« MÈRES DES CROYANTS » DANS L’ISLAM NAISSANT
Le prophète Mohammed eut de nombreuses épouses. Quel que soit leur rôle dans les débuts de l’islam, toutes sont appelées Umm al muminin, « mères des croyants ». La première, Khadīdja bint Khuwaylid, une lointaine cousine, était une Mecquoise de la tribu des Asad, veuve et mère de deux enfants. Mohammed était son employé. La relation de travail entre Khadīdja, âgée de 35 à 40 ans, et son employé de 25 ans se transforma en relation sentimentale. Selon les textes, la famille de Khadīdja voyait son mariage avec Mohammed, orphelin, pauvre et plus jeune qu’elle, d’un mauvais œil. Khadīdja dut enivrer son oncle (d’autres textes disent qu’il s’agissait de son père) pour obtenir son consentement. Mohammed et Khadīdja eurent trois fils qui moururent en bas âge, et quatre filles : Zaynab, l’aînée, épousa son cousin germain Abu al-As (dont la mère et celle de Khadīdja étaient sœurs) ; la deuxième, Ruqayya, épousa Uthman ibn Affan, futur calife ; à la mort de Ruqayya, la troisième fille, Umm Kulthum, épousa son beau-frère ; la quatrième, Fātima, épousa ‘Alī (‘Alī ibn Abū Tālib Abū al-Hassan), quatrième calife de l’islam et premier imam pour les chiites. Les membres de la dynastie des Fatimides affirment être ses descendants.
Mohammed resta monogame pendant vingt-cinq ans, jusqu’à la mort de Khadīdja. Par la suite, il épousa plusieurs femmes, généralement pour des raisons politiques : il fallait renforcer des alliances, ou protéger des veuves. En 619, quelques semaines après la mort de Khadīdja, Mohammed épousa Sawda bint Zam’a, également Mecquoise et veuve de 50 ans. Vers 620, Abū Bakr, proche ami du Prophète et l’un des premiers convertis, lui proposa en mariage sa fille de 6 ans, ‘Ā’icha. On les fiança, mais Mohammed n’épousa réellement ‘Ā’icha bint Abū Bakr que plus tard, quand elle eut 9 ans, ou plus, selon les sources. ‘Ā’icha joua un grand rôle dans l’islam d’alors. Elle transmit de très nombreuses traditions sur la vie de son mari, et est considérée comme l’un des plus grands juristes de l’islam naissant. Mohammed épousa ensuite la fille d’Omar, Hafsa bint ‘Umar, qui avait perdu son mari à la bataille d’Uhud en 625 ; elle avait 20 ans. C’était aussi une Mecquoise (de la tribu des Adi). Hafsa était l’une des rares femmes de cette époque à savoir lire et écrire ; on dit qu’elle connaissait le Coran par cœur. Elle eut un grand rôle dans la maison du Prophète et a également transmis un grand nombre de traditions. Mohammed épousa encore une autre veuve, Zaynab bint Khuzayma, dont le second mari était mort à la bataille de Badr, en 626 ; elle mourut, dit-on, peu de temps après son mariage. Connue pour sa générosité, Zaynab était appelée la sœur des pauvres. Mohammed épousa ensuite Umm Salama Hind bint Abū Umayya, fille d’Abū Umayya ben al-Mughīra, dont le mari était mort à la bataille d’Uhud en 625. Umm Salama, poétesse, savait lire et écrire. Elle mourut en 683. En 625, Mohammed avait comme secrétaire un esclave affranchi chrétien, Zayd ben Haritha, qu’il avait adopté ; il le maria à l’une de ses cousines, Zaynab bint Djahch. On raconte que Zaynab était très belle ; un jour, Mohammed, à la recherche de Zayd, frappa à sa porte. Zaynab, peu vêtue, l’invita à entrer, mais le vent souleva le rideau pendant qu’elle s’habillait à la hâte. Mohammed s’enfuit troublé. Instruit de l’affaire, Zayd proposa à Mohammed d’épouser Zaynab, et se sépara d’elle peu de temps après. Zaynab, cependant, avait été la femme de son fils adoptif ; Mohammed hésita mais finit par l’épouser en 625 ; Zaynab mourut en 642 (ou 645). Djuwayriyya bint al-Harith, fille du chef de la tribu des Banu Mustaliq, prisonnière de guerre, fut affranchie et épousée par le Prophète en 628, ce qui permit de rétablir de bonnes relations avec la tribu vaincue. Instruite, élégante et belle, on la disait très pieuse ; elle mourut en 679. Convertie très tôt à l’islam, Ramlah bint Abu Sufyan, fille d’Abu Sufyan chef de La Mecque, dite Umm Habība, accompagna son époux en exil en Abyssinie, où il mourut après s’être converti au christianisme. Mohammed lui envoya alors une demande de mariage, via le négus, et l’épousa en 628. Elle avait 30 ans, passait pour pieuse et charitable ; elle mourut en 672. Mohammed mena en 629 un raid contre la tribu juive des Banu Nadir ; en signe de réconciliation avec les vaincus, il épousa une jeune prisonnière veuve, Safiyya bint Huyayy, qui mourut en 672 ; elle apparaît dans de nombreux hadiths. Après le raid contre la tribu médinoise des Banu Qurayza, en 627, Mohammed proposa le mariage à une jeune juive prisonnière, Rayhāna, en échange de sa conversion : celle-ci préféra le statut de concubine. On dit aussi qu’elle épousa Mohammed, puis divorça. Elle mourut en 632. Le Prophète épousa en 629 à La Mecque une demi-sœur de Zaynab bint Khuzayma, Maymūna bint al-Hārith, de la tribu des ‘Amr Ibn Sa’sa’a. On la disait alors âgée de 26 ans (ou de 36). Elle mourut à 80 ans. La dernière de ses épouses, Mārya al-Qibtiyya, chrétienne copte, lui fut envoyée en cadeau par un dignitaire byzantin en 628. Certains disent qu’elle fut sa concubine, d’autres qu’elle l’épousa en 629 ; quoi qu’il en soit, elle est l’une des « mères des croyants ». Son fils, Ibrahim, mourut en bas âge.
Anne-Laure ZWILLING
■ RODINSON M., Mahomet, Paris, Seuil, 1994.
MÈRES ET GRANDS-MÈRES DE LA PLACE DE MAI [Argentine depuis 1977]
Après le coup d’État de 1976, au plus fort de la répression qui s’abat sur les opposants à la dictature militaire, des femmes osent se rassembler en public pour exiger de la junte la vérité sur le sort de leurs proches disparus ou emprisonnés. Dès avril 1977, une quinzaine de mères inventent une forme de résistance avec des rondes pacifiques chaque jeudi après-midi sur la Plaza de Mayo de Buenos Aires, face au palais présidentiel. Elles sont alors les seules à manifester au péril de leur vie – certaines seront assassinées – et à affronter le régime. Leur mouvement prend de l’ampleur : en 1980, elles seront des milliers, de toute origine sociale. Elles s’organisent, rassemblent des preuves du terrorisme et attirent l’attention de l’opinion internationale lors d’événements comme la Coupe du monde de football, en 1978, ou la visite de personnalités étrangères. Avec l’appui du Regroupement des familles de disparus et de détenus pour raisons politiques en Argentine, qui aide les familles touchées par la répression, certaines d’entre elles se rendent en Amérique du Nord et en Europe pour porter témoignage, susciter l’appui des gouvernants et la solidarité des démocrates, des organismes de défense des droits humains et des mouvements de femmes ; parmi ces ambassadrices, Juana de Pargament, la doyenne des manifestantes et l’une des pionnières du mouvement. Chaque année, de 1981 à 1986, elles organisent une « marche de la résistance » de vingt-quatre heures. Lorsqu’en 1980 la junte propose une ouverture démocratique moyennant le silence sur les 20 000 disparus, elles refusent le marchandage, malgré les menaces et les tentatives d’intimidation et, en décembre 1981, dix d’entre elles entament une grève de la faim avec le soutien de la communauté internationale. Dès 1977, aux côtés des Mères de la place de Mai, des grands-mères (abuelas) fondent l’association Abuelas de Plaza de Mayo à la recherche de leurs petits-enfants, enlevés à leur naissance par les militaires. Les nourrissons, arrachés à leurs mères séquestrées, ont été donnés à des familles proches du régime. Le travail minutieux et la persévérance des abuelas ont permis de recueillir les témoignages des quelques prisonnières survivantes, de renouer des liens rompus, et ont accéléré les progrès de l’identification génétique naissante. En effet, c’est à leur demande que la généticienne américaine Mary-Claire King* a élaboré le premier « indice de grand-maternité » et que l’Argentine a créé en 1987 la première Banque nationale de données génétiques. Plus de 100 petits-enfants sur les 500 bébés enlevés ont déjà été retrouvés, dont le petit-fils d’Estela de Carlotto, la présidente de l’association. Leurs mères disparues sont devenues les symboles d’un peuple qui ne fléchit pas. Elles ont donné une visibilité internationale à la violence politique et ont, par leur courage et leur ingéniosité, hâté la chute de la dictature en 1983. Leur combat a fait de l’Argentine le premier pays à condamner en 2012 neuf de ses ex-dirigeants politiques pour crimes contre l’humanité.
Jacqueline PICOT
■ BOUSQUET J.-P., Les « Folles » de la place de Mai, Paris, Stock, 1982.
LES MÈRES LYONNAISES – GASTRONOMIE [XXe siècle]
Cette expression générique désigne de nombreuses cuisinières d’origine modeste, installées à leur compte après avoir été au service des grandes familles lyonnaises, et proposant une restauration à la fois populaire et bourgeoise, simple et raffinée, basée sur un ensemble de spécialités devenues indissociables de la réputation gastronomique de la ville.
Les premières mentions de « mères » remontent au XVIIIe siècle, avec le restaurant de la Mère Brigousse, dans le quartier des Charpennes, et celui de la Mère Guy, installé à La Mulatière dès 1759, repris et développé ensuite par ses deux petites-filles. Le phénomène prend de l’ampleur au XIXe siècle, avec le développement des sociétés gastronomiques, qui se réunissent volontiers dans ce type d’établissement. Toutefois, l’âge d’or des « mères » se situe au XXe siècle, notamment pendant la période de l’entre-deux-guerres, qui consacre ce type de restaurant. Plusieurs facteurs l’expliquent : d’une part, la crise économique, qui conduit de nombreuses familles bourgeoises à se séparer de leurs cuisinières, celles-ci n’ayant alors d’autres ressources que de s’installer à leur compte ; d’autre part, le développement du tourisme automobile et des guides gastronomiques qui l’accompagnent. L’air du temps est à la promotion des cuisines régionales, au premier rang desquelles figure la cuisine lyonnaise ; les « mères » en deviennent rapidement l’emblème. C’est à cette période que leurs restaurants vont subir une véritable mutation, en termes de clientèle comme de plats proposés. Jusque-là surtout fréquentés par une clientèle populaire et ouvrière, ils gagnent en renommée et sont de plus en plus courus par des patrons et industriels venus s’encanailler et rechercher une cuisine familiale de bonne facture. À côté des quenelles et des gratins de macaronis, les menus commencent à s’embourgeoiser : alors que les premières « mères » avaient construit leur réputation sur des plats à connotation populaire – la matelote d’anguille (spécialité de la Mère Guy) ou les « tétons de Vénus » (célèbres quenelles de la Mère Brigousse) –, la Mère Filloux fondera la sienne sur une volaille en demi-deuil et des fonds d’artichauts au foie gras. Ce phénomène trouve sa consécration avec la reconnaissance de la critique gastronomique. Cette dernière rend notamment hommage aux talents d’Élisa Blanc, dite la Mère Blanc (1883-1949), installée à Vonnas : son poulet de Bresse aux morilles et sa côte de veau à l’oseille lui valent une première étoile au guide Michelin en 1929, une seconde en 1933 ; le Touring Club de France lui décerne le premier prix de son concours culinaire en 1930 ; Curnonsky la déclare Meilleure Cuisinière du monde. La critique salue également Marie Bourgeois, installée à Priay, près de Lyon. Elle est couronnée en 1923 par le Club des cent avant d’obtenir trois étoiles au guide Michelin en 1933, devenant l’une des premières femmes à obtenir cette distinction en même temps qu’Eugénie Brazier* (1895-1977), récompensée pour son restaurant de la rue Royale et pour celui du col de la Luère.
Le XXe siècle compte ainsi une trentaine de « mères lyonnaises », dont la réputation dépasse largement les frontières de la ville. Parmi elles, il faut notamment citer la Mère Jean pour son établissement ouvert en 1923 rue des Marronniers, très fréquenté par les journalistes du Progrès, la Mère Léa, dont le restaurant, place Antonin-Gourju, se verra attribuer une étoile (tant pour sa fameuse choucroute au champagne que pour son tablier de sapeur ou son gratin de macaronis), la Mère Vittet, installée près de la gare de Perrache, la Mère Pompon, la Grande Marcelle, la Mère Charles, la Mère Castaing. Toutes ont en commun un caractère bien trempé, une carte pratiquement immuable et quelques spécialités.
Après la Seconde Guerre mondiale, et surtout à partir des années 1970 et de l’essor de la Nouvelle Cuisine, le phénomène des « mères », exclusivement féminin, a progressivement laissé place à des générations de « chefs ». Certains ont été leurs apprentis (à l’instar de Paul Bocuse, formé chez la Mère Brazier) ou sont leurs descendants directs (comme Georges Blanc, petit-fils de la Mère Blanc, qui obtient sa troisième étoile au guide Michelin en 1981). Quant aux établissements des « mères », quand ils n’ont pas disparu avec elles, ils ont tous été repris par des hommes. L’une des dernières représentantes de ce type de cuisine, Paulette Castaing, installée à Condrieu de 1950 à 1988 et doublement étoilée en 1964, a fêté son centenaire en 2011.
Caroline CHAMPION
■ CASATI-BROCHIER F., La Gastronomie de Berchoux et la région lyonnaise ou la Salle à manger refuge, Lyon, Bellier, 1994 ; VARILLE M., La Cuisine lyonnaise, Lyon, Bastion, 2004.
MERGAULT, Isabelle [PARIS 1958]
Actrice, scénariste et réalisatrice française.
Isabelle Mergault transforme ses handicaps en atouts : son cheveu sur la langue et sa voix haut perchée deviennent sa signature comique. Elle débute en 1979 au cinéma dans de tout petits rôles, puis tourne avec Édouard Molinaro, Nadine Trintignant*, Gérard Oury, Jean-Pierre Mocky (à deux reprises), Philippe de Broca. Très active à la radio, elle se produit dans Les Grosses Têtes (RTL), Rien à cirer (France Inter), On va s’gêner (Europe 1) ; elle intervient également à la télévision, sur France 2, dans On a tout essayé. En 2006, elle écrit et réalise Je vous trouve très beau, comédie qui obtient en 2007 le César du meilleur premier film. Elle récidive en 2008 avec Enfin veuve, qu’interprète Michèle Laroque. Mais son troisième film, Donnant, donnant (2010, avec Sabine Azéma*), est un échec. Au théâtre, elle joue Le Divan, de Remo Forlani, en 1981, et sa propre pièce, Adieu, je reste ! , en 2012.
Bruno VILLIEN
■ Avec ALONSO I., VOUT M., Plus jamais victimes ! Survival, nouvelle méthode de défense au féminin, Neuilly-sur-Seine, Michel Lafon, 2002.
MERIAN, Maria Sibylla [FRANCFORT 1647 - AMSTERDAM 1717]
Peintre naturaliste et entomologiste allemande.
Comptant pami les plus importants peintres naturalistes de son temps, Maria Sibylla Merian est née dans un milieu particulièrement stimulant. Son père, Matthäus Merian der Ältere (« l’ancien »), graveur suisse, est spécialisé dans les paysages et les vues de villes, et a publié, en 1641, l’une des premières collections de gravures consacrées aux espèces florales. Après sa mort en 1651, sa mère se remarie avec Jacob Marell, peintre flamand spécialisé dans les compositions florales. Élève de Marell, Johann Andreas Graff épouse la jeune fille en 1665. À Nuremberg, où le couple s’est installé en 1670, elle publie son premier ouvrage, le Neues Blumenbuch (« nouveau livre des fleurs », 1675-1680), florilège en trois volumes, dont les planches reprennent en partie des recueils existants. Entièrement original est en revanche son ouvrage Der Raupen Wunderbare Verwandlung und Sonderbare Blumennahrung (« la merveilleuse transformation des chenilles et leur singulière alimentation végétale », 1679-1717), paru en trois volumes également : s’y trouvent posées les bases de la classification des espèces animales et végétales, telles que les définira le naturaliste suédois Carl von Linné. En 1690, M. S. Merian s’installe à Amsterdam, où elle se lie avec plusieurs membres de la communauté artistique et scientifique de la ville, dont Caspar Commelin, directeur du Jardin botanique, et avec des collectionneurs de curiosités naturelles comme Frederick Ruysch dont la fille, Rachel Ruysch*, est aussi peintre naturaliste. Ayant pu observer des spécimens d’insectes de la colonie hollandaise du Suriname, lors d’un séjour en Frise, elle décide de se rendre dans ce pays afin d’y étudier les espèces dans leur milieu. Aidée par la ville d’Amsterdam, elle part en 1699 et passe deux ans sur place à observer la nature, à collecter, puis à dessiner avec ses filles de nombreux spécimens, non seulement d’insectes mais aussi de serpents et autres reptiles, d’oiseaux et de singes, ainsi que de toutes sortes de plantes, dont elle cherche par ailleurs à connaître l’usage. Malade, elle revient à Amsterdam en 1701, munie d’une somme considérable de notes, d’esquisses et de variétés. Quatre ans plus tard, son Metamorphosis insectorum Surinamensium rassemble toutes ces informations : 60 planches, gravées par trois artistes hollandais à partir de ses aquarelles colorées, représentent de magnifiques plantes luxuriantes sur lesquelles sont posés des insectes, papillons et phalènes, aux différents stades de développement. D’une très grande rigueur scientifique, ses œuvres fascinent également par leur qualité esthétique. Outre la beauté des planches de l’ouvrage, on est sensible à l’originalité de M. S. Merian dans son approche des réalités scientifiques étudiées. Elle juxtapose ainsi pour chaque espèce l’œuf, la chenille, le cocon, la chrysalide et enfin l’adulte. La disposition des animaux, non sur un fond abstrait à la manière des vitrines, mais sur une plante qui évoque leur cadre naturel et leur constante métamorphose, participe de cette technique novatrice. D’une indépendance remarquable pour une femme de cette époque, tant sur le plan artistique qu’économique et personnel, cette artiste naturaliste a joui de son vivant de la reconnaissance de ses contemporains.
Anne-Sophie MOLINIÉ
■ Histoire générale des insectes de Surinam et de toute l’Europe, contenant leurs descriptions, leurs figures, leurs différentes métamorphoses, de même que les descriptions des plantes, fleurs et fruits, dont ils se nourrissent [… ], Paris, L. C. Desnos, 1771 ; Insects of Surinam : « Metamorphosis insectorum Surinamensium », 1705, Schmidt-Loske K. (dir), Hong Kong/Cologne/Paris, Taschen, 2009.
■ SCHMIDT-LOSKE K., Die Tierwelt der Maria Sibylla Merian (1647-1717), Arten, Beschreibungen und Illustrationen, Marburg, Basilisken-Presse, 2007 ; TOOD K., Chrysalis : Maria Sibylla Merian and the Secrets of Metamorphosis, Orlando, Harcourt, 2007 ; WETTENGL K., Maria Sibylla Merian 1647-1717 : Artist and Naturalist, Ostfildern-Ruit, Gerd Hatje, 1998.
MERIÇ, Nezihe [GEMLIK 1925 - ISTANBUL 2009]
Écrivaine turque.
Sa formation est influencée par son père, ingénieur civil et grand lecteur qui connaît l’arabe et le persan, la métrique et la prosodie, qui écrit, peint et joue de plusieurs instruments. Nezihe Meriç étudie la langue et la littérature turques, puis la philosophie à l’université d’Istanbul, mais doit quitter la faculté en 1945 pour raisons de santé. Elle enseigne la musique à l’école primaire de Heybeliada pendant onze ans. De 1952 à 1972, elle dirige la revue Dost et les éditions Dost créées par l’écrivain Salim Şengil, qu’elle épouse en 1956. Sa première nouvelle, Bir Şey, est diffusée auprès du grand public dans la revue Seçilmiş Hikâyeler Dergisi. Son premier recueil, qui comprend 14 nouvelles, Bozbulanık (« de boue et de cendre »), est publié en 1953. Son premier roman, Korsan Çıkmazı (« impasse du corsaire », 1961), est récompensé par le prix du roman de l’Académie de la langue turque en 1962. N. Meriç est condamnée à un an et demi de prison ferme et six mois d’exil pour avoir publié avec son mari des poèmes de Nâzim Hikmet. Elle mène alors une vie clandestine jusqu’à ce que l’amnistie générale soit prononcée en 1974. Elle emménage à Istanbul avec sa famille en 1976. Après son recueil de nouvelles Dumanaltı (« sous la fumée », 1979), qui traite de la période du 12 mars 1971, elle écrit des pièces de théâtre. Sevdican (1984) est la première pièce écrite par un auteur turc jouée en Allemagne. En 1990, elle reçoit le prix de la nouvelle Sait-Faik pour son recueil intitulé Bir Kara Derin Kyu (« un puits noir et profond », 1989). Également auteure de livres pour la jeunesse, elle a notamment publié une série en sept volumes intitulée Küçük Bir Kız Tanıyorum (« je connais une petite fille »), entre 1991 et 1998. Ses mémoires, Çavlanın Içinde Sessizce (« silencieusement dans la cascade »), sont parus en 2004.
Bahriye ÇERI
■ « Aridité no III », in YARAMAN-BASBUGU A. (dir.), Anthologie de nouvelles turques contemporaines, Paris, Publisud, 1990 ; « Un air nostalgique », in GÜRSEL N. (dir.), Paroles dévoilées, Paris, Arcantère/Unesco, 1993 ; Les Matins de Bengisu (Alacaceren, 2003), Paris, L’Inventaire, 2005.
MÉRIL, Macha (Maria-Magdalena WLADIMIRNOVNA GAGARINA, dite) [RABAT 1940]
Actrice, scénariste, réalisatrice, productrice et écrivaine française.
Issue d’une famille princière russe en exil, Macha Méril fait ses débuts au cinéma en 1959, puis part deux ans pour New York où elle suit les cours de l’Actors Studio, avant de revenir à Paris, appelée par Nina Companeez*, à ce moment-là scénariste. Elle devient alors une actrice fétiche de la Nouvelle Vague : elle joue dans Adorable menteuse (Michel Deville, 1962) puis trouve un rôle dramatique dans Une femme mariée (Jean-Luc Godard, 1964). Elle tourne avec Éric Rohmer, Jacques Rouffio, Guy Gilles, Claude Miller, Robert Enrico, R. W. Fassbinder et Agnès Varda* (Sans toit ni loi, 1985). À la télévision, elle incarne Colette* en 1985 et joue dans des séries à succès. Elle tourne sous la direction de Caroline Huppert : Mademoiselle Gigi (2006, d’après Colette), Climats (2012, d’après André Maurois). Sur scène elle interprète La Mouette de Tchekhov, mise en scène par le cinéaste russe Andrei Kontchalovski, avec Juliette Binoche* ; elle crée des pièces de Loleh Bellon* ou Edith Wharton*. Elle incarne George Sand* face à Frédéric Chopin dans Feu sacré, mis en scène par Simone Benmussa*. Pour la télévision, elle réalise Alla turca (1996), qu’elle a coécrit avec Tonino Guerra. Elle produit des films de Robert Bresson et Pier Paolo Pasolini. Elle publie également une dizaine d’ouvrages : récits autobiographiques, romans, livres de cuisine, ainsi qu’un CD de chansons qu’elle a écrites.
Bruno VILLIEN
■ Un jour, je suis morte, Paris, Albin Michel/Des femmes-Antoinette Fouque, « Bibliothèque des voix », 2008.
MERINI, Alda [MILAN 1931 - ID. 2009]
Poétesse italienne.
Considérée comme l’une des poétesses italiennes contemporaines les plus importantes, Alda Merini débute en littérature à 15 ans, découverte par le poète et romancier Giacinto Spagnoletti, qui publiera son premier poème en 1950. Deux autres poèmes paraissent au sein du volume Poetesse del Novecento (« poétesses du XXe siècle ») en 1951. À la même époque, A. Merini se lie d’amitié avec l’écrivain et poète Salvatore Quasimodo. Paraissent ensuite : son premier recueil de poésie, La presenza di Orfeo (1953) ; Tu sei Pietro (« tu es Pierre », 1953) ; Nozze romane e paura di Dio (« noces romaines et peur de Dieu », 1955). Commence alors une période de silence due à son internement en hôpital psychiatrique jusqu’en 1972, ponctué par quelques retours dans sa famille et par la naissance de ses trois enfants. En 1979, la poétesse se remet à écrire et publie La Terra santa (« la Terre sainte », 1984), qui marque le début d’une série de textes traitant de son expérience traumatisante de l’hôpital psychiatrique. En 1986, elle retourne à Milan. Plusieurs publications consolident son retour sur la scène littéraire, dont La vita facile (« la vie facile », prix Viareggio 1996 et prix Procida Isola di Arturo Elsa-Morante 1997), puis le recueil de poèmes La volpe e il sipario (« le renard et le rideau »), dans lequel elle expérimente la technique de la poésie spontanée. Au cours de cette période, la production d’aphorismes de la poétesse devient de plus en plus riche : le livre Aforismi e magie (« aphorismes et magies », 1999) regroupe ses meilleurs textes du genre, illustrés par Alberto Casiraghi, poète, éditeur et ami, qui a encouragé et accompagné cette nouvelle vocation. Parmi les parutions d’A. Merini se distinguent : Lettera ai figli (« lettre à mes enfants », 1995), qui contient des dessins oniriques et surréalistes d’A. Casiraghi ; Fiore di poesia 1951-1997 (1997), une anthologie dirigée par Maria Corti* ; Superba è la notte (2000), qui regroupe ses vers écrits entre 1996 et 1999 ; Magnificat, un incontro con Maria (2002), avec des dessins d’Ugo Nespolo ; La carne degli Angeli (« la chair des anges », 2002), avec des œuvres de Mimmo Paladino ; Clinica dell’abbandono (2003) ; Nel cerchio di un pensiero, teatro per voce sola (« le temps d’une pensée, pièce de théâtre pour une voix », 2005) ; Le briglie d’oro, poesie per Marina 1984-2004 (« les brides d’or », 2005) ; La nera novella (« la nouvelle noire », 2006), dans lequel l’écrivaine se rapproche du style dramatique ; Francesco. Canto di una creatura (2007).
Maria Valeria CICOGNA
■ L’Autre Vérité, journal d’une étrangère (L’altra verità, diario di una diversa, 1986), Paris, Éditions de la revue Conférence, 2010.
■ DE MARCO G., Le stagioni dell’epifania poetica di Alda Merini, Salerne, Ripostes, 1994.
■ MATTEI P., « Alda Merini, prigioniera della libertà », in Poesia, no 107, 1997.
MERKEL, Angela (née KASNER) [HAMBOURG 1954]
Femme politique allemande.
Présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) depuis 2000, Angela Merkel est, depuis le 22 novembre 2005, la première femme à occuper le poste de chancelière fédérale. Née en République fédérale allemande, elle est la fille aînée d’un pasteur luthérien. Elle obtient son doctorat de physique en 1986 à Berlin et travaille en tant que chercheuse en physique quantique à l’Institut central de chimie-physique. Après son divorce en 1982, elle conserve le nom de son premier mari, sous lequel elle est déjà connue en politique. Après la chute du mur de Berlin fin décembre 1989, dissidente de cœur, elle s’engage dans le mouvement Demokratischer Aufbruch (« Renouveau démocratique »), groupe politique d’opposition en RDA. Elle devient députée de la Volkskammer (Parlement de la RDA), puis porte-parole du dernier gouvernement est-allemand. Dans l’Allemagne réunifiée, Helmut Kohl, symbole de la réunification, remarque rapidement son extraordinaire intelligence des situations. Sa carrière politique connaît alors une ascension rapide. Elle adhère à l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le grand parti de Konrad Adenauer et de H. Kohl et, à 35 ans, cette « inconnue » est-allemande est députée au Bundestag ; à 36 ans elle siège dans le gouvernement de H. Kohl, d’abord au poste de ministre fédéral des Femmes et de la Jeunesse, puis comme ministre fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire. En 2000, elle devient à 44 ans secrétaire générale de la CDU. Peu après, elle préside le groupe parlementaire et choisit pour collaborer avec elle un groupe essentiellement féminin (appelé « Girls camp » par la presse). À 51 ans, elle est chancelière de l’Allemagne réunifiée, le plus grand pays de l’Union européenne ; elle se trouve à la tête d’une « grande coalition », constituée à l’issue de difficiles négociations entre SPD (Parti social-démocrate, l’un des plus anciens partis d’Allemagne), CDU et CSU (les deux partis frères de la droite démocrate-chrétienne et conservatrice). D’une jeunesse qui lui a forgé le caractère (elle connaît très tôt les rigueurs du socialisme « made in RDA »), elle semble tirer une force inébranlable qui s’exprime lors de son premier grand discours devant le Bundestag le 30 novembre 2005 : « La plus grande surprise de ma vie a été la liberté. Autrefois tous les chemins menaient au Mur [… ]. Lorsque vous avez vécu une fois dans votre vie une surprise aussi positive, presque tout vous semble possible. C’est l’attitude que j’aimerais conserver. » Chef de l’exécutif, elle se montre favorable à une prolongation de la période précédant l’arrêt de la production d’énergie nucléaire, mais s’oppose à la relance des programmes nucléaires civils. Sans vouloir appliquer des réformes fiscales radicales, elle incline vers une simplification du système fiscal et une réduction des dépenses publiques. Elle s’oppose à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, préférant une sorte de partenariat privilégié. Dès son investiture, elle s’est rendue en visite officielle à Paris pour marquer l’importance de l’axe franco-allemand à ses yeux. Elle voyage en Asie, au Japon, en Chine, où elle affirme son attachement au respect des droits humains. En septembre 2007, elle reçoit le dalaï-lama Tenzin Gyatso en exil. En 2009, élue chancelière pour un deuxième mandat, elle constitue une nouvelle coalition, avec le parti libéral cette fois, arrivé second aux élections législatives. Sous sa direction l’Allemagne connaît une prospérité sans équivalent en Europe, malgré la crise mondiale qui affecte particulièrement les pays occidentaux. Outre les travaux scientifiques de la physicienne qu’elle a d’abord été, elle a aussi publié quelques écrits politiques, portant témoignage de ses préoccupations de responsable politique d’un grand pays, pièce essentielle de la communauté européenne : Der Preis des Überlebens. Gedanken und Gespräche über zukünftige Aufgaben der Umweltpolitik (« Le coût de la vie. Pensées et écrits sur les enjeux futurs de la politique de l’environnement », 1997) et Europa und die deutsche Einheit. Zehn Jahre Wiedervereinigung : Bilanz und Ausblick (« L’Europe et l’unité de l’Allemagne. Dix années après la réunification : bilan et perspectives », 2000).
Nada AUZARY-SCHMALTZ
■ BOLLAERT B., Angela Merkel, portrait, Monaco, Éditions du Rocher, 2006 ; PICAPER J.-P., Angela Merkel, une chancelière à Berlin. La première femme à gouverner l’Allemagne, Paris, J.-C. Gawsewitch, 2005.
MERLIN, María de las Mercedes SANTA CRUZ Y MONTALVO, comtesse DE [LA HAVANE 1789 - PARIS 1852]
Écrivaine et cantatrice cubaine.
Après avoir vécu à La Havane jusqu’en 1802, María de las Mercedes se rend à Madrid, où vivent ses parents. À la cour, elle rencontre les écrivains et les artistes qui se réunissent dans le salon que tient sa mère. À 20 ans, elle épouse Christophe-Antoine Merlin, un général français qui a reçu du roi le titre de comte. En 1814, avec leur fille, les époux traversent les Pyrénées avec les troupes françaises expulsées d’Espagne. Ils s’installent à Paris, où ils auront trois autres enfants. Pendant la Restauration, la notoriété de María de las Mercedes pâtit de la fidélité de son mari à Napoléon. Sa voix de soprano étant très appréciée, elle participe à des concerts, mais ce n’est qu’après la chute des Bourbons, en 1830, qu’elle reprend une vie sociale et intellectuelle intense, en tenant un salon très prisé. Elle publie en 1831 le premier volume de ses Mémoires (Mes douze premières années), qui relate son enfance cubaine, puis, en 1836, le second (Souvenirs et mémoires de madame la comtesse Merlin), sur sa vie en Espagne. En 1832, elle publie Histoire de la sœur Inès, Mémoires fictifs d’une religieuse qu’elle aurait rencontrée au couvent de La Havane et qui l’aurait aidée à s’en échapper. Ses textes sont commentés dans la presse de La Havane et traduits en espagnol. En 1838, elle publie Les Loisirs d’une femme du monde, une biographie de Maria Malibran à laquelle elle ajoute en annexe un épisode de son enfance à Cuba. À la mort de son mari, elle retourne à La Havane pour des raisons économiques, après trente-huit années d’absence. En 1844, elle publie La Havane, dont une version abrégée en espagnol, Viaje a La Habana (« voyage à La Havane »), est éditée la même année avec un prologue de Gertrudis Gómez de Avellaneda*. Revenue à Madrid en 1845 pour tenter, en vain, de récupérer ses biens familiaux saisis par les Bourbons, elle publie trois autres romans. Bien qu’elle ait écrit uniquement en français, elle est considérée dès la fin du XIXe siècle comme précurseur des canons littéraires féminins cubains.
Luisa CAMPUZANO
■ Les Esclaves dans les colonies espagnoles, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Souvenirs et mémoires de madame la comtesse Merlin, souvenirs d’une Créole, Paris, Mercure de France, 2010.
■ MÉNDEZ RODENAS A., Gender and Nationalism in Colonial Cuba : The Travels of Santa Cruz y Montalvo, Condesa de Merlin, Nashville/Londres, Vanderbilt University Press, 1998.
LES MERLINETTES – OPÉRATRICES DE TRANSMISSION [France Seconde Guerre mondiale]
En novembre 1942, le général Merlin, commandant des transmissions en Afrique du Nord, créa le Corps féminin des transmissions (CFT) pour pallier le manque d’hommes. Ayant lancé une vaste campagne par voie d’affiches, il réussit à recruter un grand nombre de jeunes femmes volontaires qui furent spécialement formées pour devenir opératrices radio, téléphonistes, télétypistes ou opératrices d’écoute. Celles qu’on surnomme rapidement les Merlinettes seront jusqu’à 2 000 dans l’armée de terre et 400 dans l’armée de l’air.
Dès mars 1943, les premières partent sur le théâtre d’opérations en Tunisie. Puis les Merlinettes participent à la campagne d’Italie, au sein du corps expéditionnaire français d’Italie. En août 1944, juste après le débarquement en Provence, lorsque s’engage la campagne de France, elles suivent l’avancée des troupes françaises sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, jusqu’à Strasbourg et même après le franchissement du Rhin. À la Libération, le général de Lattre de Tassigny, pourtant ordinairement avare de compliments, les associera à la victoire finale par des propos très élogieux, reconnaissant leurs compétences et leur engagement sans faille au service de la France.
Pendant l’Occupation, une cinquantaine de ces jeunes femmes servent aussi dans les maquis de la Résistance, complétant leur formation d’opératrices radio par un entraînement technique exigeant, comprenant la maîtrise du saut en parachute. Arrêtées, torturées mais ne cédant jamais, cinq d’entre elles font le sacrifice de leur vie. Élisabeth Torlet (1915-1944) est fusillée en 1944, près de L’Isle-sur-le-Doubs. Marie-Louise Cloarec (1917-1945), Pierrette Louin (1920-1945), Eugénie Djendi (1918 ? -1945) et Suzanne Mertzisen (1919-1945) sont exécutées le 18 janvier 1945 au camp de Ravensbrück.
L’intégration des Merlinettes dans les forces armées, à une époque où les Françaises n’ont pas encore le droit de vote, marque une étape décisive dans la participation des femmes à l’action militaire. En effet, désormais, leur rôle ne se limite plus à ceux d’infirmière ou d’ambulancière ; la question de leur accès aux emplois opérationnels est enfin posée au sein de l’armée française.
Elisabeth LESIMPLE
MERNISSI, Fatima [FÈS 1940]
Sociologue, essayiste et écrivaine marocaine.
Issue d’une famille de la bourgeoisie marocaine, Fatima Mernissi fait ses études à Rabat, en France et aux États-Unis. Depuis les années 1980, elle est professeur de sociologie à l’université Mohammed V de Rabat. Elle milite parallèlement dans la société civile et défend les droits des femmes au Maroc, notamment à travers le collectif Femmes, familles, enfants, qu’elle crée en 1981. Elle est également membre du Groupe des sages sur le dialogue entre les peuples et les cultures de l’Union européenne. Ses premiers essais (Sexe, idéologie, Islam, 1975 ; Le Harem politique, le Prophète et les femmes, 1987 ; Sultanes oubliées, femmes chefs d’État en Islam, 1990) ont porté sur la sexualité et le statut des femmes dans les sociétés musulmanes et se situent à la croisée de l’histoire, de l’exégèse religieuse et de l’enquête sociologique. Ces études témoignent d’une grande hardiesse : l’auteur procède, à partir d’une analyse très érudite du texte coranique et des hadiths (les dits du Prophète), à une nouvelle lecture du Coran et fait valoir les tendances démocratiques et féministes du message du Prophète. Dans ses derniers essais Êtes-vous vaccinés contre le harem ? (1997) et Le Harem et l’Occident (2001), elle critique la représentation qu’élabore l’Occident de la femme orientale, notamment dans la peinture, et dénonce la situation de la femme occidentale, elle-même enfermée dans le « harem de la taille 38 ». Son unique œuvre littéraire, Rêves de femmes, une enfance au harem (1994), se présente comme un récit autobiographique : l’auteure y relate son enfance à Fès dans un harem composé des femmes d’une même famille, cloîtrées et sans cesse confrontées aux hudud (limites) de l’islam.
Najet LIMAM-TNANI
■ Le Maroc raconté par des femmes, Rabat, Société marocaine des éditeurs réunis, 1983 ; Le monde n’est pas un harem, paroles de femmes au Maroc, Paris, Albin Michel, 1991.
MEROVA, Marija SERGEEVNA [JASUNT 1938]
Maître artisane mansi russe.
Le plus clair de sa vie, Marija Merova l’a passé dans la taïga : une enfance rythmée par les danses des jeux de l’Ours, pourtant interdits par le pouvoir soviétique, un travail au kolkhoze qui n’exclut pas la transmission familiale des savoirs traditionnels et dix enfants qui sont sa manière à elle, avec les travaux d’aiguille et les chants, de maintenir son monde en équilibre. En 1994, sous l’impulsion de l’association Spasenie Jugry, et notamment de Tat’jana Gogoleva*, apparaît le premier « campement » ethnographique : Man’Uskve (« petite ville »). Le projet veut combler les lacunes d’un système éducatif officiel inadapté, qui laisse en marge tout un pan volé de vie autochtone ou le dévalorise. Il s’agit de montrer aux enfants qui sont les Mansi, de proposer une autre image des leurs, axée sur la langue, le folklore et l’ethnographie. Au bout de dix ans et de 25 sessions, près de 825 enfants ont déjà bénéficié de Man’Uskve. En 2005, dans le district autonome des Khanty-Mansi, 23 autochtones portaient le titre de « maître artisan populaire de Russie ». M. Merova est l’une d’entre eux. Gardienne des traditions des arts décoratifs mansi, elle a été sollicitée pour intervenir lors des sessions de Man’Uskve. Elle coud comme pour remettre le monde mansi à l’endroit : peaux, tissus et broderies de perles de verre, supposées autant embellir le vêtement qu’éloigner les esprits malfaisants. Dans les campements ethnographiques, longtemps accompagnée de sa belle-sœur Aksinia (1932-2011) qui initie les enfants au travail de l’écorce de bouleau, M. Merova se bat avec une aiguille afin de tracer un avenir possible et de dessiner un « nouveau souffle » (le nom donné par les Mansi à l’association Spasenie Jugry) pour une jeunesse souvent étrangère à elle-même.
Dominique SAMSON NORMAND DE CHAMBOURG
MERRIAM BAILEY, Florence [LOCUST GROVE, NEW-YORK 1863 - WASHINGTON 1948]
Ornithologue et auteure américaine.
Encouragée par son père puis par son frère aîné, Clinton Hart Merriam (qui deviendra plus tard directeur du Bureau of Biological Survey), Florence Augusta Merriam se passionne dès son enfance pour l’observation de la nature, dans la maison familiale située au pied des Adirondacks. De 1882 à 1886, elle étudie au Smith College (Massachusetts) et fonde l’un des premiers groupes de la société Audubon. Ouverte à tous, cette association a pour but de lutter contre le massacre des oiseaux sauvages et la destruction des nids et des œufs. Outre la chasse « sportive », de nombreuses espèces sont menacées par la mode consistant à utiliser des plumes ou des oiseaux entiers pour la décoration des chapeaux. À sa sortie de l’université, l’étudiante décide de se consacrer à l’ornithologie et devient la première femme membre de l’American Ornithologists’Union (AOU), fondée en 1883. Le collecteur-chasseur qui tue les oiseaux pour les observer est peu à peu remplacé par le naturaliste armé de jumelles et de guides d’identification, scrutant le comportement des oiseaux dans leur milieu naturel. Favorable à cette évolution, la jeune femme donne des cours sur l’observation et la reconnaissance des oiseaux, et écrit dans des magazines populaires ou techniques, comme The Auk (« le pingouin »), de l’AOU. Elle publie quatre livres, y mêlant souvenirs personnels d’observations et conseils pour l’identification des oiseaux : Birds Through an Opera Glass (« des oiseaux à travers des jumelles d’opéra », 1889), My Summer in a Mormon Village (« mon été dans un village mormon », 1894), A-Birding on a Bronco (« observation d’oiseaux sur un cheval sauvage », 1896) et Birds of Villages and Fields (« les oiseaux des villages et des champs », 1898). Ses publications prennent un caractère plus scientifique au fil des ans. En 1899, la jeune femme épouse Vernon Bailey, lui-même naturaliste et spécialiste des petits mammifères, et fait avec lui plusieurs expéditions dans l’ouest des États-Unis. Elle publie en 1902 A Handbook of Birds of the Western United States, qui devient rapidement un ouvrage de référence. Birds of New Mexico (1928) lui vaut le prix du meilleur livre d’ornithologie décerné par l’AOU. Enfin, Among the Birds in the Grand Canyon National Park (1939) est son dernier ouvrage.
Florence BRIOZZO
■ KOFALK H., No Woman Tenderfoot : Florence Merriam Bailey, pioneer naturalist, College Station, Texas A&M University Press, 1989.
MERTA, Diah [PONOGORO, JAVA-EST 1978]
Romancière indonésienne.
Diah Merta occupe une place reconnue parmi les écrivains indonésiens engagés de la « génération 2000 » et participe aux activités du LK2AI, institut culturel qui publie une revue de nouvelles. Son premier roman, Peri Kecil di Sungai Nipah (« la petite fée de la rivière Nipah », 2007), retrace une histoire tragique de vengeance au sein d’une famille, avec pour toile de fond la croissance puis l’écrasement du parti communiste. Les chapitres s’enchaînent comme des sortes de récits indépendants, avec de nombreux retours en arrière et une structure circulaire complexe. Le style de cette fresque d’une grande puissance descriptive peut être assimilé au réalisme magique : s’y associent des éléments imprévisibles, irrationnels ou mystérieux, avec des faits tout à fait réalistes (situation historique, luttes politiques, violence contre les femmes, affrontements sociaux).
Jacqueline CAMUS
■ Hetaira, Yogyakarta, Orakel, 2005 ; Peri Kecil di Sungai Nipah, Yogyakarta, Koekoesan, 2007.
MERUANE, Lina [SANTIAGO DU CHILI 1970]
Écrivaine et journaliste chilienne.
Lina Meruane est considérée par la critique comme l’une des écrivaines importantes de la littérature chilienne des années 1990, décennie d’intense création à la suite de la dictature militaire. Son écriture, dans la lignée de Diamela Eltit*, propose un renouvellement des formes et des thématiques littéraires. En 1998, elle publie Las infantas (« les enfants »), recueil de récits où elle laisse entrevoir, du point de vue enfantin, la représentation d’un monde proche du jeu, de la famille et de l’éveil à la sexualité, dans un exercice baroque d’écriture. Elle publie ensuite le roman Postuma (« posthume », 2000), où elle cherche à établir des liens entre l’écriture et la mémoire des personnages, à travers des témoignages et des expériences sensorielles. Son roman Cercada (« encerclée », 2000) revient sur l’idée du jeu. En 2004, L. Meruane reçoit une bourse de la fondation Guggenheim pour écrire le roman Fruta podrida (« fruit pourri »), publié seulement en 2007. Avec cette œuvre, elle obtient le Prix du meilleur premier roman de la part du Conseil national de la culture et des arts du Chili. Elle écrit pour les quotidiens La Tercera (« la troisième ») et El Mercurio (« le mercure »), ainsi que pour les revues culturelles Rinconete (Madrid), Armas y Letras (Mexique) et Ciertopez (Chili), dont elle est en outre membre du conseil éditorial. Ses nouvelles ont été publiées par d’importantes revues culturelles et littéraires d’Amérique latine et dans plusieurs anthologies.
Luis VALENZUELA PRADO
MERVILLE, Jacqueline [VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE 1953]
Écrivaine et dramaturge française.
Jacqueline Merville a publié son premier roman, La Ville du non, aux éditions des femmes-Antoinette Fouque en 1986. D’emblée, le livre est remarqué par la critique. Dans ce roman apparaît une langue nouvelle où vient se cheviller toute la confuse hantise d’une génération qui a fait 1968, mais qui ne sait pas pour autant vers quel horizon elle s’achemine. La rencontre avec Antoinette Fouque* donnera lieu à la parution, coup sur coup, de Dialogue sur un chantier de démolition (1987) et de La Multiplication (1988). Ces trois romans forment ce que l’on pourrait appeler le triptyque de la première période. Après leur publication, J. Merville voyage, désespère que la littérature rejoigne un jour la vie, mais persévère et emmagasine. Elle avait traversé les pays du Maghreb, le Mexique, le Guatemala ; elle part au Togo où elle échappe miraculeusement à une mise à mort, et finit par s’établir, en 1992, en Inde où elle poursuit une ascèse dans différents ashrams. De cette période, il reste uniquement des poèmes : « Le Maître océanique » et « Le Maître de la nuit », publiés en Inde. À la toute fin des années 1990, elle revient souvent en France pour y poursuivre l’œuvre qu’elle a commencée. À partir de cette période, J. Merville vivra une moitié de l’année en Inde et l’autre moitié dans le sud de la France. Ses voyages jouent un rôle essentiel dans la poursuite d’une œuvre littéraire qui se répartit entre romans et poésie publiée par La Main courante. Ses romans, The Black Sunday (récit du tsunami de 2004 dont elle est une rescapée), L’Ère du chien endormi, Presque africaine, Tenir le coup, publiés aux éditions des femmes-Antoinette Fouque, et Juste une fin du monde, Voyager jusqu’à mourir, publiés aux éditions L’Escampette, véhiculent dans une langue musicale et déconstruisant la logique narrative une vision singulière et radicale des violences et des tabous de notre époque, avec en filigrane la quête d’un ailleurs géographique tout autant que spirituel. Quelques-uns de ses textes écrits pour le théâtre ont fait l’objet de mises en scène ou ont été diffusés par France Culture. J. Merville, qui est également peintre, expose régulièrement ses œuvres sur papier qui constituent une autre manière de dire l’extrême ou le silence. En 2002, elle a créé sa propre maison d’édition, Le vent refuse, pour publier des livres d’artistes.
Claude MARGAT
MERWICK, Donna [CHICAGO 1932]
Historienne américano-australienne.
Fille d’un vétérinaire, Donna Jeanne Merwick étudie l’histoire au Mundelein College (Chicago) puis entre dans l’ordre des Sisters of Charity of the Blessed Virgin Mary (1956). En 1962, elle soutient un master à la DePaul University de Chicago et commence, en 1966, une carrière comme professeure d’histoire à Mundelein. Elle achève peu après un doctorat de l’University of Wisconsin. Elle quitte l’Ordre en 1968 et accepte, l’année suivante, un poste à l’University of Melbourne. En 1971, elle épouse l’historien Greg Dening, leader de ce que l’anthropologue Clifford Geertz a baptisé le « Melbourne Group » (dont Inga Clendinnen* est aussi membre). Son premier livre, fondé sur sa thèse de doctorat, est Boston Priests, 1848-1910 : A Study of Social and Intellectual Change (1973). Par la suite, ses œuvres en font l’une des chefs de file du Melbourne Group et une pionnière de l’histoire du passé non anglais (surtout hollandais) de l’Amérique du Nord. Après Possessing Albany, 1630-1710 : the Dutch and English Experiences (1990), elle publie un livre qui fait grand bruit (Death of a Notary : Conquest and Change in Colonial New York, 1999), et les critiques sont dithyrambiques. The Journal of American History va jusqu’à écrire qu’une telle œuvre est « plus que du métier d’historien, c’est de l’art ». Depuis la fin des années 1980, D. Merwick bénéficie de prestigieuses bourses de recherche (Princeton University, Rockefeller Center de Bellagio, Harvard University, Australian National University de Canberra). Paru en 2006, son dernier livre s’intitule The Shame and the Sorrow : Dutch-Amerindian Encounters in New Netherland.
Susan FOLEY et Charles SOWERWINE
■ GEERTZ C., « History and anthropology », in New Literary History 21, 1990.
MERZ, Marisa [TURIN 1931]
Sculptrice et artiste multimédia italienne.
Avant de se vouer pleinement aux arts graphiques, Marisa Merz poursuit des études d’architecture, durant lesquelles elle rencontre son mari, Mario Merz, artiste majeur de la scène italienne de la seconde moitié du XXe siècle. Elle commence à exposer en 1967 à Turin, ville de Fiat et lieu embryonnaire du mouvement contestataire Arte povera (« art pauvre ») qui, dès la fin des années 1960, réunit un groupe d’artistes italiens prenant pour objets d’art des matériaux « pauvres », souvent tirés de la vie quotidienne. En 1968, elle participe avec son mari, Jannis Kounellis et Michelangelo Pistoletto, entre autres, à l’action Arte povera + Azioni povere (« art pauvre + actions pauvres ») et abandonne, sur la plage d’Amalfi, ses œuvres en fil de cuivre ou de Nylon tressé en forme de petites chaussures d’enfant (Scarpette di Bea) ou à l’effigie de sa fille, Béatrice. Dès ses débuts, dans ses œuvres figuratives comme abstraites, elle choisit des matériaux métalliques, emblématiques des artistes du groupe mais aussi des tenants new-yorkais du Minimal Art, mouvement dont elle se démarque toutefois radicalement par le travail qu’elle effectue sur la matière et les formes nouvelles qu’elle crée : elle assemble finement des lamelles d’aluminium, file d’inextricables toiles de Nylon et de cuivre, soumet ces matériaux industriels à une patiente besogne de couture, séculairement attribuée à la femme, qui les rend légers, aériens, inconsistants comme des toiles d’araignée (Sans titre, 1979), organiques dans leurs formes tubulaires ou triangulaires, dans leurs excroissances légèrement irrégulières que toujours ils assument. Ce sont l’attention et la valeur qu’elle accorde aux propriétés intrinsèques des matières, leur rigidité ou leur souplesse, leur malléabilité, leur couleur surtout, qui créent l’univers de l’artiste, poétique, dépouillé, mû par une évidente recherche de beauté. Dès les années 1970, elle travaille la cire et la paraffine, et donne forme à ces matériaux par essence informes. Très présent, le cuivre, à la fois couleur – chaude – et matière, est presque devenu l’antienne (le leitmotiv) de l’artiste. Ces jeux de formes et de matières trouvent leur pleine expression dans ses installations qui rapprochent, à la manière du rêve, des objets a priori épars et dissemblables : des tasses et des fils, des verres, des tables, des pétales de rose, des feuilles ou encore une baignoire où poussent des excroissances végétales d’acier associée à un bloc de paraffine blanc isolé. Ses installations, très souvent « sans titre », posent la question de l’unité de l’œuvre d’art. Elles n’offrent pas une lecture facile mais conjurent (sollicitent) plutôt l’imagination du spectateur, invité dans un monde intime et d’autant plus lyrique que l’artiste prend l’habitude, à partir de 1979, d’y insérer des poésies de sa main. L’imagination est particulièrement stimulée par un ensemble de suggestions sensorielles. Par exemple, l’œuvre Sans titre de 1997 présente un violon-fontaine de cire blanche placé dans un socle de plomb sombre, réceptacle des jeux sonores des jets d’eau que libère le violon. À partir des années 1980, la figure, dessinée et modelée, tient une place considérable dans ses installations. Elle exécute une abondante série de portraits sur toile ou sur papier, au crayon ou au pastel, petits ou très grands. Elle entreprend également une série de têtes modelées en plâtre ou en terre, et expérimente toute une série de formes, jusqu’à abolir pleinement les traits des visages en coulant sur les têtes une cire verdâtre qui évoque lointainement les têtes du sculpteur Medardo Rosso. Souvent colorées (Sans titre, argile polychrome, 1982), parfois revêtues d’un mince filet de cuivre ou d’or tissé, ses têtes modelées, placées sur des mémoires de socles (tabourets, trépieds, chaises) comme le sont ses têtes peintes et beaucoup de ses objets, viennent complexifier les scénographies de ses installations. Malgré la discrétion de l’artiste, plurales et prestigieuses sont les institutions qui lui ont rendu hommage : la Biennale de Venise, la Quadriennale de Rome, le Centre Pompidou.
Anne LEPOITTEVIN
■ Marisa Merz (catalogue d’exposition), Paris, Centre Pompidou, 1994 ; Marisa Merz (catalogue d’exposition), Castagnoli P. G., Eccher D. (dir.), Turin, Hopefulmonster, 1998.
■ Lista G., Arte povera, Milan, 5 continents, 2006.
■ Verzotti G., « Marisa Merz, di sola grazia », in Flash Art, no 263, avr.-mai 2007.
MESQUITA, Amélia DE [RIO DE JANEIRO 1866 - ID. 1954]
Pianiste, organiste et compositrice brésilienne.
Amélia de Mesquita commence ses études de piano à Rio de Janeiro, puis dès l’âge de 11 ans se rend à Paris pour suivre l’enseignement de Marmontel. Elle aborde l’harmonie avec Émile Durand et l’orgue avec César Franck. Elle commence une carrière de virtuose à son retour au Brésil en 1886. Elle interprète notamment, avec orchestre, des concertos de Mendelssohn et de Saint-Saëns à Rio de Janeiro. Elle est en outre titulaire de la chaire d’orgue à l’institut Benjamin-Constant pendant plus de vingt-cinq ans. Comme compositrice, on lui doit surtout des pièces religieuses : messe à deux voix, Notre Père, plusieurs motets, trois Salutaris, six Ave Maria, etc. Les œuvres profanes, en moindre nombre, sont pour chant ou violon. Elle a publié plusieurs articles dans la revue Le Ménestrel de Paris.
Philippe GUILLOT
■ CACCIATORE O. G. (dir.), Dicionário biográfico de música erudita brasileira, Rio de Janeiro, Forense Universitária, 2005.
MESSAGER, Annette [BERCK-SUR-MER 1943]
Plasticienne française.
Le père d’Annette Messager lui fait découvrir l’art ancien et religieux ainsi que l’art brut de Dubuffet. Cet intérêt pour un art populaire et artisanal, pour la folie et l’enfance, restera une constante, tout comme elle gardera les influences de Goya, d’Ensor, de Soutine ou de Bacon, qui présentent des figures grotesques de la condition humaine. En 1962, elle intègre l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Ses premiers travaux sont des boîtes en forme de maison, inspirées du surréalisme et de Louise Nevelson*. Si l’influence de Claes Oldenburg et de ses Stores est flagrante, l’ironie porte spécifiquement sur la figure de la femme comme mythe social. Elle réalise ainsi 56 pseudo-albums privés, adoptant différentes personnalités : celle d’une midinette (Le Mariage de Mlle Annette Messager, 1971), celle de la « femme pratique » (Mes travaux d’aiguille, musée de Grenoble, 1973). Pratiquant une forme d’autofiction flagrante, elle déconstruit à la fois les catégories de « femme » et d’« artiste ». L’acte artistique est souvent réduit à un recopiage obsessionnel ou à une ironique broderie, comme Ma collection de proverbes (1974), anthologie des idées reçues sur les femmes. Dans les années 1980, l’artiste déploie encore davantage son travail dans l’espace et approfondit sa réflexion sur le signe linguistique, tout en utilisant la structure bidimensionnelle du tableau. Les œuvres sont réalisées à partir de photographies représentant des parties du corps, agrandies puis découpées, et retouchées ensuite à la peinture acrylique et à l’huile pour certaines, rehaussées au fusain, à l’acrylique et à l’aquarelle pour d’autres. La délicatesse du dessin masque la violence de cette « partialisation » du corps. En 1989, le musée de Peinture et de Sculpture de Grenoble la consacre par une première rétrospective. Les années 1990-2000 sont marquées par un tournant affirmé vers la sculpture et l’installation. La question de la femme est toujours sous-jacente : l’artiste adopte la figure de la sorcière. Si Histoire des robes (1990) apparaît comme une déploration portant sur l’anonymat des femmes, la plupart des œuvres créées au cours de ces décennies soumettent gants, peluches et animaux empaillés à des situations violentes, sous couvert d’un univers enfantin et onirique. Dans d’autres créations, A. Messager intègre ces deux êtres ambigus que sont le traversin, corps endormi, et Pinocchio, la marionnette de bois douée de vie et traînée dans d’étranges et effrayants univers qui témoignent de la vanité de l’innocence et de l’interpénétration du bien et du mal dans notre rapport au corps et au langage.
Émilie BOUVARD
■ Annette Messager, mot pour mot, textes, écrits et entretiens, Bernardac M.-L. (dir.), Dijon/Londres, Les Presses du réel/Violette, 2006 ; Annette Messager, les messagers (catalogue d’exposition), Duplaix S. (dir.), Paris, Centre Pompidou, 2007.
■ GRENIER C., Annette Messager, Paris, Flammarion, 2000.
MESSAOUDI, Khalida VOIR TOUMI, Khalida
MESSIKA, Habiba (Marguerite MESSIKA ou MSIKA, dite) [TUNIS 1893 - ID. 1930]
Actrice tunisienne.
Née de parents juifs pauvres, Habiba Messika choisit, dès son jeune âge, de s’adonner à ses passions artistiques : la chanson, la danse et le théâtre. Elle délaisse vite les études pour suivre, contre la volonté de ses proches, des cours de solfège, de chant et d’arabe. Elle anime son premier récital, à un âge précoce, au palais Assous de la Marsa. Alternant frasques amoureuses et jeux de scène enflammés, elle défraie la chronique. En 1925, elle interprète le rôle de Roméo dans Roméo et Juliette, et provoque un scandale en embrassant fougueusement sa partenaire dans le rôle de Juliette, Rachida Lotfi. Certains spectateurs, horrifiés, mirent le feu à la scène. Trois ans plus tard, en indépendantiste invétérée, elle joue une pièce nationaliste, Patrie, les martyrs de la liberté, enveloppée d’un drapeau tunisien, et se fait arrêter par les forces coloniales à la fin du spectacle. Grande comédienne, elle joue dans de nombreuses pièces et fait sensation, en campant indifféremment des rôles masculins ou féminins. Elle s’impose comme l’une des étoiles du théâtre en Tunisie. Très séduisante, extrêmement belle, elle se maria jeune avec un cousin qu’elle quitta rapidement pour d’autres amants, très riches, comme le prince Fouad d’Égypte ou Elliahou Mimouni. Ce dernier lui offrit un palais mais, éconduit, il l’aspergea d’essence : elle périt brûlée vive le 20 février 1930. Ainsi finit la vie de cette grande comédienne, objet de livres et d’un film réalisé en 1995 par Selma Baccar*, La Danse du feu.
Ahmed CHENIKI
■ FAIVRE D’ARCIER J., Habiba Messika, la brûlure du péché, Paris, Belfond, 1998.
MESSINA, Maria [ALIMENA, SICILE 1887 - PISTOIA 1944]
Écrivaine italienne.
Après avoir passé son adolescence entre l’Ombrie, les Marches et la Toscane, Maria Messina s’installe avec sa famille à Naples en 1911. Ses premiers recueils de nouvelles, Pettini fini (1909) et Petits remous (1911), attirent l’attention d’Antonio Borgese – qui la définit comme « l’élève de Verga » – et de Giovanni Verga, avec qui elle entame une correspondance. Au cours des années suivantes, elle collabore à Nuova Antologia et à La Donna tout en se consacrant à la littérature pour enfants. Elle rédige en effet des textes pour le Corriere dei Piccoli (I figli dell’uomo sapiente, « les enfants de l’homme savant », 1921 ; Il giardino dei Grigoli, « le jardin des Grigoli », 1921) et publie des livres pour enfants, parmi lesquels : Cenerella (1913) ; I racconti di Cismé (« les récits de Cismé », 1912) ; I racconti dell’Ave Maria (« les récits de l’Ave Maria », 1922). Dans les années 1920, elle rassemble dans un volume de nouveaux récits : Le briciole del destino (« les miettes du destin », 1918) ; Il guinzaglio (« en laisse », 1921) ; Ragazze siciliane (« filles siciliennes », 1921) ; Petites personnes (1921). Elle publie également plusieurs romans : Alla deriva (« à la dérive », 1920) ; Primavera senza sole (« printemps sans soleil », 1920) ; La Maison dans l’impasse (1921) ; Un fiore che non fiorì (« une fleur qui ne fleurit pas », 1923) ; Le pause della vita (« les pauses de la vie », 1926) ; Severa (1928). Auteure prolifique et solitaire, M. Messina est redécouverte dans les années 1980 par Leonardo Sciascia, qui la définit comme la « Katherine Mansfield* sicilienne ». Atteinte de sclérose en plaques, elle passe les dernières années de sa vie à Pistoia, en Toscane.
Giorgio NISINI
■ La Maison dans l’impasse (La casa nel vicolo, Milan, 1921), Arles, Actes Sud, 1986 ; Petits remous (Piccoli gorghi, 1911), Arles, Actes Sud, 1990 ; La Maison paternelle (Casa paterna, 1981), Caen, Chardon bleu, 1991 ; Severa (L’amore negato, 1928), Arles, Actes Sud, 1993 ; Petites personnes (Personcine, 1921), Arles, Actes Sud, 2000.
MESTIRI, Soumaya [LA MARSA 1976]
Philosophe tunisienne.
Soumaya Mestiri est spécialiste de philosophie politique et sociale et professeure à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis. Après des études supérieures, une charge de cours à l’Université Paris I où elle soutient une thèse sur John Rawls, et des recherches postdoctorales à la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale (Louvain-la-Neuve), elle décide en 2005 de revenir enseigner dans son pays. Imprégnée de culture occidentale ancrée dans la tradition philosophique arabo-musulmane, la philosophe n’a cessé de conjuguer ce double intérêt dans son parcours de recherche. Parallèlement à ses travaux sur le libéralisme rawlsien, elle co-traduit le philosophe persan médiéval Al-Fârâbî (Abu Nasr, 872-950), dit le Second Maître, en référence à Aristote dont il diffuse la pensée, et Al-Kindi (Abu Ishac, 801-872), mathématicien et aristotélicien, considéré comme le premier philosophe arabe ; elle s’attache aussi à faire connaître Isfahani (897-967), célèbre pour son Livre des chansons, extraordinaire témoignage d’une civilisation en plein essor, et Al-Jahiz (Abu Amr, 781-869), esprit encyclopédique, humaniste, penseur politique, auteur du Livre des animaux. L’orientation conciliatrice de S. Mestiri s’est toutefois considérablement infléchie depuis 2007. Prenant ses distances à l’égard du libéralisme de Rawls à mesure qu’elle découvre l’extraordinaire potentiel du courant républicain à tendance « progressiste », elle développe le concept d’« interpénétration paradigmatique », qu’elle appliquera à sa propre tradition, appréhendant la démocratie d’un point de vue global et montrant la pertinence de l’idée d’un républicanisme à l’œuvre dans des passages ignorés d’Ibn Khaldûn. Dès 2009, et bien avant l’avènement de la révolution tunisienne, ses recherches prennent un tour nouveau : c’est vers le courant postcolonial que s’oriente désormais son intérêt, notamment dans son application au genre. Récusant l’universalisme universalisant, les travaux de S. Mestiri défendent l’idée d’un « pluriversel » qui traverse la postmodernité – orientation théorique rare en son pays.
Dalila BELHARETH
■ De l’individu au citoyen. Rawls et le problème de la personne, Paris, MSH, 2007 ; Rawls. Justice et équité, Paris, PUF, 2009.
■ « Un féminisme musulman occidental, pourquoi (faire) ? », in Raison publique, 9, 2010 ; « L’islam, un interlocuteur démocratique ? Vers un concept global de démocratie », in Diogène, no 226, Paris, PUF, 2010.
MESTOKOSHO, Rita [EKUANITSHIT, QUÉBEC 1966]
Poétesse canadienne.
Née dans la communauté innu-montagnaise de Mingan, au Québec, Rita Mestokosho a fait des études de philosophie et de sciences politiques à Chicoutimi, à Québec et à Ottawa. Elle a été membre du Conseil des Innu d’Ekuanitshit jusqu’en 2004 et elle est l’une des rares poétesses autochtones québécoises à avoir été publiée. Paru en 1995, son recueil Eshi uapataman nukum (qui signifie « comment je perçois la vie, grand-mère ») l’a fait connaître au Québec et à l’étranger. Souvent invitée comme conférencière et porte-parole de sa communauté, elle s’exprime d’abord en innu puis traduit en français ses paroles de manière à faire entendre sa langue d’origine. Elle a participé aux spectacles Solstice rouge, voix de femmes, dans le cadre du neuvième festival Présence autochtone (Montréal, 1999) et Nous sommes d’Amériques, présenté à Montréal dans le cadre du Festival international de littérature (1999).
Lise GAUVIN
■ Eshi uapataman nukum, Mashteuiatsh, Pointe-Bleue, Piekuakami, 1995 ; La mer navigue/La Terre marche/Le ciel vole/Et moi je rampe pour humer la vie…, Longue-Pointe-de-Mingan, Puanuma, 2002.
■ COLLECTIF, Écrire contre le racisme, vol. II, Montréal, Les 400 coups, 2002 ; GATTI M. (dir.), Anthologie de la littérature amérindienne du Québec, écrits de langue française, Montréal, Hurtubise-HMH, 2004.
MÉSZÁROS, Márta [BUDAPEST 1931]
Cinéaste hongroise.
Márta Mészáros fait ses études cinématographiques à Moscou. Son père, le sculpteur László Mészáros (immortalisé par sa fille dans un documentaire), est l’un des fondateurs de l’Académie des beaux-arts du Kirghizstan. Elle a été mariée avec le réalisateur Miklós Jancsó. Cinéaste mondialement connue et très prolifique, elle a réalisé une soixantaine de films, courts et longs. Son premier long-métrage de fiction, Cati (Eltávozott nap, 1968), illustre son intérêt marqué pour les problématiques féminines et féministes. En 1975, Adoption (Örökbefogadás) lui vaut l’Ours d’or au Festival de Berlin, dont elle sera membre du jury un an après. À Cannes (membre du jury en 1983), elle est primée pour Neuf mois (Kilenc hónap) en 1977 et décroche le prix spécial du jury en 1984 avec Journal intime, film politique dont la projection a été interdite en Hongrie durant deux ans après sa production. Ses quatre Journaux sont d’inspiration autobiographique. Souvent cités dans les années 1970 par les mouvements féministes d’Europe occidentale, ses films analysent les choix possibles ou les contraintes des femmes de son temps, en liant sensiblement l’intime au politique. Son actrice fétiche est Lili Monori, remarquable de spontanéité, mais elle tourne aussi Les Héritières, avec Isabelle Huppert* (Örökség, 1980), et on lui doit Elles deux, le seul film dans lequel Marina Vlady* et son légendaire mari, le Russe Vladimir Vyssotski, ont joué ensemble (Ők ketten, 1977).
Zsófia MOLNÁR
■ Journal intime (Napló gyermekeimnek), 106 min, 1982 ; Journal à mes amours I-II (Napló szerelmeimnek I-II), 130 min, 1987 ; Kisvilma, terre d’espérance (Kisvilma, Az utolsó napló), 115 min, 1999.
■ SOMOGYI L. (dir.), Les Réalisateurs du cinéma hongrois, 1948-1983, Budapest, Hungarofilm/Interpress, 1984.
MÉTAIL, Michèle [PARIS 1950]
Écrivaine française.
D’abord membre de l’OuLiPo, Michèle Métail publie de la poésie à contraintes. Elle pratique la poésie sonore depuis la création de Décennie, 1973-1983, compléments de noms (1983). Entreprise en 1973, cette œuvre donne lieu à des « publications orales », le mot projeté dans l’espace étant, selon l’écrivaine, le stade ultime de l’écriture. Traductrice de l’allemand (Walter Thümler), elle entretient un rapport privilégié avec la Chine et sa langue, ce dont rendent compte Voyage au pays de Shu (2004), à la fois récit de voyage et anthologie, ou les textes liés aux calligraphies de Louis Roquin dans L’Un l’autre, esperluette (2008), avec lequel elle fonde l’association Les Arts contigus. Plus largement, l’exploration des lieux, la toponymie, la géologie nourrissent l’imaginaire de ses poèmes, dans lesquels l’influence de Deleuze et de sa théorie du rhizome est perceptible.
Sylvie LOIGNON
■ Portraits-robots, Paris, Oulipo, 1982 ; Cinquante poèmes oscillatoires, Paris, Oulipo, 1986 ; Les Horizons du sol, Marseille, CPIM-Spectres familiers, 1999 ; La Ville, de la ville, plan parcellaire, Marseille, Contrat maint, 2001.
METZ-GÖCKEL, Sigrid [HAUTE-SILÉSIE 1940]
Sociologue allemande.
Après l’installation de sa famille en République fédérale d’Allemagne dans les années 1950, Sigrid Metz-Göckel effectue des études de sociologie et de psychologie à Mayence, Giessen et Francfort. Elle occupe très rapidement des postes dans l’enseignement supérieur. Ses principaux champs de recherche concernent les femmes dans l’enseignement supérieur, les rapports entre science et politique, et les sciences et les technologies dans les relations de genre. Aussi bien dans ses nombreux travaux que dans des actions concrètes elle a, notamment, interrogé les effets de la mixité au sein de l’enseignement supérieur, en s’appuyant sur les expériences historiques des universités féminines aux États-Unis. Elle co-organise des expériences d’enseignement universitaire non mixtes, comme l’Université internationale des femmes (Internationale Frauenuniversität), organisée à Hambourg en 2000, dont le but était la reconfiguration des savoirs scientifiques selon la perspective de genre. Elle est actuellement professeure émérite de l’université de Dortmund.
Polymnia ZAGEFKA
■ Avec STECK F., Frauenuniversitäten, Initiativen und Reformprojekte im internationalen Vergleich, Opladen, Leske und Budrich, 1997 ; Exzellenz und Elite im amerikanischen Hochschulsystem, Portrait eines Women’s College, Wiesbaden, VS Verl. für Sozialwissenschaften, 2005.
MEULEMAN, Marcelle [AMSTERDAM 1947]
Metteuse en scène et directrice de théâtre néerlandaise.
En 1983, avec Agaath Witteman, Marcelle Meuleman fonde le théâtre Persona, premier théâtre de femmes à réinterpréter drastiquement le répertoire. Les deux femmes proviennent du théâtre politique, avec le théâtre ’80 qui élabore des spectacles en partie improvisés, dans lesquels la situation de la femme comme victime du mâle et de la société est centrale. Cependant, dans le dernier spectacle du théâtre ’80, Don Juan revient de guerre (1984) d’Ödön von Horváth, la nouvelle voie que M. Meuleman suivra au théâtre Persona est déjà visible, avec le personnage de Dona Juana, une femme en recherche d’un partenaire de vie idéal, victime de sa propre incapacité à sauvegarder sa personnalité et son indépendance. Au sein du théâtre Persona, elle recourt à des images stéréotypées de la femme et de l’homme dans le but de proposer, après confrontation, des images alternatives et de trouver un nouvel équilibre entre les sexes. Lors de la saison 1984-1985, toutes les pièces en un acte d’August Strindberg sont proposées, dont sept sont mises en scène par M. Meuleman. Les pièces sont repensées en incluant le point de vue féminin et en portant l’attention sur les contradictions vitales, historiques et culturelles. Ainsi, dans Mademoiselle Julie, l’approche des deux rôles masculin et féminin est nuancée, et l’accent est mis sur la psychologie des personnages et des acteurs (avec l’actrice stanislavskienne Stella Adler). Le renouvellement de la vision des classiques (entre autres Shakespeare, Tchekhov) et une constante remise en question de ses propres méthodes caractérisent le travail de M. Meuleman. En 1989, le théâtre Persona cesse d’être subventionné et la compagnie est dissoute.
Mercita CORONEL
MEURDRAC, Marie [PARIS 1610 - ID. 1680]
Chimiste, apothicaire et botaniste française.
Auteure du premier traité de chimie écrit par une femme, La Chymie charitable et facile en faveur des dames, Marie Meurdrac obtient un vif succès avec son ouvrage qui, publié à Paris en 1666, connaîtra cinq éditions françaises de 1666 à 1711, six éditions allemandes de 1674 à 1738 et une italienne en 1682. Témoin du passage de l’alchimie à la chimie scientifique (le premier traité français est le Cours de chimie du médecin Estienne de Clave, en 1646), elle écrit : « L’action nous instruit bien davantage que la contemplation. » Femme de caractère comme sa sœur Catherine (Mme de La Guette*, intrépide amazone au service de la Fronde), elle hésite cependant à publier, objectant que ce n’est « pas la profession d’une femme d’enseigner » et se rappelant que « les hommes méprisent et blâment toujours les productions qui partent de l’esprit d’une femme ». La première représentation des Précieuses ridicules a lieu en 1659, mais l’expérimentation prévaut désormais. M. Meurdrac prend confiance : « Les esprits n’ont pas de sexe », et « si ceux des femmes étaient cultivés comme ceux des hommes », alors « ils pourraient les égaler ». Les quatre premières parties de son traité décrivent, en termes alchimiques plutôt que savants, son laboratoire, ses techniques de distillation et de préparation de remèdes, et « toutes les choses qui peuvent conserver ou augmenter la beauté » à partir de matières premières végétales, animales et minérales, révélant ainsi l’état de la science de son temps. La cinquième illustre ses compétences de botaniste et d’apothicaire. La sixième, consacrée à de nombreuses recettes de cosmétiques, est « en faveur des dames pour les garantir d’un nombre infini d’accidents qui arrivent en se mettant des choses au visage, dont elles ne savent point les compositions ».
Claudine BRELET
■ La Chymie charitable et facile en faveur des dames (1666), Jacques J. (éd.), Paris, CNRS éditions, 1999.
MEURISSE, Catherine [NIORT 1980]
Auteure de bandes dessinées française.
Dès 2005, Catherine Meurisse se fait connaître dans les pages satiriques de Charlie Hebdo avec son seul prénom. Diplômée de l’Ensad (École nationale supérieure des Arts décoratifs), elle a alors publié un ouvrage résultant d’un travail scolaire (Causerie sur Delacroix, d’après Alexandre Dumas, 2005) et illustré des livres destinés à la jeunesse (Comment bien vivre avec son corps en 2003 ; Le P’tit Miam en 2004). Très vite, sa signature se propage dans la presse généraliste et la presse enfantine. On la retrouve au fil des numéros de Libération, des Inrockuptibles, des Échos, de Marianne, de Psychologies Magazine, d’Okapi, de DLire, ou de Wapiti. À la rentrée 2008, Mes hommes de lettres crée la surprise. Cette bande dessinée, conçue comme un savant précis de littérature en images, propose un raccourci des lettres françaises, du Moyen Âge à Sartre et Beauvoir. « Chez toi, le dessin prolonge tout naturellement l’écrit, ou l’inverse, je ne sais trop. Le résultat est un griffonnage inspiré, un trait vif, sûr de lui, qui va à l’essentiel et méprise l’accessoire », écrit François Cavanna dans la préface de l’ouvrage. Deux ans plus tard, c’est en compagnie de Julie Birmant qu’elle brosse le portrait d’une dizaine de femmes d’humour dans Drôles de femmes. C. Meurisse est encore l’auteure de la série pour la jeunesse Elza (sur des textes de Didier Lévy) et de nombreux dessins pour l’édition anniversaire 2010 du Petit Larousse. En 2012, elle poursuit son exploration de la culture française avec Le Pont des arts, ou l’histoire de l’art revue sous l’œil des grands écrivains.
Christian MARMONNIER
MEW, Charlotte [LONDRES 1869 - ID. 1928]
Poétesse britannique.
Élevée dans le respect des dogmes religieux, Charlotte Mew mène ses études à Londres. Trois de ses frères et sœurs meurent très jeunes et deux autres sont internés, ce qui l’amène avec sa sœur à promettre de ne jamais se marier afin de ne pas transmettre une tare familiale. Elle adopte l’apparence d’un dandy et affirme son homosexualité. Dès 1889, elle collabore à de nombreux magazines et publie une nouvelle dans le Yellow Book en 1894, saluée par la critique, mais il faut attendre 1916 pour son recueil de poésies (The Farmer’s Bride, « l’épouse du fermier »). À la mort de sa sœur, elle sombre dans la dépression et se suicide. Un second recueil, The Rambling Sailor (« le marin errant ») est publié en 1929 à titre posthume. La pauvreté et la mort, et ces signes corolaires de l’impuissance de l’homme devant l’adversité que sont le sentiment de culpabilité et la folie, sont les thèmes obsessionnels de son œuvre. Ses poèmes, admirés de Thomas Hardy, Walter de la Mare et Virginia Woolf*, ont la forme de monologues dramatiques considérés comme modernistes avant la lettre. Elle fait le lien entre le symbolisme des années 1890 et la poésie géorgienne des années 1920, poésie hantée par le regret, la frustration, le rêve comme antidote à la vie qui se trouve, au fond, refusée.
Michel REMY
■ FITZGERALD P., Charlotte Mew and Her Friends, Londres, Flamingo, 2002.
MEYER, Marcelle [LILLE 1897 - PARIS 1958]
Pianiste française.
Marcelle Meyer est restée très proche des membres du Groupe des Six, constitué de Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre*, ainsi que de Maurice Ravel et Igor Stravinski. Entrée au Conservatoire de Paris en 1911, reçue première dans la classe de Marguerite Long* qu’elle a rapidement quittée pour celle d’Alfred Cortot, elle en sort avec un Premier Prix en 1913, après avoir joué le Cinquième concerto pour piano de Saint-Saëns. Ricardo Viñes lui ouvre l’univers de Ravel, tandis que José Iturbi l’initie à la musique espagnole. Elle travaille également avec Claude Debussy sur ses Préludes, qu’elle a été la première à jouer en récital. En 1918, elle participe à la création de la Sonate pour piano à quatre mains de Poulenc. De leur amitié naîtront plusieurs œuvres : les Impromptus en 1921, Napoli en 1926, et Mélancolie en 1941. Elle joue des partitions de L. Durey et d’Auric (Carillons). En 1920, Ravel l’invite à jouer avec lui une version pour deux pianos de La Valse. Elle crée Printemps et les Cinq Études pour piano de Milhaud. En 1923, elle joue avec Georges Auric et F. Poulenc trois des quatre parties de piano des Noces d’I. Stravinski. En 1930, elle est appelée à Budapest par Richard Strauss pour jouer sous sa direction sa Burleske pour piano et orchestre. Il lui propose de se produire au dixième Festival de Salzbourg, dont elle est l’un des rares pianistes invités. En revanche, sa carrière dans son propre pays reste longtemps discrète. En 1932, elle crée la Partita pour piano et orchestre d’Igor Markevitch, sous la direction de Roger Désormière, et, en 1938, le Trio de Ravel et la Sonate pour flûte et piano de Paul Hindemith. Sa dernière grande création avant la Seconde Guerre mondiale est Scaramouche de Milhaud en 1937, avec Ida Jankelevitch au second piano. En 1940, M. Meyer joue les Variations symphoniques de César Franck avec Charles Münch, et, l’année suivante, elle interprète le Concerto d’Honegger avec le même chef d’orchestre. En 1948, elle reprend la Burleske de R. Strauss avec André Cluytens et s’installe à Rome. Cette décision marque un tournant dans sa carrière, puisqu’elle s’attache dès lors à la musique italienne, jouant Luigi Dallapiccola, Goffredo Petrassi, Alfredo Casella, tout en continuant à se produire avec des chefs d’orchestre tels que Paul Kletzki, Herbert von Karajan et Hermann Scherchen dans les années 1950. M. Meyer a enregistré l’intégrale de l’œuvre pour piano de Ravel, Mozart restant pourtant son compositeur favori, et elle a fait redécouvrir au piano les pièces pour clavecin de François Couperin, Jean-Philippe Rameau et Domenico Scarlatti.
Bruno SERROU
MEYERS, Nancy [PHILADELPHIE 1949]
Réalisatrice et scénariste américaine.
Après des études de journalisme à l’université de Washington, Nancy Meyers s’installe à Los Angeles en 1972. Elle débute sa carrière hollywoodienne en travaillant pour Rastar Productions, où elle devient l’une des deux seules femmes cadres supérieures de la compagnie. À la fin des années 1970, elle s’associe à Charles Shyer pour écrire et produire de nombreux films (qu’il tourne le plus souvent), tels La Bidasse (Private Benjamin, 1980), Baby Boom (1987) et Le Père de la mariée (Father of the Bride, en deux parties : 1991, 1995). Après un mariage et deux enfants, N. Meyers et C. Shyer se séparent en 1999. Dès l’année précédente, la créatrice est passée à la réalisation avec À nous quatre (The Parent Trap, 1998) et a commencé à produire, à diriger et à écrire (parfois sans être mentionnée au générique) une série de « films pour femmes » dans lesquels figurent souvent des héroïnes d’âge mûr, telle Diane Keaton* dans Tout peut arriver (Something’s Gotta Give, 2003) ou Meryl Streep* dans Pas si simple (It’s Complicated, 2009). On lui doit également Ce que veulent les femmes (What Women Want, 2000), la comédie romantique la plus populaire dirigée par une femme. Elle inclut souvent dans ses films des données autobiographiques et s’identifie très fortement à ses protagonistes féminines. Pour créer, elle s’inspire des réalisateurs classiques de Hollywood comme Frank Capra, Ernst Lubitsch et Preston Sturges. Ses films sont généralement décrits comme quasi-feminist compte tenu de sa focalisation sur des intérieurs chics et luxueux (surnommés le « monde cachemire de Nancy Meyers ») ainsi que de son choix d’héroïnes, bourgeoises aisées, ce qui affecte leur potentiel réformateur. Elle est la première femme nommée Cinéaste de l’année au ShoWest 2004 pour Tout peut arriver (Something’s Gotta Give, 2003) et elle a reçu, en 2007, le prix Dorothy-Arzner de réalisation. Malgré ces succès, elle reste assez peu (re)connue en dehors de Hollywood.
Hilary RADNER
MEYER-WALDECK, Wera [DRESDE 1906 - BONN 1964]
Architecte et designer allemande.
Après avoir suivi les cours de graphisme de Georg Erler à l’Académie des arts décoratifs de Dresde, Wera Meyer-Waldeck est entrée au Bauhaus de Dessau où elle a commencé un apprentissage de la menuiserie. En 1932, elle devint la première femme à obtenir un brevet de menuiserie en Thuringe. Elle travailla alors comme dessinatrice pour les usines Junkers de Dessau et, à partir de 1937, au Bureau de planification des autoroutes du Reich à Berlin. Devenue architecte à la Direction de la construction des chemins de fer du Reich et, en 1942, directrice du Bureau de planification de la Société des mines et aciéries de Karwin-Thzynietz, elle fut en charge de la construction de cokeries, de stations de pompage, d’une centrale électrique et d’appartements pour les ouvriers. Après la guerre, elle s’orienta vers l’enseignement et l’aménagement intérieur. Chargée de cours en architecture intérieure à l’École supérieure d’arts appliqués de Dresde, elle ouvrit son agence à Walldorf (Hesse) en 1948, et conçut du mobilier. Membre du Deutscher Werkbund, elle en organisa la première exposition de l’après-guerre, à Cologne en 1949, et y présenta son mobilier ainsi qu’un jardin d’enfants modèle. Avec l’architecte Hans Schwippert, W. Meyer-Waldeck conçut l’aménagement intérieur du Bundestag à Bonn et, par la suite, celui de deux ministères, du restaurant du gouvernement fédéral, le Victoriahöhe, et de la chancellerie. Elle réalisa aussi la transformation d’un hôtel à Coblence, l’aménagement intérieur d’un foyer de célibataires, plusieurs lycées, quatre immeubles à coursives pour des réfugiés de l’Est, plusieurs maisons individuelles à Cologne, la Mission catholique étrangère, une maison modèle en béton cellulaire Ytong, ainsi qu’un foyer d’étudiants à Bonn, en 1962. W. Meyer-Waldeck prit part à des expositions, comme So wohnen (« vivre ainsi » 1951), à Bonn, et Das Wohnen in der Stadt von morgen (« vivre dans la ville de demain »), dans le cadre de l’Interbau Berlin en 1957, où elle collabora avec Hilde Weström*. En 1958, on lui confia la scénographie de la section Der persönliche Bedarf, « les besoins personnels », du pavillon allemand de l’Exposition universelle de Bruxelles construit par Egon Eiermann. Membre de l’Union des architectes allemands et de l’Union des femmes allemandes, elle écrivit de nombreux articles.
Christiane BORGELT
■ BAUER C. I., Bauhaus-und Tessenow-Schülerinnen. Genderaspekte im Spannungsverhältnis von Tradition und Moderne (thèse), Cassel, université de Cassel, 2003 ; MAASBERG U., PRINZ R., Die Neuen kommen ! Weibliche Avantgarde in der Architektur der zwanziger Jahre, Hambourg, Junius Verlag, 2004.
MEYNELL, Alice [LONDRES 1847 - ID. 1922]
Écrivaine, poétesse et éditrice britannique.
Élevée en Italie par une demi-sœur plus âgée, Alice Meynell voyage beaucoup avec des parents bohèmes en Angleterre, en Suisse et en France. Son père est un ami de Dickens, sa sœur est Elizabeth Butler*, célèbre peintre. En 1868, toute la famille se convertit au catholicisme. En 1875, elle publie son premier recueil de poèmes, loué par Ruskin et Tennyson pour sa beauté lyrique, et en 1877, elle épouse Wilfrid Meynell, éditeur d’un journal catholique, et ils dirigent ensemble plusieurs revues. Ils ont huit enfants. À partir de 1876, elle écrit régulièrement pour des revues. En 1888, ils sauvent, en publiant ses textes, le poète Francis Thompson de son addiction à l’opium et de la misère abyssale dans laquelle il se trouve. Le cercle littéraire qu’ils animent prend fait et cause contre l’impérialisme colonialiste européen et pour les peuples opprimés. Elle rejoint en 1902 la Women Writers’Suffrage League et devient l’une de ses dirigeantes. Ses essais sont remarquables par leur culture, leur style mesuré et concis et leur subtilité, à l’instar de ses poèmes, dont l’économie syntaxique renforce le message fortement religieux. Elle fait une tournée de conférences et de lectures aux États-Unis en 1901 et, en 1913, la parution de ses Collected Poems lui assure de son vivant une célébrité définitive.
Michel REMY
■ BADENI J., The Slender Tree : A Life of Alice Meynell, Cornwall, Tabb House, 1981.
MEYSENBUG, Malwida VON (née Amalie Wilhelmine Tamina RIVALIER) [CASSEL 1816 - ROME 1903]
Écrivaine allemande.
Fille d’un ministre d’État hessois anobli et de descendance huguenote, Malwida von Meysenbug passe sa jeunesse à Cassel. Très douée, elle reçoit des leçons privées, mais pas d’éducation systématique. En 1844, elle rencontre le théologien et journaliste aux penchants révolutionnaires Théodore Althaus, qui sera l’amour de sa vie, à la fois grand et malheureux. En partie influencée par ses vues, elle s’intéresse aux événements des années 1847-1848 et se préoccupe de questions sociales, de la possibilité d’une religion sans dogmes, ou encore de l’émancipation féminine. À partir de 1849, elle commence à rédiger ses pensées. Exilée à Londres après une perquisition pour agissements démocratiques, elle gagne sa vie comme éducatrice des filles d’Alexandre Herzen, de 1853 à 1856. Elle débute la rédaction de ses Mémoires d’une idéaliste en 1856 et s’engage dans le lancement d’une organisation ouvrière internationale, mise sur pied par Giuseppe Mazzini et Giuseppe Garibaldi (1858). Citoyenne du monde, éprise de culture et auteure populaire, elle entretient de nombreux contacts avec des sommités des arts et des lettres, dont on trouve les reflets dans son œuvre d’essayiste. En 1876-1877, elle partage, à Sorrente, un appartement avec Nietzsche, Paul Rée et Albert Brenner. À partir de 1890, elle soutient une vive correspondance avec le jeune Romain Rolland, qui l’appelle « la compagne fidèle de mon esprit et seconde mère ». Les buts politiques de M. von Meysenbug et l’influence qu’elle exerça sur le féminisme organisé ont toujours été diversement appréciés. Quant au large éventail de ses intérêts culturels, il fait pour la première fois l’objet de travaux systématiques, grâce à l’accès récent à sa correspondance.
Anett LÜTTEKEN
■ Mémoires d’une idéaliste (Memoiren einer Idealistin), Paris, Fischbacher, 1900 ; Friedrich Nietzsche, Correspondance avec Malwida von Meysenbug (contient Au soir de la vie d’une idéaliste [extrait] et Nietzsche), Paris, Allia, 2005.
■ LE RIDER J., Malwida von Meysenbug (1816–1903), une Européenne du XIXe siècle, Paris, Bartillat, 2005 ; NICKEL K.-H. (dir.), Malwida von Meysenbug, Durch lauter Zaubergärten der Armida, Ergebnisse neuerer Forschungen, Cassel, G. Wenderoth, 2005.
MHLOPHE, Gcina (Nokugcina MHLOPHE, dite) [HAMMERSDALE, KWA-ZULU 1958]
Artiste de théâtre sud-africaine.
Née de parents xhosa et zulu, Gcina Mhlophe commence à écrire très jeune des poèmes en xhosa et, à 17 ans, après sa rencontre avec un imbongi, griot traditionnel, trouve sa vocation de conteuse, qu’elle décline sous différentes formes : poésie et contes pour enfants, contes et théâtre pour adultes, aussi bien dans des lieux de spectacle et des festivals qu’à la télévision. Elle participe en 1984 et 1986 à l’écriture des réalisations collectives Black Dog (« chien noir ») et Born in the RSA (« né en République d’Afrique du Sud »), dirigées par Barney Simon au Market Theatre de Johannesburg. À son tour elle crée avec Maralin Vanrenen et Thembi Mtshali* Have You Seen Zandile ? (« avez-vous vu Zandile ? »), pièce autobiographique dans laquelle elle joue aussi le rôle principal, et qui est devenue un des classiques de la période de l’apartheid. Une tournée mondiale de trois ans de cette pièce est suivie par une nouvelle collaboration (Inyanga, 1989) et une année comme directrice en résidence au Market. En 1993, elle crée le groupe Zanendaba Storytellers, autour des contes traditionnels. Elle fait un retour au théâtre dramatique en 1995 en collaborant avec Janet Suzman à une adaptation de La Bonne Âme du Se-Tchouan de Brecht. G. Mhlophe s’intéresse aux méthodes d’apprentissage de la lecture, collabore avec des musiciens (Ladysmith Black Mambazo) et des orchestres philharmoniques en Europe, et développe une théâtralisation de l’art du conteur avec danse, musique, masques, marionnettes. Elle reçoit des prix et est faite docteur honoris causa sur les cinq continents pour ses performances et ses écrits.
Anne FUCHS
MIADZIOLKA, Paùlina VINKENTSEVNA [1893-1974]
Actrice biélorusse.
Mythe ou réalité, Paùlina Vinkentsevna Miadziolka se retrouve citée aussi bien parmi les membres du Cercle musico-dramatique de Vilna (1914) que parmi ceux de la Société biélorussienne du drame et de la comédie (1917-1920). Pendant toute la période soviétique, elle est systématiquement désignée comme la première actrice à avoir tenu le rôle de Paùlinka dans la pièce éponyme d’Ianka Koupala (poète et auteur dramatique ayant donné son nom au théâtre national de Biélorussie), lors d’une soirée biélorussienne, à Saint-Pétersbourg, en 1913. Elle est également connue en tant que fondatrice du Cercle dramatique de Grodno (1919). Sa personnalité semble ainsi avoir marqué les premiers pas du théâtre biélorussianophone. Elle obtient le titre de Sociétaire émérite de la culture biélorussienne en 1966.
Virginie SYMANIEC
MIAN MIAN (WANG SHEN, dite) [SHANGHAI 1970]
Romancière chinoise.
Mian Mian (« coton ») est originaire d’une famille d’intellectuels. Avant 1995, elle mène une vie turbulente qu’elle décrira plus tard comme « ses années d’errance » : elle fait partie du milieu dit « underground », où évoluent les jeunes Chinois marginaux, rockeurs, prostitués, drogués… En 1995, elle entreprend une cure de désintoxication à l’héroïne et se déclare enfin sauvée par l’écriture. Elle publie à partir de 1997. Tout comme Weihui*, elle appartient à la nouvelle génération de la littérature chinoise contemporaine. Elle est parfois classée dans le groupe des « belles femmes écrivains » (meinü zuojia), qui ne cachent rien de leur vie sexuelle dissipée et recherchent des sensations fortes en prétendant écrire avec leur corps, mais qui sont aussi qualifiées de « narcissiques » et d’« exhibitionnistes » par la critique. Dans ses récits, l’auteure raconte sa « jeunesse cruelle », le mal-être des jeunes « ratés » et des toxicomanes dans une société en mutation, et exprime le déchirement éprouvé entre l’idéal de l’amour absolu et la réalité décevante. Ses romans les plus connus sont Les Bonbons chinois (2000), Panda Sex (2004) et Women haipa (« nous avons peur », 2001), adapté au cinéma par Andrew Cheng Yusu sous le titre Shanghai Panic (2002). L’œuvre de la romancière témoigne de la période de transition que traversent la société chinoise, la condition féminine et les mœurs sexuelles.
ZHOU MANG
■ Les Bonbons chinois (Tang, 2000), Paris, Éd. de l’Olivier, 2001 ; Panda Sex (Xiongmao, 2004), Paris, Au diable Vauvert, 2009.
MIANO, Léonora [DOUALA 1973]
Romancière et nouvelliste camerounaise.
Aînée de trois sœurs, fille de pharmacien et de proviseur d’école, Léonora Miano a été élevée en français, bercée de littérature africaine francophone et anglophone et de musique jazz. La critique a consacré cette jeune auteure dès son premier roman, L’Intérieur de la nuit (2005), récompensé par sept prix littéraires. Le deuxième, Contours du jour qui vient (2006) a reçu le prix Goncourt des lycéens. Le troisième volume, Les Aubes écarlates (2009), complète la trilogie, qui témoigne dans chacun des récits d’une grande maîtrise narrative et d’une précision extrême. Dans ces premières œuvres, tout comme dans le roman Tels des astres éteints (2008), elle se révèle la digne héritière de ses aînées, Calixthe Beyala* et Werewere Liking*. La trilogie se déroule dans un pays imaginaire d’Afrique centrale. Les deux premiers volumes sont écrits à partir de la perspective d’une jeune fille (Ayané dans le premier et la petite Musango dans le second) qui porte un regard sans complaisance sur un continent en proie aux pires dérives. Toutes deux rappellent les personnages des premiers romans de C. Beyala, où des jeunes filles sont également rejetées par leur mère, abusées, violées, prostituées, où l’enfance est saccagée par ceux-là mêmes qui devraient la protéger, et où néanmoins naissent des solidarités entre enfants ou entre femmes. L. Miano décrit une Afrique qui semble illustrer les pires cauchemars des afro-pessimistes (cannibalisme, recrutement d’enfants-soldats, violences meurtrières sur des enfants, accusations de sorcellerie, violences quotidiennes, misère physique et morale, prostitution, etc.) tout en préservant une résilience à travers des personnages qui tissent des liens les uns avec les autres. Toutefois, même si ces récits sont une critique de toute société patriarcale, les femmes n’y sont pas systématiquement solidaires les unes des autres. Si l’on trouve dans ses textes de nombreuses allusions aux textes bibliques et au thème de la lumière, la musique y occupe également une très grande place – le jazz essentiellement, mais aussi d’autres formes musicales, comme l’épopée mvet dans le premier roman.
Tels des astres éteints demeure par certains aspects afro-pessimiste, mais présente cependant de nombreux discours et perspectives différents sur l’Afrique, les Africains et les diasporas africaines. Le roman se déroule au « Nord », dans l’« intra-muros » (la capitale) et raconte les histoires enchevêtrées de trois amis, qui naviguent entre réflexions sur leur identité et leur intégration réussie ou échouée, sur les relations interraciales, et sur l’engagement afrocentrique, panafricaniste ou universaliste. Le récit met en relief l’identité raciale et l’histoire coloniale d’un pays reconnaissable comme la France. L’Afrique est une entité bien présente aussi – discours, miroir, image, objet – et le livre, rythmé par des mouvements musicaux, peut se lire comme une réponse au discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007. Le roman le plus récent, Blues pour Élise, séquences afropéennes saison 1 (2010), annonce déjà sa suite, Paris’ Boogie. On y reconnaît certains personnages croisés dans Tels des astres éteints. Quatre personnages vivent leur vie de jeunes femmes à Paris, amoureuses comblées ou déçues, à travers une écriture très cinématographique. À chaque chapitre son ambiance musicale.
Les deux recueils de nouvelles Afropean Soul (2008) et Soulfood équatoriale (2009) reprennent une notion musicale (le soulfood, qui apparaît dans les premiers romans, est aussi le nom d’un club de Douala et traduit bien la notion de résilience transmise par l’écriture de L. Miano). Si le premier recueil présente des récits de métissage culturel, des portraits de jeunes Africains en France, le deuxième brode sur les thèmes importants et nourrissants de la culture camerounaise. Son septième roman, La Saison de l’ombre, est couronné par le prix Fémina 2013.
Joëlle VITIELLO
■ L’Intérieur de la nuit, Paris, Plon, 2005 ; Contours du jour qui vient, Paris, Plon, 2006 ; Tels des astres éteints, Paris, Plon, 2008 ; Les Aubes écarlates, « Sankofa cry », Paris, Plon, 2009 ; Blues pour Élise, Paris, Plon, 2010.
MICHAELS, Anne [TORONTO 1958]
Poétesse et romancière canadienne.
Fille d’une Canadienne et d’un immigrant juif polonais, Anne Michaels a toujours été très discrète sur sa vie privée. Sa carrière littéraire débute en 1986 avec la publication de son premier recueil de poèmes The Weight of Oranges (« le poids des oranges », prix du Commonwealth) où apparaissent déjà les thèmes qui hanteront l’ensemble de ses écrits, tels que les modes de préservation du passé et le rôle qu’y tient la mémoire. Malgré ce premier succès, ce n’est qu’en 1996, lors de la publication de son roman La Mémoire en fuite, qu’elle se fait remarquer de manière décisive sur la scène internationale. Le roman, qui se déroule en partie pendant l’Holocauste, lui rapporte de nombreux prix avant d’être adapté au cinéma (2007) sous le même titre. La romancière, dont le deuxième roman Le Tombeau d’hiver ne paraît qu’en 2009, soit douze ans après le premier, dit passer de longues années à scruter des documents historiques pour préparer ses livres. Conçus avec intelligence, sensibilité et une remarquable maîtrise de la langue, ses récits, puisés dans diverses archives, portent notamment sur la Seconde Guerre mondiale, l’Holocauste, ou la reconstruction des temples nubiens de Ramsès II en Égypte. Ils font ressortir la souffrance humaine reliant passé et présent. Un des traits particuliers de sa prose découle de sa teneur poétique, tout particulièrement de ses métaphores qui, outre leur beauté, déstabilisent le cours ordinaire de la langue par des effets d’interruptions qui vident les mots de leur signification habituelle. Ce souci poétique de « pénétrer les mots » exige du lecteur une lecture attentive, apte à en ressentir la musicalité. L’attention rigoureuse qu’elle accorde aux détails, ainsi que sa capacité de faire assumer au contexte ordinaire du quotidien le poids d’un passé lourd de l’histoire de l’humanité, font d’A. Michaels une grande écrivaine.
Agnès CONACHER
■ La Mémoire en fuite (Fugitive Pieces, 1996), Montréal, Boréal, 1998 ; Le Tombeau d’hiver (The Winter Vault, 2009), Montréal, Alto, 2010.
MICHAELY, Paul VOIR SCHALEK, Alice Therese Emma
MICHALSKI, Vera [BÂLE 1954]
Éditrice suisse.
Du côté de sa mère, Daria Razumovsky, Vera Michalski descend d’émigrés russes aristocrates ayant fui la révolution. Son père Lukas (Luc) Hoffmann, dont la famille a fondé le groupe pharmaceutique suisse mondial Hoffmann-La Roche, a, pour sa part, consacré sa vie à la sauvegarde de la nature ; il a créé une station ornithologique d’importance internationale en Camargue, où V. Michalski, ses sœurs et son frère passent leur enfance. Spécialiste d’histoire des relations internationales après des études universitaires à Genève, parlant couramment cinq langues, elle épouse en 1983 l’intellectuel polonais Jan Michalski avec qui elle fonde en Suisse, en 1986, peu avant la chute du mur de Berlin, les éditions Noir sur blanc pour accueillir des écrivains du monde slave et établir une passerelle entre les cultures de l’Est et de l’Ouest. Elle publie notamment les journaux intimes de sa grand-mère, de sa mère et de ses deux tantes, documents historiques sur l’exil. Le couple s’installe à Paris en 1990, où il rachète la Librairie polonaise. J. Michalski disparu en 2002, elle poursuit seule le développement des activités éditoriales. Elle constitue un important groupe indépendant, Libella, qui rassemble une dizaine de maisons d’édition françaises (dont Phébus, Buchet Chastel et Maren Sell), suisses et polonaises (dont Wydawnictwo Literackie, une référence dans son pays), et qu’elle dirige personnellement entre la Suisse, où résident ses deux filles, la France et la Pologne. Le groupe publie plus de 200 titres chaque année et compte à son catalogue Lawrence Durrell, Eugène Ionesco, Henry Miller, Nina Berberova*, Paul Auster. En 2007, V. Michalski crée en mémoire de son mari un prix international et une fondation dédiés à la littérature et à l’écriture, et fait édifier en Suisse, pour l’abriter, un ensemble d’architecture contemporaine, conçu comme une petite cité de la culture.
Catherine GUYOT
MICHANIDOU, Maria [V. 1830 - PIRÉE ? 1901]
Dramaturge et romancière grecque.
Considérée comme la « première romancière grecque », Maria Michanidou semble être originaire de Messénie en Grèce. Elle apparaît dans des documents officiels comme veuve de P. Michanidis. Elle vécut à Alexandrie en Égypte durant la décennie de 1870, très probablement après son veuvage, et passa le reste de sa vie au Pirée. C’est à Alexandrie qu’elle fit sa première apparition dans les lettres, en 1874, avec la pièce O prodotis ierefs (« le prêtre traître »), adaptée et rééditée, en 1886, à Athènes sous le titre O psevdoierefs Ioudeos (« le juif faux prêtre »). Dans cette pièce, qui fut traduite en français sous le titre Le Traître prêtre grec et le Scélérat Alimpeis (Marseille, 1877), l’auteure se livre à une critique audacieuse d’une partie corrompue du clergé orthodoxe. En 1875, elle publie son unique roman, I karteria tou Pavlou (« la persévérance de Pavlos ») comme première partie d’un ensemble intitulé Ta fasmata tis Egyptou (« les spectres de l’Égypte »). Ce roman à problématique sociale étudie l’échec d’une émigration en Égypte, à l’époque du boom commercial des années 1860. Le héros, représentant de tous ceux qui ont échoué, met en évidence les aspects sombres de la vie. On assiste à la lutte pour la survie dans les quartiers pauvres du Caire, aux agissements de la pègre, à la cruauté et à la charité des marginaux, à l’insensibilité de la classe dirigeante, à l’inefficacité du mécanisme de l’État et au triomphe final de la Providence. Cette sensibilité aux questions sociales se retrouve dans le reste de l’œuvre de M. Michanidou. Ses pièces de théâtre, I eschati endia, i elliniki aristokratia ke o vrikolakas (« le dénuement complet, l’aristocratie grecque et le revenant », Alexandrie, 1879) et Nea efevresis gamou (« nouvelle découverte de mariage », Constantinople, 1881), stigmatisent pour l’une la dureté de la riche colonie grecque de Marseille vis-à-vis de leurs concitoyens pauvres et pour l’autre le marché du mariage dans la communauté grecque d’Égypte. Puis elle écrivit la longue nouvelle I orea Othomanis (« la belle Ottomane », Athènes, 1888), conte oriental, qui fut d’abord publié sous une forme plus brève sous le titre I orea Tefras ke o Mahmout (« la belle Téfras et Mahmout »), dans la revue Anatoli (1880), qui constitue la deuxième partie des Spectres de l’Égypte.
Sophia DENISSI
■ ABATZOPOULOU F., « Dia ton fovon ton Ioudeon : pedoktonia, kannivalismos ke emfylos logos. Ena senario yia ti Maria P. Michanidou », in O logos tis parousias, Athènes, Sokolis, 2005 ; DENISSI S., « Maria Michanidou », in I paleoteri pezografia mas, vol. V, Athènes, Sokolis, 1996 ; ID., « Evanthia Kaïri, Antonousa Kambouraki, Maria Michanidou… », in VOUTOURIS P., YEORYIS G. (dir.), O Ellinismos ston 19on eona, Athènes, Kastaniotis, 2006.
MICHAUD, Ginette [1932]
Psychiatre et psychanalyste française.
Professeure honoraire de psychopathologie et psychanalyse, enseignante à l’université Paris-VII-Denis-Diderot, spécialiste des psychoses et de la psychothérapie institutionnelle, Ginette Michaud est membre de la commission des enseignements de l’Espace analytique. Dès le début des années 1960, elle fait partie du Groupe de travail sur la psychothérapie et la sociothérapie institutionnelles (GTPSI), qui rassemble annuellement des acteurs majeurs de la psychiatrie engagés dans la transformation du système asilaire. La réflexion marxiste, anthropologique, psychosociologique vient enrichir l’approche psychanalytique. Fonctionnant comme un groupe d’analyse et d’élaboration théorique et didactique, le GTPSI s’efforce de clarifier les positions théoriques et les conditions institutionnelles nécessaires pour aborder le problème de la psychose ; il débouche en 1965 sur la création de la Société de psychothérapie institutionnelle. L’approche institutionnelle – développée en France après la Seconde Guerre mondiale quand des médecins et infirmiers de retour de captivité se sont élevés contre les conditions d’enfermement dans les quartiers pour « agités » des hôpitaux psychiatriques – va rester au centre du travail de G. Michaud. Participant aux activités de la clinique de La Borde, elle écrit en 1973, avec Jean Oury, un texte de présentation de leur démarche et, en 1977, La Borde… un pari nécessaire : à l’opposé des systèmes coercitifs, l’institution est présentée comme un système de médiation assurant des relations non seulement entre soignants et soignés mais aussi entre les malades, ces interactions étant analysées et théorisées en permanence par le personnel et les soignants. En 1985, elle cofonde, avec Joël Dor, Josée Manenti* et Alain Vanier, l’Association pour la recherche clinique en psychopathologie et psychanalyse (Areclip) devenu Euro-Psy, organisme de formation continue et de recherche destiné aux travailleurs de la santé, de la santé mentale et de l’éducation. Deux ouvrages témoignent en particulier de son travail avec les psychotiques : Figures du réel, cliniquepsychanalytique des psychoses (1999) et L’Impossible Réalité. Essais sur la schizophrénie et le traitement des psychoses (2004). Sa contribution au livre d’entretiens d’Ignacio Gárate Martínez, Conversations psychanalytiques (2008), rend compte de la pratique clinique d’une génération d’analystes animés par une réflexion toujours singulière et originale.
COLLECTIF PSYCHANALYSE ET POLITIQUE
MICHAUX, Ginette [1945]
Professeure et psychanalyste belge.
Membre de l’École de la cause freudienne et enseignante à la section clinique de Bruxelles, Ginette Michaux est professeure émérite au département d’études romanes de l’Université catholique de Louvain, où elle a enseigné la stylistique et l’esthétique littéraire, la littérature francophone belge et la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles. De 2000 à 2007, elle a organisé chaque année « La chaire de poétique », conférences réunissant des écrivains francophones invités à s’exprimer sur le processus créateur et la genèse de leurs textes. Dans une perspective lacanienne et à partir d’une étude serrée des textes, elle dégage la logique du désir et le caractère singulier de la position d’auteur, en s’interrogeant sur les montages fictionnels, les répétitions signifiantes ou les structures de l’énonciation. Dans Logiques et écritures de la négation (2000), écrit avec Pierre Piret, elle travaille sur l’œuvre de Claudel, Baillon et Ponge. Elle a collaboré à la revue des lettres belges de langue française Textyles. Dans le numéro « Romancières de Belgique », qu’elle a coordonné en 1993, elle met en valeur des auteures qui, bien que parfois méconnues du public, lui paraissent avoir fait œuvre significative au XXe siècle. En 2008, elle publie De Sophocle à Proust, de Nerval à Boulgakov : essai de psychanalyse lacanienne et, en 2011, s’intéresse à l’écriture de Virginia Woolf*, où elle analyse l’ironie comme réponse à l’insupportable.
COLLECTIF PSYCHANALYSE ET POLITIQUE
■ Théâtre et société, Carnières-Morlanwelz (Hainaut), Lansman, 2006.
■ « Une suppléance fragile : les refuges de Clarissa Dalloway », in HARRISON S. (dir.), Virginia Woolf, L’écriture, refuge contre la folie, Paris, Michèle, 2011.
MICHEAU, Jeanine [TOULOUSE 1914 - PARIS 1976]
Soprano française.
Toulouse a longtemps été en France la capitale du chant, et les colorature y sont plus nombreuses qu’ailleurs. Parmi elles, Jeanine Micheau allait être la professeure d’une autre colorature toulousaine de renom, Mady Mesplé. J. Micheau est l’une des sopranos colorature les plus remarquables de sa génération. Sur le plan de la technique, en particulier, elle est sans doute l’une des artistes les plus irréprochables de l’histoire du chant. Après le Conservatoire de Toulouse, elle parachève ses études au Conservatoire de Paris, et fait ses débuts à l’Opéra-Comique, où elle est engagée sur audition en 1933, dans le rôle de Chérubin des Noces de Figaro de Mozart. Elle remporte dans ce théâtre de nombreux succès, pour des rôles tels qu’Olympia dans les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, Leïla dans Les Pêcheurs de perles de Bizet, le rôle-titre de Lakmé de Delibes, Rosine du Barbier de Séville de Rossini. Elle se produit pour la première fois à l’Opéra de Paris en 1940 avec la création du rôle de Creuse dans Médée de Darius Milhaud, qui écrira pour elle plusieurs mélodies. Elle y chante ensuite Gilda de Rigoletto, Violetta de La Traviata, Ophélie de Hamlet, Juliette de Roméo et Juliette, Pamina de La Flûte enchantée, et bien d’autres. Elle se distingue également dans le répertoire baroque, notamment dans les ouvrages de Jean-Philippe Rameau, Les Indes galantes et Platée, qu’elle chante aussi au Festival d’Aix-en-Provence, mais également dans un répertoire plus léger, notamment à la radio : Isoline en 1947 et Madame Chrysanthème en 1956 d’André Messager. Elle défend en outre le répertoire français sur les grandes scènes internationales comme le Covent Garden de Londres, la Scala de Milan, le Metropolitan Opera de New York, ainsi qu’à Chicago et San Francisco. Elle consacre une part importante de son activité au concert et à la radio, notamment en faisant découvrir les ouvrages oubliés des XIXe et XXe siècles. Elle a été l’une des grandes Mélisande, personnage qu’elle a souvent campé aux côtés du Pelléas de Camille Maurane, avec qui elle aimait à se produire en récital de mélodies. Elle est la dédicataire du Concerto pour soprano et orchestre de Germaine Tailleferre*. J. Micheau a enseigné au Conservatoire de Paris de 1960 à 1975, et au Mozarteum de Salzbourg.
Bruno SERROU
MICHEL, Andrée [VALLAURIS 1920]
Sociologue française.
À une époque où prévalait la sociologie du travail, Andrée Michel est connue pour avoir promu la sociologie de la famille en France. Particulièrement intéressée par la condition des femmes, elle introduit au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) les notions de sexisme et de discrimination et travaille en interaction avec les mouvements sociaux ; elle produit de grandes synthèses qui font connaître les travaux effectués dans d’autres pays. Diplômée en droit et en philosophie, elle enseigne en lycée pendant la Seconde Guerre mondiale (1941-1943), puis s’engage comme assistante sociale dans l’armée française de 1944 à 1945. En 1951, entrée comme stagiaire au CNRS, elle mène une carrière de chercheuse en sociologie, ponctuée de séjours universitaires ou de missions à l’étranger. Elle devient directrice de recherche en 1978. Elle aime à se définir comme féministe, anticolonialiste, antimilitariste. Sa première révolte remonte aux années 1950, lorsqu’elle publie Les Travailleurs algériens en France (1956), ouvrage dans lequel elle dénonce leur sort et souligne leur volonté d’indépendance. Elle suscite alors la haine du patronat et de Jacques Soustelle, responsable politique de la France en Algérie ; elle est néanmoins soutenue par ses collègues sociologues et amis de gauche. Lorsqu’elle s’attaquera, quelques années plus tard, à la question des femmes, elle ne bénéficiera pas du même appui. Elle obtient en 1959 son doctorat d’État de sociologie à la Sorbonne sur la famille, l’industrialisation et le logement. Sa première publication sur le sujet, La Condition de la Française aujourd’hui (1964), coécrite avec Geneviève Texier, décrit la situation des femmes dans tous les domaines (sexualité, économie, famille, travail, politique). En 1964, les Françaises avaient moins de droits que les fous selon le code Napoléon. La sociologue prend naturellement parti pour le Planning familial et, dans les années 1970, participe à l’effervescence féministe. De la rue au CNRS, elle jette une passerelle, formant une des premières équipes de recherche féministe en sociologie, baptisée Groupe d’étude et de recherche sur le développement humain, la famille et les rôles des sexes (l’idée d’« études féministes » n’était pas encore introduite dans la communauté académique française, contrairement à d’autres pays). Elle est également membre du comité éditorial de plusieurs revues internationales (International Journal of Sociology of the Family ; Journal of Comparative Family Study ; Current Sociology ; Nouvelle revue féministe). La militarisation de la société et l’absence de prise de conscience que la lutte pour la paix est nécessaire font partie de son autre thème de recherche. Son originalité est de lier la question des femmes à celles de la paix et du développement. De son point de vue, les sociologues féministes françaises se doivent d’étudier le système militaro-industriel, car il est « l’apex du système patriarcal et il est fondé sur l’homme prométhéen, le pouvoir, l’argent, système dans lequel les femmes ne sont rien, n’ayant qu’une fonction instrumentale ! » En 2007, A. Michel, âgée de 87 ans, publie Le Féminisme, fresque sur la condition féminine à travers les âges et sur les formes de résistance des femmes.
Maryse TRIPIER
■ Travail féminin, un point de vue, Paris, La Documentation française, 1975 ; Surarmement, pouvoirs, démocratie, Paris, L’Harmattan, 1995 ; Le Féminisme, Paris, Presses universitaires de France, 2007.
MICHEL, Louise [VRONCOURT-LA-CÔTE 1830 - MARSEILLE 1905]
Révolutionnaire et écrivaine française.
Née dans le château délabré d’un petit village, Louise est bâtarde, fille d’une domestique et de « père inconnu ». Le vieux châtelain, qu’elle appelle « grand-père » (c’était peut-être son père), lui fait lire les philosophes des Lumières et laisse libre cours à son insatiable curiosité. Elle galope comme « un cheval échappé » et prend des rages contre les tortures infligées aux bêtes dans les campagnes. Elle fera de cette terrible émotion le cœur de son engagement : ne jamais se plier à la raison du plus fort. Elle refuse les prétendants au mariage que lui propose sa famille. « Comme toutes les femmes, je plaçais mon rêve très haut », écrit-elle. Elle se confie à Victor Hugo, en des lettres fleuves où elle lui « envoie toute son âme » ; l’immense poète restera son ami toute sa vie. L. Michel devient institutrice. Féministe convaincue, elle veut que les filles aient une aussi bonne éducation que les garçons, elle veut tout leur enseigner. Elle ouvre une école à Montmartre. Là s’agite tout un monde de révoltés. Et elle se jette dans cette mouvance de lutte contre les injustices sociales. Au matin du 18 mars 1871, quand le peuple de Paris se soulève, elle est au premier rang. Lorsque les Versaillais attaquent, elle s’empare d’une carabine Remington et fait le coup de feu, souvent vêtue d’un uniforme de garde national, grimpant à l’assaut des barricades, au mépris du danger. Après l’écrasement de la Commune, à son procès, elle défie ses juges, impressionnés par le regard de feu de cette indomptable. Victor Hugo lui dédie Viro Major (« plus grande qu’un homme »). Condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie, elle étudie les langues et les mythes des Canaques, leur reconnaissant ainsi une véritable civilisation alors que presque tous les Occidentaux, à l’époque, considèrent qu’ils sont à peine des êtres humains. Revenue en France et plus que jamais ambassadrice de l’anarchie, elle est jetée en prison à Saint-Lazare parmi les prostituées ; elle les défend aussi. Lors d’un autre emprisonnement, à Vienne, elle casse tout dans sa cellule et est déclarée malade mentale par un expert. Elle s’exile alors à Londres. Elle fait des tournées de conférences en France, en Belgique, en Angleterre, en Hollande, en Algérie. Partout, elle soulève de vibrantes acclamations mais aussi des injures et des invectives. Celle qu’on appelle « la Vierge rouge », « la Sainte laïque » ou « la louve avide de sang » meurt d’épuisement, et son enterrement est suivi par une foule émue de plus de 100 000 personnes.
Louise Michel a beaucoup écrit : poèmes, romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre, opéras, opérettes, contes pour les enfants, mémoires, encyclopédie. Certains de ses romans ont eu un grand succès populaire, comme La Misère, tout à la fois satire de la société qui broie les pauvres et déluge d’imaginaire. Son œuvre, poétique, utopiste, réaliste ou de vulgarisation scientifique, reflète sa personnalité exceptionnelle ; elle est aussi foisonnante, syncopée, mouvementée et riche que sa vie.
Xavière GAUTHIER
■ Histoire de ma vie, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000 ; « L’homme futur aura des sens nouveaux ! », Paris, La Martinière/X. Barral, 2004 ; Je vous écris de ma nuit, Correspondance générale, Gauthier X. (dir.), Paris, Éditions de Paris/M. Chaleil, 2005.
■ GAUTHIER X., La Vierge rouge, Biographie de Louise Michel, Paris, Éditions de Paris/M. Chaleil, 2005 ; GOUGAUD H., Le Roman de Louise, Paris, Albin Michel, 2014.
MICHEL-CHICH, Danielle [ALGER 1951]
Essayiste et journaliste française.
Issue d’une famille juive algérienne, Danielle Michel-Chich a passé son enfance en Algérie pendant la guerre. En septembre 1956, elle est blessée dans un attentat à la bombe dans le centre d’Alger où elle se trouvait en compagnie de sa grand-mère. Celle-ci décède tandis que la petite fille perd une jambe. Arrivée en France en 1962, elle poursuit des études de lettres et de traduction, puis exerce quelques années en tant qu’enseignante et traductrice avant de se tourner vers l’écriture et le journalisme où elle se spécialise dans les questions de société. Dans les années 1970, elle milite pour les droits des femmes, notamment au sein du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), et s’engage également auprès des anticolonialistes dont elle estime la cause juste malgré sa propre histoire. Ayant mis un point d’honneur à mener la vie qu’elle désirait, elle se définit comme une survivante et non comme une victime. Près de cinquante-six années après les événements, D. Michel-Chich entreprend d’écrire une lettre à la poseuse de bombe, Zohra Drif, ancienne militante du FLN devenue femme politique et sénatrice. Dénuée de colère et de volonté de vengeance, elle y raconte sobrement sa vie, celle de sa famille et ses combats face au drame et au handicap, et pose avec acuité la question du terrorisme.
Chayma SOLTANI
■ Viens chez moi, j’habite chez mes enfants, Paris, Bayard, 1996 ; Thérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 2007 ; Lettre à Zohra D., Paris, Flammarion, 2012.
MICHELOUD, Pierrette [VEX 1915 - CULLY 2007]
Poétesse suisse d’expression française.
En 1952, Pierrette Micheloud s’établit à Paris où elle se consacre à la poésie. Parallèlement, critique littéraire aux Nouvelles littéraires, puis rédactrice en chef de La Voix des poètes, elle fonde avec Édith Mora en 1964 le prix de poésie Louise-Labé et reçoit le prix Schiller pour Valais de cœur (1964). En 1980, elle dirige la chronique Vivante poésie dans le magazine suisse Construire, et reçoit de nouveau le prix Schiller pour Douce-amère (1979). Elle développe la notion de « gynandre » dans Les mots, la pierre (1983), prix Guillaume-Apollinaire en 1984. Le recueil poétique, Elle, vêtue de rien (1990) est un livre d’amour aux teintes homoérotiques ; il est suivi par Poésie, prix de poésie Charles-Vildrac de la Société des gens de lettres de France en 2000. Récits autobiographiques, L’Ombre ardente et Nostalgie de l’innocence paraissent en 1995 et en 2006.
Jelena RISTIC
■ DAHLEM H.-C., NICOLLIER A., Dictionnaire des écrivains suisses d’expression française, vol. 2, Genève, GVA, 1994 ; FRANCILLON R. (dir.), Histoire de la littérature en Suisse romande, vol. 4, Lausanne, Payot, 1999 ; VALLOTTON J.-P. (dir.), Présence de Pierrette Micheloud, Sierre, Monographic, 2002.
MICHEL-WOLFROMM, Hélène [PARIS 1914 - ID. 1969]
Gynécologue française.
Hélène Michel-Wolfromm est la première gynécologue à s’intéresser à la médecine psychosomatique chez la femme souffrant de douleurs pelviennes et de frigidité. Fille de médecins, elle fait des études classiques et pense s’orienter vers l’histoire, mais c’est finalement la médecine qu’elle choisit. Externe en 1935, puis interne des Hôpitaux de Paris en 1938, elle s’intéresse plus particulièrement à la gynécologie à la fin de son internat. En 1943, elle rejoint son futur mari, François Michel, en gagnant la France libre à Alger. Rentrée à Paris en 1946, elle devient chef de clinique du Pr Pierre Mocquot. Guidée par Jacques Lacan, elle s’intéresse à la dimension psychologique des patientes souffrant de troubles gynécologiques. Elle publie en 1956, dans La Semaine des Hôpitaux, une étude sur les douleurs pelviennes d’origine psychogène. Elle porte ce regard psychologique sur les prurits vulvaires, les cystites sans infection bactérienne, le vaginisme et la frigidité. Pour conforter sa rigueur scientifique, elle associe à ses consultations des psychiatres qualifiés et rejoint un groupe de réflexion formé de gynécologues intéressés par la psychosomatique. En 1963, elle publie, en association avec un endocrinologue, deux psychiatres et deux psychanalystes, Gynécologie psychosomatique. Elle est, après ce livre, invitée à des conférences dans de nombreux pays. En 1965, à la mort de son mari, elle entreprend une psychanalyse. Les consultations de gynécologie psychosomatique qu’elle organisait à l’Hôtel-Dieu et à l’hôpital Broca où les femmes s’exprimaient en confiance malgré la présence du psychiatre, des assistants et des élèves, ont connu un grand succès. Elle forma de nombreuses gynécologues à ses méthodes. Un an après sa mort fut publié Cette chose-là.
Yvette SULTAN
■ Gynécologie psychosomatique (dir.), Paris, Masson, 1963 ; Cette chose-là, les conflits sexuels de la femme française, Paris, Grasset, 1970.
MICHEYL, Mick (Paulette MICHEY, dite) [LYON 1922]
Chanteuse française.
Dans ses jeunes années, Paulette Michey dessine, peint, sculpte et écrit des chansons. Elle tente sa chance à Paris, participe à des concours et remporte un premier prix à l’ABC. Elle apprend son métier dans les cabarets et sur les scènes de music-hall, dans toute la France. En 1952, son pianiste lui propose une mélodie sur laquelle elle écrit Un gamin de Paris, qu’elle propose à Yves Montand. La chanson, reprise en 15 langues, est un succès mondial. Le texte figure même dans les manuels scolaires en URSS. Jean Cocteau dit alors à son propos : « Elle est le Charles Trenet de l’après-guerre, et pas seulement parce qu’elle a les yeux aussi bleus que le fou chantant. » En 1955, elle donne une série de récitals au Waldorf Astoria de New York. Elle est alors un symbole de la chanson française au Liban, en Israël, en Thaïlande et au Japon. En 1963, elle succède à Line Renaud* au Casino de Paris et mène pendant trois ans une revue qui affiche complet. En janvier 1969, elle devient productrice de télévision et crée des émissions destinées à mettre en valeur les jeunes talents. Elle est ainsi la première à ouvrir l’antenne à Dave, Véronique Sanson*, Daniel Guichard, et quelques autres. Elle invente aussi des formules devenues des classiques du petit écran : « Entente cordiale », « Samedi pour vous », « Samedi et compagnie ». En 1974, elle revient à ses premières amours et se reconvertit dans la peinture sur acier, réalisant des centaines d’œuvres jusqu’en 2000, date d’une retraite discrète et définitive.
Jacques PESSIS
MICHNIK, Ewa (née Barbara Ewa MICHNIK-SZYNALSKA) [BOCHNIA 1943]
Chef d’orchestre polonaise.
Directrice générale et artistique de l’opéra de Wrocław depuis 1995, Ewa Michnik offre à ce théâtre une résonance internationale grâce à une politique particulièrement active d’édition de disques et de DVD des spectacles, ainsi qu’à la mise en place de programmes bilingues (polonais et anglais) qui permettent à ce théâtre à l’italienne une ouverture sur le monde. Sa direction d’orchestre précise, rigoureuse et sûre donne toute la mesure des œuvres qu’elle choisit et l’orchestre lui répond sans faillir. Elle fait ses études musicales à l’École nationale supérieure de musique de Cracovie, où elle obtient ses diplômes de théorie et de direction d’orchestre en 1972. De 1972 à 1978, elle dirige la Philharmonie de Zielona Góra. Trois ans plus tard, elle est nommée directrice générale et artistique de l’Opéra de Cracovie, fonction qu’elle occupe jusqu’en 1995, année où elle reprend les mêmes activités à l’Opéra de Wrocław. De 1997 à 2001, elle est directrice artistique des Festivals internationaux d’oratorio et Wratislavia Cantans. En 2000, E. Michnik est nommée professeure à l’Institut des chefs de chœur et à l’Académie de musique de Cracovie. Entre 2001 et 2007, elle dirige plus de 200 représentations d’opéras hors de son pays.
Bruno SERROU
MIĆIĆ DIMOVSKA, Milica [NOVI SAD 1947]
Nouvelliste et romancière serbe.
Diplômée en littérature générale et en théorie littéraire de la faculté de philologie de Belgrade, Milica Mićić Dimovska a reçu de nombreux prix, notamment pour ses recueils de nouvelles Poznanici (« des connaissances », 1980), Odmrzavanje (« dégel », 1991) et pour son roman le plus récompensé, Poslednji zanosi MSS (« les dernières extases de MSS », 1996). Ses œuvres apparaissent dans diverses anthologies, et certaines d’entre elles ont été traduites en anglais, en hongrois, en polonais, en slovaque, en italien et en suédois. En tant que spécialiste de théorie littéraire, l’écrivaine a également publié des manuels scolaires. En outre, elle a été l’un des rédacteurs en chef de la revue Letopis Matice srpske (« les annales de Matica srpska ») et l’un des présidents de la Société littéraire de Voïvodine. La femme et le destin des femmes occupent une place centrale dans son œuvre. Ses nouvelles sont souvent articulées autour de l’idée de l’assujettissement de la femme par la société et la tradition, mais puisent également leur force dans le refus du dualisme. L’auteure n’hésite pas à poser le problème de la victimisation volontaire et de la complaisance, qui s’expriment parfois dans un sentiment de marginalité. Son esprit peu consensuel se confirme dans ses romans. Mrena (« cataracte », 2002) a fait l’objet de débats animés et d’appréciations contrastées. La célèbre maison d’édition de l’époque du régime de Slobodan Milošević, Matica srpska, rebaptisée dans l’œuvre « Forum srpski », s’y voit raillée comme noyau de conservatisme ayant perdu toute raison d’être dans un des moments les plus troubles de l’histoire moderne serbe. Le roman Poslednji zanosi MSS, quant à lui, parle de la vie de Milica Stojadinović Srpkinja*, poétesse serbe de l’époque romantique de la deuxième moitié du XXe siècle. M. Mićić Dimovska choisit de se concentrer sur la fin de la vie de la poétesse, au moment où elle devient consciente de l’oubli dans lequel menace de sombrer son travail, en raison de l’évolution des goûts et des défaillances de son œuvre.
Robert RAKOCEVIC
■ GORDIĆ PETKOVIĆ V., « Motivi i modeli ženskosti : srpska ženska proza devedesetih », in Sarajevske Sveske, no 2, 2003.
MIDDLETON, Yevonde VOIR YEVONDE, Madame
MIEKO MIYAZAKI [TOKYO XXe siècle]
Musicienne japonaise.
Issue d’une famille de mélomanes, Mieko Miyazaki est inscrite dès la maternelle dans une école de musique fondée par le compositeur Ryuichi Sakamoto, où elle s’initie à la composition et au piano. Elle découvre dès ses 9 ans le koto, un instrument à cordes pincées d’origine chinoise proche de la cithare, utilisé dans les musiques traditionnelles japonaises. Elle rejoint ensuite l’Université nationale des beaux-arts et de musique de Tokyo, où son cursus est couronné en 1992 par une prestation de soliste au palais impérial en présence de l’impératrice du Japon. Elle remporte l’année suivante les plus hautes distinctions aux auditions de la radio nationale NHK FM, et commence à se produire en Asie, puis en Europe et aux États-Unis. Reconnue comme une concertiste de premier plan, elle est choisie par la Japanese Foundation et le ministère des Affaires étrangères pour représenter le pays lors de manifestations internationales. Elle crée le Jiuta Trio, un ensemble de musique traditionnelle, et son répertoire s’enrichit de compositions et créations originales. Mieko Miyazaki s’installe à Paris en 2005. L’année suivante, avec The Current, un album pour koto et flûte shakuhachi, en duo avec Dozan Fujiwara, l’artiste ouvre de nouvelles perspectives à son instrument classique. Elle enchaîne ensuite les collaborations réussies dans des styles variés : avec les instruments traditionnels européens du Trio Miyazaki, aux côtés de Bruno Maurice (accordéon) et Manuel Solans (violon), elle enregistre la Suite Miyazaki d’Isabelle Van Brabant et l’album Saï-Ko (2008) ; avec le jazz électrique sur les albums Fragile Beauty (2007) et Saiyuki (2009) du guitariste N’Guyen Lê, aux côtés de la chanteuse Huong Thanh et du joueur de tablas Prabhu Edouard ; avec le virtuose chinois Guo Gan, pour une rencontre entre le koto et le erhu, une vielle traditionnelle à deux cordes, dans Asian Colors et sur l’album Nen nensui sui (2012) ; ou encore avec la contrebasse de Michel Bénita (Ethics, 2010) et les voix du groupe polyphonique corse Voce Ventu (Tessitessi, 2010). Mieko Miyazaki consacre également des albums à la musique de Chopin et de Bach, et se dirige vers la musique contemporaine et l’improvisation.
Jean BERRY
■ Avec HUONG THANH, NGUYEN LÊ, Fragile Beauty, Act Music, 2007 ; avec le Trio Miyazaki, Saï-Ko, Daqui, 2008 ; avec VOCE VENTU, MIYAZAKI M., Tessitessi, Daqui, 2010 ; avec MIYAZAKI M., GUO GAN, Nen nensui sui, Daqui, 2012.
MIÉVILLE, Anne-Marie [LAUSANNE 1945]
Réalisatrice, scénariste et écrivaine suisse.
Anne-Marie Miéville est photographe lorsqu’elle rencontre Jean-Luc Godard en 1972 à Paris. Il devient son compagnon et, jusqu’en 1994, elle collabore avec lui en tant que photographe, coscénariste, monteuse, coréalisatrice, coproductrice et directrice artistique pour certains de ses films. Leur première collaboration date de 1974 pour le film Ici et ailleurs, réalisé à partir des images filmées par J.-L. Godard et Jean-Pierre Gorin pour Jusqu’à la victoire, projet de 1970 sur le camp palestinien d’Amman en Jordanie. Pendant vingt ans, elle s’associe avec le réalisateur pour l’écriture d’une dizaine de scénarios. Elle participe avec lui à l’installation de l’atelier Sonimage à Paris puis, en 1973, à Grenoble. En 1976, elle retourne en Suisse, où elle est suivie par J.-L. Godard qui installe à Rolle, en 1979, un nouveau studio spécialisé dans le montage de cinéma. En 1983, elle réalise seule son premier court-métrage, How Can I love, une succession de cinq séquences ayant toutes la forme d’un dernier rendez-vous entre un homme et une femme. Un an plus tard, elle signe Le Livre de Marie, portrait d’une enfant au moment de la séparation de ses parents, qui se présente en première partie du film de J.-L. Godard Je vous salue Marie. Depuis, elle a réalisé plusieurs longs-métrages : Mon cher sujet (1988), portrait de trois femmes de générations différentes ; Lou n’a pas dit non (1994), une histoire d’amour inspirée de la correspondance entre Rainer Maria Rilke et Lou Andréas-Salomé*. C’est surtout avec Après la réconciliation (2000), méditation sur les relations amoureuses nourrie de références littéraires et philosophiques, son quatrième long-métrage, qu’elle se dégage de l’ombre de Godard pour la critique comme pour le public. Elle apparaît comme une réalisatrice exigeante et d’une grande singularité. En 1994, elle publie Histoire du garçon, sur le parcours de son frère Alain, mort dans un accident un an plus tôt. En 2002 sort son deuxième texte littéraire, Images en parole.
Marianne FERNANDEZ
LA « MIGRANCE » VERS L’OUEST – LITTÉRATURE [États-Unis XIXe siècle]
Entre 1840 et 1870, quelque 350 000 pionniers s’élancent sur les pistes de l’Ouest, en direction des terres promises de l’Oregon et de la Californie, convaincus qu’une vie meilleure les y attend. Chaque année, à la mi-avril, les villes du Missouri voient affluer des milliers de migrants, puis s’égrener de longs convois de chariots qui parcourent 4 000 km pour atteindre la côte Pacifique de quatre à six mois plus tard. Par son ampleur, cette migration est considérée comme l’une des plus importantes des temps modernes. Par l’épreuve qu’elle représente, elle fait figure d’épopée nationale dans la culture populaire américaine.
Hormis les quelques années de la ruée vers l’or, durant lesquelles une majorité d’hommes voyagent seuls, cette migration vers l’Ouest est une migration de familles d’origine généralement modeste, puis dans les années 1850, lorsque les conditions du voyage s’améliorent, de familles plus aisées. Conscients de vivre une expérience unique et de contribuer à construire une nation aux dimensions continentales, désireux d’en préserver la mémoire, mais également soucieux de fournir des conseils pratiques à ceux qui les suivraient peut-être plus tard, nombre de pionniers consignent le détail de leur aventure dans des écrits semi-personnels, souvent destinés à circuler dans des cercles restreints. Ainsi, de multiples carnets de route, journaux « intimes », lettres et souvenirs de voyage font de cette migration et, à un degré moindre, de l’installation dans l’Ouest, l’un des épisodes les plus documentés de l’histoire des États-Unis. Des quelque 800 témoignages répertoriés à ce jour, environ 200 sont écrits par des femmes, que la migration vers l’Ouest amène non seulement aux frontières géographiques de la nation, mais aussi aux frontières identitaires du masculin et du féminin, ainsi qu’aux frontières artistiques de la création littéraire.
Rares toutefois sont les écrits publiés qui acquièrent une notoriété, même limitée, comme ce fut le cas pour Down the Santa Fe Trail (« sur le chemin de Santa Fe ») de Susan Magoffin (1827-1855), publié en 1926, et pour A Frontier Lady de Sarah Royce (1819-1891), publié en 1932. L’écriture laborieuse de nombre de ces textes n’explique qu’en partie le fait qu’ils aient sombré dans l’oubli. En postulant, dans son essai de 1893, The Significance of the Frontier in American History, l’un des plus influents de toute l’historiographie des États-Unis, que la Frontière avait joué un rôle primordial dans le développement de l’histoire et des valeurs américaines, Frederick Jackson Turner présente la conquête du continent comme le fruit d’une entreprise résolument masculine. Il faut attendre les années 1980 pour que le développement de l’histoire des femmes et d’une nouvelle histoire de l’Ouest permette de restituer tout un pan du passé jusque-là occulté.
Une fois les textes des pionnières exhumés, la thèse d’un Ouest essentiellement masculin est alors aisément réfutée. On s’interroge sur l’éventuelle spécificité de l’expérience de la migration vers l’Ouest pour les femmes ; on teste les hypothèses de F. J. Turner : la Frontière s’était-elle révélée pour elles, comme pour les hommes, lieu d’émancipation ? Le « culte de la domesticité » qui se déploie dans les classes moyennes urbaines de l’Est, au milieu du XIXe siècle, et offre le modèle idéal d’un monde partagé entre les sphères publique et privée, jugé contraignant par une minorité, naturel et valorisant par la plupart, a-t-il volé en éclats dans le nouvel environnement ? Le fait que le droit de vote soit obtenu par les femmes dans les nouveaux États de l’Ouest bien avant que l’amendement fédéral de 1920 ne l’accorde à toutes semble accréditer la thèse d’un Ouest de tous les possibles.
L’analyse des témoignages de la migration suscite en fait des réponses parfois contradictoires. Si tous les historiens reconnaissent que le choix de partir est celui des maris et des pères, certains, comme S. L. Myres, soulignent le soutien offert par les femmes de la famille, qui partagent souvent avec leur mari le souci d’améliorer leur vie. D’autres en revanche, tels J. M. Faragher, J. R. Jeffrey et L. Schlissel, insistent sur la réticence que la plupart d’entre elles éprouvent et mettent en avant les nombreux passages exprimant la douleur du départ à un moment souvent inopportun : grossesse, enfants en bas âge. Tous cependant conviennent que jeunes filles et jeunes mariées qui n’ont pas encore de lourdes responsabilités familiales se lancent dans l’aventure avec plus d’enthousiasme. Le quotidien de la piste tel que les journaux le décrivent suscite également des interprétations opposées. S. L. Myres et J. M. Faragher soulignent les nombreuses ressemblances entre les textes des pionniers et des pionnières, qui se focalisent sur les aspects pratiques de la traversée, la santé et la sécurité, la beauté des paysages, malgré des différences prévisibles liées au partage des tâches et aux conséquences d’une socialisation différenciée, les hommes insistant sur le danger que représentaient les Indiens et les femmes notant les nombreux échanges pacifiques avec ces derniers. Mais J. R. Jeffrey, J. M. Faragher et L. Schlissel voient dans les journaux des pionnières la révélation d’une expérience de la migration bien différente de celle de leurs compagnons de voyage. Synonyme de dépassement de soi, de poursuite du profit, de rite de passage pour les hommes, la migration signifiait surtout pour les femmes, chargées de préserver la famille et la vie, dislocation, dépossession et danger. Le comptage obsessionnel des tombes aperçues en chemin que font les femmes, par contraste avec les estimations globales du nombre de décès par les hommes, serait le signe de l’hostilité de celles-ci à l’égard d’une entreprise ressentie comme profondément aliénante. L’aventure héroïque de l’imaginaire populaire aurait été vécue par nombre de pionnières comme une folie suicidaire.
La question de savoir si la Frontière se révèle ensuite émancipatrice et offre aux pionnières la possibilité d’assumer de nouveaux rôles et de se forger de nouvelles identités n’est pas tranchée. Elle est en fait progressivement remplacée par d’autres, plus complexes, concernant les mécanismes d’adaptation et prenant en compte la diversité des environnements, des groupes concernés ou des stades de développement des communautés. Ainsi, il semblerait que, arrivées à destination, nombre de pionnières, attachées à des conceptions traditionnelles de la place et du rôle des femmes dans la société, s’efforcent non pas de préserver, mais bien de « re-créer » les institutions jugées indispensables à la civilisation (écoles, églises, réseaux de sociabilité…), fortes de la légitimité que leur donne le culte de la domesticité. Ce faisant, les pionnières et leurs filles repoussent néanmoins peu à peu les limites traditionnelles des sphères et des identités masculines et féminines. La migration aura été « migrance ».
Brigitte MARREC
■ HOLMES K. L. (dir.), Covered Wagon Women : Diaries & Letters from the Western Trails, 1840-1890, 11 t., Glendale, A. H. Clark, 1983-1993 ; JEFFREY J. R., Frontier Women : The Trans-Mississippi West, 1840-1880, New York, Hill & Wang, 1979 ; MYRES S. L., Westering Women and the Frontier Experience 1800-1915, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1982 ; SCHLISSEL L. (dir.), Women’s Diaries of the Westward Journey, New York, Schocken Books, 1982.
MIGUEL, Cécile (née Lise PIÉRARD) [GILLY, HAINAUT 1921 - LIGNY 2001]
Écrivaine belge d’expression française et peintre.
Couronnée du prix de la Jeune Peinture française en 1950, Cécile Miguel fait sa première exposition à Lucerne en compagnie de Miró et de Picasso ; le musée des Beaux-Arts de Mons organise en 1985 une rétrospective de plus de 200 tableaux et dessins. À partir de 1978, elle signe avec André Miguel plusieurs livres de poèmes et des pièces de théâtre. Un premier journal de rêves paraît, Du côté de l’ombre méditante (1989). D’autres suivront : Faciès-escargot franchissant les monts du sommeil (1990), L’Univers s’engouffre (1992) ainsi que des poèmes « graphiés ». Ses textes en prose font probablement d’elle la dernière représentante en Belgique d’un surréalisme où se mêlent des « propositions inattendues, éblouissantes ».
Yves NAMUR
■ Le Livre des déambulations, Amay, L’Arbre à paroles, 1993 ; Dans la maison de Hölderlin, Amay, L’Arbre à paroles, 1995 ; Papyrus jardin de mots, Amay, L’Arbre à paroles, 1997.
■ BÉCHET A., Cécile Miguel, La Louvière, Savoir et beauté, 1967.
MIHAILOVA BOŠNAKOSKA, Gordana [BITOLA 1940]
Poétesse macédonienne.
Établie à Skopje, Gordana Mihailova Bošnakoska a travaillé comme journaliste à la télévision nationale macédonienne. Sa poésie est remarquée dès ses débuts en 1965 par son originalité, qu’elle a su préserver. Aujourd’hui encore, elle reste fidèle à son style et à son message premier : les petites choses de la vie, les événements anodins à première vue sont essentiels pour comprendre notre univers et établir l’harmonie avec ce qui nous entoure. « Ses images naissent quelque part entre le jour et la nuit, entre le rêve et la réalité », écrit le poète Vlada Urošević dans sa préface de son recueil Beskonecnoto (« l’infini », 2008). « Et tout cela, en un seul instant/fond telle une bulle de soleil dans l’œil. » G. Mihailova Bošnakoska est fascinée par le caractère changeant et éphémère des choses. Elle s’efforce de fixer l’instant avant qu’il ne disparaisse comme l’odeur du vent. Ses ouvrages ont été traduits en serbe, en bulgare, en albanais et dans d’autres langues pour des anthologies. Certains, comme la nouvelle Tango (« le tango »), ont été adaptés pour la télévision. Elle est également critique littéraire et critique d’art. En 1998, elle a reçu pour son recueil Planini od kartonsi kutii (« les montagnes en carton », 1997) le prix du meilleur livre de poèmes de l’année, lors des Soirées poétiques de Struga qui se déroulent chaque année dans cette petite ville au bord du lac d’Ohrid, en Macédoine, et qui ont accueilli des noms prestigieux comme Guillevic, Sédar Senghor, Neruda, Lundkvist, Enzensberger, Ginsberg…
Maria BÉJANOVSKA
■ Dokazi, Skopje, Matica Makedonska, 2010.
MIHAJLOVIĆ, L. VOIR JANKOVIĆ, Milica
MIHAJLOVSKA-GEORGIEVA, Jagoda [SKOPJE 1953]
Écrivaine et journaliste macédonienne.
Après des études de littérature yougoslave à Skopje, Jagoda Mihajlovska-Georgieva devient une journaliste renommée dans son pays, membre de l’Association internationale des critiques de cinéma (Fipresci). Elle est aujourd’hui rédactrice en chef du service cinéma de la chaîne de télévision Telma à Skopje, où elle privilégie les films d’auteurs. Elle y a réalisé deux séries de reportages sur l’Inde, le Népal et l’Himalaya. Bien qu’elle n’ait publié que six ouvrages, elle écrit depuis son enfance. À 8 ans, elle a obtenu le prix du meilleur poème de la revue Razvigor. Puis, dix ans plus tard, le prix du meilleur récit yougoslave, décerné par la revue Bazar. C’est une amoureuse de la nature, une montagnarde et excellente skieuse. Elle est l’une des rares Macédoniennes à avoir escaladé l’Himalaya jusqu’à 5 000 mètres et s’est inspirée de cette aventure pour écrire Kamenot na tvojot den (« la pierre de ton jour », 2004). Quatre amis s’y préparent pour une randonnée dans l’Himalaya. Parmi eux, une seule femme, qui n’a aucune expérience de la montagne. Tout ce qu’elle possède, c’est le désir passionné de réaliser le rêve de sa vie : gravir le sommet de l’Himalaya. Dans le roman Indigo Bombaj (« indigo Bombay », 2008), à travers une histoire tendre où l’héroïne, Ana, découvre son identité au sein d’un espace spirituel en apparence lointain, celui de l’Inde, J. Mihajlovska-Georgieva aborde les grandes questions métaphysiques. Ce roman, qui raconte aussi la réalité indienne, où même les enfants vendent leurs organes, se transforme d’une façon étonnante en conte, puis plonge de nouveau dans un quotidien terrifiant, fortement ressenti par Ana, étrangère dans ce pays.
Maria BÉJANOVSKA
■ Drsko crven karmin, Skopje, TRI, 2012.
■ ЌORVEZIROVSKA O., Indigo Bombaj, Skopje, Dnevnik, 2009 ; RADE S., Makedonski pisateli, Skopje, Matica Makedonska, 2008.
MIHELIČ, Mira (née KRAMER) [SPLIT 1912 - LJUBLJANA 1985]
Écrivaine slovène.
Issue de la grande bourgeoisie de Ljubljana, Mira Mihelič commence à écrire vers la fin des années 1930. Après quelques publications dans les journaux, elle se lance dans le genre romanesque avec Obraz v zrcalu (« le visage dans le miroir », 1941), fortement inspiré des romans européens sur l’adultère et des romans sentimentaux du XIXe siècle, et Tiha voda (« l’eau qui dort », 1942). Pendant la Seconde Guerre mondiale, son activité de résistante lui vaut d’être emprisonnée à deux reprises. Son œuvre la plus connue, la saga de la famille Raven, ensemble de six romans publiés entre 1959 et 1969 et formant la trilogie Plamen in dim (« la flamme et la fumée », 1973), s’inscrit dans la tradition des grandes sagas européennes de la première moitié du XXe siècle. Les romans de M. Mihelič sont de facture traditionnelle et s’apparentent au réalisme psychologique. Ils mettent généralement en scène une femme en conflit avec son environnement familial et social et les dialogues jouent un rôle dominant dans la progression dramatique. Elle est l’une des rares femmes ayant écrit des pièces de théâtre après 1945. S’appuyant sur son expérience personnelle durant la Seconde Guerre mondiale, trois pièces parues avant 1950 forment une trilogie sur la bourgeoisie de Ljubljana durant l’Occupation et s’inscrivent dans le réalisme social. Ses livres pour la jeunesse ont contribué à revitaliser les contes merveilleux et la prose fantastique. Dans Štirje letni časi (« les quatre saisons », 1956), elle crée le personnage de Puhek, petit garçon dont les aventures se caractérisent par une irruption fréquente d’éléments irrationnels dans le monde réel. D’inspiration fortement autobiographique, le cycle de huit histoires Pridi, moj mili Ariel (« viens mon tendre Ariel », 1965) raconte la vie de Marinka, petite fille à l’imagination débordante. Sa maîtrise des langues anglaise, française et allemande lui a permis de traduire plus de 80 œuvres de littérature, en majorité du XIXe siècle. Longtemps dénigrée par les historiens de la littérature slovène, l’œuvre de M. Mihelič a suscité ces derniers temps l’intérêt de plusieurs chercheurs, en raison de son originalité, de ses caractéristiques en tant qu’« écriture féminine », et de la place qu’elle occupe dans les lettres européennes.
Florence GACOIN-MARKS
■ GACOIN-MARKS F., Le Roman réaliste slovène de l’entre-deux-guerres dans le contexte européen, thèse de doctorat, Paris IV-Sorbonne, 2005.
■ Le Livre slovène, nos 3-4, 1960 ; Le Livre slovène, no 2, 1965 ; Le Livre slovène, nos 2-3, 1971 ; Le Livre slovène, nos 3-4, 1983.
MIHKELSON, Ene [TAMMEKÜLA 1944]
Écrivaine estonienne.
Après des études de langue et littérature estoniennes à l’université de Tartu (1963-1968), Ene Mihkelson a travaillé une dizaine d’années au département des manuscrits du Musée littéraire de Tartu, avant de se consacrer entièrement à son œuvre. Elle est l’auteure de nombreux recueils de poèmes, depuis Selle talve laused (« les phrases de cet hiver », 1978) jusqu’à Torn (« la tour », 2010), qui lui a valu le prix de littérature de l’Assemblée baltique. Fidèle à un vers libre mélodieux riche en métaphores, sa poésie est dominée par l’introspection, en particulier par l’exploration du rapport de l’individu au temps et à la mémoire. Cette thématique mémorielle, sous une forme historiquement plus concrète (la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences en Estonie), se retrouve aussi dans la plupart de ses romans. Les trois derniers (Nime Vaev, « le tourment du nom », 1994 ; Ahasveeruse uni, « le sommeil d’Ahasverus », 2001 ; Katkuhaud, « le tombeau de la peste », 2007) forment une sorte de trilogie dans laquelle les narrateurs reconstituent péniblement des événements douloureux survenus dans l’Estonie des années 1940 et 1950. Dans un style complexe et exigeant, E. Mihkelson décrit avec une acuité particulière le processus de remémoration, caractérisé par des tâtonnements, des incertitudes, des sauts brusques, des répétitions et des refoulements.
Antoine CHALVIN
MIJOLLA-MELLOR, Sophie DE [XXe siècle]
Psychanalyste française.
Agrégée de philosophie, docteure ès lettres, membre du Quatrième groupe, Sophie de Mijolla-Mellor est professeure de psychopathologie clinique à l’université Paris-VII-Denis-Diderot, directrice de l’école doctorale Recherches en psychanalyse et du centre de recherches Psychanalyse, médecine et société. Elle a été codirectrice de rédaction de la revue Topique avec Jean-Paul Valabrega et de Recherches en psychanalyse avec Paul-Laurent Assoun. Elle a participé à la rédaction du Dictionnaire international de la psychanalyse d’Alain de Mijolla (2002-2005) et a été présidente de l’Association internationale d’histoire de la psychanalyse (AIHP) de 2005 à 2008. Dans Penser la psychose, une lecture de l’œuvre de Piera Aulagnier (1998), elle reprend les analyses de cette dernière sur l’originaire et la notion de pictogramme, « image de chose et de mot ». Après sa thèse de doctorat d’État sur la sublimation sous la direction de Jean Laplanche, elle a écrit trois autres ouvrages sur ce thème : Le Plaisir de pensée (1992), où l’un des chapitres est une critique détaillée des positions freudiennes concernant la sublimation chez les femmes, Le Besoin de savoir, théories et mythes magico-sexuels dans l’enfance (2002) et Le Choix de la sublimation (2009). Ses autres livres sont des illustrations de l’idée « d’interactions de la psychanalyse », qu’elle préfère à celle de « psychanalyse appliquée » ; elle travaille à partir du concept de « violence primaire » de Piera Aulagnier* dans différents domaines – du roman policier avec Meurtre familier. Approche psychanalytique d’Agatha Christie (1995) à l’analyse des violences individuelles et sociales avec La Mort donnée. Essai de psychanalyse sur le meurtre et la guerre (2011). Elle a notamment développé des liens avec des psychanalystes du Maghreb et du Machrek. Par ailleurs l’ouvrage collectif qu’elle a dirigé sur Les Femmes dans l’histoire de la psychanalyse (1999) apporte de précieuses informations sur les femmes psychanalystes aux premiers temps de la psychanalyse.
COLLECTIF PSYCHANALYSE ET POLITIQUE
MIKAËL, Ludmila (née DMITRIENKO) [BOIS-COLOMBES 1947]
Actrice française.
Fille du peintre russe Pierre Dmitrienko, Ludmila Mikaël suit les cours de Louis Seigner au Conservatoire de Paris et y remporte plusieurs prix avant d’être engagée à la Comédie-Française. Elle y reste de 1967 à 1987. Chevelure et regard sombres, voix mélodieuse, sa beauté et sa sensibilité font d’elle une héroïne racinienne – Junie, Phèdre, Bérénice – et cornélienne – Chimène, Camille. Elle incarne la reine de Ruy Blas de Victor Hugo, et, avec le metteur en scène britannique Terry Hands, qui fut son mari, joue trois pièces de Shakespeare. Giorgio Strehler la dirige dans La Villégiature, de Carlo Goldoni. Antoine Vitez fait d’elle Ysé dans Partage de midi de Paul Claudel, en 1975. Après avoir quitté la Comédie-Française, elle joue entre autres : L’Officier de la garde, de Ferenc Molnar ; Gertrud, de Söderberg ; la pièce américaine Un trait de l’esprit, de Margaret Edson (mise en scène de Jeanne Moreau*) ; et L’Amante anglaise, de Marguerite Duras*. Depuis 1967, elle tourne beaucoup pour le cinéma : Le Sergent (The Sergeant, John Flynn, 1968) ; Noce blanche (Jean-Claude Brisseau, 1989) ; Vent d’est (Robert Enrico, 1993) ; Aux abois (Philippe Collin, 2005, d’après Tristan Bernard). Sa fille, Marina Hands, née en 1975, est également actrice – Partage de midi, sur scène en 2009 ; Lady Chatterley (Pascale Ferran*, 2006), Sport de fille (Patricia Mazuy*, 2011), au cinéma ; Pour Djamila (Caroline Huppert, 2011), à la télévision.
Bruno VILLIEN
MIKHAIL-ASHRAWI, Hanan VOIR ASHRAWI, Hanan
MIKHAÏLOVA, Olga [MOSCOU 1953]
Auteure dramatique et scénariste russe.
Très active dans son soutien aux jeunes écrivains lors des festivals de Lioubimovka, dont elle est coorganisatrice et membre du jury, Olga Igorevna Mikhaïlova appartient à une génération d’auteurs dont les textes ont dû attendre la perestroïka pour être publiés et montés. Elle écrit ses premières pièces en 1979, mais c’est seulement en 1987 que Den prazdnika (« jour de fête ») est mise en scène par Vladimir Mirzoev au théâtre du Lenkom de Moscou. Russki son (« le songe russe ») est réalisé en 1994 au théâtre Maïakovski de Moscou, et en 1995, à Chambéry, par Claudie Gombert. Piotr Krotenko, qui réalise la mise en scène de Nevetska (« la fiancée », 1990), apprécie son écriture métaphorique, associative, allusive, alors que l’action se déroule dans les miasmes du quotidien. Strelets (« le sagittaire », 1993) entremêle rêves et réalité chez un adolescent timide qui s’imagine en cynique bourreau des cœurs. Ses pièces sont tissées de thèmes allégoriques, bibliques et philosophiques (Kierkegaard dans Tchistoe serdtse, « un cœur pur », 1999), elle utilise le collage postmoderne sur la base de classiques posant des questions éternelles (Bez nikh ! , « Sans eux ! », d’après Les Trois Sœurs de Tchekhov, une pièce écrite pour quatre actrices du théâtre de Tcheliabinsk) et invente de nouveaux genres : conte sans entracte, drame en trois songes, ballet dans l’obscurité. Elle est aussi l’auteure de scénarios de films, notamment pour le réalisateur Igor Minaev.
Marie-Christine AUTANT-MATHIEU
MIKLÓS, Jutka [BERETTYÓÚJFALU, HAJDÚ-BIHAR 1884 - CRÉTEIL 1976]
Poétesse et photographe hongroise.
Son premier recueil, Versek (« poèmes »), est publié en 1904 à Nagyvárad (auj. Oradea, Roumanie). Jutka Miklós a été la seule femme cofondatrice, avec sept autres poètes, de la Holnap Irodalmi Társaság (« société littéraire du lendemain ») dont le but principal était de créer un nouveau centre littéraire en dehors de la capitale, à Nagyvárad. La Holnap avait un programme plus radical que celui de la revue moderniste Nyugat (« Occident »), lancée en même temps à Budapest, et a publié deux anthologies littéraires ayant fait scandale, sous le même titre A Holnap (« le lendemain »), en 1908 et 1909.
J. Miklós apprend le métier de photographe à New York, entre 1910 et 1913, et ouvre son propre atelier lors de son retour à Nagyvárad. À partir de 1919, elle vit à Berlin et à Paris, où elle a un atelier à Montmartre. À la fin des années 1920, elle s’installe à Rabat, au Maroc, puis revient en France après le décès de son mari. Un choix de ses poésies a paru en Hongrie en 1971 et ses photos ont été exposées en 2009 au National Museum of Women in the Arts de Washington lors de l’exposition Picturing Progress. Hungarian Women Photographers 1910-1946.
Judit KÁDÁR
■ RUFFY P., « Miklós Jutka három halála », in ID., Világaim, Budapest, Szépirodalmi, 1979.
MIKOULITCH, Vera VOIR VESELITSKAÏA, Lydia
MILA, Karlo [ROTURUA 1974]
Poétesse néo-zélandaise.
D’origine tonga, samoa et européenne, Karlo Mila est née et a grandi en Nouvelle-Zélande. Après avoir suivi à l’université d’Auckland un cursus en écriture romanesque, sous l’égide de deux auteurs masculins consacrés par la critique, Albert Wendt et Witi Ihimaera, elle a commencé très rapidement à publier son œuvre poétique. Son premier recueil de poèmes, Dream Fish Floating (« poisson de rêve flottant », 2005), reçut un prix national prestigieux et la propulsa sur la scène littéraire néo-zélandaise. Son deuxième recueil, A Well Written Body (« un corps bien écrit », 2008), est le fruit d’une collaboration avec l’artiste Delicia Sampero, dont le domaine d’expertise est le Pacifique. Sa poésie permet donc une (re)connaissance et une appréciation esthétique plus profonde des cultures des îles du Pacifique par les groupes non originaires de ces lieux. Par ailleurs, ses ouvrages poétiques comblent un certain vide dans leur univers littéraire, car ils abordent la problématique identitaire ainsi que les tensions générées par le conflit entre les traditions ancestrales et la modernité, telles qu’elles sont vécues par les peuplades de la diaspora des îles du Pacifique installées actuellement en Nouvelle-Zélande ou, de son appellation maori, Aotearoa, « pays du long nuage blanc ».
Selina TUSITALA-MARSH
■ Dream Fish Floating, Wellington, Huia, 2005 ; A Well Written Body, Wellington, Huia, 2008.
MILADINOVA, Alexieva TSAREVNA [STROUGA, MACÉDOINE 1856 - ID. 1934]
Pédagogue bulgare.
Après des études supérieures en Russie, Alexieva Tsarevna Miladinova revient en Bulgarie et se consacre à l’enseignement. Elle est la fondatrice du premier lycée de jeunes filles bulgare. Elle est également une ardente féministe et son action courageuse en faveur de l’émancipation sociale des femmes bulgares fut déterminante. Son influence s’exerce encore sur la jeune génération patriote de la Bulgarie actuelle, où elle est considérée comme l’une des grandes figures féminines du pays.
Fabienne PRÉVOT
MILAN VOIR MRAZOVIĆ-PREINDLSBERGER, Milena
MILANI, Milena [SAVONE 1917 - ID. 2013]
Écrivaine italienne.
Le nom de Milena Milani est lié au succès teinté de scandale de son roman Une jeune fille nommée Julien (1964), au centre d’une importante affaire judiciaire qui, en première instance, aboutit à la condamnation de l’écrivaine à six mois de réclusion pour offense au sens commun de la pudeur et pour immoralité. Lors de la seconde phase du procès, soutenue par le milieu artistique et intellectuel, opposé à toute forme de censure, l’écrivaine fut acquittée. Le thème de l’amour lesbien, l’un des tabous les plus enracinés dans l’Italie d’après-guerre, associé à une vision très libre de la sexualité et souvent accompagné d’une recherche d’originalité, caractérise également ses autres romans, de Histoire d’Anna Drei, qui marque ses débuts en 1947, à ses ouvrages suivants, parmi lesquels il convient de rappeler La rosa di via Tadino (« la rose de via Tadino », 1979). M. Milani est également l’auteure des recueils de poésie lyrique Ignoti furono i cieli (« inconnus furent les cieux », 1944), La ragazza di fronte (« la fille d’en face », 1953) et Mi sono innamorata a Mosca (« je suis tombée amoureuse à Moscou », 1980), qui réunit tous ses poèmes. Parmi ses autres écrits, se trouvent le livre-enquête Italia sexy (1967) et le texte autobiographique L’angelo vero e altri ricordi (« le vrai ange et autres souvenirs », 1984).
Francesco GNERRE
■ Histoire d’Anna Drei (Storia di Anna Drei, 1947), Paris, Delamain et Boutelleau, 1951 ; Une jeune fille nommée Julien (La ragazza di nome Giulio, 1964), Paris, Stock, 1965.
MILANOLLO, Teresa [SAVIGLIANO 1827 - PARIS 1904]
Violoniste et compositrice italienne.
Enfant prodige, Teresa Milanollo est confiée à Giovanni Ferrera puis, à Turin, à Gebbaro et Giovanni Morra, musiciens de la Chapelle du roi Charles-Albert. Elle fait ses débuts en 1836, à Mondovi près de Turin. Ses remarquables facilités déterminent la famille à se rendre à Paris, où elle suit l’enseignement de Charles Philippe Lafont, qui l’encourage à entreprendre des tournées en Belgique, en Hollande et en Angleterre (1836-1837). De retour en France en 1838, elle se produit dans le Nord, avec sa sœur Maria-Margherita (1832-1848), sa cadette, excellente violoniste aussi. En 1841, elle suit l’enseignement de François-Antoine Habeneck ; puis, à Bruxelles, celui de Charles de Bériot. Elle est donc héritière de l’école franco-belge de violon. Les deux sœurs – que l’on avait coutume alors de surnommer Mlle Adagio et Mlle Staccato –poursuivent une brillante carrière européenne jusqu’en 1848, année de la mort de Maria-Margherita, emportée par la tuberculose. Très éprouvée, Teresa ne recommence à donner des concerts qu’en 1849, avec un succès toujours constant. C’est lors d’un concert donné à Strasbourg en 1851 qu’elle joue pour la première fois une Fantaisie de sa composition. Elle a publié des œuvres de plusieurs genres : Grande fantaisie élégiaque pour violon et piano, opus 1 ; Ave Maria, chœur à quatre voix d’hommes, opus 2 ; Le baptême, extase, opus 3 ; une transcription pour violon et piano de l’Ave Maria de Schubert, opus 4 ; Variations humoristiques sur l’air de Malbrough, violon et piano ou quatuor, opus 5 ; Variations humoristiques sur le Rheinweinland d’André, opus 6 ; Lamento, morceau de salon pour violon, opus 7 ; Impromptu pour violon, opus 8. Sa carrière de violoniste prend fin avec le concert du 16 avril 1857, qu’elle donne la veille de son mariage avec Théodore Parmentier, futur général à la personnalité hors du commun : militaire, savant, poète, mais aussi excellent musicien, compositeur et critique musical. Elle continue à jouer pour le cercle de ses connaissances et donne des concerts pour des œuvres de bienfaisance. Elle compose, en collaboration avec son mari, les Litanies de la Sainte Vierge. La musicienne possédait plusieurs beaux violons dont un Stradivarius, le « Milanollo » (1728), ayant appartenu à Jean-Baptiste Viotti, à Paganini, puis après elle à Christian Ferras, acquis en 1991 par Pierre Amoyal.
Marie-Laure INGELAERE
■ COHEN A. I. (dir.), International Encyclopedia of Women Composers, New York/Londres, Bowker, 1981.
■ « Thérèsa Milanollo », in Journal d’Alsace, annales littéraires et artistiques, 5-11-1904.