemos, vice-roi de Naples. Elle semble avoir passé la majeure partie de sa vie à Madrid, où elle fréquente les cercles littéraires, comme en témoignent les éloges que lui décernent Lope de Vega (à qui elle a consacré un sonnet), Castillo Solórzano ou Pérez de Montalbán. Elle entretient des relations avec d’autres écrivaines remarquables, telle Ana Caro Mallén de Soto*. Ses œuvres sont publiées pour la première fois à Saragosse, où elle a peut-être résidé ; aucune information ne subsiste sur ses activités à partir de 1647, et la date de son décès est approximative. La cour et les grandes villes lui servent de modèle pour décrire l’agitation amoureuse de la vie urbaine. Dans ses Novelas amorosas y exemplares (« romans amoureux et exemples ») de 1637, qualifiés de Décaméron espagnol, elle conte des chagrins d’amour en guise d’avertissement à ceux qui trompent et celles qui se laissent tromper. Suit en 1647 Parte segunda del sarao y entretenimiento honesto o desengaños amorosos (« seconde partie de la fête et du divertissement honnête ou chagrins d’amour »). En 1659, ses romans sont réunis dans Primera y segunda parte de las novelas amorosas y exemplares. Elle écrit aussi des poèmes et une pièce de théâtre. De nombreux auteurs ont débattu du féminisme précurseur qu’elle exprime. Dans ses romans, les femmes sont déterminées à résoudre leurs conflits affectifs et dénoncent l’amour de certains hommes comme un déguisement grossier pour satisfaire leurs désirs. Elle défend surtout la liberté d’action des femmes (y compris le droit de choisir un mari) et leur accès à la culture, soutenant que l’éducation forme le caractère de l’individu. Ses protagonistes féminines ne triomphent pas toujours dans leurs luttes personnelles, en raison d’une ambivalence qui leur fait souhaiter être courtisées ou aspirer à une vie domestique heureuse dans le mariage. Malgré tout, elles restent des femmes fortes, courageuses et intelligentes. L’auteure transgresse les codes en vigueur en conférant une grande charge érotique à ses situations amoureuses ; elle présente des femmes sexuellement actives avec les hommes, des femmes qui nouent des relations platoniques entre elles et expriment une valorisation nouvelle des espaces de l’amitié féminine. Elle envisage ces rapports sans aucune limitation morale. Cependant, tout reste teinté d’un violent pessimisme : l’amour mène à la douleur, à la jalousie et à la honte, et le plaisir, au malheur.

María José VILALTA

BARANDA N., « María de Zayas y Sotomayor », in CABALLÉ A. (dir.), Por mi alma os digo, de la Edad Media a la Ilustración, la vida escrita por las mujeres, t. 1, Barcelone, Lumen, 2004 ; HARO CORTÉS M., RODRÍGUEZ CUADROS E. (dir.), Entre la rueca y la pluma, novela de mujeres en el baroco, María de Zayas, Leonor de Meneses, Mariana de Carvajal, Madrid, Biblioteca nueva, 1999.

ZAYAT, Latifa EL- [DAMIETTE 1923 - ID. 1996]

Écrivaine égyptienne.

Durant son enfance, Latifa el-Zayat suit avec sa famille les déplacements de son père, fonctionnaire dans les conseils régionaux. Étudiante à la faculté des lettres de l’université Fuad I (actuelle université du Caire), elle adhère au marxisme et débute son activité politique en tant que membre du Haut Comité national des étudiants et des ouvriers. Indépendantiste et patriote, elle affiche une profonde confiance en sa mission de combattante. Elle participe à bon nombre de manifestations étudiantes où son talent d’oratrice est remarqué. Son œuvre littéraire, composée de romans, de contes, de pièces de théâtre, mais aussi d’écrits autobiographiques, met en scène une multiplicité de types humains et de constitutions psychiques ; témoignant de sa grande connaissance de la vie, elle souligne les multiples contradictions sociales. Al-bab al-maftuh (1960) est paru en anglais sous le titre The Open Door (2000). L’auteure a été élue membre de l’Union des écrivains, puis du Comité du conte au Conseil supérieur de la culture. Titulaire d’une chaire en 1972, elle a dirigé le département de critique littéraire et dramatique de l’Institut des arts dramatiques, et a terminé sa carrière en tant que professeure émérite au département de littérature anglaise de l’université d’Ain Chams.

Nadia ANDRAOUS

Perquisition ! Carnets intimes (Hamlat taftīš : awrāq šahṣiyyat, 1992), Arles, Actes Sud-Sindbad, 1996.

ZAZ (Isabelle GEFFROY, dite) [TOURS 1980]

Chanteuse et compositrice française.

Élève au conservatoire de Tours, Zaz étudie le solfège, le violon, le piano, la guitare et le chant choral. Elle s’initie au kung-fu. En 2000 elle obtient une bourse du conseil régional pour intégrer le Ciam, école de musiques actuelles, et débute comme chanteuse dans le groupe de blues Fifty Fingers. Zaz fait très tôt l’expérience de la scène en intégrant l’orchestre de variété basque Izar-Adatz, chante avec le groupe latino-rock Don Diego. Avec ces musiciens, souvent conviés en première partie de grands concerts, elle étend son registre sous l’influence des sons afros et arabo-andalous. À Paris en 2007, elle rencontre le producteur et auteur-compositeur Kerredine Soltani, qui lui écrit une chanson jazz manouche, Je veux, et souhaite l’éditer ; il est encore trop tôt pour Zaz qui préfère d’abord se confronter au public en solo. En 2008, elle est repérée dans un piano-bar par le directeur de l’Alliance française de Vladivostok, qui lui propose une tournée en Russie orientale, où elle interprète alors Édith Piaf*, Jacques Brel, Charles Aznavour ou Patricia Kaas… Zaz chante partout : en Égypte, au Maroc et même place du Tertre à Montmartre. Avec La Fée, Port-Coton et Éblouie par la nuit, écrites par Raphaël, elle démarre une vraie carrière. En 2010, Zaz sort son premier album éponyme produit par K. Soltani avec les chansons de Raphaël et d’autres titres qu’elle écrit ou coécrit. Début 2011, il est déjà Disque de diamant, avec un million d’exemplaires vendus. La chanteuse reçoit les Victoires de la musique de la chanson originale. En mai 2013, sort son deuxième album, Recto-Verso, dont le titre repris en single, On ira, est composé par Soltani. D’autres auteurs, comme Jean-Jacques Goldman ou Mickaël Furnon, ancien leader de Mickey 3D, apportent leur contribution à cet opus.

Nathalie COUPEZ

ZAZIE (Isabelle DE TRUCHIS DE VARENNES, dite) [BOULOGNE-BILLANCOURT 1964]

Auteure-compositrice-interprète française.

Son apprentissage musical débute avec le piano, la guitare et le violon : Zazie s’y épanouit mais hésite sur son avenir. Elle entre dans le milieu artistique par le biais du mannequinat, et se lance dans l’écriture et la composition de ses premières chansons. À partir de 1990, elle se consacre exclusivement à la musique et devient choriste, instrumentiste et voix off pour des spots publicitaires. Deux ans plus tard, elle enregistre son premier album solo, Je, tu, ils, récompensé par une Victoire de la musique dans la catégorie révélation. Sa carrière prend son envol dès la sortie de son deuxième opus, Zen. Le titre éponyme écrit en collaboration avec le jeune auteur-compositeur Pascal Obispo la révèle au grand public, charmé par ses textes nourris d’humour, de poésie et de sensibilité, sa voix fragile et sincère, et ses mélodies tantôt rock, tantôt caressantes. Les albums se suivent, les titres à succès aussi : Un point c’est toi, Rue de la Paix, Tout le monde, Rodéo. En quête perpétuelle d’innovation, elle étonne le public par ses expérimentations mélodiques et le renouvellement constant de son style. Compositrice courue et inventive, elle met son talent au service d’autres chanteurs dont Johnny Hallyday, Jane Birkin*, Christophe Willem, Patricia Kaas, Calogero. En 2010, elle sort Za7ie, un album concept ludique décliné en sept volets – chaque volet enregistré en l’espace de sept semaines et comprenant sept titres. Trois ans plus tard, Zazie propose Cyclo, une œuvre sombre aux sons plus crus : elle signe l’intégralité des titres de cet album. Outre sa carrière artistique, Zazie s’engage en faveur de différentes causes humanitaires (Sol En Si, les Restos du cœur…). Figure atypique de la scène française, maniant aussi bien la plume que les notes de musique, Zazie cultive sa popularité par un esprit de recherche constant.

Anne-Claire DUGAS

Zest of Zazie, Mercury, 2008.

ZBANIC, Jasmila [SARAJEVO 1974]

Réalisatrice, productrice, vidéaste et scénariste bosniaque.

Jasmila Zbanic a étudié au conservatoire dramatique de Sarajevo avant de travailler comme marionnettiste durant les deux années qu’elle a passées aux États-Unis (1995-1997). Ses premiers films, des courts-métrages documentaires – Autobiografija (1995) ; Poslije, poslij (« après, après », 1997) ; Ljubav je… (« l’amour est aveugle », 1998) ; Noć je, mi svijetlimo (« nous éclairerons la nuit », 1998) ; Red Rubber Boots (« les bottes en caoutchouc rouges », 2000) –, ont reçu des prix nationaux (Centre Soros d’art contemporain) ainsi qu’internationaux à New York et en Italie. Son superbe Birthday (épisode du film collectif Lost and Found, 2005) raconte l’histoire de la division de Mostar, à travers celle de deux jeunes filles nées le même jour dans des parties différentes de la ville : elles ne se sont jamais vues et seule la fin du film les rapproche de manière à la fois ironique et douloureuse, avec un faux raccord. Sarajevo, mon amour ou Le Secret d’Esma (Grbavica, 2006) montre le traumatisme du viol ; une femme y révèle à sa fille la vérité sur un père inconnu, dans le cadre générique du mélodrame social et de la guerre. Le film a obtenu l’Ours d’or, récompense suprême du Festival de Berlin. Jasmila Zbanic, réalisatrice parmi les plus représentatives d’une génération fragilisée par la guerre, a réussi à transformer la tragédie des Balkans en films engagés, rageurs, analytiques et émouvants, qui l’ont hissée au niveau international.

Nevena DAKOVIC

ZDARSKY, Ingrid [VIENNE 1940]

Architecte autrichienne.

Ingrid Zdarsky obtient son diplôme en 1966 après des études à l’Université technique de Vienne. De 1969 à 1972, elle est employée dans l’agence viennoise de Victor Gruen et collabore au projet de la zone piétonne du centre-ville et à celui du centre commercial de Glatt-Zurich. En 1992, elle ouvre sa propre agence. De 1986 à 1995, elle dirige la rénovation et l’extension de l’Académie politique à Vienne, puis achève en 1994 celle du bâtiment de l’institut de la fondation Julius-Raab. Elle exécute des projets de bâtiments administratifs pour une entreprise de travaux de voirie, rénove des lotissements de l’entre-deux-guerres à Dornbach (Land de Vienne) et construit des maisons individuelles à Perchtoldsdorf. Depuis quelques années, elle répartit son activité entre les créations et les rénovations à Vienne et en Basse-Autriche pour une association sociale, la Verein Sozialtherapeutische Arbeits- und Lebensgemeinschaft (« association des communautés de travail et de vie pour une thérapie sociale »). Pour cette dernière, qui s’occupe de la prise en charge des handicapés, elle achève en 2009 un nouvel ensemble d’ateliers et de logements en bois massif répartis sur un vaste terrain, sur lequel elle rénove également une ancienne maison de campagne.

Elke KRASNY

BAUER A., GUMPINGER I., KLEINDIENST E. (dir.), Frauenarchitektouren. Arbeiten von Architektinnen in Österreich, Salzbourg/Munich, A. Pustet, 2004 ; KEINTZEL B., KOROTIN I. E. (dir.), Wissenschafterinnen in und aus Österreich. Leben - Werk - Wirken, Vienne, Böhlau, 2002.

ZECH-WEYMANN, Margot (née WEYMANN) [NEISSE, HAUTE-SILÉSIE, AUJ. NYSA, POLOGNE 1904 - NAILA, BAVIÈRE 2004]

Architecte allemande.

Après un stage dans une menuiserie et une entreprise de bâtiment, Margot Zech-Weymann entreprit des études d’architecture à l’École supérieure technique (TH) de Berlin-Charlottenburg, achevées en 1934. Établie comme architecte indépendante au domicile de ses parents à Berlin-Lichterfelde, elle fut admise en 1936 à la Reichskulturkammer, la Chambre de la culture du Reich, ce qui lui ouvrit la voie à une activité professionnelle. La même année, elle réalisa une maison individuelle à Berlin-Lichterfelde et deux maisons doubles, des édifices fonctionnels solidement construits, sur des plans sobres et proportionnés. Admise, en 1949, au sein de l’Union des architectes allemands (BDA), elle épousa le technicien Hermann Zech en 1952, et travailla dans son domicile-atelier de Berlin-Steglitz. Ses nombreuses commandes pour Berlin-Ouest la conduisirent à une confrontation avec des édifices existants, par la reconstruction de nombre de maisons individuelles et d’immeubles à Kreuzberg, Wilmersdorf et Steglitz. Elle transforma et agrandit des édifices classés aux Monuments historiques : l’orphelinat catholique de Wilmersdorf, l’hôpital de la Croix-Rouge à Wedding, l’hôpital Ritterberg à Steglitz et l’École Saint-François à Schöneberg, à laquelle elle ajouta un bâtiment dans le style des années 1950. M. Zech-Weymann reconstruisit aussi le transept de l’église Mater-Dolorosa, à Steglitz, et édifia des équipements : une morgue et un foyer pour étrangers à Lichterfelde, l’hôpital Bethel et un foyer pour infirmières. Après avoir mis fin à ses activités, vers 1989, elle s’établit à Bad Steben.

Christiane BORGELT

DÖRHÖFER K., Pionierinnen in der Architektur, eine Baugeschichte der Moderne, Tübingen, Wasmuth, 2004.

ZEHNDER-STADLIN, Josephine [ZOUG 1806 - ZURICH 1875]

Pédagogue suisse.

Josephine Zehnder-Stadlin s’engage dans les années 1840 au sein du mouvement radical-libéral pour le droit des femmes à la formation pédagogique et pour la création d’une école normale féminine suisse. Toutefois, la Constitution fédérale de 1848 situant l’instruction publique dans la compétence des cantons, le projet d’une école normale nationale devient caduc.

René LEVY

ZEI, Alki [ATHÈNES 1925]

Romancière grecque pour la jeunesse.

L’œuvre d’Alki Zei représente un renouvellement thématique notable dans la littérature pour la jeunesse en Grèce. Ce changement se situe dans un courant dominant de la prose d’après-guerre qui incorpore entièrement la problématique idéologique dans le jeu littéraire et la tradition. Le héros d’A. Zei, jeune et sympathique combattant contre le fascisme, prend tout naturellement la place du combattant grec contre le péril slave dans la prose pour enfants de Pénélope Delta*. Après des études littéraires et théâtrales, avec une spécialisation dans le cinéma, A. Zei a vécu avec son mari en Union soviétique de 1954 à 1964 – expérience qui lui a fourni de la matière pour La Fiancée d’Achille, seul roman pour adultes qu’elle ait écrit jusqu’à présent. Durant la dictature des Colonels (1967-1974), elle se réfugia à Paris. Ses œuvres pour la jeunesse, dont beaucoup ont été traduites en plusieurs langues, comprennent, entre autres, Arvylakia ke goves (« godillots et escarpins », 1975), Konta stis rayes (« près des rails », 1977), Ta papoutsia tou Anniva (« les chaussures d’Annibal », 1979), Theatro yia pedia (« théâtre pour enfants, 1992) et I Konstantina ke i arachnes tis (« Constantina et ses araignées », 2002). A. Zei s’est aussi occupée de théâtre de marionnettes, inventant le personnage de Klouvios. Son roman pour adultes La Fiancée d’Achille (1987) a connu en Grèce un grand succès, qui tient sans doute à son originalité dans la littérature engagée. L’histoire de la « fiancée d’Achille » – dont la désignation même montre qu’elle n’existe pas par elle-même –, depuis la Résistance jusqu’à l’exil en Union soviétique, échappe aux clichés en raison de la perspective féminine du récit, à la première ou à la troisième personne, et du sincère désenchantement idéologique qui, progressivement, se fait jour. A. Zei a reçu de nombreux prix, dont, en 1993, le prix d’État en Grèce pour la littérature enfantine.

Henri TONNET

Le Tigre dans la vitrine (To kaplani tis vitrinas, 1963), Paris, Syros, 2009 ; La Guerre de Pétros (O megalos peripatos tou Petrou, 1971), Paris, Le Livre de poche Jeunesse, 1984 ; Oncle Platon (I thios Platon, 1975), Paris, Messidor-La Farandole, 1989 ; Un dimanche d’avril (Mia Kyriaki tou Aprili, 1978), Paris, Le Sorbier, 1984 ; L’Ombrelle mauve (I mov ombrela, 1995), Genève, La Joie de lire, 2000 ; Le Grand Écart (I Konstantina kai i arachnes tis, 2002), Genève, La Joie de lire, 2003.

ZEKMANOVA-JAKIMOVA, Nada (ou ZEKMANOVIĆ) [SKOPJE 1917 - ID. 2002]

Romancière pour la jeunesse et institutrice macédonienne.

Après des études d’institutrice à Skopje, Nada Zekmanova-Jakimova exerce son métier tout en se consacrant à l’écriture pour enfants. Elle appartient à la première génération des écrivaines macédoniennes. Lorsque, en 1913, à l’issue des guerres balkaniques, la Macédoine est partagée entre la Grèce, la Bulgarie, l’Albanie et la Serbie, la Macédoine du Vardar, dans laquelle se trouve Skopje et qui a donné aujourd’hui l’État indépendant de République de Macédoine, est rattachée à la Serbie puis au royaume des Serbes, Croates et Slovènes, et considérée comme la « Serbie du Sud ». La langue macédonienne n’est pas encore standardisée, on l’appelle « dialecte serbe du Sud ». Les noms de tous les Macédoniens sont « serbisés », ce qui explique l’orthographe du nom de Zekmanova : Zekmanović. Les Macédoniens des autres régions, Macédoine de l’Égée (Grèce), Macédoine du Pirin, (Bulgarie), Macédoine des Lacs (Albanie), connaissent les mêmes conditions et leur production littéraire est, en général, intégrée dans les histoires littéraires de leurs pays respectifs. N. Zekmanova-Jakimova a publié ses récits, contes et nouvelles pour enfants dans les quotidiens ou autres périodiques dès avant la Seconde Guerre mondiale. Elle fut membre de l’Association des écrivains macédoniens à partir de 1972.

Frosa PEJOSKA-BOUCHEREAU

Let na Mars, Skopje, Detska radost, 1972 ; Proletni skazni, Skopje, Makedonska kniga, 1975 ; Noviot učitel, Skopje, Detska radost, 1981 ; Volšebena nasmevska, Skopje, Detska radost, 1983.

ZELA, Vaçe [LUSHNJE 1939]

Chanteuse albanaise.

Figure éminente et de loin la plus populaire de la chanson albanaise, Vaçe Zela, diplômée du Conservatoire d’État de Tirana, remporte le premier prix du festival national de la chanson albanaise, lors de sa première édition en 1962. Elle renouvellera dix fois cette victoire au cours de sa carrière. Son originalité repose dans sa voix aux inflexions très mélodieuses, dans la pureté de son timbre, dans sa puissance vocale et dans la force de son interprétation. Au cours de ses quarante ans de carrière, sur scène, à la radio et à la télévision, elle a su créer un répertoire très riche et varié, encore fréquemment repris par les jeunes générations, alors même que la chanteuse s’est retirée en Suisse depuis 1992. Parmi les titres les plus populaires, on citera : Valsi i lumturisë (« la valse du bonheur »), Gjyshes (« grand-mère »), Mesnatë (« minuit »), Djaloshi dhe shiu (« le jeune homme et la pluie »), Sot jam njëzet vjeç (« j’ai 20 ans »), Këngët e vendit tim (« les chants de mon pays »), Lemza (« le hoquet »). V. Zela a été récompensée par plusieurs prix nationaux ainsi que par les plus hautes médailles distinctives albanaises.

Josif PAPAGJONI

AGOLLI N., Vaçe Zela, magjia e këngës shqiptare, Lezhë, Lisitan, 2001 ; DAIJA T., Në skenat e tre kontinenteve, Tirana, Koha, 1999.

ZELDA (Zelda SCHEURSON-MISHKOWSKY, dite) [TCHERNIGOV, AUJ. TCHERNIHIV, UKRAINE 1914 - JÉRUSALEM 1984]

Poétesse israélienne.

Issue d’une famille hassidique célèbre qui s’installa à Jérusalem en 1926, Zelda enseigna toute sa vie ; elle est à ce titre mentionnée à plusieurs reprises dans le récit autobiographique d’Amos Oz, Une histoire d’amour et de ténèbres, car elle a été son institutrice bien-aimée. Elle a commencé à publier seulement en 1968, et, très rapidement, dans une écriture directe, précise et simple, mêlant les thèmes de la quête de l’amour et du divin. Sans passéisme, Zelda a su exprimer sa spiritualité en faisant appel aux textes liturgiques – bibliques, rabbiniques et mystiques. Poétesse, mais aussi pratiquante orthodoxe, écrivant une poésie religieuse en hébreu contemporain, elle a rendu simultanément légitimes à travers son œuvre poétique deux groupes minoritaires importants de la société israélienne : les femmes et les religieux. Son œuvre, moderne, s’est imposée dans le monde culturel israélien.

Masha ITZHAKI

MOSES E. (dir.), Anthologie de la poésie en hébreu moderne, Paris, Gallimard, 2001.

FELDMAN Y., « In/Différence du Gender dans les fictions autobiographiques en hébreu », in Yod, n9, Inalco, 2003-2004 ; HOLLANDER STIENGART R., « Reayon ‘im Zelda », in Zehout, no 3, 1983.

ZELENSKY, Anne (ou Anne TRISTAN) [CASABLANCA 1935]

Militante féministe.

De parents russes blancs réfugiés dans le sud de la France, Anne Zelensky se déclare féministe de naissance, et en réaction à la vie de sa mère qu’elle trouve soumise et malheureuse, elle constitue avec Jacqueline Feldman, en 1966, le groupe de réflexion Féminin Masculin Avenir (FMA), affilié au Mouvement démocratique féminin (Parti socialiste). C’est en mai 1970 que, abandonnant mixité et MDF, les militantes de FMA rejoignent celles qui depuis deux ans ont fait de la non-mixité le point de rupture du Mouvement de libération des femmes (MLF)*. A. Zelensky prend part, avec des féministes radicales, au dépôt d’une gerbe à la « femme du soldat inconnu » à l’Arc de Triomphe. Alors que le combat pour l’avortement et la « libre disposition » de leur corps par les femmes s’intensifie, elle est l’une des initiatrices du Mlac – front uni mixte pour la liberté de l’avortement et de la contraception – puis du Manifeste des 343* (avril 1971). En 1972, elle co-organise les Journées de dénonciation des crimes contre les femmes à la Mutualité, puis, considérant que le courant féministe s’essouffle, elle fonde, sous l’égide de Simone de Beauvoir*, une association réformiste – la Ligue du droit des femmes –, qu’elle préside. Au sein de la Ligue, elle crée l’association SOS femmes alternative, qui ouvre en 1978, grâce à des financements publics, le Centre Flora-Tristan, premier refuge en France pour les femmes battues et, en 1988, le premier centre d’accueil thérapeutique pour hommes violents. De 1982 à 1986, elle collabore activement avec Yvette Roudy* – alors première ministre socialiste du Droit des femmes –, participant à l’élaboration du projet de loi antisexiste, à de grandes campagnes contre la pornographie et à l’organisation, en 1985, du premier colloque sur le harcèlement sexuel au travail. Début 1990, elle prend part, avec une autre association par elle créée, Les Mille et Une, aux actions pour la parité* politique. À partir des années 2000, face à la montée de l’intégrisme islamique en France et en Europe, elle rejoint le combat pour la laïcité.

Yvette ORENGO

Avec PISAN A. de, Histoires du M.L.F., Paris, Calmann-Lévy, 1977 ; Histoire de vivre, Mémoires d’une féministe, Paris, Calmann-Lévy, 2005.

ZELINOVÁ, Hana [VRÚTKY 1914 - BRATISLAVA 2004]

Écrivaine slovaque.

Hana Zelinová commence à publier ses nouvelles dans des magazines : Slovenka, Život, Slovenské Pohľady. Son premier recueil de nouvelles, Zrkadlový most (« le pont miroir »), paraît en 1941. Dans ses romans, destinés à un large public, elle privilégie des sujets romantiques et historiques avec une évolution souvent dramatique. Elle est l’auteure de trois trilogies : Anjelská zem, Hora pokušenia, Dievočka vstaň (« la terre des anges », « la montagne de la tentation », « réveille-toi fillette », 1946-1948) ; Alžbetin dvor, Volanie vetra, Kvet hrôzy (« la cour d’Elisabeth », « le cri du vent », « la fleur d’épouvante », 1972-1977) ; et Hodvábna cesta, Smäd, Kľukatý let motýľa (« la route de la soie », « soif », « le vol capricieux du papillon », 1980-1983). Ses livres pour enfants sont souvent inspirés de la Seconde Guerre mondiale et du soulèvement national slovaque de 1944.

Diana LEMAY

MIKULA V. (dir.), Slovník slovenských spisovateľov, Bratislava, Kalligram & Ústav slovenskej literatúry SAV, 2005.

ZELMANI, Sophie (née EDKVIST) [STOCKHOLM 1972]

Auteure-compositrice-interprète suédoise.

Adolescente, Sophie Zelmani découvre la guitare et gratte ses premiers accords tout en écrivant ses premières paroles. En 1995, elle noue une collaboration sans faille avec le guitariste et arrangeur Lars Halapi et signe son premier album éponyme dont le single Always You recueille d’emblée un succès international. En France, le titre se classe parmi les meilleures ventes et inonde les ondes. Si la suite de sa carrière reste encore confidentielle à l’étranger, elle est ponctuée par une série d’albums (Time to Kill ; Sing and Dance ; Love Affair ; Memory Loves You ; The Ocean and Me ; I’M the Rain ; Soul) encensée par le public en Suède. Inspirée par le style mélodique de Van Morrison, Neil Young, Bruce Springsteen et Bob Dylan, elle distille un répertoire pacifiste et méditatif évoquant la sagesse, la bonté et la générosité.

Anne-Claire DUGAS

Love Affair, Sony, 2004.

ŽEMAITĖ (Julija BENIUŠEVIČIŪTĖ-ŽYMANTIENĖ, dite) [BUKANTĖ 1845 - MARIJAMPOLÉ 1921]

Écrivaine lituanienne.

Écrivaine de premier plan, fondatrice de la prose moderne lituanienne, Žemaitė est également célèbre pour sa description de la formation du capitalisme dans les villages lituaniens et pour son engagement féministe, pionnier pour l’époque. Née dans une famille pauvre de la petite noblesse, elle reçoit une éducation empreinte de culture polonaise. En épousant un garde forestier, elle rompt définitivement avec son milieu d’origine. Durant trente ans elle mène une vie de paysanne et élève sept enfants. Elle fait alors l’expérience de la dureté de la vie dans un village lituanien post-féodal, qui ne cessera de nourrir sa création littéraire. À partir de 1884, elle se lie d’amitié avec Povilas Višinskis, de trente ans son cadet, et s’intéresse de près à la littérature, à la presse lituanienne, interdite, et au mouvement national. Elle se lance dans l’écriture à l’âge de 49 ans et est rapidement reconnue comme l’un des écrivains les plus talentueux du pays. Son entrée dans le monde littéraire lui procure, à partir de 1900, une vie publique riche et diversifiée : elle participe à la vie sociale et culturelle, s’engage dans le mouvement féministe, travaille pour différents organes de presse à Vilnius. En 1916, elle se rend aux États-Unis, où elle vivra plusieurs années, pour récolter, auprès des colonies d’émigrés lituaniens, des dons en faveur des victimes de la guerre. Créative jusqu’à la toute fin de sa vie, Žemaitė laisse une œuvre impressionnante de quelque 150 nouvelles ainsi qu’un petit nombre de pièces. Ses sujets de prédilection sont la famille, l’amour, la duplicité des membres du clergé, la bassesse et les vices des paysans. Le talent de la narratrice fait apparaître avec force détails la vie des paysans, le travail aux champs, les jours de fête, dans un style vivant et l’emploi d’un vocabulaire riche, issu du folklore. Écrivaine engagée, elle construit à travers ses récits, qu’il s’agisse de drames ou de farces, une critique radicale de la société lituanienne de la fin du XIXe siècle : elle défend la femme opprimée par le pouvoir patriarcal, soutient les colporteurs de publications en lituanien, condamne le clergé (comme dans Kanauninko laidotuvės, « l’enterrement du chanoine », ou Kunigo naudą, velniai gaudo, « ce qui profite au prêtre, seul le diable le sait ») et l’administration tsariste. Son objectif affiché est de développer la conscience sociale et culturelle des Lituaniens, de renforcer le sentiment d’appartenance à une nation qui doit résister face à l’oppresseur. Elle a eu une influence remarquée sur la littérature lituanienne du XXe siècle et a constitué l’un des piliers de la tradition littéraire réaliste pour ses successeurs.

Hélène DE PENANROS

Raštai, Vilnius, Žara, 1995 ; Laimė nutekėjimo, apsakymų ciklas, Vilnius, Baltos lankos, 1996.

ZEMER, Hanna [BRATISLAVA 1925 - TEL-AVIV 2003]

Journaliste et rédactrice en chef israélienne.

Déportée avec toute sa famille au camp de concentration de Ravensbrück en 1944, Hanna Zemer sera marquée toute sa vie par cette expérience dont ses parents ne reviendront pas. Après la guerre, devenue sioniste, elle émigre en Israël. D’abord professeure, elle commence à travailler en parallèle pour un quotidien socialiste, Omer (« dire »), qui s’adresse aux nouveaux immigrants par l’intermédiaire d’un langage simple et facile d’accès. En 1951, elle quitte définitivement l’enseignement et rejoint le journal le plus important de la gauche israélienne, Davar (« parole »), à un moment où il est encore prestigieux. Elle couvre d’abord les affaires municipales de Tel-Aviv et se distingue par un journalisme d’enquête courageux et d’une grande qualité rédactionnelle. Par la suite, elle est la première femme nommée correspondante parlementaire de la Knesset à Jérusalem. Cultivant de bons rapports tant avec les députés de gauche que de droite, ses reportages donnent une excellente analyse de la vie parlementaire. Dans les années 1960, H. Zemer continue à occuper des postes clés au journal : correspondante à Washington durant la période Kennedy, elle devient éditorialiste politique puis rédactrice en chef en 1970, poste qu’elle occupe pendant 20 ans. Quelques mois avant sa nomination, une autre femme, Golda Meir*, est nommée Premier ministre. Les deux femmes n’entretiennent pas de bons rapports : bien que toujours lié au parti travailliste, Davar n’hésite pas à critiquer sévèrement le gouvernement après la guerre du Kippour en 1973. H. Zemer révolutionne le graphisme du journal, son style et son contenu pour qu’il reste concurrentiel. Elle emploie de jeunes journalistes qui en font un quotidien vivant et critique. À la fin du pouvoir travailliste, en 1977, il se transforme en véritable journal d’opposition. En 1982, c’est le journal le plus critique à l’égard de la guerre du Liban. Sous l’impulsion de sa rédactrice en chef, il suggère que seule une négociation directe entre Israéliens et Palestiniens peut mettre fin au conflit qui trouble la région depuis un siècle. En 1990, H. Zemer quitte la direction de Davar, qui fermera en 1996. À la fin de sa vie, elle enseigne le journalisme à Tel-Aviv.

Ouzi ELYADA

ZEMINOVÁ, Františka (ou Fraňa ZEMINOVÁ) [RÉG. DE KOLÍN, BOHÊME CENTRALE 1882 - PRAGUE 1962]

Femme politique, féministe et résistante tchèque.

Née dans une famille ouvrière aux opinions socialistes, Františka Zeminová rejoint, à seulement 15 ans, le Parti socialiste-national dès sa fondation en 1897. Elle privilégie d’emblée la thématique des droits des femmes, et cofonde en 1903, à l’âge de 20 ans, le Club tchèque des femmes, suivi deux ans plus tard du Comité pour le droit de vote des femmes. Au cours du premier conflit mondial, elle s’associe à l’organisation des marches de la faim conduites par des femmes pour protester contre le maintien de l’Autriche dans la guerre. Dès l’indépendance, elle siège au sein de l’Assemblée nationale révolutionnaire. Le 14 janvier 1919, elle est la seconde femme à s’exprimer devant ses pairs, quatre jours après la fille du président, Alice Masaryková*, et prononce le premier discours féministe dans cette enceinte. Réélue députée sans interruption de 1920 à 1935, vice-présidente du Parti socialiste-national de 1918 jusqu’à sa dissolution dans une organisation politique unique sous le protectorat allemand en 1939, sa contribution est essentielle pour développer les politiques sociales et relayer les préoccupations du mouvement des femmes. En 1944, F. Zeminová participe à la formation d’un Comité exécutif clandestin socialiste-national, qui en avril 1945 s’associe au Front national formé par la Résistance. Portée une nouvelle fois à la vice-présidence de son parti lors du congrès de sa refondation, elle le représente au sein de l’assemblée provisoire, puis est élue en 1946 à l’Assemblée constituante. Là, elle est parmi les principales voix à exprimer l’opposition résolue des socialistes-nationaux à la mainmise des communistes et renonce à son mandat dès le 3 mars 1948, quelques jours après le « coup de Prague ». Demeurée active au sein de la dissidence de son parti, elle est arrêtée à l’automne 1949, et condamnée à vingt ans de camp lors du premier grand procès de l’ère stalinienne intenté contre « Horáková* et consort », clos le 8 mai 1950. À la faveur du dégel, elle bénéficie d’une grâce présidentielle en 1960, et décède dans l’anonymat deux ans plus tard. En dépit de sa réhabilitation officielle en 1992, son rôle demeure largement méconnu aujourd’hui.

Maxime FOREST

ŽENA I DRUŠTVO ET LE NOUVEAU FÉMINISME YOUGOSLAVE [XXe siècle]

S’il est abusif d’affirmer l’existence d’un mouvement féministe structuré dans la Yougoslavie de la fin de l’ère Tito (1948-1978), les années 1970-1980 n’en virent pas moins l’émergence de cercles intellectuels et académiques propageant un discours féministe et critique à l’encontre des fondements du régime, ainsi que l’appel à l’accès de femmes à de hautes fonctions politiques au sein des ligues communistes yougoslaves, organisées sur une base nationale. L’intellectuelle la plus influente de cette période fut sans conteste la philosophe et sociologue Blaženka Despot* (née Lovrić, 1930-2001). Formée à la philosophie hégélienne et marxiste dans les années 1950, elle dispense des cours de sciences humaines à l’université de Zagreb à partir du milieu des années 1960. Profitant d’un contexte de libéralisation politique, favorisé notamment par l’accès de l’historienne serbe Latinka Perović à la tête du Parti communiste yougoslave (1968-1972) et de Savka Dabčevic-Kučar (1923-2009) aux commandes de la ligue communiste croate lors du « printemps croate » de 1968, B. Despot défend la même année une thèse intitulée « L’humanité d’une société technologique ». Celle-ci livre une critique acerbe d’un régime patriarcal et axé sur le seul développement technique. Surtout, elle met à profit différents séjours académiques en République fédérale d’Allemagne pour se familiariser avec la littérature féministe occidentale – dont Pladoyer za dokolicu (« plaidoyer pour le loisir », 1976), qui articule des positions plus radicales encore, porte la marque. En 1979, elle est l’une des sociologues à l’origine de la fondation de Žena i društvo (« femme et société »), un cercle féministe au sein de la Société sociologique croate. Les années postérieures à la mort de Tito (1980) voient se renforcer les critiques à l’encontre du socialisme autogéré et se raviver les querelles nationales. B. Despot et Žena i društvo participent activement au premier de ces débats, notamment avec la publication en 1987 de Žensko pitanje i socijalističko samoupravljanje (« la question féminine et le socialisme autogéré »), tandis qu’en 1984, la journaliste et sociologue croate Slavenka Drakulić* publie Smrtni grijesi feminizma : ogled o mudologiji (« les pêchés mortels du féminisme »), premier ouvrage de vulgarisation féministe à l’est du rideau de fer. Le mouvement centrifuge qui s’engage au sein des ligues communistes des composantes de la Yougoslavie contribue toutefois à marginaliser les vues les plus libérales et à affaiblir la position que les femmes y occupaient. Ainsi, la nomination selon les vœux de Tito de Milka Planinc (1924-2010), qui fut la « liquidatrice » des aspirations du « printemps croate », au poste de Première ministre fédérale (1982-1986), marque tout autant un cas unique dans les régimes socialistes, qu’une fin de partie pour le féminisme yougoslave.

Les féministes slovènes se montreront certes actives en politique lors de la démocratisation et la conquête de l’indépendance de leur pays (1990-1991), puis à l’origine d’une institutionnalisation remarquable des études sur le genre et des politiques d’égalité hommes-femmes. En revanche, leurs homologues croates et serbes affronteront depuis la société civile les vexations imposées par le nationalisme guerrier des années 1990, à l’instar d’une L. Perović (née en 1933), historienne marginalisée sous le régime Milošević, ou de S. Drakulić (née en 1949), publiciste finalement contrainte de s’exiler sous le règne politique de Franjo Tudjman.

Maxime FOREST

ZENDEJAS, Adelina (ou Yolia) [TOLUCA 1909 - ID. 1993]

Journaliste, syndicaliste et militante mexicaine du droit des femmes.

Née dans une famille où cohabitent l’engagement politique de son père, cheminot, et la tradition intellectuelle de sa mère, Adelina Zendejas bénéficie d’une bourse pour aller à l’école à Mexico, dans un cadre très masculin. Elle devient enseignante et prolonge sa formation en lettres, sciences de l’éducation et philosophie à l’université. Sa vie est marquée par trois grandes passions : le journalisme, la vie politique syndicale et le souci de la condition sociale et juridique des femmes. Lors de son admission à l’université à la fin des années 1920, elle commence à exercer le métier de journaliste pour El universal gráfico (« l’universel illustré »), où elle écrit sur des sujets policiers. Elle était une des rares femmes participant alors à la rédaction d’un journal en signant sous des pseudonymes féminins. Elle a utilisé Victoria Miranda dans El nacional (1935) et dans Mujeres (1959-1964), Yolia dans El día (1963-1980), et aussi Mara Blanco, Adela Romero, Justa Bronce, Lina Zag et Claraluz. Son implication dans le journalisme sera récompensée en 1986 par le Prix national du journalisme. A. Zendejas participe à des magazines syndicaux, crée la revue Flama (« flamme »), du Bloc révolutionnaire des femmes mexicaines, devient rédactrice en chef de la revue de l’Unam, l’Université nationale autonome de Mexico, fait quelques incursions à la télévision et publie des ouvrages sur l’histoire du droit des femmes : La crisis de la educación en México (« la crise de l’éducation au Mexique », 1958) ; La mujer en la intervención francesa (« la femme pendant l’intervention française », 1962) ; Las luchas de la mujer mexicana, 1776 a 1976 (« les luttes de la femme mexicaine de 1776 à 1976 », 1988). Engagée politiquement, elle se déclare favorable au suffrage féminin, acquis en 1947, et à l’égalité des droits syndicaux et salariaux. Dans les années 1930, elle fonde avec des militantes communistes le Front unique des droits de la femme, qui sera rejoint par des ouvrières, universitaires, catholiques et intellectuelles d’idéologies diverses.

Ana Lía REY et Mirta VARELA

ZÉNOBIE [M. À TIBUR, AUJ. TIVOLI, ITALIE APRÈS 272]

Reine de Palmyre.

Bref mais brillant, le destin de Zénobie a marqué les imaginations. Deuxième épouse d’Odeinath, elle appartient à une famille connue mais de second rang, sans doute originaire de Doura, sur l’Euphrate. Son ascension est liée à la crise de l’Empire romain au IIIe siècle. En 260, Valérien est capturé par les Perses qui envahissent la Syrie et prennent Antioche. Odeinath rassemble une armée, réduit les usurpateurs et prend Ctésiphon. Avec le titre de corrector totius Orientis, qu’il reçoit de Gallien, il devient une sorte de vice-empereur, ce qui consacre une situation de fait satisfaisante pour les deux parties. En 267, Odeinath et son fils né du premier lit sont assassinés. Le crime profite à Zénobie et à son fils Wahballat. Elle lui succède comme reine de Palmyre, mais ses relations avec Rome se tendent quand Gallien tente de rétablir le gouvernement direct de Rome en Orient. Zénobie s’y oppose. Son général, Zabdas, s’empare de l’Égypte mais échoue à conquérir l’Asie mineure. Le nouvel empereur, Aurélien (270-275), n’entend pas composer avec les dissidences. En 272, son armée bat les Palmyréniens à Antioche et à Homs, avant de gagner Palmyre. Après la reddition de la ville, Zénobie s’enfuit vers l’Euphrate pour obtenir l’alliance perse, mais elle est capturée. À Rome elle figure au triomphe d’Aurélien. Son sort est mal connu. Pour certains, elle aurait été exécutée, mais d’autres soutiennent qu’elle épousa un sénateur et finit sa vie dans une riche villa romaine. Sa personnalité était fascinante. Elle prétendait descendre des Lagides, dont Cléopâtre fut la dernière reine. Elle se montrait aux troupes en costume d’empereur romain, mais déployait tout le faste de la cour perse dans les banquets. Outre le grec et le palmyrénien, elle parlait le latin et l’égyptien. Elle a laissé en Orient le souvenir d’une femme d’exception qui, la première, aurait tenté de donner une existence politique à la région.

Georges TATE

ZERROUK, Mina (Yamina, dite) [ALGER 1952 - PARIS 2008]

Journaliste et militante féministe algérienne.

Diplômée en sciences de l’information, sciences politiques et relations internationales, Mina Zerrouk intègre en 1974 la Chaîne 3 de la radio nationale algérienne, où elle exerce le métier de journaliste jusqu’en 1989. Militante de la condition féminine et de la liberté d’expression, elle participe depuis longtemps à des séminaires ou forums sur ce sujet. En 1991, avec d’autres consœurs, elle crée Ounoutha (« féminité »), une revue pionnière dans la presse féminine algérienne. À la radio, elle produit Paroles de femmes, puis Ouverture, une émission économique. En 1995, elle fonde l’association Femmes en communication (Fec), dont elle est secrétaire générale. L’objectif est de rendre visibles les compétences et les activités des femmes, de saisir la chance qui s’offre aux mouvements associatifs féminins de s’approprier les outils de communication modernes pour relier les femmes d’Algérie. En 2003, M. Zerrouk coordonne le projet Média Nes (Médias et dialogues en Algérie Nouvelles expressions des sociétés civiles), conçu par l’institut Panos Paris et la Fec, avec pour mission de former des associations féminines algériennes à la production radio en ligne. M. Zerrouk participe à l’encadrement de la formation. Avec l’appui de l’Union européenne, elle publie, en 2006, Étude sur la radiodiffusion locale en Algérie, nouvelles expressions des sociétés civiles. Au-delà de la modernisation récente du système médiatique par les pouvoirs publics, elle évoque la possibilité d’une réelle liberté d’expression sur les ondes algériennes, grâce à la création d’un espace radiophonique indépendant du contrôle de l’État.

Marion PAOLI

ZETKIN, Clara (née EISSNER) [WIEDERAU 1857 - ARKHANGELSKOÏE, RUSSIE 1933]

Femme politique et féministe allemande.

Clara Eissner rencontre à Leipzig l’émigré russe Ossip Zetkin. Celui-ci ayant été expulsé d’Allemagne, elle le rejoint à Paris en 1882 où elle s’initie au marxisme et est la correspondante attitrée de journaux socialistes allemands. O. Zetkin, dont elle a pris le nom sans être mariée avec lui, meurt en 1889, la laissant seule avec leurs deux garçons. Sa première intervention devant un large public – sur la situation des travailleuses en régime capitaliste – a lieu à Paris en 1889 au congrès fondateur de la IIe Internationale socialiste, où elle occupera jusqu’à sa mort les plus hauts postes. Revenue en Allemagne en 1890 après l’abrogation des lois antisocialistes, elle s’installe à Stuttgart où elle fonde deux ans plus tard Die Gleichheit (« l’égalité ») : ce journal devient en 1907 l’organe de la Société internationale des femmes socialistes, que C. Zetkin fonde et préside. En 1896, elle rencontre un jeune peintre qu’elle épouse ensuite, avant de s’en séparer vingt ans plus tard. Dans leur maison de Sillenbuch, elle accueille Karl Liebnecht, August Bebel, Karl Kautsky, Lénine, Alexandra Kollontaï*, Rosa Luxemburg*, des artistes et des féministes. À partir de 1910, le conflit est ouvert avec le parti social-démocrate auquel elle a adhéré très jeune et qui n’apprécie pas ses options pacifiques ni celles de la Conférence internationale des femmes socialistes (Berne 1915). En 1916, elle participe à la création du mouvement spartakiste et, avec d’autres opposants exclus du SPD en 1917, à celle du parti social-démocrate indépendant (USPD). En 1918, scission à l’USPD : les spartakistes créent le KPD, parti communiste allemand. C. Zetkin approuve sans réserve la politique des bolcheviks. Elle foule « le sol révolutionnaire » en 1920, y fera par la suite de nombreux séjours, couverte d’honneurs. Mais elle ne tarde pas à s’opposer à la direction du KPD, de l’Internationale et de Staline. Elle insiste sur les différences socio-historiques entre les partis communistes nationaux, stigmatisant l’ingérence de Moscou et de l’Internationale. D’autre part, elle se prononce – jusqu’au Reichstag où elle est élue députée – pour un large rassemblement politique face au nazisme, tandis que le KPD s’obstine à combattre les sociaux-démocrates.

C’est toutefois le traitement des questions féminines qui a assuré sa notoriété dès les années 1890. D’abord partisane d’un « féminisme prolétarien » opposé au « féminisme bourgeois », elle plaide ensuite pour une union des féministes au-delà des questions de classe. En 1910 – lors de la deuxième Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague –, elle propose, avec Rosa Luxemburg*, d’organiser annuellement une Journée internationale des femmes qui a lieu désormais le 8 mars de chaque année dans le monde entier. C. Zetkin fait l’objet de nombreuses études en Allemagne, surtout après l’ouverture des archives de l’ex-RDA, mais peu de travaux lui sont consacrés en France, où ses textes ne sont même pas traduits en totalité.

Armelle LE BRAS-CHOPARD

Les Guerres impérialistes contre les travailleurs, les travailleurs contre les guerres impérialistes, Paris, Bureau d’éditions, 1934 ; Batailles pour les femmes, Badia G. (dir.), Paris, Éditions sociales, 1980.

BADIA G., Clara Zetkin, féministe sans frontières, Paris, Éditions ouvrières, 1993.

ZETTERLING, Mai [VÄSTERÅS 1925 - LONDRES 1994]

Actrice et réalisatrice suédoise.

Sa renommée internationale comme actrice l’ayant aidée à trouver des investisseurs susceptibles de faire confiance à une femme, Mai Zetterling a réalisé son premier long-métrage en 1964 : Les Amoureux (Älskande par), adapté des romans de la romancière suédoise Agnes von Krusenstjerna* (1893-1940). Se situant avant la Première Guerre mondiale, ce film, très critique par rapport à la société patriarcale, s’ouvre sur trois femmes dans une clinique d’accouchement. Des flash-back permettent de découvrir que la grossesse est vécue très différemment par chacune, selon sa position sociale ainsi que ses expériences personnelles. Pendant les années 1950-1960, M. Zetterling a travaillé avec plusieurs actrices d’Ingmar Bergman, l’auteur le plus connu du cinéma suédois. Mais la Scandinavie a aussi été influencée par la Nouvelle Vague et le cinéma moderniste. Dans quelques scènes des Amoureux, il n’est pas facile de déterminer s’il s’agit d’événements réels ou de souvenirs subjectifs. L’influence moderniste est encore plus prononcée dans Jeux de nuit (Nattlek, 1966) où est décrit un homme qui souffre du complexe d’Œdipe. En 1968, M. Zetterling réalise Les Filles (Flickorna), qui donne déjà à voir les luttes du mouvement des femmes des années 1970. Le film suit trois actrices qui font une tournée avec la pièce Lysistrata d’Aristophane. La grève du sexe qui se joue sur la scène se mêle aux problèmes professionnels et de vie privée que connaissent ces femmes contemporaines. Ce film, à l’esthétique et au discours politique radical, n’a pas rencontré à sa sortie un grand succès public, ni une critique très favorable, mais il a été largement diffusé dans le mouvement des femmes en Europe. On ne s’attendait pas qu’une actrice perçue jusqu’alors comme douce fasse un film féministe militant. Après cela, M. Zetterling n’a réalisé qu’un seul film en Suède : Amorosa (1986), consacré à la vie d’A. von Krusenstjerna.

Karolina WESTLING

ZETZEL ROSENBERG, Elizabeth [NEW YORK 1907 - SCARSDALE 1970]

Médecin et psychanalyste américaine.

Fille de l’éminent juriste James Rosenberg, qui, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dirigera la commission américaine auprès des Nations unies pour l’adoption d’une convention sur le génocide, Elizabeth Zetzel Rosenberg entreprend ses études de médecine à Londres puis, dans les années 1930, sa formation analytique à la Société britannique de psychanalyse. Sa découverte des travaux de Melanie Klein* fut importante dans sa propre recherche, mais c’est surtout Donald Winnicott, avec son attention constante et minutieuse portée aux relations mère-enfant, qui influença sa pratique et ses travaux sur le développement précoce de la vie psychique du nourrisson. De retour aux États-Unis en 1949, elle devient membre de la Société psychanalytique de Boston et, de 1961 à 1965, secrétaire de l’Association psychanalytique internationale. Ses contributions à la technique psychanalytique, et tout particulièrement son concept d’« alliance thérapeutique » comme aspect du transfert ainsi que ses recherches sur l’hystérie ont fait d’elle une analyste importante dans l’histoire de la théorie psychanalytique outre-Atlantique. Sa formation en Angleterre, où elle fut un témoin direct des Grandes Controverses entre kleiniens et freudiens, lui permit de faire la synthèse des travaux de M. Klein et de Donald Winnicott sans oublier ceux d’Anna Freud*, et d’ouvrir ainsi un large champ de réflexions théoriques dans un pays où le pragmatisme occupait déjà une place de choix.

Chantal TALAGRAND

ZGRAGGEN, Yvette [GENÈVE 1920 - ID. 2012]

Écrivaine suisse d’expression française et productrice de radio.

Contrainte par la guerre de gagner sa vie comme secrétaire, Yvette Z’Graggen entame une œuvre romanesque résolument inscrite dans son époque, qui fait de l’évolution de la condition féminine un événement majeur du XXe siècle. Alors que la guerre n’est que la toile de fond des premiers romans, le rapport problématique de la Suisse à la Seconde Guerre mondiale prend une importance grandissante et constitue une contribution significative de l’écrivaine à la littérature suisse. Dans Les Années silencieuses (1982), elle se place elle-même au cœur d’un difficile travail de mémoire : en relisant des coupures de presse et des extraits de son journal intime, elle constate sans complaisance l’occultation du génocide dans les consciences helvétiques. L’Allemagne revêt aussi pour elle une double signification, historique et personnelle, du fait de son ascendance familiale et du rapport délicat de ses parents à leur langue maternelle. La figure de son père, déraciné linguistiquement et socialement dans la bourgeoisie genevoise, fait l’objet de Changer l’oubli (1989), alors que sa mère et sa fille sont évoquées conjointement dans Un temps de colère et d’amour (1980). Matthias Berg (1995) réunit les thèmes principaux de l’œuvre autobiographique et fictionnelle : la filiation, le couple, les relations intergénérationnelles, la guerre, l’Allemagne, la mémoire.

Valérie COSSY

La vie attendait, Genève, J.-H. Jeheber, 1944 ; Le Filet de l’oiseleur, Genève, J.-H. Jeheber, 1957 ; Cornelia, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1985 ; La Punta, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1992 ; Un étang sous la glace, Vevey, Éditions de l’Aire, 2003 ; Éclats de vie, Vevey, Éditions de l’Aire, 2007.

CHARNLEY J., Les Écrits d’Yvette Z’Graggen, romancière suisse contemporaine, Lampeter, The Edwin Mellen Press, 2006.

ZHAI YONGMING [CHENGDU 1955]

Poétesse chinoise.

Zhai Yongming mène ses études universitaires dans une faculté de technologie, puis, à l’âge de 26 ans, commence à publier des poèmes dans diverses revues provinciales ou locales, en exploitant deux thèmes : la nostalgie de l’enfance et l’amour. Ses écrits sur l’enfance comme Pugongying (« le pissenlit ») et Tongnian jishi (« souvenirs d’enfance ») dénotent un style pur, frais et simple. Les poèmes d’amour tels que « Dengdai » (« attente ») et « Hong ye » (« feuilles rouges ») évoquent, d’une plume claire et fluide, non seulement de beaux souvenirs mais aussi la mélancolie et la douleur de la femme, engendrées par la différence des sexes. En 1986, sa série de 20 poèmes, intitulée Nüren (« la femme »), est publiée dans la revue Shi kan (« poésie ») et attire immédiatement l’attention de ses pairs et de la critique. À l’opposé de la plupart des poétesses, dont l’œuvre est envahie de soupirs et de mélancolie, l’auteure pénètre avec sincérité dans le for intérieur de la femme, donne à voir son expérience sentimentale unique dans le cadre réel, et livre sa réflexion sur le destin féminin. Dans les suites poétiques Jing’an zhuang (« village de Jing’an », 1985) et Ren sheng zai shi (« vivre dans ce monde », 1986), elle continue à explorer l’image symbolique de la « nuit sombre », qui apparaît déjà dans Nüren, en produisant des effets surréalistes. Bien que très influencée par des poétesses occidentales comme Sylvia Plath*, Zhai Yongming n’en préserve pas moins sa propre personnalité. Au début des années 1990, elle se rend aux États-Unis avec son mari, le peintre He Duoling. À son retour, elle tient à Chengdu un bar baptisé poétiquement Nuit blanche, qui deviendra très vite un lieu de rencontre pour les jeunes poètes et les artistes. Sa vision poétique évolue : elle essaie désormais d’aborder le monde d’un point de vue historique et de cultiver, face à la vie, une sagesse qui semble mêler, à sa manière, la culture chinoise et la culture occidentale.

WANG ZHUYA

SHENG Y., Ershi shiji nüxing wenxueshi, Tianjin, Tianjin renmin chubanshe, 1995.

ZHANG AILING [SHANGHAI 1921 - LOS ANGELES 1995]

Écrivaine chinoise.

Issue d’une illustre famille, Zhang Ailing, également connue sous le nom d’Eileen Chang, entre en 1931 au lycée de jeunes filles Sainte-Marie (Shanghai), puis est brillamment admise à l’université de Hongkong en 1938. Elle doit néanmoins abandonner ses études et retourner à Shanghai à la suite de l’occupation japonaise. De 1942 à 1945, elle étonne le public par sa création littéraire, qui apparaît comme un miracle au sein d’une ville tombée entre des mains ennemies. En 1944, elle épouse Hu Lancheng, un collaborateur des Japonais, écrivain et éditeur. En 1952, elle part travailler à Hongkong au Service de presse des États-Unis, pays où elle vit à partir de 1973. Très jeune, elle cultive déjà un goût prononcé pour l’écriture et la peinture. Sa première nouvelle, Buxing de ta (« elle qui est malheureuse », 1932), est publiée dans le journal de son lycée. En 1937, elle signe plusieurs nouvelles pour la presse. C’est en 1943 que paraissent ses romans majeurs ainsi que plusieurs longues nouvelles, dont Chenxiangxie diyiluxiang (« l’encens de bois d’aloès du premier brûle-parfum »), Un amour dévastateur, La Cangue d’or et Xinjing (« le classique du cœur »). À la même époque, elle rédige aussi des essais sur l’art, la littérature, la relation homme-femme. De 1943 à 1947, elle écrit Chuanqi (« saga », 1944), un recueil de nouvelles, et Liuyan (« rumeurs, 1944 »), un recueil d’essais, suivi d’un important roman, Shiba chun (« 18 printemps », 1948). Après les années 1950, sa production diminue. Elle publie à Hongkong quelques œuvres anticommunistes pour le journal Jinri shijie (« le monde d’aujourd’hui »), dont deux romans, Chidi zhilian (« l’amour sur le sol rouge », 1954) et Le Chant du riz qui lève (1958). Après son installation aux États-Unis, elle se consacre à la création dramatique, à l’étude du chef-d’œuvre Honglou meng (« rêve dans le pavillon rouge », 1791) et à quelques traductions de romans classiques chinois. L’écrivaine s’attache à explorer la nature humaine et à mettre à nu le monde du désir, en dénonçant avec perspicacité et froideur, dans un style polymorphe, les faiblesses de l’homme, l’aliénation de la passion, mais aussi les paradoxes de la culture traditionnelle chinoise. L’amour et le mariage, dont elle met en doute le fondement, font partie de ses thèmes de prédilection. Certains de ses romans sont des manifestes en faveur de la passion féminine réprimée par la société ; ils mettent en scène nombre de personnages féminins vicieux, dépravés, auxquels elle accorde sa compassion et son indulgence. Imprégnée de culture classique chinoise et occidentale, l’auteure excelle dans la description de la nature, mais plus encore dans l’analyse psychologique de ses héros.

CHEN YANPING

Le Chant du riz qui lève (Yangge, 1954), Paris, Calmann-Lévy, 1958 ; La Cangue d’or (Jinsuo ji, 1943), Paris, Bleu de Chine, 1999 ; Un amour dévastateur (Qingcheng zhilian, 1943), La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2005.

LIN D., Dangdai zhongguo nüxing wenxue shilun, Xiamen, Xiamen daxue chubanshe, 1995 ; SHEN Y., Ershi shiji zhongguo nüxing wenxueshi, Tianjin, Tianjin renmin chubanshe, 1995.

ZHANG HANZHI [SHANGHAI 1935 - PÉKIN 2008]

Diplomate chinoise.

Fille adoptive d’un avocat célèbre, Zhang Hanzhi déménage à Pékin en septembre 1949, où elle entre au lycée de Beiman, puis, en 1953, poursuit ses études à l’Institut des langues étrangères où elle devient en 1960 professeure d’anglais. Cette année-là, Mao Zedong, ami de son père, lui demande de lui apprendre l’anglais. Elle devient ainsi professeure du Grand Timonier jusqu’en 1971, quand Mao l’envoie travailler au ministère des Affaires étrangères car « la Chine a besoin de femmes diplomates ». De simple employée, elle grimpe les échelons jusqu’à devenir directrice adjointe du service Asie de ce ministère et vice-représentante de la délégation de la Chine à l’Assemblée générale des Nations unies. Au milieu des années 1970, Zhang Hanzhi, très active dans l’arène diplomatique, est l’une des plus célèbres diplomates chinoises, peu nombreuses à cette époque. En 1973, elle épouse Qiao Guanhua, ministre des Affaires étrangères. Il a 60 ans, elle en a 38, et leur mariage fait du bruit en Chine. À la fin de la Révolution culturelle, son mari, sur la même ligne politique que « la bande des quatre » dirigée par la femme de Mao, se trouve en opposition à Zhou Enlai, Premier ministre de l’époque. Il est alors inquiété et mis à l’écart, et Zhang Hanzhi avec lui. Après les années 1980, celle-ci se consacre à nouveau aux échanges internationaux ainsi qu’au développement de la campagne chinoise. Après 1983, elle est membre du conseil de l’Association pour l’amitié avec les pays étrangers. Elle a publié plusieurs ouvrages qui ont exercé une certaine influence en Chine.

LIU LI

ZHANG HUODING [BAICHENG, JILIN 1971]

Actrice chinoise.

Véritable phénomène dans son pays, Zhang Huoding réussit à mener une carrière qui s’inscrit parfaitement dans la tradition de l’opéra de Pékin tout en touchant un public bien plus large et plus jeune. Sortie de l’École de théâtre traditionnel de Tianjin en 1989, elle intègre la troupe des Compagnons d’armes de Pékin puis, en 1995, la prestigieuse Troupe nationale d’opéra de Pékin. En 1993, elle devient disciple de Zhao Rongchen, acteur de la lignée artistique de Chen Yanqiu, l’un des quatre grands acteurs-travestis de l’histoire de l’opéra de Pékin. Elle se bâtit une renommée en incarnant les rôles principaux d’opéras tels que : Suoling nang (« la sacoche à la licorne ») ; Qiu jiang (« le fleuve d’automne »), Dou e yuan (« l’injustice faite à Dou E ») et Baishezhuan (« le serpent blanc », légende). En 1999, elle reçoit le prix Fleur de prunus. Elle crée l’atelier Zhang Huoding, où elle produit des spectacles plus indépendants, comme la reprise de l’opéra moderne Jiang Jie (« sœur Jiang », opéra révolutionnaire de forme occidentale, datant de 1964), présentée à Cologne en 2002 (version filmée de Zhang Yuan en 2005). En 2007, elle donne un concert d’opéra de Pékin, avec orchestre symphonique, dans l’immense salle de l’Assemblée du peuple, confirmant qu’elle bénéficie d’une audience et d’un management équivalents à ceux des stars de la variété chinoise. Nombre de jeunes chinois n’écoutent pas d’opéra, mais écoutent Zhang Huoding : ils semblent oublier avec elle le fossé qui sépare la tradition des tendances actuelles.

Pascale WEI-GUINOT

ZHANG JIE [PÉKIN 1931]

Écrivaine chinoise.

Adolescente, Zhang Jie adopte le nom de sa mère après la mort de son père. Diplômée de l’université du Peuple, elle travaille comme fonctionnaire au ministère de l’Industrie mécanique. Après la parution de son premier roman, Cong senlinli lai de haizi (« les enfants venus de la forêt », 1978), elle se lance dans une carrière féconde d’écrivaine. Parmi ses œuvres majeures, dont plusieurs sont traduites en langues étrangères, figurent Ai shi bu neng wangji de (« l’amour ne s’oublie pas », 1979), Les Ailes de plomb (1981), couronnées du prix Mao-Dun, Galère (1982) et Zumu lü (« émeraude », 1984). Grâce à Wu zi (« sans un mot »), roman en trois volumes publié en 2002, elle reçoit une seconde fois le prix Mao-Dun – honneur exceptionnel accordé à un même auteur. Membre de l’Association des écrivains chinois, elle est aussi vice-présidente de l’Association des écrivains de Pékin et jouit d’une subvention spéciale octroyée par l’État. Wu zi est une sorte de remise en question de ses expériences personnelles, qu’elle raconte d’un ton neutre, voire glacial : en retraçant la vie de l’héroïne Wu Wei, l’écrivaine présente une rétrospective des malheurs qu’ont subis les femmes chinoises du siècle passé. Que ce soit Wu Wei, sa mère ou sa grand-mère, aucune n’arrive à se libérer du pouvoir marital ou patriarcal. Bien que consciente de l’origine des douleurs maternelles, l’héroïne ne saurait pourtant se projeter dans l’avenir sans la présence d’un homme ; celui-ci deviendra finalement la cause directe de sa mort, au sens aussi bien psychologique que physique. Le génie de la romancière se manifeste non seulement par son analyse fouillée de la psychologie féminine, mais aussi par le style vigoureux qu’elle déploie pour décrire les époques bouleversées.

LUO TIAN

Les Ailes de plomb (Chenzhong de chibang, 1981), Paris, M. Sell, 1986 ; Galère (Fang zhou, 1982), Paris, M. Sell, 1989.

WANG M., « Jixian xiezuo yu wu bian de xianshi zhuyi », in Dushu, Pékin, vol. 6, 2002.

ZHANG JINQIU [CHENGDU 1936]

Architecte chinoise.

Diplômée du département d’architecture de l’université Qinghua de Pékin en 1960, Zhang Jinqiu figure parmi les rares architectes de sa génération à avoir poursuivi ses études, auprès du professeur Liang Sicheng (1901-1972), mari de l’architecte Lin* Huiyin, remarquable historien et théoricien de l’architecture chinoise traditionnelle et contemporaine, duquel elle a beaucoup appris. Après un master en 1966, elle commence à travailler pour l’Institut de recherche sur l’architecture de la Chine du Nord-Ouest, à Xi’an, ville de plus de 2 000 ans, ancienne capitale de nombreuses dynasties chinoises, dont Zhou, Qin, Han et Tang, et riche d’un extraordinaire patrimoine. Mais ce n’est que bien après la révolution culturelle, à la fin des années 1980, qu’elle acquiert une reconnaissance en tant qu’architecte, avec son premier projet national d’importance, le musée d’Histoire du Shanxi, dans le centre de Xi’an, ouvert en 1991. Comme pour toutes ses autres œuvres, elle interprète habilement l’architecture traditionnelle chinoise en langage moderne. Même si cette approche n’est pas nouvelle, la sienne se distingue par sa manière de traduire en formes symboliques la structure moderne et la complexité des fonctions des édifices. Le style qu’elle aime à évoquer est celui de la dynastie Tang, qui coïncide avec l’époque la plus prospère de la Chine antique. Par la suite, elle s’efforce de simplifier son langage architectural, comme c’est le cas avec le bâtiment et la cour précédant l’espace rituel du mausolée de l’Empereur jaune, Huangdi, dans le district de Huangling, province de Shanxi (2004), ou de l’adapter à des édifices non monumentaux, comme son travail pour le parc Da Tang Furong Yuan dans le quartier de Qujiang à Xi’an (2002), où se trouve un ensemble d’édifices résidentiels qui renvoie à des « séquences d’espaces extérieurs et intérieurs et à la coordination entre mouvements et quiétude caractéristiques de la maison traditionnelle chinoise ». Sa réécriture des styles du passé lui vaut une grande reconnaissance, surtout pour la conception d’ambiances majestueuses, qui reflète à la fois le caractère durable de l’expression culturelle et l’influence profonde des beaux-arts occidentaux des années 1920 et 1930. Sa capacité à intégrer modernité et tradition lui a valu de nombreux prix nationaux ; elle est aussi la première, en 1991, à recevoir le titre de Design Master of Chinese Project and Construction.

LU YONGYI

From the Tradition to the Future/Cong Chuantong Zouxiang Weilai, Xi’an, Science and Technology Publishing, 1992.

« Zhang Jinqiu », in Pro architect, no 12, 1998.

Dancers on Stones. Works and Ideas of Chinese Female Architects/Shijie Shang de Wuzhe. Zhongguo Nujianzhushi de Zuopin he Sixiang Jilu, Pékin, China Architecture and Building Press, 2006.

ZHANG KANGKANG [HANGZHOU 1950]

Romancière et essayiste chinoise.

Vice-présidente de l’Association des écrivains du Heilongjiang et conseillère de l’Association des écrivains chinois, Zhang Kangkang est née dans une famille d’intellectuels. Ses parents l’ont appelée Kangkang (« résistance ») non seulement parce qu’ils se sont connus à l’époque de la résistance contre le Japon et que sa date de naissance coïncide avec l’année de lutte contre l’agression américaine en Corée, mais aussi parce qu’ils espéraient que leur fille serait quelque peu rebelle. Celle-ci décide, dès sa sortie du lycée, de partir à la campagne, dans une ferme du Heilongjiang ; elle y passe huit ans (1969-1976) et, de cette dure expérience, elle tire une grande richesse spirituelle et l’inspiration de la plupart de ses œuvres, réalistes au début, philosophiques par la suite. Elle publie sa première nouvelle, Deng (« lampe »), en 1972. Trois ans plus tard paraît son premier roman, Fenjiexian (« la ligne de démarcation », 1975), qui évoque la vie des jeunes diplômés de lycée rural. En 1977, elle quitte la ferme pour suivre une formation dans une école d’art dramatique. La nouvelle Ai de quanli (« le droit d’aimer »), éditée en 1979, remporte un vif succès et l’introduit dans le jeune milieu littéraire : elle y brosse le portrait de trois jeunes qui interprètent de façon différente le sens du mot « aimer » ; selon son point de vue, tout le monde a le droit d’aimer, ce qui n’est malheureusement pas le cas pendant plus d’une dizaine d’années en Chine. Elle poursuit sa carrière en faisant paraître des nouvelles et des romans, dont Beijiguang (« l’aurore boréale », 1980), Yinxing banlü (« le compagnon invisible », 1986), L’Impitoyable (1995) et Qing’ai hualang (« la galerie de l’amour », 1996). Dans Zuo nü (« femme au bord du précipice », 2002), elle raconte les aventures d’une jeune divorcée, réfractaire aux traditions, incarnation des femmes omniprésentes dans la vie réelle, qui défient les rôles féminins de rigueur au mépris du regard des autres. Non-féministe, Zhang Kangkang traduit néanmoins, à travers son œuvre, les inquiétudes et les préoccupations des femmes dans une société masculine, et cherche à montrer le conflit intérieur de la jeune génération à toute époque.

SUN LIJUAN

L’Impitoyable (Canren, 1995), suivi de Tempêtes de sable (Shabao, 1996), Paris, Bleu de Chine, 1997.

TAN Z., Zhongguo nüxing wenxue shihua, Tianjin, Baihua wenyi chubanshe, 1984.

ZHANG NUAN XIN [MONGOLIE 1940 - PÉKIN 1995]

Réalisatrice, scénariste et théoricienne du cinéma chinoise.

Diplômée de la Beijing Film Academy en 1962, Zhang Nuan Xin doit attendre la fin de la Révolution culturelle pour commencer à travailler. Après avoir assisté Xie Jin en 1975, elle est coscénariste de Ling Zi Feng (Li Si Guang, 1979), puis elle réalise Shaou (The Drive to Win ou The Seagull, « le goëland », 1981) ; tourné avec des acteurs non professionnels et en décors naturels, ce film ouvre une voie nouvelle aux futurs cinéastes de la 5e génération. Qing chun ji (Sacrifice of Youth, « ode à la jeunesse », 1985), présenté à La Quinzaine des réalisateurs à Cannes, s’inspire de l’expérience de la cinéaste pour jeter un regard presque ethnographique sur une minorité du Sud. Elle assiste Jacques Dorfmann pour Le Palanquin des larmes (1987), puis réalise Beijing ni hao (Good morning, Beijing, 1991, sur l’histoire d’un chauffeur de bus qui s’éprend d’une passagère, elle-même amoureuse d’un étudiant de Singapour) et Yunann gushi (The Story of Yunnan, 1994). Professeure à la BFA à sa réouverture en 1978, tournée vers la culture française, Zhang Nuan Xin contribue à faire connaître les idées d’André Bazin en Chine, et joue ainsi un rôle important pour le nouveau cinéma chinois. Sa contribution théorique majeure, « La modernisation du langage cinématographique » (article écrit en 1978 avec son mari, le critique Li Tuo), analyse la situation du cinéma chinois après la Révolution culturelle, pour constater un grand retard : stéréotypes, primat du contenu sur la forme, réflexion théorique et recherche inexistantes pendant toute la période maoïste. Les questions théoriques, artistiques ne pouvaient être abordées, d’où l’urgence d’analyser les œuvres étrangères pour faire évoluer le cinéma, sans pour autant négliger la réalité et la culture chinoises, car l’histoire montre que l’art chinois s’est aussi développé en empruntant à l’étranger. Sans copier les Occidentaux, il faut assimiler leur apport. Pour étayer son propos, Zhang Nuan Xin retrace l’évolution du cinéma depuis les frères Lumière, montrant comment cet art a développé son propre langage grâce au montage, puis s’est rapproché du théâtre avec le son, retrouvant progressivement une forme spécifique par la mobilité de la caméra et la recherche d’une vérité documentaire. Ces idées baziniennes (défense du plan-séquence, notamment) heurtent, car le montage est encore en 1978 le procédé auquel recourent massivement les réalisateurs chinois depuis les années 1950 ; mais les étudiants de Zhang Nuan Xin, devenus les acteurs de la fameuse 5e génération, sauront retenir sa leçon.

Jean-Paul AUBERT

ZHANG RUOQIONG VOIR ZHANG YUNIANG

ZHANG XIN [PÉKIN 1965]

Entrepreneuse chinoise.

Mère de deux enfants, Zhang Xin incarne cette génération de femmes chinoises entrepreneuses, innovantes et instruites, qui se sont perfectionnées dans les pays occidentaux. Issue d’une famille de Chinois immigrés en Birmanie et retournés en Chine dans les années 1950, elle grandit sous la Révolution culturelle dans une banlieue grise de Pékin. À 14 ans, elle quitte la Chine avec sa mère pour Hong Kong où, travaillant comme ouvrière dans une usine textile, elle découvre le capitalisme. Elle économise pour financer ses études en Grande-Bretagne et, boursière, sort de Cambridge diplômée en économie du développement. Elle acquiert ensuite une expérience de la banque chez Barings puis chez Goldman Sachs à New York, avant de retourner en Chine en 1994. Dès 1995, avec son mari Pan Shiyi, promoteur immobilier, elle crée et dirige Small Office Home Office (Soho) pour répondre aux besoins en bureaux et espaces professionnels et multifonctionnels des nouvelles PME en pleine expansion. Puis elle crée Soho China, géant de l’immobilier, qui construira entre autres Jianwai, complexe de bureaux, commerces et appartements résidentiels dans le quartier des affaires de Pékin, et l’extraordinaire « commune au pied de la Grande Muraille », ensemble de villas d’architecture moderne. L’audace architecturale futuriste de l’entrepreneuse à Pékin et à Shangai est distinguée par de nombreux prix internationaux. Cette milliardaire, selfmade woman, a créé par ailleurs une fondation caritative qui promeut l’éducation comme moyen de réduire la pauvreté. Sur les 20 femmes milliardaires de la planète, dont Zhang Xin, 11 sont chinoises. Ces femmes, telles Chen Lihua, Wu Yajun, Zhu Linyao, savent avant les autres repérer les secteurs porteurs (logistique portuaire, énergie, marché de l’immobilier, industries agro-alimentaires…) et mettre à profit l’ouverture de l’économie chinoise.

Jacqueline PICOT

LI I., Zhang Xin : On the Return to China, New York, Jorge Pinto Books Inc., 2006.

DESNÉ J., « Les Nouvelles Impératrices de Chine », in Madame Figaro, 6 nov. 2010.

ZHANG YIN (ou CHEUNG YAN) [1957]

Entrepreneuse chinoise.

Issue d’une famille nombreuse et modeste, fille de militaire, Zhang Yin est d’abord comptable dans une entreprise qui fera faillite avant de créer, en 1985, avec ses économies, un commerce de recyclage de papier à Hong Kong. Elle part aux États-Unis en 1990 et, avec son mari taïwanais, fonde American Chung Nam. Cette entreprise spécialisée dans le négoce de papiers usagés achète du papier dans les décharges californiennes, à bas prix, et l’envoie en Chine où il est recyclé en emballage de produits de consommation. En 1996, de retour en Chine, Zhang Yin crée Nine Dragons Paper et diversifie sa production. Son entreprise est devenue la plus grosse productrice chinoise de cartons pour des firmes comme Coca-Cola, SonyouNike, sur un marché des biens de consommation en pleine expansion. Véritablement une pionnière, Zhang Yin a su investir dans un secteur délaissé par le gouvernement et, prévoyante, elle développe des capacités de production ambitieuses pour faire face à l’augmentation de la demande. Cette entrepreneuse, l’une des plus riches de la planète au dernier classement de Forbes, se préoccupe de la protection de l’environnement en consacrant des dépenses à la prévention de la pollution et au traitement des eaux usées.

Jacqueline PICOT

DESNÉ J., « Les Nouvelles Impératrices de Chine », in Madame Figaro, 6 nov. 2010.