VASCONCELOS, Joana [PARIS 1971]

Sculptrice et artiste multimédia portugaise.

Formée à l’école d’art Ar.co de Lisbonne entre 1989 et 1996, Joana Vasconcelos a reçu, entre autres, le prix EDP Novos artistas en 2000 et le prix The Winner Takes It All de la Fondation Berardo, en 2006 à Lisbonne. Présenté lors d’importantes expositions personnelles et collectives au Portugal et à l’étranger, son travail frappe tout d’abord par son inventivité, son exubérance chromatique et son apparence ludique. De nombreuses sculptures et installations sont créées par une accumulation d’objets du quotidien : l’énorme lustre de A Noiva (« la mariée », 2001-2005), présenté à la Biennale de Venise en 2005, est fabriqué avec des milliers de tampons hygiéniques, qui, détournés de leur fonction habituelle, ironisent sur les mécanismes de la société de consommation, alors que le titre suggère une possible référence à l’œuvre de Marcel Duchamp. La question de l’identité « féminine » est explorée par l’artiste dans de multiples pièces, notamment à travers l’appropriation d’éléments extraits de l’univers domestique, comme le travail au crochet ou des casseroles et des couvercles, avec lesquels est fabriquée, par exemple, une grande chaussure à talon (Cinderela, « Cendrillon », 2007). Cette stratégie d’appropriation et de détournement touche également l’univers de la culture populaire, en particulier portugaise : ainsi, les somptueuses sculptures de Coração independente (« cœur indépendant », 2004-2008) évoquent à la fois le fado et les traditionnels bijoux portugais en filigrane, tout en étant fabriquées avec des couverts en plastique coloré, matériau moderne et anodin ; dans Euro-Visão (« euro-vision », 2005), un téléviseur, transmettant le célèbre concours de chansons populaires est recouvert de napperons au crochet, que l’on retrouve dans de nombreux foyers. L’artiste est intervenue à plusieurs reprises dans l’espace public en créant des œuvres, souvent de grandes dimensions : pour Varína (2008), elle a collaboré avec de nombreuses femmes pour réaliser un ouvrage monumental au crochet, destiné à être suspendu sous le pont Dom Luís I, à Porto. Son œuvre a été présentée dans une importante exposition monographique en 2010, au musée de la collection Berardo. En 2012, elle est invitée à exposer au château de Versailles, mais sa mémorable « mariée » se voit retirée de l’exposition.

Giulia LAMONI

Sem rede (Netless) (catalogue d’exposition), Lisbonne, Museu Colecção Berardo, 2010.

VÁSCONES, Carmen [GUAYAQUIL 1958]

Poétesse équatorienne.

Carmen Váscones a travaillé dans des institutions au service de l’enfance, de la famille et de la communauté, en tant que chercheuse, conseillère et coordinatrice. Le désir, le vide, l’amour et la mort constituent les thèmes principaux de ses poèmes. Elle a publié les livres La muerte un ensayo de amores (« la mort, un essai des amours », 1991), Con/fabulaciones (« conspirations », 1992), Memorial aún acantilado (« mémorial encore escarpé », 1994) et Aguaje (« averse », 1999). Ce dernier présente une poésie soutenue, originale, provocatrice et irrévérencieuse qui se caractérise par un érotisme hermétique. Ces recueils de poèmes évoquent l’environnement marin, l’immensité de l’océan constituant le début de l’acte poétique dans la recherche de la parole en solitaire. La retenue est évidente, l’adjectivation excessive évitée, ainsi que les fins lapidaires. Le traitement de l’érotisme est déterminant dans son œuvre bien qu’elle affirme qu’il ne s’agit pas de son seul thème. Néanmoins, sa consécration comme poète érotique a lieu quand elle reçoit le deuxième prix au Concours mondial de poésie érotique à Lima, en 2008. Il faut souligner aussi son travail de promotion de la poésie, notamment en lien avec des institutions littéraires péruviennes pour renforcer la paix entre le Pérou et l’Équateur, historiquement en conflit jusqu’en 1998. C. Váscones est représentante de la Maison du poète péruvien à Guayas, en Équateur. Avec son mari, le peintre canadien Roger Hollander, elle a réalisé des œuvres poétiques et picturales sélectionnées pour les expositions Poèmes affiches ibéro-américains contemporains de l’Académie ibéro-américaine de poésie de la Saint Thomas University Fredericton de New Brunswick, au Canada, en 1998 et 1999.

Yanna HADATTY MORA

VASIO, Carla [VENISE 1932]

Écrivaine italienne.

Carla Vasio a participé au Groupe 63 avec d’autres poètes, et collaboré aux revues Il menabò et Alfabeta. Avec une prédilection pour la poésie japonaise, elle a notamment publié : L’orizzonte (« l’horizon », 1966) ; Anamorfosi, un racconto gotico (« anamorphose, un récit gothique », 1973) ; Esercizio indiscreto (« exercice indiscret », 1987) ; Goffredo Petrassi, autoritratto (« Goffredo Petrassi, autoportrait », 1991). Dans Come la luna dietro le nuvole (« telle la lune derrière les nuages », 1996), elle retrace la vie d’une écrivaine japonaise, Ichiyō*, morte à 24 ans, en 1896, après une vie de pauvreté. À travers ce récit, C. Vasio évoque la condition des femmes japonaises, qui ont accès à l’école publique depuis 1872, mais qui demeurent indésirables dans les activités culturelles, ce qui les contraint à rechercher la protection des hommes. Elle publie ensuite : un roman autobiographique, Laguna (« lagune », 1998) ; un recueil de poésie, Blasone corporale (« blason corporel », 1989) ; un récit pour la jeunesse, Giovannino dei draghi (« Giovannino et les dragons », 1996) ; et, plus récemment, un autre recueil de poésie, Ballate scostumate (« ballades dévergondées », 2007).

Graziella PAGLIANO

VÁŠOVÁ, Alta [SEVLJUŠA, UKRAINE 1939]

Écrivaine et scénariste slovaque.

Après des études de mathématiques et de physique à l’École supérieure pédagogique de Bratislava, Alta Vášová devient institutrice, puis dramaturge et scénariste pour des studios de films et pour la télévision. Elle commence à écrire dans des revues littéraires slovaques à la fin des années 1960. Après un livre expérimental en prose, Miesto, čas, príčina (« le lieu, le temps, la cause », 1972), elle publie le livret d’une comédie musicale, puis des romans de science-fiction comme Po (« après », 1979) et V záhradách (« dans les jardins », 1982), qui analysent le mécanisme des systèmes totalitaires en décrivant des civilisations de robots ou d’êtres proches de la fourmi. Également auteure de littérature pour enfants et adolescents avec, par exemple, Niekto ako ja (« quelqu’un comme moi », 1988), elle fait paraître un journal autobiographique en 1995 : Úlety so zvláštnou, rapsodicko-fragmentárnou chronológiou « naruby » (« l’évasion avec une chronologie rapsodico-fragmentaire étrange “à l’envers” »). Son dernier livre, Sfarbenia, nevyhnutné rozhovory v tichu (« teintes, discussions nécessaires en silence », 2011), est un recueil de textes courts en prose poétique. Les phénomènes ordinaires y sont exposés au premier plan, mais ce qui est primordial, c’est ce qui se cache derrière, l’homme, sa vie et son destin éphémère.

Elena MELUŠOVÁ

MIKULA V. (dir.), Slovník slovenských spisovateľov, Prague, Libri, 1999.

VASSALLO, Ángela [BUENOS AIRES 1938]

Designer graphique argentine.

Dans les années 1980 et 1990, Ángela Vassallo a été une figure importante du design de packaging et de marque de produits traditionnels qui a façonné l’imaginaire graphique argentin. Elle étudie la peinture, mais doit travailler dès l’âge de 17 ans. En 1957, chez Agar-Cross, elle rencontre Juan Carlos Distéfano, responsable du département design de l’entreprise, et découvre cette discipline. Un an après, elle intègre De Luca Publicidad et travaille en équipe avec des artistes et des designers reconnus. Elle devient directrice artistique chez Cícero Publicidad, de Carlos Méndez Mosquera, puis chez New, avec Frank Memelsdorff, et enfin chez Gowland. Ayant abandonné son travail en agence, elle commence à faire du design textile d’intérieur. À partir de 1973 et pendant onze ans, elle est designer pour une grande industrie de papier peint. Elle apprend sur le terrain, en compagnie des coloristes, la technique et la subtilité du travail de « composition des couleurs ». Parallèlement, elle travaille en free lance dans le design de marques et les arts appliqués. En 1982, elle ouvre sa première agence, qui comptait déjà en 1994 plus de 20 collaborateurs, avec des clients des secteurs de l’alimentation, du vin, du pétrole, de l’aluminium, de l’édition. En reconnaissance de son évolution professionnelle, l’Association de designers graphiques (ADG) lui offre en 1990 sa présidence. Après un revers financier dû à la crise argentine de 2001, elle poursuit son activité avec un jeune associé, pour des entreprises nationales et étrangères.

Silvia FERNÁNDEZ

VASSEUR, Véronique [PARIS 1951]

Médecin hospitalier et femme politique française.

Véronique Vasseur est connue pour sa lutte contre les conditions de détention des prisonniers et l’insalubrité des prisons françaises. Suite à l’obtention de son doctorat de médecine en 1976, elle débute sa carrière comme médecin-conseil à la Sécurité sociale, puis intègre le service de médecine interne de l’hôpital Cochin à Paris. En 1992, elle est détachée comme médecin de garde de la prison de la Santé à Paris et y découvre des conditions de travail désastreuses : vacations surchargées et rémunérées de façon indigne, et insalubrité des locaux. En 1993, elle devient médecin-chef de la prison de la Santé. Une réforme importante rattache alors le médecin de la Santé à l’administration de l’Assistance publique. Dans son livre, Médecin-chef à la prison de la Santé, V. Vasseur dénonce la surpopulation carcérale, les mauvais traitements que subissent les prisonniers, les actes de délinquance non contrôlés, la vétusté des locaux, l’absence d’hygiène la plus élémentaire. En janvier 2000, son témoignage contribue à la création de deux commissions d’enquête parlementaire et attire l’attention sur les dysfonctionnements du milieu carcéral. Elle est nommée membre de l’Observatoire international des prisons. Objet de diffamations et de menaces de mort, elle quitte la prison de la Santé et reprend ses fonctions de praticien hospitalier à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, puis à l’hôpital Saint-Antoine en 2001. Son deuxième livre, L’Hôpital en danger, met en lumière les dysfonctionnements des services hospitaliers. Elle débute en 2005 une carrière politique. Après avoir dirigé un groupe de travail sur la réforme des prisons, elle se présente en 2007 aux élections législatives et aux élections municipales. Elle n’est pas élue et finit par se retirer de la vie politique. Elle écrit avec Hélène Fresnel un troisième livre, À la rue, où elle dénonce le parcours douloureux des travailleurs pauvres quand travailler ne suffit plus.

Yvette SULTAN

Médecin-chef à la prison de la Santé, Paris, Le Cherche midi, 2000 ; L’Hôpital en danger, Paris, Flammarion, 2005 ; avec FRESNEL H., À la rue, quand travailler ne suffit plus, Paris, Flammarion, 2008.

VASSILIEFF, Marie (Maria IVANOVNA VASSILIÉVA, dite) [SMOLENSK 1884 - NOGENT-SUR-MARNE 1957]

Peintre et décoratrice de théâtre russe.

Inscrite en 1903 à l’Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, Marie Vassilieff se passionne pour l’art du loubok, l’imagerie populaire russe, pour l’art byzantin et pour la Renaissance italienne. Une bourse de la tsarine lui permet de s’installer à Paris, où elle suit les cours de l’École des beaux-arts, tout en étudiant la peinture auprès d’Henri Matisse qu’elle contribue à faire connaître en Russie. Dès 1910, elle expose régulièrement au Salon d’automne et au Salon des indépendants. Durant la même année, elle fonde l’Académie russe de peinture et de sculpture, dont elle prend la direction. À la suite de dissensions, elle démissionne et ouvre l’académie Vassilieff, avenue du Maine, qui devient rapidement un haut lieu de la vie parisienne à Montparnasse et qui se distingue par son fonctionnement très libre. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, touchée par le dénuement moral et matériel de ses amis artistes, elle transforme son atelier en une cantine, qui jouit d’une popularité croissante auprès des intellectuels parisiens tels que Georges Braque, Pablo Picasso, Amadeo Modigliani, Chaïm Soutine. Le lieu accueille des spectacles, des conférences, des soirées littéraires et musicales, ainsi que des fêtes mythiques. M. Vassilieff produit des œuvres d’inspiration cézannienne et de style cubiste. Dès les années 1920, son travail évolue vers un certain primitivisme, aux formes arrondies et aux couleurs adoucies. Elle privilégie alors les thèmes de l’enfance, tout en rendant hommage à l’art du loubok. Elle s’intéresse aussi à l’art scénique et au design, et conçoit un mobilier anthropomorphe pour l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Durant les années suivantes, elle crée des poupées, des masques, des costumes, des meubles, ainsi que deux panneaux décoratifs pour les piliers de la salle à manger de la Coupole. En 1937, la comédienne Louise Lara*, directrice du laboratoire de recherche théâtrale Art et Action, fait appel à elle dans le cadre de ses expérimentations « synesthésiques » pour sa mise en scène d’Une saison en enfer de Rimbaud. En 1938, elle s’installe à Cagnes-sur-Mer, où elle peint des bouquets de fleurs assortis de détails fantastiques. En 1998, plus de trente ans après sa mort, le musée du Montparnasse est inauguré dans l’ancienne académie Vassilieff.

Ada ACKERMAN

Un peintre cubiste méconnu, Marie Vassilieff. Toiles 1908-1915 (catalogue d’exposition), Paris, galerie Hupel, 1969 ; Œuvres postérieures au cubisme de Marie Vassilief, toiles des années 1920 à 1930 (catalogue d’exposition), Paris, galerie Hupel, 1971.

POSPELOVA Y., Le Balagantchik de Marie Vassilieff, Marie Vassilieff (1884-1957) et son œuvre dans le contexte de l’art contemporain (thèse de doctorat, Paris-IV), [s. l., s. n.], 2007.

VASSILIOU, Monica [MYTILÈNE, GRÈCE 1936 - NICOSIE 2011]

Actrice et metteuse en scène chypriote.

Monica Vassiliou obtient ses diplômes à l’Institut d’art dramatique de Russie et suit des études postdoctorales en psychologie de l’enfance et en créativité théâtrale, qui lui donnent la possibilité d’enseigner le théâtre à la fois à l’Académie pédagogique de Chypre et à l’université de Linköping en Suède, tout en menant à bien une carrière au théâtre, au cinéma et à la télévision en Grèce, au Royaume-Uni et à Chypre. Elle connaît un succès précoce en tenant le rôle clé de la veuve dans Le Christ recrucifié, d’après le roman de Níkos Kazantzákis, une série donnée à la télévision britannique dans les années 1960. En sa qualité de metteur en scène, parmi les principaux, de l’Organisme du théâtre à Chypre et en tant que connaisseuse de nombreux groupes de théâtre expérimental, elle introduit et dirige les pièces d’auteurs contemporains (Jean Cocteau, Athol Fugard, Albert Camus). Dans quelques-unes, elle tient le rôle principal. Son interprétation du rôle de Krapp dans La Dernière Bande de Samuel Beckett lui rallie tous les suffrages. En tant que linguiste de haut niveau, elle traduit des pièces du russe, du hongrois et de l’anglais. Ses publications comprennent des articles, des conférences sur le théâtre et un livre de récits dramatisés destinés aux enfants.

Neophytos NEOPHYTOU

VAUCAIRE, Cora (Geneviève COLLIN, dite) [MARSEILLE 1918 - PARIS 2011]

Chanteuse française.

Geneviève Collin commence par prendre des cours de théâtre à Paris, avant de débuter, en 1938, dans les cabarets, sous le pseudonyme de Michèle Dax. En 1941, elle remporte un concours de chant présidé par Édith Piaf*, qui lui dit : « Après moi, ce sera toi. » Elle épouse un jeune parolier, Michel Vaucaire, dont elle adosse le nom à son deuxième prénom, devenant Cora Vaucaire. À la fin de la guerre, elle interprète à la radio des chansons des siècles passés, et devient « la dame blanche de Saint-Germain-des-Prés » en défendant, à l’Échelle de Jacob, le répertoire de Jacques Prévert et Joseph Kosma, encore inconnu du grand public. Elle enregistre ainsi Les Feuilles mortes, son premier succès. Au début des années 1950, elle devient un pilier de L’Écluse. En 1955, elle double anonymement la voix d’une comédienne italienne dans French Cancan de Jean Renoir. Elle crée ainsi La Complainte de la butte, qui aura un succès mondial. Elle est demandée au Canada et aux États-Unis, où la critique et le public saluent des couplets essentiellement littéraires. En 1961, Trois petites notes de musique, la chanson du film d’Henri Colpi Une aussi longue absence, lui vaut, une fois encore, une renommée internationale. Jusqu’à la fin des années 1990, elle va régulièrement être à l’affiche, avec un répertoire auquel elle demeure résolument fidèle. En 1996, elle donne une série de représentations à la Comédie de Paris, sans préciser qu’il s’agit de ses adieux, car elle refuse de céder à cette forme de publicité. « Un jour, dit-elle, on n’est plus là, c’est tout. »

Jacques PESSIS

VAUGHAN, Sarah [NEWARK, NEW JERSEY 1924 - LOS ANGELES 1990]

Chanteuse et pianiste de jazz américaine.

La mère de Sarah Vaughan chante à l’occasion à la petite église locale. Son père, charpentier, joue de la guitare à ses heures perdues. Les souvenirs de la Grande Dépression et de cette population affamée jetée sur le bord des routes hanteront la chanteuse jusqu’à la fin de ses jours et la pousseront à développer ses dons pour le chant et le piano. La jeune Sarah, d’ailleurs, y excelle à tel point qu’elle commence à attirer du monde à l’église. Elle rejoint les chorales religieuses et découvre les grands noms du jazz vocal féminin, comme Ella Fitzgerald*. Discrète, timide, s’animant dès qu’elle parle de sa passion, elle suit des musiciens et joue du piano dans des clubs malgré l’interdiction – l’âge légal restant fixé à 21 ans. Elle s’amuse à ces joutes de chant dans les clubs enfumés de Harlem, comme le Savoy Ballroom. En octobre 1942, elle remporte un concours à l’Apollo. Ella Fitzgerald la repère et la présente au chef d’orchestre Earl Hines, qui n’a pas vu un tel talent depuis bien longtemps et décide de l’engager sur-le-champ. L’orchestre est composé du trompettiste Dizzy Gillespie et du saxophoniste Charlie Parker. « Jouer avec eux aura formé mon éducation », dira-t-elle. La chanteuse ne met pas longtemps à convaincre les grands noms ; elle se sent à l’aise dans tous les styles et joue aussi du piano. Aucune rudesse chez elle, bien au contraire, beaucoup de douceur, d’amitié, de convivialité. Elle ne se soucie que de musique. S. Vaughan succombe à un chanteur de charme des années 1940, Billy Eckstine, plus âgé qu’elle. Ils s’aimeront toute leur vie malgré leurs mariages respectifs et d’incessantes séparations. En 1944, elle enregistre son premier simple, I’ll Wait and Pray, et un autre l’année suivante, Lover Man, puis, en 1949, signe avec la firme Columbia. En 1951, elle fait partie de l’affiche du Carnegie Hall, auprès de Count Basie, Charlie Parker et Billie Holiday*. Toujours liée à Eckstine, elle épouse le trompettiste George Treadwell. Elle chante du be-bop dans les clubs, mais s’en éloigne dès qu’elle franchit les portes du studio : As You Desire Me ; While You Are Gone, en 1949, Pennies from Heaven ; Lullaby of Birdland ; Embraceable You, en 1953 et 1954. En 1958, elle grave le romantique Broken Hearted Melody, premier de ses albums à occuper le sommet du palmarès et à se vendre à des millions d’exemplaires. Ces succès l’exposent à la critique, qui lui reproche de s’éloigner du jazz, de sacrifier le swing aux romances populaires, au commercial, d’imiter Dinah Shore, reine de la guimauve, ou Julie London*. Mais son talent fascine et lui vaut d’être appelée « la Parfaite Chanteuse » ou « la Divine », tant sa voix aux trois octaves, pleine de vibrato, impressionne. Elle connaît quelques périodes creuses, mais revient pendant les années 1970, travaillant avec le chef d’orchestre français Michel Legrand. « Sassy », comme on la surnomme aussi, n’a jamais été remplacée.

Stéphane KOECHLIN

Sarah Vaughan with Clifford Brown, EmArcy, 1954 ; In the Land of Hi-Fi, EmArcy, 1955 ; Swingin’Easy, EmArcy, 1957 ; Sarah Vaughan Sings George Gershwin, EmArcy, 1957 ; ¡ Viva ! Vaughan, Mercury, 1965 ; Sarah Vaughan Sings the Mancini Songbook, Mercury, 1965.

VAULONT, Sophie [1959]

Biologiste française.

Après une thèse de doctorat en biologie, Sophie Vaulont entre dans le laboratoire d’Axel Kahn à l’Institut Cochin (université Paris-Descartes). En 2001, après quatorze années de recherche médicale, elle met en évidence un peptide hormonal : l’hepcidine. Ce peptide initialement trouvé par une équipe de recherche de Rennes était alors considéré comme un agent antibactérien. La biologiste démontre que cette hormone joue un rôle fondamental dans le métabolisme du fer. Il s’agit d’un peptide de 20 à 25 acides aminés qui inhibe l’absorption du fer par le duodénum. L’hepcidine agit à distance en réglant, en fonction des besoins de l’organisme, la quantité d’exporteur cellulaire du fer, la ferroportine, contrôlant ainsi la quantité de fer circulant au niveau de l’absorption intestinale et de son stockage hépatique. Sa découverte va permettre de comprendre l’origine d’une maladie par surcharge en fer : l’hémochromatose familiale, maladie grave d’origine génétique aux complications multiples au niveau du foie, du cœur, du pancréas, qui peut être responsable de diabète. Sa découverte permet de comprendre également les anémies des maladies inflammatoires par défaut d’absorption du fer. Depuis l’identification de ce peptide, S. Vaulont et son équipe se sont attachés à comprendre son mode d’action et à identifier son récepteur. Grâce à leurs travaux, on connaît maintenant la régulation de l’expression du gène, tant en physiologie chez l’individu normal qu’au cours des états pathologiques, et les modes de sécrétion de l’hormone. L’inactivation du gène codant pour l’hepcidine entraîne une surcharge en fer. Inversement, la surexpression de ce gène entraîne une anémie : diminution du nombre des globules rouges et du taux d’hémoglobine. Une étape importante visée par cette équipe est l’identification des agonistes et des antagonistes à sa sécrétion de façon à préparer des thérapeutiques adaptées aux différentes pathologies. S. Vaulont est actuellement directrice de recherche à l’Inserm à l’Institut Cochin.

Yvette SULTAN

Avec NICOLAS G., BENNOUN M. et al., « Lack of hepcidin gene expression and severe tissue iron overload in upstream stimulatory factor 2 (USF2) knockout mice », in PNAS, vol. 98, no 15, juil. 2001 ; avec NICOLAS G., ANDREWS NC. et al., « Hepcidin, a candidate modifier of the hemochromatosis phenotype in mice », in Blood, vol. 103, no 7, avr. 2004.

VAUTIER, Clotilde [CHERBOURG 1939 - RENNES 1968]

Peintre française.

Clotilde Vautier commence ses études à l’école des beaux-arts du Mans en 1957 puis les poursuit à Rennes à partir de 1959. Elle obtient le diplôme national de peinture à Paris en juillet 1962. C’est à l’école des beaux-arts de Rennes qu’elle rencontre son futur mari, Antonio Otero, issu d’une famille républicaine espagnole réfugiée en Bretagne. De leur mariage naissent, en 1962 et 1963, deux filles, Isabel et Mariana Otero, qui deviendront l’une comédienne, l’autre cinéaste. Dès 1962, elle expose régulièrement dans des galeries de Rennes et de Bretagne et reçoit plusieurs prix. Elle réalise, en 1966, une fresque pour le café Les Variétés, à Rennes, conservée aujourd’hui au Centre culturel de la Forge, à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine). En 1967, elle obtient la deuxième place au concours de la Casa de Velazquez. C’est à cette époque qu’une galerie de Paris la remarque et expose plusieurs de ses toiles. Son décès en mars 1968, suite à un avortement clandestin, vient mettre fin à une carrière en plein essor. Le film de Mariana Otero, Histoire d’un secret (2003), dévoile ce qui fut le destin de nombreuses femmes à cette époque et la beauté de cette œuvre interrompue, œuvre audacieuse où les nus féminins, dans les modelés de l’ombre et de la lumière, ont une présence charnelle à la fois douce et forte. Cette même force, cette même vibration du trait et de la couleur anime portraits, paysages, natures mortes, toute une production d’une variété et d’une abondance étonnantes en si peu de temps de vie. Un livre, Clotilde Vautier, où est reproduit la totalité de son travail, paraît en 2004 (rééd. 2010) et de nombreuses expositions sont organisées dans diverses villes de France et à Paris, dont une à l’Espace des femmes. Un collège de Rennes et une rue portent son nom.

Marie-José OTERO

VAY, Sarolta (dite SÁNDOR) [GYÓN, PEST 1859 - LUGANO 1918]

Écrivaine et journaliste hongroise.

Fille d’une prestigieuse famille de l’aristocratie, Sarolta Vay est élevée comme un garçon par son père, qui l’initie à l’escrime et à l’équitation. Elle fréquente diverses universités hongroises et allemandes, cultive d’abord les belles-lettres, puis travaille pour des journaux, dont Pesti Hírlap (« le journal de Pest ») et Új Idők (« temps modernes »). Elle devient la principale collaboratrice des feuilles mondaines pour Magyar Szalon et Magyar Géniusz. Elle écrit surtout des chroniques historiques sur Pest et les campagnes des XVIIIe et XIXe siècles, évoquant la vie quotidienne et les festivités de la haute noblesse. Sa tenue et son comportement se calquent sur le modèle masculin traditionnel de l’époque, reflétant ainsi son orientation sexuelle. Ses relations avec les femmes lui valent quelques déboires : mariée, sous l’identité de Sándor, avec une femme, elle est accusée d’escroquerie par son beau-père ; elle sera acquittée, mais durant le procès l’examen d’un médecin légiste révèle sa véritable identité sexuelle. Dans son étude Psychopathia sexualis (1926), le psychiatre Richard von Krafft-Ebing a décrit la gynandrie à partir du « cas » Sarolta/Sándor. S. Vay a fait paraître de son vivant ses œuvres complètes en dix volumes. On peut y lire des choix de ses chroniques : Régi magyar társasélet (« l’ancienne vie de société hongroise », 1986) et Európa bál (« bal Europe », 2006).

Anna BORGOS

BORGOS A., « Vay Sándor/Sarolta. Egy konvencionális nemiszerep-áthágó a múlt századfordulón », in Holmi, fév. 2007.

VAZ DE CARVALHO, Maria Amália [LISBONNE 1847 - ID. 1921]

Écrivaine portugaise.

Issue d’une famille aristocratique et cultivée, Maria Amália Vaz de Carvalho côtoie, dès sa jeunesse, la plupart des écrivains réputés de son temps. Cette convivialité encourage ses débuts littéraires romantiques, à 18 ans, avec le poème narratif Uma primavera de mulher (« un printemps de femme »). En 1874, son mariage avec le poète parnassien Gonçalves Crespo lui permet de créer un salon littéraire et d’élargir son cercle culturel à la génération réaliste. Sa production littéraire se limite à un recueil de poèmes, Vozes do ermo (« les voix du désert », 1876), et à des volumes de contes, Serões no campo (« soirées à la campagne », 1877) et Contos e fantasias (« contes et fantaisies », 1880). Son écriture s’inscrit timidement dans le courant réaliste, dont elle retient une conception conformiste et moralisante. En revanche, ses textes de critique et de pédagogie sociale connaissent une extraordinaire fortune. D’abord publiés dans des périodiques, ils seront réunis en plusieurs volumes, successivement réédités : Mulheres e crianças (« femmes et enfants », 1880) ; Cartas a Luísa (« lettres à Luísa », 1886) ; Cartas a uma noiva (« lettres à une jeune mariée », 1891) ; A arte de viver na sociedade (« l’art de vivre en société », 1895) ; As nossas filhas (« nos filles », 1904)… S’adressant aux mères ou aux jeunes filles qui se préparent au mariage, ils développent, outre des recommandations pratiques, une doctrine conservatrice sur le rôle « naturel » de la femme. Si l’auteure vante pour les épouses de la bourgeoisie les charmes du foyer, elle reconnaît toutefois le droit au travail rémunéré et à l’instruction pour les femmes de classe inférieure. Parmi les nombreuses œuvres de M. A. Vaz de Carvahlo, on remarque aussi des pages de critique et de mémoire littéraire, comme Alguns homens do meu tempo (« quelques hommes de mon temps », 1889), Figuras de hoje e de ontem (« figures d’aujourd’hui et d’hier », 1902), des chroniques d’actualité et de voyage. Elle a également publié un important travail de recherche biographique, Vida do duque de Palmela, D. Pedro de Sousa Holstein. Elle fut la première femme élue membre de l’Académie des sciences de Lisbonne.

Maria Helena SANTANA

BARROS T. E. L. de, Maria Amália Vaz de Carvalho, Lisbonne, Panorama, 1961 ; COSTA E. de S., Maria Amália Vaz de Carvalho, a mulher, a escritora, Lisbonne, Sociedade nacional de tipografia, 1934 ; FIGUEIREDO A. de, Maria Amália Vaz de Carvalho, Lisbonne, Bertrand, 1918.

VAZ FERREIRA, María Eugenia [MONTEVIDEO 1875 - ID. 1924]

Poétesse uruguayenne.

Originaire d’une famille portugaise fortunée et cultivée, María Eugenia Vaz Ferreira est autodidacte. Très tôt, elle montre sa créativité tant comme interprète que comme compositrice de ses propres morceaux, dont aucun n’a été conservé, car elle n’a pas appris à écrire la musique. Néanmoins, c’est en poésie qu’elle laisse une trace, en tant que seule femme représentant l’esthétique moderniste dans l’anthologie de Montero Bustamante, El parnaso oriental (1905). Jusqu’à l’apparition de Delmira Agustini* (1886-1914), l’œuvre de M. E. Vaz Ferreira est considérée comme un des trésors de la poésie uruguayenne. Sa production lyrique a longtemps été considérée comme difficile d’accès. Quelques-unes de ses compositions de 1899 à 1901 sont publiées dans les revues les plus importantes de son époque : Rojo y Blanco (« rouge et blanc »), de Samuel Blixen, La Revista, de Julio Herrera y Reissig, et l’Almanaque del Uruguay. Après 1901, quelques poèmes paraissent dans la revue La Cruz del Sur (« la croix du sud ») et dans le journal La Razon (« la raison »). C’est le recueil intitulé Fuego y mármol (« feu et marbre », 1899), dans lequel l’écrivaine réunit 51 poèmes, qui permet d’apprécier son insertion dans l’esthétique moderniste. Ces poèmes correspondent à une période où M. E. Vaz Ferreira a montré de façon lyrique son envie d’un monde de liberté, loin des contraintes sociales imposées aux femmes dans la culture uruguayenne de la fin du XIXe siècle. Dans les poèmes de sa période de maturité, ceux de La isla de los canticos, publiés à titre posthume, en 1924, la poétesse abandonne le modernisme pour trouver une voix authentique dans son déchirement.

María Rosa OLIVERA-WILLIAMS

LOCKHART W., COSTA JF., Vida y obra de María Eugenia Vaz Ferreira, Montevideo, Academia Nacional de Letras, 1995.

VÁZQUEZ, Josefina Zoraida [MEXICO 1932]

Historienne mexicaine.

Après l’obtention d’un master à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), une bourse permet à Josefina Zoraida Vázquez de préparer en Espagne un doctorat en histoire de l’Amérique. Elle poursuit sa formation aux États-Unis, à Harvard (1962-64), avant de soutenir à l’UNAM un second doctorat (1968). Auteure prolixe (19 monographies, six ouvrages généraux, plusieurs manuels scolaires et des guides pour la recherche en archives), elle consacre ses travaux à une réinterprétation de l’histoire du Mexique, dans ses dimensions nationales et internationales. Elle se spécialise sur le XIXe siècle, qu’elle aborde à travers différents sujets : l’éducation, les relations internationales, la formation de l’État et le conflit avec les États-Unis. Après la publication de Nacionalismo y educación en Mexico en 1970, elle s’intéresse au processus de construction de la nation mexicaine et aux nombreux problèmes économiques et politiques rencontrés par les dirigeants de ce nouvel État. Les titres de ses livres reflètent cette préoccupation : Dos décadas de desilusiones, En busca de una formula adecuada de gobierno, 1832-51 (« deux décades de désillusions, à la recherche d’une formule adéquate de gouvernement », 2009) et Práctica y fracaso del primer federalismo mexicano, 1824-1835 (« pratique et échec du premier fédéralisme mexicain », 2012). Elle propose notamment une réinterprétation de la guerre entre les États-Unis et le Mexique (1846-1848) qui aboutit à la perte du Texas et de vastes zones du Nord. Elle estime erronée et partiale l’interprétation nord-américaine de cette guerre. Elle débat avec passion de ce point de vue à la fois dans l’arène publique et dans plusieurs publications, comme dans Mexico y el expansionism norteamericano (2010), élément d’une série en plusieurs volumes sur les relations internationales du Mexique. Depuis les années 1970, elle exerce une forte influence sur l’historiographie du Mexique en tant qu’auteure, éditrice, éducatrice et coordinatrice de séminaires universitaires. Elle enseigne également dans plusieurs universités étrangères et participe à de nombreuses conférences internationales.

Asunción LAVRIN

SALMERÓN A., Josefina Zoraida Vázquez, Una visión del pasado, libre de mitos y maniqueísmos, Mexico, Instituto Nacional de Estudios Históricos de las Revoluciones de Mexico, 2007.

VEBÆK, Mâliâraq [NARSAQ KUJALLEQ 1917 - SØBORG 2012]

Écrivaine groenlandaise.

Issue de la diaspora, à 64 ans, Mâliâraq Vebæk fait paraître le premier roman écrit en groenlandais par une femme, Bussimi naapinneq (« rencontre dans le bus », 1981). Elle puise la matière de ce livre dans son expérience de bénévole auprès de Groenlandaises vivant au Danemark en marge de la société. L’histoire de Katrine, une Groenlandaise qui dépérit, mal acclimatée à la vie danoise, y est racontée d’une façon à la fois simple et nuancée. Son portrait bouleversant et attachant ne laisse aucun lecteur indifférent, et ceux qui ont rencontré des représentantes de cette communauté trouvent même le tableau en deçà de la réalité. Ce livre accueilli avec enthousiasme par des lecteurs de tous âges n’a rien perdu de sa valeur ni de son actualité, car, même si les temps ont changé, les Groenlandaises vivant au Danemark appartiennent toujours aux minorités fragiles. En 1992, l’auteure a publié une suite à ce roman, Ukiut trettenit qaangiummata (« treize ans après ») : la fille de Katrine, Émilie, mène une vie dissipée au Danemark, en proie aux problèmes hérités de sa mère suicidaire. Le livre a pour thème principal l’intégration des Groenlandais, mais il soulève aussi un problème plus général, celui des cloisons interethniques dans la société danoise.

Karen LANGGÅRD

VEGA, Ana Lydia [SAN JUAN 1946]

Écrivaine portoricaine.

Après un doctorat en littérature comparée à l’Université de Provence d’Aix-Marseille (1978), Ana Lydia Vega devient professeure de littérature française et d’études des Caraïbes à l’université de Porto Rico. Elle commence par écrire des livres pédagogiques pour étudier le français. Sa carrière littéraire débute avec la publication de nouvelles, puis d’essais et de chroniques. Ses recueils de nouvelles Vírgenes y mártires (« vierges et martyres », 1981), Encaranublado y otros cuentos de naufragio (« Encaranublado et autres histoires de naufrage », 1982), Falsas crónicas del sur (« fausses chroniques du sud », 1991) et Cuentos calientes (« nouvelles chaudes », 1992) lui valent des distinctions internationales telles que le prix Casa de las Américas (1982). En 1985, elle est déclarée « auteur de l’année » par la Société des auteurs portoricains, et invitée à participer à l’aventure collective Relevo (« relais »), du périodique Claridad (« clarté »). Relevo est un groupe de sept jeunes auteurs dont font partie Magali García Ramís* et Carmen Lugo Fillipi. Ces auteurs se relaient de numéro en numéro pour explorer, sur le mode de l’essai, divers sujets d’actualité tels que la mode ou la vieillesse, les mouvements politiques indépendantistes ou la communauté des Caraïbes. Ces essais ont ensuite été édités sous la direction de A. L. Vega dans El tramo ancla (« le morceau d’ancre », 1989). Son œuvre s’attaque à la tradition littéraire portoricaine qui entretient une identité obsolète – fondée sur le colonialisme hispanique – volontairement insulaire, isolée, et refusant la réalité d’un pays ouvert au monde et massivement influencé par la culture américaine. Contrairement à la langue figée véhiculée par cette tradition, la langue de A. L. Vega est souple et trahit l’origine socioculturelle des locuteurs, qui parlent un espagnol altéré par des régionalismes, avec des accents particuliers et des emprunts abusifs à l’anglais. Le langage parlé par les différentes couches de la population portoricaine, des paysans aux émigrés partis à New York, permet de visualiser les composantes d’une culture en pleine quête identitaire. Le point de vue de l’écrivaine oscille entre la célébration de la culture populaire (la musique tropicale, par exemple) et la critique des conflits socioculturels entre Portoricains. Son œuvre révèle également des inquiétudes au sujet de la condition des femmes, et certains de ses textes contribuent à la lutte féministe en explorant la place des femmes dans un contexte encore très marqué par le colonialisme et le machisme.

Yaël WEISS

VEGA, Suzanne [SANTA MONICA 1959]

Chanteuse et compositrice de pop-folk américaine.

Révélée avec un premier succès, Luka, le monde vu par les yeux d’un enfant maltraité, Suzanne Vega est à la fois avant-gardiste et traditionnelle. Née en Californie mais élevée à New York, elle étudie la danse moderne à la New York High School of Performing Arts et la littérature anglaise au Barnard College de Columbia, tout en se produisant dans des salles de Greenwich Village. Petite sœur spirituelle de Leonard Cohen, elle prétend au même genre de notoriété que son aîné, libre et sans contrainte commerciale, et se réclame également de Lou Reed et de Bob Dylan. Elle impose depuis plus de vingt ans sa voix et son écriture élégante. Coproduisant ses premier et deuxième albums avec Lenny Kaye, le guitariste de Patti Smith*, elle publie par la suite des disques de haute volée. En 1990, l’expérimental Days of Open Hand contient la chanson Fifty Fitfty Chance, pour laquelle Philip Glass a fait un arrangement de cordes. On citera le très latin Nine Objects of Desire (1996), où figurent des chansons brillantes comme Caramel. En 2007, le sobre et stylé Beauty and Crime évoque sa ville, offrant écriture ciselée et fluidité musicale.

Stéphane KOECHLIN

Suzanne Vega, A&M, 1985 ; Solitude Standing, A&M, 1987 ; Nine Objects of Desire, A&M, 1996 ; Beauty and Crime, Blue Note, 2007.

VEGA-MERCADO, Lydia DE [MANILLE 1964]

Sprinteuse philippine.

À 14 ans, Lydia de Vega-Mercado remporte la médaille d’argent du 200 mètres au Championnat national junior d’athlétisme en 27.5 secondes et se place quatrième à la finale du 100 mètres. Elle est médaillée d’or à 18 ans en faisant 11.76 secondes sur le 100 mètres aux Jeux asiatiques (ASIAD) de New Delhi. En 1986, elle double sa prouesse à Séoul et gagne la médaille d’argent du 200 mètres. Elle a détenu le record du 100 mètres, en 11.28 secondes, pendant plusieurs années. Considérée dans les années 1980 comme la femme la plus rapide d’Asie, elle est également la première Philippine à représenter son pays aux Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles et de 1988 à Séoul. Elle fait partie des entraîneurs de l’équipe d’athlétisme de Singapour.

Elisabeth LUQUIN

VEGA SEROVA, Anna Lidia [LÉNINGRAD, AUJ. SAINT-PÉTERSBOURG 1968]

Écrivaine et peintre cubaine.

Fille d’un Cubain et d’une Russe, Ana Lidia Vega Serova étudie les arts plastiques puis s’installe à La Havane, où elle apprend l’espagnol. Dans son premier livre, Bad Painting (« mauvaise peinture »), on retrouve des personnages et des situations de la littérature picaresque russe de la fin des années 1980, qui réapparaissent dans Ánima fatua (« âme errante », 2007), tout comme l’ironie, la violence, la délectation causée par les situations critiques et l’étrangeté des personnages qui caractérisent ses textes narratifs. Dans ce roman, par le truchement d’un protagoniste qui lui ressemble, elle explore sa double appartenance culturelle. Dans les notes de bas de page autobiographiques de Limpiando ventanas y espejos (« en nettoyant fenêtres et miroirs », 2001), elle affirme sa volonté de préserver la distance qui sépare l’écrivaine de ses textes et de ses lecteurs. L’éventail d’« espèces » humaines qui peuplent Catálogo de mascotas (« catalogue d’animaux domestiques », 1998) rend compte, dans des atmosphères d’apparente quotidienneté, de la cruauté et des conflits auxquels mènent l’incompréhension et l’intolérance, tout particulièrement en ce qui concerne les enfants sans défense et les femmes homosexuelles. Dans le roman Noche de ronda (« nuit de ronde »), édité aux Canaries avant de l’être à Cuba, l’auteure expérimente plusieurs genres littéraires au travers des rêves et de l’imagination de son personnage, dans une temporalité multiple.

Luisa CAMPUZANO

CAMPUZANO L., Las muchachas de La Habana no tienen temor de Dios, escritoras cubanas (siglo XVIII-XIX), La Havane, Unión, 2004.

VEIL, Simone (née JACOB) [NICE 1927]

Femme politique française.

Simone Veil est la dernière des quatre enfants d’André Jacob, architecte, et d’Yvonne Steinmetz. Femme politique de premier plan, elle est notamment célèbre pour la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui porte son nom, pour ses prises de position en faveur des femmes et pour son engagement dans la construction européenne. D’origine juive, elle connaît l’enfer des camps de concentration d’Auschwitz-Birkenau et de Bergen-Belsen durant la Seconde Guerre mondiale. De retour en France, elle s’inscrit à la faculté de droit, puis à l’Institut d’études politiques de Paris pour devenir avocate. Elle y fait la connaissance d’Antoine Veil et l’épouse dès l’automne de 1946. Elle suspend ses études après la naissance de ses trois fils. Déterminée à travailler, elle rejoint l’École nationale de la magistrature en 1954 et commence sa carrière à l’administration pénitentiaire de 1957 à 1964. Puis elle prend en charge le secrétariat de deux commissions de l’Assemblée nationale, l’une sur les malades mentaux, l’autre sur l’adoption. Lors de l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République, René Pleven lui propose un poste de conseillère technique dans son cabinet. À son départ, un an plus tard, elle est successivement nommée par Pompidou secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature, administratrice à l’ORTF et à la Fondation de France. Nommée ministre de la Santé par le président Valéry Giscard d’Estaing, elle est la seule femme à posséder un réel statut de ministre durant son septennat. Elle défend courageusement au Parlement une loi libéralisant l’IVG, réclamée depuis longtemps par les militantes du MLF, du Planning familial et du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception). La loi permet également le remboursement de la contraception. Le 17 janvier 1975 cette loi est adoptée avec l’appui de la gauche parlementaire et après des débats houleux dans l’hémicycle. De 1979 à 1982 elle est la première femme à présider le Parlement européen, dont les députés ont été élus au suffrage universel pour la première fois en 1979. Dans le gouvernement d’Édouard Balladur, en 1993, elle est nommée ministre d’État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville. Après la défaite de celui-ci à l’élection présidentielle de 1995, elle quitte le gouvernement. En mars 1998, elle est nommée membre du Conseil constitutionnel par le président du Sénat, René Monory, et fait partie de la haute juridiction jusqu’en mars 2007. Elle se dit favorable aux discriminations positives. Dès le début des années 1990, dans la majorité des pays de l’Union européenne, des mouvements et associations de femmes se mobilisent pour obtenir la parité dans tous les champs décisionnels ; en 1995, S. Veil fait partie des femmes de gauche et de droite qui signent le Manifeste des 10 pour la parité dans l’hebdomadaire L’Express. Dans son autobiographie, Une vie (2007), en dénonçant la politique politicienne et le machisme des hommes politiques, elle remarque que « les chances, pour les femmes, procèdent trop du hasard, et pas assez de la loi ou plus généralement de la règle du jeu ». De 2000 à 2007, elle préside la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Elle défend avec constance la construction européenne, symbole de la réconciliation franco-allemande et gage de paix pour l’Europe. Elle sort de son devoir de réserve en 2005, pour appeler à voter « oui » au référendum sur la Constitution européenne. Élue à l’Académie française au premier tour de scrutin le 18 mars 2010, elle déclare en conclusion de son discours de réception : « Cette aventure européenne fut et demeure le grand défi de la génération à laquelle j’appartiens. »

Sandrine DAUPHIN

Les hommes aussi s’en souviennent. Discours du 26 novembre 1974, Paris, Stock, 2004 ; Une vie, Paris, Stock, 2007.

Vivre l’histoire, entretiens inédits, Paris, Des Femmes, 1985.

VEIT, Dorothea VOIR SCHLEGEL, Dorothea

VEJJAJIVA, Ngarmpan (Jane VEJJAJIVA, dite) [LONDRES 1963]

Romancière thaïlandaise.

Ngarmpan Vejjajiva a fait ses études à l’université Thammasat de Bangkok et en Belgique, à l’Institut supérieur d’État pour traducteurs et interprètes. Après un début de carrière dans la traduction et l’édition d’une revue pour la jeunesse, elle tient une agence de gestion des droits d’auteur pour la traduction d’ouvrages étrangers. Elle a traduit en thaïlandais plus de 20 livres français et italiens et, en reconnaissance de son travail qui jette un pont entre les littératures thaïlandaise et européenne, elle a été faite, en France, chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. S’intéressant à l’écriture pour la jeunesse, elle rédige Le Bonheur de Kati (Kwamsuk Khong Kati), pour lequel elle obtient le prix littéraire SEA Write en 2006. Adapté au cinéma, c’est désormais un incontournable des lectures recommandées par les professeurs. Conçue comme une trilogie, cette histoire est complétée par Tam Ha Pra Chan (« à la recherche de la lune ») et Nai Lok Bai Lek (« dans le petit monde »). Écrivaine engagée et humaniste, V. Ngarmpan s’intéresse tout particulièrement à la nature humaine, qu’elle aborde sous un angle bouddhiste et optimiste. Dans ses œuvres Paet Song Si (« huit, deux, quatre », 2007) et Diao (« seul », 2009), elle dépeint une compassion humaine sans bornes et, dans ses romans comme dans son essai Sai si Chivit (« peindre la vie », 2007), elle évoque les facultés qui permettent à l’être humain de faire face à la souffrance et à la déchéance. Elle présente l’institution familiale comme le lieu privilégié de la formation et de l’épanouissement des êtres humains.

Natthanai PRASANNAM

Le Bonheur de Kati (Kwamsuk Khong Kati, 2005), Paris, Gallimard, 2006.

VEJZOVIĆ, Dunja [ZAGREB 1943]

Cantatrice croate.

Avant d’obtenir son diplôme de chant à l’Académie de musique de Zagreb, Dunja Vejzović fréquenta l’Académie des beaux-arts. Elle débuta en 1969 sur la scène du Théâtre national croate de Zagreb en interprétant le rôle de mezzo-soprano de la sorcière, dans l’opéra Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdnick. En 1970, elle chanta Ariel dans Oluja (« la tempête ») de Stjepana Šuleka. Après s’être perfectionnée à Stuttgart, elle obtint des contrats pour les Opéras de Nuremberg et de Francfort. Elle chanta sur les scènes des principaux Opéras européens, à Vienne, Milan et Paris, ainsi qu’au festival de Bayreuth. D. Vejzović atteignit le sommet de sa carrière internationale en interprétant les rôles d’héroïnes de Wagner – dont Kundry –, de Verdi et d’auteurs contemporains. Ouverte au défi artistique, la cantatrice s’aventura aussi au théâtre. Elle reçut plusieurs prix, dont l’Orphée d’or.

Iva GRGIĆ MAROEVIĆ

BULJAN I. (dir.), Dunja Vejzović, documenta, Zagreb, Vero vision, 2003 ; Opća enciklopedija Jugoslavenskog leksikografskog zavoda, Zagreb, Jugoslavenski leksikografski zavod, 1982.

VEKOVIĆ, Divna [LUŽAC, MONTÉNÉGRO 1886 - PRÈS DE STARA GRADIŠKA V. 1944]

Traductrice, linguiste et médecin monténégrine.

Originaire d’un village situé à proximité de Berane, élève très brillante, Divna Veković a terminé ses études de médecine à la Sorbonne grâce à une bourse du prince monténégrin Nikola Ier Petrović-Njegoš, devenant la première femme médecin du Monténégro. Après avoir participé volontairement au travail humanitaire durant la Première Guerre mondiale, elle s’est inscrite dans une démarche à la fois littéraire et scientifique, devenant une des premières Monténégrines dotée d’un véritable esprit de la Renaissance. En 1926, à Belgrade, elle a ainsi obtenu le titre de docteur de littérature yougoslave. Fidèle aux idéaux de la monarchie, elle est restée dans son village pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de tenter de rejoindre le gouvernement yougoslave en exil, mais a été assassinée en 1945 (ou 1944, selon certaines sources) près de Stara Gradiška. Les rares œuvres de D. Veković qui ont survécu à la censure attestent néanmoins de son talent et de ses réalisations. Ainsi, en 1917, elle a été la première à traduire et à faire connaître à un large public français Les Lauriers de la montagne (1847) du classique monténégrin Njegoš. Entre les deux guerres, elle a vécu à Paris, en tant que traductrice littéraire de l’italien, de l’anglais et du français, tout en se consacrant à la promotion internationale du royaume de Yougoslavie. Rédactrice d’un dictionnaire français-serbe et de plusieurs grammaires et manuels de langue, elle a également traduit en français les poèmes de Jovan Jovanović Zmaj et édité les contes populaires serbes rassemblés par Vuk Stefanovic Karadžić (1934). En outre, elle est auteure, toujours en français, d’un livre sur les us et coutumes du peuple serbe et d’un recueil de nouvelles intitulé La Paix du sang (1931).

Robert RAKOCEVIC

Dictionnaire français-serbe, Paris, Librairie russe et française L. Rodstein, 1918 ; Ethnographie européenne, vie et coutume du peuple serbe, Alençon, Bulletin de la Société d’ethnographie de Paris, 1929 ; La Paix du sang, Paris, Éditions de la jeune académie, 1931.

JOKANOVIĆ V. et MARTINOVIĆ M., « Divna Veković (1886-1944) : The First Woman Physician in Montenegro », in Medicinski pregled, vol. 59, nos 7-8, 2006 ; MATIĆ L., « Njegošev Gorski Vijenac u francuskom prevodu Divne Veković », in Naučni sastanak slavista u Vukove dane, vol. 18, no 2, 2006.

VELASCO PORTINHO, Carmen [CORUMBÁ, MATO GROSSO 1903 - RIO DE JANEIRO 2001]

Ingénieure et urbaniste brésilienne.

Troisième femme à obtenir un diplôme d’ingénieure de l’École polytechnique de l’Université du Brésil, en 1926, et première à recevoir le titre d’urbaniste après une thèse sur le projet d’une future capitale du Brésil, Carmen Velasco Portinho sut allier un parcours courageux et idéaliste, d’une réelle compétence professionnelle, avec la lutte pour les droits civiques et l’émancipation des femmes.Elle fut aussi la première ingénieure à entrer au sein de l’administration du district fédéral de Rio de Janeiro. De 1947 à 1960, elle y dirigea le Département de l’habitation populaire (DHP) où elle pilota la réalisation de l’ensemble résidentiel Pedregulho, à Rio de Janeiro, réalisé par l’architecte Affonso Eduardo Reidy (1909-1964), son compagnon et partenaire pendant trente ans. S’inspirant des expériences anglaises de reconstruction et de création de villes nouvelles, elle proposa des conceptions novatrices. Imprégnée par les idées du mouvement féministe et par celles du Mouvement moderne, elle conçut le Pedregulho avec l’objectif d’intégrer aux logements des espaces et des services communautaires, tels qu’écoles, crèches, dispensaires, marchés, laveries et complexes sportifs. Elle prétendait ainsi offrir une autre façon d’habiter pour favoriser l’émergence d’une nouvelle société et libérer la femme du foyer. En 1951, C. Velasco Portinho prit la direction du musée d’Art moderne et lança, en 1953, la construction d’un nouveau bâtiment, réalisé par A. E. Reidy, qui devait faire partie du nouvel espace de loisirs du parc de Flamengo à Rio. Elle sut conduire habilement le projet et gérer les pressions et les intérêts politiques, permettant à cette œuvre exceptionnelle, qui posait des problèmes techniques et fonctionnels complexes, de voir le jour. En 1967, elle prit la direction de l’École de design industriel (ESDI), d’où sortirent des professionnels aujourd’hui reconnus au Brésil. Sa longue administration, jusqu’en 1988, la conduisit à affronter d’innombrables difficultés : la lutte ouverte avec le gouvernement pour empêcher l’expropriation et la démolition de l’immeuble et, pendant la période de dictature militaire, la défense de l’institution et des élèves contre l’arbitraire et les menaces. Également très active dans le monde de l’art, elle était réclamée par de nombreux salons, biennales et expositions dont elle a assumé les responsabilités de commissaire, d’organisatrice et de communicante.

Ana Gabriela GODINHO LIMA et Maria Christina DE CAMPOS GODINHO

NOBRE A. L., Carmen Portinho, o moderno em construção, Rio de Janeiro, Relume-Dumará, 1999.

VELÁSQUEZ GUZMÁN, Mónica [LA PAZ 1972]

Poétesse et critique littéraire bolivienne.

Mónica Velásquez Guzmán appartient à la génération de jeunes écrivains qui ont émergé sous l’égide de Blanca Wiethüchter*. Elle a publié Tres nombres para un lugar (« trois noms pour un lieu », 1995), Fronteras de doble filo (« frontières à double tranchant », 1998), et Hija de Medea (« fille de Médée », 2008 ; VIIe prix national de poésie Yolanda-Bedregal). Dans El viento de los náufragos (« le vent des naufragés », 2005), M. Velásquez travaille surtout l’univers verbal de la distance, du départ et du retour, mais toute son œuvre est une enquête sur l’identité, grâce à des personnages tels que Jeanne la Folle, Justine (héroïne du roman de Sade), María Tecún (divinité féminine maya) ou Médée. C’est aussi une critique littéraire exigeante, comme le montre son travail de sélection pour Antología de poesía boliviana del siglo XX, ordenar la danza (2004) ou encore son étude rigoureuse de l’œuvre poétique d’Óscar Cerruto (Obra poética de Óscar Cerruto, 2007).

Virginia AYLLÓN

VÉLEZ, Lupe (María Guadalupe VÉLEZ DE VILLALOBOS, dite) [SAN LUIS POTOSÍ 1908 - BEVERLY HILLS 1944]

Actrice mexicaine.

Lupe Vélez débute à 15 ans comme danseuse dans la revue Ra-ta-plan, et à l’écran à 19 ans aux côtés de Laurel et Hardy. Sa beauté exotique en fait la partenaire flamboyante de Douglas Fairbanks dans The Gaucho (1927). Elle joue les femmes fatales dans : Le Lys du faubourg (1929), de David Wark Griffith ; Sous le ciel des tropiques (1930) ; Le Mari de l’Indienne (1931), de Cecil B. De Mille ; Rumba chanson des îles (1931), de Woody Van Dyke ; Fille de feu (1933). Après une liaison tumultueuse avec Gary Cooper, elle épouse Johnny Weissmuller, célèbre interprète de Tarzan. Leurs disputes publiques font la joie des paparazzis, jusqu’à leur divorce. Au début des années 1940, elle tourne des comédies à succès, comme Mexican Spitfire (1940). Découvrant qu’elle est enceinte d’un homme qui refuse de l’épouser, elle se donne la mort.

Bruno VILLIEN

VENTSEL, Elena (dite IGREKOVA) [REVEL, AUJ. TALLINN 1907 - MOSCOU 2002]

Romancière russe.

Elena Sergueïevna Ventsel achève en 1929 des études de physique et de mathématiques à Leningrad, puis s’installe à Moscou en 1935. Elle obtient son doctorat de mathématiques en 1954 et enseigne dans les meilleurs établissements, notamment à l’académie de l’armée de l’air Joukovski. Elle publie plusieurs livres sur la théorie des probabilités. Dans les années 1960, sous le pseudonyme d’I. Grekova (littéralement « i grec », variation sur la lettre y qui rend hommage à son premier métier), elle connaît une riche carrière littéraire. Elle est l’auteure de nouvelles et de récits ainsi que d’un roman, dont les héros et héroïnes sont généralement des scientifiques. Avant Natalia Baranskaïa*, elle écrit sur la vie quotidienne des femmes russes, partagées entre leur travail et l’éducation des enfants, comme l’héroïne de sa nouvelle Damskiï master (« coiffeur pour dames », 1963) et des cinq femmes de Vdoviï parokhod (« la nef des veuves », 1981), où le cadre d’un appartement communautaire lui permet de brosser un tableau plus vaste de l’URSS d’après-guerre. Elle est contrainte à la démission après la publication de Na ispytanniiakh (« sur le pas de tir », 1967), où elle décrit des manœuvres de l’armée : on lui reproche le portrait de deux généraux, l’un n’étant pas communiste, et l’autre étant Juif. Sa nouvelle Bez oulybok (« sans un sourire », 1986) décrit la mise en scène qui accompagne la chute d’une scientifique en disgrâce idéologique. Vdoviï parokhod et Kafedra ont été portés à la scène et à l’écran par le réalisateur Pavel Lounguine.

Marie DELACROIX

VENTURI, Maria [FLORENCE 1933]

Écrivaine, scénariste et journaliste italienne.

Maria Venturi a dirigé des revues féminines telles que Novella 2000 et Anna, a collaboré à Oggi, Bella, Il Messaggero, et elle est l’auteure de téléfilms. En 1997, elle a obtenu le prix Saint-Vincent du journalisme. Parmi ses nombreux romans (une centaine), La moglie nella cornice (« l’épouse dans le tableau », 1987) raconte la lutte ardue d’une femme qui tente d’apporter sérénité et affection à un jeune veuf et au fils de ce dernier, qui ont perdu l’un une épouse, l’autre une mère trop sévère, exigeante et en apparence parfaite. Dans La moglie addosso (« l’épouse possessive », 1993), une femme jalouse et peu sûre d’elle cherche un travail et aspire à la réussite professionnelle après son divorce. Abusée par un escroc déguisé en missionnaire, elle est défendue par son ex-mari et par son père, qu’elle ne connaissait pas jusqu’alors. Elle s’engage alors dans une nouvelle relation avec un homme, mais son couple est fragile et ne résiste pas à la découverte d’une nouvelle imposture. Elle finit par retourner auprès de son premier mari et de ses beaux-parents. Ses principales autres publications sont La storia spezzata (« l’histoire brisée », 1992) ; In punta di cuore (« au bout du cœur », 1995) ; Il rumore dei ricordi (« le bruit des souvenirs », 1998) ; L’amore stretto (« l’amour étroit », 1999) ; La donna per legare il sole (« la femme pour attacher le soleil », 1999) ; Mia per sempre (« mienne pour toujours », 2000). La défense des sentiments, le rejet de la société de consommation et la croyance dans les potentialités des femmes, tels sont les principaux thèmes de l’œuvre de M. Venturi.

Graziella PAGLIANO

BIGLIA M., Magda Biglia intervista Maria Venturi scrittrice, Gussago, Vannini, 2000.

VERA, Marija (baronne OSTEN-SACKEN, née Marija KSAVERA EPPICH, dite) [KRANJ 1881 - LJUBLJANA 1954]

Actrice et metteuse en scène slovène.

Première actrice slovène à faire des études d’art dramatique, à Vienne, de 1905 à 1907, Marija Vera commence sa carrière à Zurich (1907-1910). De 1911 à 1916, elle joue à Berlin, dans la troupe de Max Reinhardt, au Deutsches Theater, interprétant tous les grands rôles tragiques du répertoire classique (grec, allemand, nordique et shakespearien) : Jocaste, Cassandre, Viola, Gertrude, Desdémone, Portia, Iphigénie, Médée et Sapho de Franz Grillparzer, Kriemhilde dans Les Nibelungen de Friedrich Hebbel, Hedda Gabler, la Dame de la mer, Aline ou Mme Borkman chez Ibsen, Roxane dans Cyrano. Elle joue avec les acteurs les plus célèbres de l’époque. Après la Première Guerre mondiale, elle s’installe dans le nouveau royaume de Yougoslavie. Jusqu’en 1923, elle joue à Sarajevo, Dubrovnik, Novi Sad et Belgrade, avant de rejoindre la troupe du Drama, théâtre national slovène, où elle reprend ses anciens rôles, notamment dans les pièces d’Ibsen. Elle s’adonne également à la mise en scène et à l’écriture d’essais sur le jeu et l’art dramatique. Après 1945, elle est professeure à l’académie de théâtre de Ljubljana. En 1951, à 70 ans, elle interprète Bernarda Alba. Elle joue un rôle important dans l’institutionnalisation de l’enseignement de l’art dramatique en Slovénie. Elle est aussi une des premières femmes metteurs en scène du pays entre les deux guerres. Son activité d’essayiste et ses adaptations à la scène des romans de la littérature slovène ouvrent la voie à d’autres femmes dans ce métier surtout exercé par des hommes. Première grande tragédienne du théâtre slovène, elle tient une place essentielle dans l’art de la comédienne, qui s’affirme dans le théâtre slovène tout au long du XXe siècle.

Jana PAVLIČ

VERA, Yvonne [BULAWAYO 1964 - TORONTO 2005]

Romancière et nouvelliste zimbabwéenne.

La prose poétique d’Yvonne Vera et sa capacité à aborder les thèmes les plus difficiles lui ont valu une place prépondérante dans la littérature africaine. Dans un style dense et très visuel, l’écrivaine peint les différentes facettes du monde colonial. C’est à une véritable déconstruction du roman qu’elle s’attelle dans ses œuvres, comme pour mieux marquer le contenu novateur de son écriture. À travers l’univers psychologique de ses personnages, Y. Vera nous plonge au cœur de la lutte qu’ils mènent pour donner un sens au chaos qui les entoure. Elle donne une voix à ceux qui n’en ont pas, et en particulier aux femmes que l’histoire conventionnelle du Zimbabwe a passées sous silence. Elle dénonce ainsi le discours nationaliste et patriarcal. Elle a su traiter avec beaucoup de sensibilité des thèmes généralement tabous tels que le viol, l’inceste et l’infanticide ainsi que les violences spécifiques dirigées contre les femmes, que ce soit à l’époque coloniale ou postcoloniale. La guerre de libération du Zimbabwe a aussi été un sujet important pour elle. Défricher de nouveaux chemins, ouvrir un espace plus libre sont les ressorts de son écriture. La narration est ancrée dans la vie réelle et dans la mémoire du passé historique. Mais si les injustices sont dénoncées, la parole reste toujours humaine et nourrie d’émotion. La question du lien entre la fiction et l’histoire est primordiale. Quelle est la part de l’imaginaire dans le processus de création d’un monde vraisemblable ? Elle a commencé à écrire en 1992, en proposant une nouvelle à un magazine littéraire canadien. L’éditeur lui a alors demandé de lui en envoyer d’autres. C’est ainsi que son premier recueil de nouvelles, Why Don’t You Carve Other Animals (« pourquoi ne sculptez-vous pas d’autres animaux »), a été publié. Cinq romans ont suivi : Nehanda (1993), Une femme sans nom (1994), Sous la langue (1997), Papillon brûle (2000) et Les Vierges de pierre (2002). Au moment de sa mort, à l’âge de 40 ans, elle travaillait sur un texte, Obedience. Ses livres ont été traduits dans plusieurs langues, dont l’espagnol, l’italien, le français et le suédois. Elle a remporté de nombreux prix littéraires, notamment le Tucholski Prize, décerné par le Swedish PEN (2004), le Macmillan Writer’s Prize for Africa (2002) ainsi que le Commonwealth Writer’s Prize (1997). Y. Vera a également été directrice de la National Gallery of Zimbabwe à Bulawayo de 1995 à 1997. On se souviendra d’elle comme d’une écrivaine engagée et passionnée.

Véronique TADJO

Papillon brûle (Butterfly Burning, 2000), Paris, Fayard, 2002 ; Les Vierges de pierre (The Stone Virgins, 2003), Paris, Fayard, 2003 ; Une femme sans nom, suivi de Sous la langue (Without a Name, 1994 ; Under the Tongue, 1997), Paris, Fayard, 2006.

VERBITSKAÏA, Anastasia [VORONEJ 1861 - MOSCOU 1928]

Romancière russe.

Anastasia Alexeïevna Verbitskaïa est une romancière russe qui fut extrêmement populaire avant la révolution d’Octobre. Éduquée à l’Institut Élisabeth de Moscou dans les années 1870, elle se considère comme une rebelle. Elle enseigne à l’âge de 16 ans. À partir de 1883, elle est également journaliste politique pour plusieurs titres moscovites. Ses premiers récits paraissent en 1895 dans des revues littéraires, puis elle crée sa propre maison d’édition, quatre ans plus tard, qui publie alors ses propres ouvrages ainsi qu’une vingtaine de traductions de romans européens traitant de questions féminines. En 1907 paraît son premier best-seller, Doukh vremeni (« l’esprit du temps »), suivi de 1909 à 1913 par les six volumes (1 400 pages au total) de Klioutchi stchast’ia (« les clés du bonheur »), et enfin par Igo lioubvi (« le joug de l’amour ») en 1914. Ce sont des romans de boulevard, des fictions populaires où domine le thème de l’émancipation féminine. Ses héroïnes, militantes politiques, journalistes, enseignantes, étudiantes ou actrices, sont en quête d’indépendance et d’amour libre. Les intrigues sont bien menées, les caractères simples et idéalisés. La politique éditoriale et commerciale est réfléchie et s’adresse consciemment à des lecteurs nouveaux, aux étudiants, aux ouvriers et aux femmes. Le paysage culturel et philosophique de l’époque est abordé, de la peinture italienne à Nietzsche en passant par Isadora Duncan* ; les nombreux voyages des héroïnes sont prétexte à la description de pays étrangers. Korneï Tchoukovski voyait dans ces récits « l’association de Rocambole et de Darwin, de Pinkerton et de Marx ». Après avoir été extrêmement populaires, ses livres ont été interdits en 1924. Ils sont réédités avec succès depuis les années 1990.

Marie DELACROIX

VERDEJO Y DURÁN, María Tadea [CASCANTE 1830 - SARAGOSSE 1854]

Poétesse espagnole.

Fille d’un officier militaire, éduquée selon des stricts principes religieux, María Tadea Verdejo y Durán étudie la peinture et la musique. La mort de ses parents l’oblige à se consacrer à sa famille, dont elle est la troisième de six enfants. Elle commence à écrire à l’âge de 20 ans et meurt quatre ans plus tard, victime du choléra. Comme pour d’autres auteures de l’époque, sa volonté d’écrire se heurte aux préjugés sociaux : elle publie donc sous le pseudonyme de Corina et s’attache à défendre l’androgynie, qu’elle voit comme une stratégie possible face à la dichotomie entre la revendication de la féminité et celle du talent. Elle dénonce la place que les structures sociales imposent aux femmes, cantonnées à un rôle qui fait obstacle à la pratique de l’écriture, et attribue une grande partie des désordres sociaux à l’éducation mièvre qui leur est réservée, uniquement centrée sur la moralité et les soins à donner aux enfants (Ecos del corazón, « les échos du cœur », 1853 ; La estrella de la niñez, compendio de moral escrito para la educación de las niñas, « l’étoile de l’enfance, abrégé de morale destiné à l’éducation des filles », 1854). Elle demande de prêter plus d’attention à cette question afin de mieux préparer les femmes à affronter la vie. En pleine naissance du mouvement féministe modéré de la seconde moitié du XIXe siècle, elle réunit autour d’elle un groupe d’écrivaines aragonaises qui ont introduit des innovations en poésie, parmi lesquelles Josefa Moreno y Nartos (1820- ?), Angela Grassi*, Amalia Fenollosa*. Parmi ses œuvres, louées par Emilia Pardo Bazán*, elle laisse une pièce de théâtre, Catalina Cornaro, dont la première, en 1851, fut perturbée par les révoltes de Saragosse.

Carme FIGUEROLA

J. H., J. M., Biografía de la distinguida poetisa señorita Doña María Verdejo y Durán, Saragosse, Imprenta y depósito de libros de A. Gallifa, 1855.

LES VERDUSSEN – IMPRIMEURES ET LIBRAIRES FLAMANDES [Anvers XVIIe-XIXe siècle]

La dynastie Verdussen, installée à Anvers, constitue l’une des familles d’imprimeurs-libraires les plus importantes des Pays-Bas de 1589 à 1832, soit pendant sept générations et plus de deux siècles. Aux XVIIIe et XIXe siècles, ce sont des femmes qui dirigent l’entreprise pendant quatre-vingt-quinze ans. Dans le contexte de la Contre-Réforme, les imprimeurs d’Anvers comprennent les possibilités offertes par le renouveau du catholicisme et la ville devient l’un des principaux centres typographiques de production et de distribution de livres catholiques. La famille Verdussen imprime des catéchismes, missels et livres de dévotion, et révise des éditions d’ouvrages scolaires pour les collèges des ordres monastiques et des ouvrages liturgiques pour le marché international. Dès 1650, la conjoncture économique nécessitant un changement de tactique, l’accent est davantage mis sur la librairie, avec la recherche de nouveaux marchés dans la péninsule Ibérique. C’est à l’époque de la longue gouvernance féminine, au milieu du XVIIIe siècle, que la maison Verdussen est, de toutes les entreprises des Pays-Bas méridionaux, la plus ouverte et active à l’international, notamment en Espagne, au Portugal et dans les territoires coloniaux.

Parmi les femmes qui contribuent à sa prospérité, les plus remarquables sont, au XVIIe siècle, Maria (1618-1691), et Clara Verdussen (1623-1695). Membres de la Guilde de Saint-Luc et inscrites comme libraires, elles prennent la direction de l’imprimerie De Tien Geboden (« les dix commandements ») à la mort de leurs frères Petrus (1620-1677) et Henricus (1632-1684), continuant à publier l’un des deux grands journaux d’Anvers, De Extraordinarisse Post-tijdinghen. En 1691, elles en modifient le nom ; le journal, datant de 1635, paraît désormais deux fois par semaine sous le nomde Antwerpsche Dynsdaeghse pour l’édition du mardi et Antwerpsche Vrydaeghsche Posttijdinghe pour celle du vendredi. Bien que les documents d’archives attestent que les deux sœurs sont alors responsables de la publication du journal, il paraît sous le pseudonyme de H. I. Verdussen, probablement dérivé des initiales de deux de leurs frères encore vivants, Hieronymus IV et Jacobus. Ni l’une ni l’autre n’étant mariée, aucune ne peut légalement être propriétaire ou agir en son nom propre.

Après la mort de Clara, en 1695, cette branche de la famille s’éteint et le journal est repris par Henricus III Aertssens, lié aux Verdussen par le mariage en 1652 de Hieronymus III avec la tante d’Henricus III, Sarah Aertssens, elle-même descendante d’une famille d’imprimeurs. Après la mort de son mari, elle prend la tête de l’entreprise en 1687, inaugurant la prééminence des femmes dans l’entreprise pour les siècles suivants. Sa publication la plus importante est sans doute le retirage du volumineux In S. Scripturam commentarius, un commentaire de la Bible par le jésuite Jacobus Tirinus datant de 1688. En 1692, à l’âge de 69 ans, elle passe la main à ses fils Henricus II et Cornelius I. Toutefois, une édition de 1702 du Jacobus d’Ignatius de Zuleta paraît sous le nom de Sarah Aertssens et ses deux fils. Ensuite, jusqu’en 1832, l’entreprise est principalement dirigée par des femmes, toutes descendantes de familles ayant fait fortune dans le commerce international du livre. Anna MargaretaBlanckaert (1670-1750), veuve de Henricus I Verdussen, dirige l’entreprise jusqu’à sa mort, d’abord avec son fils Cornelius II (1706-1748), puis avec la veuve de son fils, Isabella Catharina Wellens, qui reprend ensuite l’affaire et la dirige avec ses enfants jusqu’à sa mort en 1769. À l’époque, la maison Verdussen surpasse son rival de toujours, Moretus. Les enfants de I. C. Wellens travaillent ensemble jusqu’en 1781, après quoi la direction est assurée pendant dix ans par l’un des fils. Après la mort de ce dernier, sa femme, Aldegundis Rebecca Martina Cels (1743-1832), dont la famille possède une raffinerie de sucre à Anvers, dirige l’imprimerie-librairie tout en codirigeant la raffinerie. Elle reste à la tête de l’entreprise pendant près de quarante années marquées par de nombreuses crises : politiques, puisque la souveraineté des Pays-Bas méridionaux change sept fois de mains, aboutissant à la création de la Belgique en 1830, et industrielles, marquant la fin des presses à bras. Sous la direction de A. R. M. Cels, l’entreprise Verdussen ne passe pas le cap de la révolution industrielle et, dans les dernières décades, elle concentre ses activités sur le commerce des livres anciens, qu’elle possède en grandes quantités, accumulés pendant des générations. À sa mort, l’imprimerie, qui a été une des plus prospères et des plus durables de Belgique, ferme ses portes.

Stijn VAN ROSSEM

VERDY, Violette (Nelly GUILLERM, dite) [PONT-LABBÉ 1933]

Danseuse, professeure et directrice de compagnie française.

Formée à Paris par Mme Rousanne et Victor Gsovsky, Violette Verdy connaît une carrière d’enfant prodige dans Le Poète (1945) de Roland Petit. Danseuse aux Ballets des Champs-Élysées en 1948, elle est la vedette du film Ballerina de Ludwig Berger (1950) et entre aux Ballets de Paris la même année (1950-1953). Elle devient ensuite principal dancer au New York City Ballet (1958-1976), avant de revenir à l’Opéra de Paris en tant que directrice de la danse (1977-1980). Elle s’occupe ensuite du Boston Ballet, est professeure associée au New York City Ballet (1984-1996), puis enseigne à l’université de Bloomington. Créatrice du rôle de la fiancée dans Le Loup de Roland Petit (1951), elle danse un large répertoire. Son charme piquant, ses dons d’actrice alliés à son brio, lui valent une invitation au Mai Florentin (1951), au London Festival Ballet, au Ballet Rambert et à l’American Ballet Theatre, où elle interprète Mademoiselle Julie de Birgit Cullberg*. Sa rencontre avec George Balanchine, dont elle interprète Thème et Variations (1957), est décisive. Le chorégraphe apprécie sa rapidité d’exécution qui pousse la danseuse à modifier un pas pour lui donner plus de détente : le Violette step est né. Admirée pour sa virtuosité et sa musicalité, elle inspire au chorégraphe : Tchaïkovski Pas de deux, Liebeslieder Walzer, Emeralds, Sonatine. Elle s’illustre également dans Divertimento no 15, Stars and Stripes, Gounod Symphony, mais aussi dans Dances at a Gathering (1969), In the Night (1970) de Jerome Robbins. Étoile internationale invitée, elle danse les classiques, Giselle, La Sylphide et La Belle au bois dormant. Sa brillante carrière d’interprète et de pédagogue lui vaut de nombreuses distinctions. Guide d’étoiles, elle pérennise l’esprit de Balanchine.

Florence POUDRU

Giselle : A Role for a lifetime, New York, M. Dekker, 1977.

DELOUCHE D., POUDRU F., Violette Verdy, Pantin, Centre national de la danse, 2008.

VERGIER, Françoise [GRIGNAN 1952]

Sculptrice et peintre française.

Septième enfant d’une famille de paysans de la Drôme, Françoise Vergier fait des études d’art à Avignon, puis vit au Havre et à Paris, avant de s’installer près de Grignan, où elle construit une maison-atelier face à un splendide paysage provençal. Cet enracinement et cet attachement à la terre, au jardin, au spectacle de la nature, marqueront durablement son travail. Cette artiste singulière se situe, selon ses dires, « dans l’entre-deux, entre peinture et sculpture, masculin et féminin, corps et paysage, mort et vie ». Depuis ses premières sculptures en bois de tilleul peint des années 1990 jusqu’aux installations récentes, marquées par l’hybridité, mêlant constructions de bois, objets de céramique et breloques fétichistes (Conversations avec une âme défunte, 2008), toute son œuvre parle du féminin, de l’érotisme, de la naissance et de la disparition, car F. Vergier croit aux vertus thérapeutiques de la création artistique, au pouvoir magique de l’art, qui peut apaiser, lutter contre les forces destructrices et nous réconcilier avec le monde. D’origine souvent autobiographique (allusions à la maternité, à la mort des parents, aux souffrances de l’amour), ses sculptures-objets puisent, cependant, aux sources archaïques universelles et font référence aux mythes anciens comme celui de la déesse-mère. Lors de son exposition en 1995 au Centre Georges-Pompidou, elle présente une série de femmes sculptées en bois peint, avec divers attributs et aux poses hiératiques ; elle les appelle L’Insondable, l’Étrange, la Délicieuse, la Repoussante, qualificatifs donnés aux femmes par Arthur Rimbaud dans la Lettre du voyant. Après avoir confié pendant un temps la réalisation de ces sculptures à un artisan, elle décide de façonner elle-même ces corps féminins et se met à la céramique émaillée ; surgissent alors des torses et têtes de femmes, recouverts de paysages peints ou de diverses breloques, évoquant les fétiches africains. Après la terre, le verre… Au Cirva (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques, Marseille), F. Vergier réalise de nombreuses pièces en verre soufflé, matériau qui lui permet de donner forme aux éléments immatériels, comme le vent. Parallèlement à ses œuvres en volume qui rappellent certains objets surréalistes par leur côté provocateur alliant beauté, raffinement, préciosité et monstruosité, elle dessine de grands paysages au fusain, dans lesquels elle imbrique des formes de collines, de champs et de fragments de corps. Il s’agit pour elle d’un paysage mental qui évoque, néanmoins, le style de la peinture chinoise. En 2004, une exposition rétrospective au Carré d’art à Nîmes, intitulée Le Paysage, le Foyer, le Giron et le Champ, lui donne l’occasion de déployer la richesse de son vocabulaire plastique et de témoigner de ses références à Michel Onfray, Peter Sloterdijk ou Diogène. Échappant à toute catégorisation et mélangeant les genres, les sculptures de 2007-2008 sont constituées d’assemblages d’objets et mobiliers hétéroclites, qui suggèrent des rites funéraires, comme l’hommage aux parents morts, qui présente deux petits crânes posés sur une sorte de conque recouverte de cuir.

Marie-Laure BERNADAC

Françoise Vergier (catalogue d’exposition), Paris, Centre Pompidou, 1995 ; Françoise Vergier (catalogue d’exposition), Nîmes/Arles, Carré d’art/Actes Sud, 2004.

VERGNE, Michèle [LISLE ADAM, FRANCE 1943]

Mathématicienne française.

Ancienne élève de l’École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres, Michèle Vergne soutient sa thèse en 1971. Elle est accueillie à plusieurs reprises, de 1971 à 1986, au Massachusetts Institute of Technology (MIT), d’abord comme assistante puis comme Professeure. Depuis 1981, elle est directrice de recherche au CNRS (émérite à partir de 1997), à l’Institut de mathématiques de Jussieu. Ses travaux sont centrés sur la théorie des représentations des groupes de Lie et la géométrie, et trouvent leur origine dans la mécanique quantique. Ils ont un rayonnement international et sont couronnés par de nombreux prix, dont le Bordin de l’Académie des sciences en 1980. En 1998, elle est la première femme élue membre de l’Académie des sciences dans la section mathématiques. Très active auprès des jeunes lorsqu’il s’agit d’expliquer et de promouvoir la recherche en mathématiques, M. Vergne encourage aussi bien les filles que les garçons à se lancer dans cette carrière, bien que dans ce milieu très masculin, cette mathématicienne prestigieuse ait elle-même connu un parcours semé d’obstacles à ses débuts. Il faudra attendre 2010 pour qu’une autre mathématicienne, Claire Voisin*, la rejoigne à l’Académie des sciences.

Anne BOYÉ

« Profession : chercheur en mathématiques », in Alliage, n° 43, Éditions du Seuil, juil. 2000.

VÉRINE, Victorine [ANTIBES 1892 - ID. 1985]

Bibliothécaire française.

Ayant quitté Antibes pour travailler dans l’Aisne auprès de sa cousine, infirmière diplômée de l’école Florence-Nightingale de Bordeaux, Victorine Vérine est recrutée par le Comité américain pour les régions dévastées (Card, fondé en 1917 par Anne Morgan*). De 1919 à 1924, elle participe à l’ouverture de bibliothèques. Sous la direction de l’Américaine Jessie Carson, bibliothécaire à la New York Public Library, elle y organise des sections enfantines. Elle suit en France des cours organisés par le Card qui fait venir des intervenants américains pour former du personnel. En 1924, elle part aux États-Unis pour suivre une formation complète et, de retour en France, elle organise des centres de distribution de livres dans les villages : les bibliothèques circulantes. En 1931, au congrès de la lecture publique à Alger, elle présente un rapport à ce sujet. En 1933, elle aménage un véhicule qui transporte des livres : une bibliothèque itinérante, et inaugure avec le chartiste militant pour la lecture publique Henri Vendel (1892-1949) ce bibliobus qui circule dans l’Aisne. En 1936, elle est membre du conseil de l’Association pour le développement de la lecture publique (ADLP). En 1937, elle ouvre une bibliothèque pour enfants à Soissons et reste active dans les bibliothèques de l’Aisne jusqu’à la fin de sa vie.

Évelyne DIÉBOLT

VERLET, Blandine [PARIS 1942]

Claveciniste française.

Connue pour son jeu singulièrement maîtrisé et son émotion contenue, Blandine Verlet a été l’élève de Ruggero Merlin et de Ralph Kirkpatrick. Elle a suivi les cours d’écriture et d’esthétique de Marcel Beaufils, d’histoire de la musique de Norbert Dufourcq et de clavecin avec Marcelle de Lacour au Conservatoire de Paris. Elle mène une carrière internationale dès l’âge de 20 ans, et obtient en 1963 un premier prix de clavecin à l’unanimité et le prix spécial du Concours international de Munich. Elle est professeure de clavecin dans un conservatoire parisien de 1983 à 1985, au Conservatoire Gabriel-Fauré d’Angoulême de 1985 à 1987 et au Conservatoire de Bordeaux de 1987 à 1990. Elle enseigne également au Conservatoire de Rueil-Malmaison jusqu’en 2007. B. Verlet a commencé dès les années 1970 sa riche discographie qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de références, de Bach à Froberger, en passant par Rameau et des compositeurs plus rares, Louis Couperin et Élisabeth Jacquet* de La Guerre. Elle signe une première intégrale de l’œuvre pour clavecin de Couperin, et grave des sonates de Scarlatti. Elle travaille avec des musiciens comme le violoniste Gérard Poulet, avec qui elle joue et enregistre les sonates de jeunesse de Mozart, le flûtiste Stephen Preston et le gambiste Jordi Savall. Son répertoire court du XVIe siècle à la création contemporaine, avec des œuvres de György Ligeti, Claire Schapira, Georges Aperghis, André Boucourechliev. Outre le clavecin, elle joue du pianoforte et de l’orgue.

Bruno SERROU

VERNET, María Teresa [BARCELONE 1907 - ID. 1974]

Poétesse et romancière espagnole d’expression catalane.

Reconnue en tant qu’écrivaine peu de temps avant la guerre civile, María Teresa Vernet s’éclipse après la guerre, sort commun à un grand nombre d’écrivains de l’époque. Après 1939, elle se mure dans un silence volontaire et s’oppose à la réédition de son œuvre, se contentant de publier quelques contes. Elle suit des études de musique, de littérature et de philosophie avant de s’engager dans le roman psychologique. Elle se fait connaître avec Maria Dolors (1926). Amor silenciosa (« amour silencieux », 1927) et Eulàlia (1928) la consacrent définitivement comme romancière. Elle est la première femme à recevoir le prix Joan-Creixells du roman, en 1934, pour Algues roges (« algues rouges ») ; elle y décrit le tiraillement entre amour idéal et amour passionnel, les relations mère-fille, les modèles sociaux féminins, dans une prose où l’évocation de la sexualité a provoqué une polémique et engendré un débat passionné parmi les critiques littéraires. Elle a incarné la personnalité littéraire féminine de la résistance avant que n’apparaisse cette autre grande figure de la littérature catalane, Mercè Rodoreda*. Son recueil de nouvelles, Elisenda (1935), et son texte en prose, Estampes de París (1937), lui valent une estime considérable, tandis qu’elle réalise un important travail culturel au sein du Club féminin de sports, surtout fréquenté par des Catalanes progressistes de la classe moyenne. Elle est également appréciée pour ses traductions de Joyce (Portrait de l’artiste en jeune homme) et de Huxley (Contrepoint). En 2006, lors du centenaire de sa naissance, l’Institut catalan de la femme rend hommage à son engagement et à sa modernité – l’occasion de restituer la place qui revient de droit à l’une des grandes romancières catalanes des années 1920-1930. En rappelant le souvenir d’autres auteures républicaines, avec lesquelles M. T. Vernet présente à la fois des similitudes et des différences significatives, l’Institut s’efforce de faire un examen de la femme en tant que sujet littéraire dans les œuvres des écrivains catalans et de souligner l’aspect plus socio-littéraire propre à l’écrivaine.

Amàlia PRAT

Poesies, 2 vol., Barcelone, Publicacions de la Revista, 1929-1931.

María Teresa Vernet i Real, compromís de gènere i modernitat, Barcelone, Institut català de la dona, 18 déc. 2006.

VERNOUX, Marion [MONTREUIL 1966]

Réalisatrice et scénariste française.

Fille d’une directrice de casting et d’un décorateur de théâtre, Marion Vernoux délaisse études et diplômes pour se consacrer au cinéma. Elle débute comme assistante de production dans les années 1980. En 1990, elle écrit le scénario de Pacific Palisades et réalise l’année suivante un téléfilm, Pierre qui roule, qui reçoit un bon accueil du public. En 1994, elle réalise son premier long-métrage, Personne ne m’aime, nommé au César de la meilleure première œuvre et salué par la critique pour son ton décalé, tout comme Love etc. (1996) où elle met en scène Charlotte Gainsbourg* et Yvan Attal. M. Vernoux offre aux comédiennes qu’elle dirige des rôles d’une grande sensibilité, jamais dénués d’humour, comme celui d’une chômeuse amoureuse incarnée par Valeria Bruni-Tedeschi* dans Rien à faire (1999) ou ceux d’Hortense et Marie campées par Karin Viard* et Hélène Fillières* dans la comédie sentimentale Reines d’un jour (2001). La scénariste écrit également pour les autres ; elle participe notamment au scénario de Vénus Beauté (Institut) de Tonie Marshall*, récompensé par un César en 2000. En 2013, M. Vernoux signe Les Beaux Jours, l’émouvante renaissance à elle-même d’une femme depuis peu retraitée, incarnée par Fanny Ardant*.

Chayma SOLTANI

VERONA, Ida [BRĂILA, ROUMANIE 1865 - PRČANJ, MONTÉNÉGRO 1925]

Écrivaine monténégrine.

Descendante de la lignée des Grgurović, Ida Verona écrivait majoritairement en français, mais aussi en roumain et en italien, et a passé une partie de sa vie à Paris. Si certains l’appelaient la « poétesse monténégrino-roumaino-française », elle se définissait avant tout comme slave et fille de la côte illyrienne. N’ayant jamais accédé à une pleine identité littéraire ni dans son pays ni à l’étranger, ses œuvres ont souvent paru de façon confidentielle et demeurent donc à présent difficilement trouvables. I. Verona a écrit de la poésie et publié dans des revues roumaines et françaises dès l’âge de 14 ans. Son intérêt pour la peinture a aussi été relativement précoce, de même qu’elle s’exerçait en arts appliqués. Elle est l’auteure de quelques fresques dans l’église paroissiale de Prčanj. Plus tard, elle s’est adonnée à l’écriture théâtrale. Certaines de ses pièces sont restées inachevées, dont celle portant sur la vie du héros légendaire de la Dacie antique, Décébale, ennemi des Romains. Néanmoins, ses pièces les plus abouties mettent au centre de l’action des sujets féminins incarnés par des héroïnes tragiques, telles que sainte Catherine d’Alexandrie et Jeanne d’Arc*. Cette dernière est la protagoniste d’un texte dramatique qui a ravi Émile Fabre, à l’époque directeur de la Comédie-Française. La place de la femme dans la société constitue également le thème central de Mimosas, publié à Paris en 1885. Ce recueil de 86 pièces est porté par une voix poétique qui considère la femme comme l’égale de l’homme et s’évertue à concevoir un idéal féminin dans un vers moderne et libre. La composition formelle de l’œuvre est hétérogène : des quatrains rimés en vers de 12 syllabes succèdent à de longues strophes au rythme irrégulier et dépourvues de rimes. Tout en empruntant une partie de sa versification et de sa tonalité au symbolisme, l’auteure est parvenue à créer une œuvre originale.

Robert RAKOCEVIC

Mimosas, Paris, H. Gautier, 1885.

VUKOVIĆ J., « U tuđem jeziku i zemlji – Ana Marija Marović i Ida Verona », in KALEZIĆ S., Crnogorska književnost u književnost kritici III. Racionalizam, romantizam, Podgorica, Obod, 2000.

VÉRONIQUE GIULIANI (née Veronica ORSOLA) [MERCATELLO SUL METAURO, MARCHES 1660 - CITTÀ DI CASTELLO, OMBRIE 1727]

Mystique italienne.

Contrairement à la volonté de son père, Véronique Giuliani suivit sa vocation religieuse et entra au monastère des clarisses capucines de Città di Castello, en Ombrie, où elle resta toute sa vie ; elle fut enseignante des novices puis mère abbesse. Presque analphabète, elle apprit à écrire par obéissance à ses directeurs spirituels, qui lui demandèrent de prendre note de ses pensées. Son volumineux journal, Sainte Véronique Giuliani dépeinte par elle-même (son autobiographie, extrait de ses œuvres), de plus de 22 000 pages manuscrites couvrant trente-quatre ans de vie cloîtrée, rend compte de ses visions mystiques, de ses souffrances inspirées de la Passion du Christ et de son humble dévotion, avec un style fluide et sincère. Elle a également laissé des textes biographiques, des poésies et des lettres. Elle a été canonisée en 1839.

Marta SAVINI

Sainte Véronique Giuliani dépeinte par elle-même (son autobiographie, extrait de ses œuvres) (Un tesoro nascosto ossia Diario di S. Veronica Giuliani, Prato, Giachetti Figlio e C., 1895-1903), Gembloux, J. Duculot, 1929.

POZZI G., LEONARDI C. (dir.), Scrittrici mistiche italiane, Gênes, Marietti, 1988.

VERRETT, Shirley [LA NOUVELLE-ORLÉANS 1931 - ANN ARBOR 2010]

Mezzo-soprano puis soprano américaine.

Shirley Verrett appartient à cette génération de cantatrices noires qui a émergé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle s’est surtout illustrée dans les répertoires français et italien, notamment Gaetano Donizetti et Giuseppe Verdi. Elle fait ses études musicales d’abord à Los Angeles puis à la Juilliard School of Music de New York. Elle chante à Yellow Springs (Ohio) en 1957, dans Le Viol de Lucrèce de Benjamin Britten, puis en 1958 dans Lost In The Stars de Kurt Weill au New York City Opera, et fait ses débuts européens à Cologne dans La Mort de Raspoutine de Nicolas Nabokov. Lorsque le chef d’orchestre Leopold Stokowski lui propose de chanter avec l’Orchestre symphonique de Houston au début des années 1960, il doit annuler son invitation après que le conseil d’administration lui a refusé la venue d’une soliste noire. Il fera plus tard amende honorable en l’accueillant pour un concert avec l’Orchestre de Philadelphie. Sa carrière internationale débute en 1962, avec une première invitation à Spoleto dans Carmen, qu’elle chante également au Théâtre Bolchoï de Moscou en 1963. Puis elle se produit pour la première fois au Covent Garden de Londres dans le rôle d’Ulrica d’Un bal masqué de Verdi, avant d’y chanter Azucena du Trouvère, Eboli de Don Carlos, Amneris d’Aïda et Orfeo ed Euridice de Gluck. Elle débute au Metropolitan Opera de New York en 1968 en Carmen, son rôle fétiche, à la Scala de Milan en 1969 dans Samson et Dalila et à l’Opéra de Paris en 1973 dans le rôle d’Azucena. Dans les années 1970, sans abandonner les emplois de mezzo-soprano, elle aborde peu à peu ceux de soprano dramatique, notamment Lady Macbeth à la Scala de Milan, qui lui vaut en 1975 le surnom de Negra Callas. Elle aborde Norma à San Francisco, Desdémone d’Otello, Aïda et Tosca à Boston, Mme Lidoine des Dialogues des carmélites de Poulenc, Léonore de Fidelio, Iphigénie, Alceste de Gluck, Médée de Cherubini. Elle est Didon dans le spectacle inaugural de l’Opéra Bastille à Paris en 1990. En 1994, elle fait ses débuts à Broadway dans Carousel d’Oscar Hammerstein au Vivian Beaumont Theater du Lincoln Center. En 1996, elle commence à enseigner le chant à l’université du Michigan.

Bruno SERROU

I Never Walked Alone : the autobiography of an American singer, Hoboken (New Jersey), J. Wiley & Sons, 2003.

VERREY, Laurence [LAUSANNE 1953]

Poétesse suisse d’expression française.

Auteure de cinq recueils de poèmes et de deux livres en prose, Laurence Verrey situe son travail dans le compagnonnage de la musique, modèle d’une immédiateté fulgurante, proche des mystères essentiels. Le thème récurrent de la voix et du chant porte la fluidité inquiète et la dimension éthique caractéristiques de cette poésie de l’accueil, de la nomination, de la gratitude et de la réparation : « La voix seule redonnera/Au sang de l’homme sa splendeur/Native » (Pour un visage, 2003). Élémentaires, les images conjurent l’éphémère et le devenir, le « pouvoir de métamorphose et la foncière unité du réel ».

Marion GRAF

Chrysalide, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1982 ; Le Cantique du feu, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1986 ; L’Ombre du silence, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1989 ; D’outre-nuit, Lausanne, Empreintes, 1992 ; Vous nommerez le jour, Genève, Samizdat, 2005.

POTTERAT J.-C., « Une voix d’herbe », in L’Ombre absoute, Albeuve, Castella, 1989.

VESCHAMBRE, Christiane [PARIS 1946]

Poétesse française.

Agrégée de lettres, enseignante, Christiane Veschambre s’engage en poésie en 1979 avec le recueil Le Lais de la traverse où elle donne déjà la mesure de son œuvre à venir. Pour elle, la poésie est un travail constant, patient et acharné pour ramener le langage à une épure, à une ligne continue dont le silence est la clef. Son vers tente de « partir de l’expérience intérieure », cherchant « la langue qui pourrait la suivre, la précéder, la transformer ». Dans La Griffe et les Rubans (2002), elle va plus loin et présente l’écriture comme l’exercice de désagrégation du langage, qui fera survivre le monde en le débarrassant des mots. Après avoir fondé la revue Land en 1981, avec Catherine Weinzaepflen*, et la revue Petite, en 1995, avec Florence Pazzottu, elle multiplie les interventions en ateliers d’écriture.

Johan FAERBER

VESELITSKAÏA, Lydia (dite VMIKOULITCH) [IEGORIEVSK 1857 - TSARSKOÏE SELO, AUJ. POUCHKINE 1936]

Écrivaine, mémorialiste et traductrice russe.

Née dans une famille aristocratique et militaire, Lydia Ivanovna Veselitskaïa est éduquée à la maison puis à l’institut Pavlovski avant de fréquenter des cours de pédagogie. Le divorce de ses parents puis le sien influencent son écriture, dont les thèmes sont la destinée des femmes, les conflits domestiques et les relations entre hommes et femmes. En 1877, elle fait sa première apparition artistique dans la revue Sem’ia i chkola (« famille et école »). Sa première œuvre de fiction, Stoudient (« l’étudiant »), qui paraît dans la revue Niva (« le champ ») est très appréciée de Tourgueniev. Son œuvre la plus populaire est sa trilogie Mimotchka (« Mimi »), publiée sous le pseudonyme de Vera Mikoulitch, qui relate la vie sans désir d’une jeune femme narcissique, dont le premier volet, Mimotchka-nevesta (« Mimi la fiancée », 1883) plaît à Tolstoï. Elle est attirée par les idées de l’écrivain et devient traductrice pour Posrednik, une maison d’édition à visée moralisatrice qui diffuse ses livres dans le monde rural. Dans Mimi aux bains de mer, elle introduit un personnage tolstoïen. Le troisième tome, Mimotchka otravilas’(« Mimi s’est empoisonnée », 1893) est plus sérieux et reprend des thèmes très prisés à Saint-Pétersbourg : l’éducation des femmes, leur indépendance et leur désir de s’affirmer. Dans ses nouvelles suivantes, elle brosse le portrait de personnages riches et sans scrupule de la noblesse intermédiaire. Zarnitsy (« lumières d’été », 1894) met en scène une jeune femme proche de Mimi, mais plus critique de la société. Venitse (1901) relate la duplicité des proches, Paskha krasnaïa (« Pâque rouge », 1914) parle de la vie des prolétaires. De la révolution de 1917 à sa mort ne paraissent que quelques Mémoires, Vstretchi s pissatel’iami (« rencontres avec des écrivains », 1929), dans lesquels elle décrit ses entretiens avec Tolstoï, Garchine, Leskov et d’autres. Elle meurt seule et pauvre.

Françoise DARNAL-LESNÉ

MIKOULITCH V, Mimi aux bains de mer (Mimotchka na vodakh, 1891), Paris, H. Geffroy, 1895 ; Mimotchka, Paris, L. Chailley, [s. d.].

VESQUE, Marthe [JOINVILLE-LE-PONT 1879 - PARIS 1962]

et

VESQUE, Juliette [PARIS 1881 - ID. 1949]

Dessinatrices et illustratrices françaises.

Très tôt, les deux sœurs, Marthe et Juliette Vesque, sont attirées par le monde du cirque et profitent de la proximité du domicile familial de Vincennes pour fréquenter les fêtes foraines qui s’installent sur le cours tout proche. Leur père, botaniste, leur enseigne le dessin et contribue à développer leur sens de l’observation. Devenues dessinatrices professionnelles, elles sont engagées à la Manufacture de Sèvres de 1901 à 1925, où elles se spécialisent dans les décorations florales stylisées. Elles quittent la Manufacture pour intégrer le Muséum national d’histoire naturelle où elles font partie des rares peintres sur vélin. Elles illustrent plusieurs ouvrages, réalisant notamment quelques planches pour l’Encyclopédie Larousse du XXe siècle. Logées dans les sous-sols du Muséum après la destruction de leur logement de Sèvres en 1942, c’est là qu’elles élaborent leur grand œuvre : Le Cirque en images, un recueil de 261 planches annotées et soigneusement organisées pour offrir un panorama illustré de l’histoire du cirque. Elles passent en effet toutes leurs heures de loisir sur les gradins des cirques stables de la capitale, ou ceux des cirques de passage. Elles travaillent toujours ensemble, signant chaque dessin achevé d’un « MJV ». Elles procèdent par étapes minutieuses, démarrant par un croquis sur le vif, puis par un travail de calques successifs qui conduisent à l’œuvre finale, patiemment colorée à l’aquarelle. Elles adoptent un point de vue, un éclairage et un angle systématiques, perceptibles par une légère ombre portée au niveau des pieds. La précision de leur travail est stupéfiante et de nombreux artistes les conseillent et viennent préciser la justesse d’un mouvement en n’hésitant pas, parfois, à le reproduire spécialement pour elles. Très tôt, les illustratrices souhaitent que leur travail ne soit pas dispersé et constituent un ensemble déposé dans une institution française. C’est le musée national des Arts et Traditions populaires qui en est aujourd’hui le dépositaire. En 1997, le Cirque du Docteur Paradi conçoit le spectacle Vesque-Le Baiser de l’auguste en hommage à l’œuvre des sœurs Vesque.

Pascal JACOB

BOUSTANY B., En piste ! Le cirque en images des sœurs Vesque, Paris, Gallimard, 1992.

FORT J., « Le trésor des sœurs Vesque », in Le Cirque dans l’univers, no 169, 1993.

VESTRIS, Rose (Françoise-Marie-Rosette GOURGAUD, dite) [MARSEILLE 1743 - PARIS 1804]

Actrice française.

Sœur aînée du comédien Jean-Henri Dugazon, elle appartient à une famille d’artistes. Sa carrière assez turbulente commence à la cour du duc de Wurtemberg, dont elle est la favorite. Mais, sur ordre du duc, qui a surpris leur liaison, elle doit épouser Angelo Vestris, frère du célèbre danseur. Alors que son mari est engagé à la Comédie-Italienne, elle obtient de débuter à la Comédie-Française en 1768. Elle se fait remarquer dans les grands rôles tragiques – Hermione dans Andromaque de Racine, Aménaïde dans Tancrède de Voltaire –, et dans le répertoire de Molière et de Marivaux. Protégée, ambitieuse, elle est nommée sociétaire par ordre en 1769 et interprète les princesses de tragédie, cherchant à évincer des rivales dans son emploi, notamment les sœurs Saint-Val. Elle crée les pièces des auteurs à la mode, Claude Joseph Dorat, Nicolas de Chamfort, Jean-François de La Harpe, Jean-François Ducis, et bien entendu Voltaire. Elle est Catherine de Médicis* dans Charles IX de Marie-Joseph Chénier, en 1789, et se range aux côtés des comédiens révolutionnaires, dont Talma et son frère Dugazon, qui vont jouer au Théâtre de la République en 1791. Elle fait partie de la reconstitution de la Comédie-Française en 1799. Mais elle a vieilli et ne peut plus prétendre aux emplois tragiques qui ont fait sa renommée. Une représentation d’Esther est donnée à son bénéfice en 1803.

Noëlle GUIBERT

VETERANYI, Aglaja [BUCAREST 1962 - ZURICH 2002]

Romancière, nouvelliste et actrice suisse.

Née de parents roumains artistes de cirque, l’écrivaine et actrice Aglaja Veteranyi apprend l’allemand en autodidacte, à Zurich. Dès les années 1980, elle publie des nouvelles dans des revues ; lors du succès de son premier roman Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta (1999), elle compte déjà parmi les auteurs de langue allemande les plus publiés. Ses récits, en partie autobiographiques, sont empreints de cocasserie, de surréalité et de cruauté. Placées dans un cadre familial, ses miniatures textuelles dépeignent à travers un regard enfantin, faussement naïf, la violence d’un quotidien sans amour, la déréliction de l’apatride, l’omniprésence de la mort. Un humour noir, une syntaxe écorchée, une narration recourant à l’omission : tels sont les traits distinctifs d’une œuvre, brutalement interrompue par un suicide.

Cécile KOVACSHAZY

Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta (Warum das Kind in der Polenta kocht, 1999), Paris/Lausanne, L’esprit des péninsules/Éditions d’en bas, 2004.

« Hommage » et « Entretien avec Aglaja Veteranyi », in Feux croisés, n5, Lausanne, 2003 ; SCHIFFERLE J., « Zwei Autorinnen schauen Fern », in Trans, Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften, no 15, 2004.

VEUVE, Jacqueline [PAYERNE 1930 - ID. 2013]

Cinéaste et ethnologue suisse.

Après des études de bibliothécaire-documentaliste, d’anthropologie et de cinéma en Suisse, Jacqueline Veuve complète sa formation en cinéma à Paris. Dans le cadre d’un stage à la bibliothèque du musée de l’Homme en 1954, elle rencontre Jean Rouch. Elle travaillera à plusieurs reprises avec lui, ainsi qu’avec le cinéaste Richard Leacock.Son premier court-métrage, Le Panier à viande (1966), réalisé en collaboration avec Yves Yersin, lance sa carrière. Son premier long métrage, La Mort du grand-père ou le Sommeil du juste (1978), est sélectionné au Festival de Locarno. Cinéaste engagée, J. Veuve décrit avec empathie et lucidité les gestes et les préoccupations des femmes et des hommes ordinaires de son pays, la Suisse, en abordant des thèmes aussi variés que la situation des femmes, l’armée ou le travail de la terre. Avec simplicité et sensibilité, elle tourne une série de documentaires sur les artisans dont les métiers sont menacés de disparition : charretier, boisselier, tavillonneur, tourneur sur bois, luthier, scieur-sculpteur, fabricant de luges et de jouets. Parmi ces films emblématiques se trouvent Chronique paysanne en Gruyère (1990) et Chronique vigneronne (1999). Certains de ses documentaires ont une dimension historique, comme Journal de Rivesaltes 1941-1942 (1997), qui relate l’entrée d’une jeune infirmière suisse dans la Résistance. Deux de ses films sont consacrés à des artistes : Delphine Seyrig*, portrait d’une comète (2000) et Le Salaire de l’artiste (2000). À ce jour, J. Veuve a réalisé une soixantaine de films, des documentaires et deux fictions : Parti sans laisser d’adresse (1982) et L’Évanouie (1993). Elle est l’une des cinéastes de documentaires les plus importantes de Suisse et ses films ont été couronnés par de nombreux prix. Son œuvre a déjà fait l’objet de six rétrospectives en France et en Suisse et de publications en français, allemand, anglais, italien et suédois. Avec sa société de production Aquarius film production, qu’elle dirige en Suisse, elle a produit plus d’une soixantaine de films.

Laurence BACHMANN

Journal de Rivesaltes 1941-1942, 75 min, 1997 ; Le Salaire de l’artiste, 60 min, 2000 ; La Mort du grand-père ou le Sommeil du juste (1978), 88 min, 2007.

GALLAND B., Jacqueline Veuve, 25 ans de cinéma, Lausanne, Cinémathèque suisse, 1992.

VEYRET, Yvette [1943]

Géographe française.

Spécialiste de géomorphologie, professeure aux universités Paris 7 puis Paris 10-Nanterre, Yvette Veyret s’implique dans les questions environnementales et le problème des risques naturels. Elle a participé à de nombreuses commissions sur l’enseignement de la géographie et elle est présidente du Comité national français de géographie.

Denise PUMAIN

Avec PECH P., L’Homme et l’Environnement, Paris, PUF, 1993 ; La France, milieux physiques et environnement, Paris, A. Colin, 2000 ; (dir.), Les Risques, Paris, Sedes, 2003 ; (dir.), Le Développement durable, Paris, Sedes, 2007 ; (dir.), Dictionnaire de l’environnement, Paris, A. Colin, 2007.

VEZZALI, Valentina [JESI 1974]

Escrimeuse italienne.

Lorsque l’on évoque les plus fines lames, ce sont les noms d’escrimeurs tels que Christian d’Oriola qui viennent d’abord à l’esprit ; mais n’est-ce pas une escrimeuse qui a construit en près de deux décennies le plus beau palmarès de l’histoire du sport des armes ?

Distinguée et souriante, elle se transforme sur la piste en pasionaria au visage marqué par l’intensité d’un engagement total. Entrée à 6 ans au club local de Jesi, elle lui restera fidèle quels que soient les aléas de son étonnante carrière. Sixième à 19 ans de ses premiers Championnats du monde, médaillée d’argent en individuel et par équipes dès l’année suivante à Athènes, elle attend 1999 pour s’adjuger le premier des six titres échelonnés jusqu’en 2011, ne déparant pas sept couronnes par équipe entre 1995 et 2010. Médaillée d’argent pour ses premiers Jeux olympiques à Atlanta 1996, elle devient la première femme à pouvoir se parer de trois médailles d’or consécutives à Sidney 2000, Athènes 2004 et Pékin 2008, sans négliger le titre olympique par équipes à trois reprises : 1996, 2000 et 2012 à Londres – à 38 ans et demi –, après être revenue d’une opération d’un ligament du genou gauche en 2006. Faut-il parler encore de ses cinq Championnats d’Europe individuels et quatre par équipe, et de ses onze Coupes du monde ponctuées de soixante et onze victoires ? Choisie comme porte-drapeau de l’Italie pour la cérémonie d’ouverture de Londres, écartée par sa compatriote Arianna Errigo en demi-finale (15 à 12), menée 12 touches à 8 à trente secondes de la fin de son match avec la Coréenne Nam Hyun-hee, elle parvient à égaliser, et ne lâche pas la médaille de bronze lors de la touche de « mort subite ». Lorsqu’à Catane, en octobre 2011, dominant Elisa Di Francisca, elle s’adjugea son sixième titre mondial individuel, elle dépassait dans la saga de l’escrime les deux Russes Alexandre Romankov et Stanislas Pozdianiarov, seulement cinq fois couronnés.

Jean DURRY

VIARD, Karin [ROUEN 1966]

Actrice française.

Après le conservatoire de sa ville natale, Karin Viard suit les cours de Vera Gregh et de Blanche Salant. En 1988, elle joue en théâtre d’appartement Nina, c’est autre chose, de Michel Vinaver. L’année suivante, elle débute à la télévision dans un épisode de Maigret, avec Bruno Cremer, puis passe au cinéma avec Tatie Danielle, la comédie noire d’Étienne Chatiliez (1990, avec Tsilla Chelton*). Elle poursuit par des seconds rôles avec Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro (Delicatessen, 1991), et avec des réalisatrices : Claire Devers*, Nicole Garcia* (Le Fils préféré, 1994, avec Bernard Giraudeau), Christine Pascal* (Adultère, mode d’emploi, 1995), Danièle Dubroux* (Le Journal du séducteur, 1996). Catherine Corsini* lui donne son premier rôle principal dans La Nouvelle Ève (1999) et la retrouve pour Les Ambitieux (2006). On voit l’actrice dans Les Enfants du siècle (Diane Kurys*, 1999), face à Juliette Binoche* en George Sand*. Elle travaille avec Sólveig Anspach* (Haut les cœurs ! , 1999), Marion Vernoux, Tonie Marshall*, Josiane Balasko*. Costa-Gavras la dirige dans son pamphlet Le Couperet (2005). Elle figure en 2009 dans Le Bal des actrices de Maïwenn*, qui la retrouve en 2011 pour Polisse. Après la comédie Le code a changé (Danièle Thompson*, 2009), K. Viard tourne Les Invités de mon père (Anne Le Ny, 2010) en fille désemparée de Michel Aumont. Potiche (François Ozon, 2010) fait d’elle la maîtresse de Fabrice Luchini et la rivale de Catherine Deneuve*. À la télévision, elle tourne deux fois sous la direction de Philippe Le Guay et, en 2012, incarne la députée d’extrême droite dans Yann Piat, chronique d’un assassinat, d’Antoine de Caunes. Sur scène, elle joue deux farces argentines mises en scène par Marcial Di Fonzo Bo. Elle a obtenu deux César : en 2000, pour son rôle de femme enceinte atteinte d’un cancer dans Haut les cœurs ! ; en 2003, en tant que meilleure actrice dans un second rôle dans le film choral Embrassez qui vous voudrez (Michel Blanc, 2002).

Bruno VILLIEN

VIARDOT, Pauline (née GARCÍA) [PARIS 1821 - ID. 1910]

Chanteuse lyrique, pianiste et compositrice française.

Pauline García naît dans une famille où la musique est reine. Son père, l’Espagnol Manuel García, ténor le plus célèbre de son temps, a composé des opéras et mis au point une méthode de chant grâce à laquelle il fera de ses filles, Maria, l’aînée, future Malibran*, et Pauline, deux des plus grandes cantatrices du XIXe siècle. Leur frère, Manuel Junior, sera le spécialiste incontesté de la voix. Pauline n’a que 11 ans lorsque meurt son père, mais il a laissé des indications que suit scrupuleusement son épouse Joachina. Liszt, professeur de piano de Pauline, la verrait volontiers concertiste, mais la mort brutale de Maria Malibran, en 1836, scelle le sort de son élève : elle sera cantatrice. Après des débuts en concert à Bruxelles en 1837, aux côtés de son beau-frère le violoniste Charles de Bériot, et, en 1838, à Paris, P. Garcia aborde la scène à Londres, en mai 1839, dans les rôles de Desdémone (Otello de Rossini) et de la Cénérentola. Engagée au Théâtre-Italien de Paris par Louis Viardot, qu’elle épousera un an plus tard, elle incarne ces mêmes héroïnes et y adjoint Rosine du Barbier de Séville. Après une tournée en Espagne, elle remporte un triomphe lors de sa première saison russe en 1843, participe aux fêtes de Coblence organisées en l’honneur de la reine Victoria en août 1845. Désormais, elle parcourra l’Europe, célébrée dans les villes italiennes comme à Vienne, Londres, Berlin et Saint-Pétersbourg. Pour elle, Meyerbeer écrit le rôle de Fides du Prophète, créé à l’Opéra de Paris en 1849, Gounod celui de Sapho (1851), et Berlioz, en 1859, adapte l’Orphée de Gluck. Dans le rôle titre, qu’elle chantera 150 fois, elle remporte lors de la création à Paris, au Théâtre-Lyrique, un triomphe. Tragédienne née, P. Viardot a, à l’instar de la Callas, renouvelé l’art lyrique, apportant une intensité dramatique rarement atteinte. Sa voix, au registre particulièrement étendu, lui permet d’aborder aussi bien les rôles de soprano que ceux de contralto. Elle est Norma, Zerline de Don Juan, Amina de La Somnambule, mais aussi Azucena du Trouvère, Tancrède ou Roméo. Parallèlement, P. Viardot tient un salon dans l’hôtel particulier que le couple a fait construire rue de Douai. On y donne des concerts auxquels participent compositeurs et exécutants célèbres. Elle chante, joue sur l’orgue qu’elle a fait construire par Cavaillé-Coll. Ce salon est fréquenté par de nombreux artistes – George Sand*, Chopin, Rossini, Saint-Saëns, Liszt, Gounod, Franck, Scheffer, Berlioz, Delacroix, Renan et bien d’autres. En 1860, P. Viardot, qui a déjà fait paraître des albums de mélodies, publie sa méthode École classique de chant et travaille avec Berlioz sur Les Troyens. En 1863, elle s’installe à Baden-Baden avec son mari, ses quatre enfants et son admirateur Ivan Tourgueniev, qui fait désormais partie de la famille. Là encore, elle reçoit beaucoup, organise des fêtes, joue du piano et de l’orgue, chante parfois, enseigne. Elle compose désormais des opérettes sur des livrets de Tourgueniev : Le Miroir, L’Ogre. Le Dernier Sorcier sera représenté à Weimar et dirigé par Liszt. La guerre de 1870 met fin à cet épisode heureux. Après un bref séjour à Londres, les Viardot réintègrent leur hôtel parisien où se poursuivent soirées musicales et enseignement. P. Viardot, grâce à qui Gounod a pu écrire et faire représenter Sapho, intervient en faveur du Marie-Magdeleine du jeune Massenet, dont elle assure le rôle principal. À Bougival, où elle réside souvent à partir de 1874, elle fait représenter le deuxième acte du Samson et Dalila de Saint-Saëns dans lequel elle incarne Dalila, se lie avec Bizet et Fauré. Après la mort de son époux en 1883 et celle de Tourgueniev en 1884, elle n’abandonne rien de ses activités. Dans son salon ont lieu la première audition du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, en 1885, et une représentation du Dernier sorcier, que désire entendre Tchaïkovski, en 1889. En 1895, elle envisage la représentation d’une fantaisie de Saint-Saëns, Gabriella di Vergy, et, en 1904, elle écrit une dernière opérette : Cendrillon. Elle est la mère de Paul Viardot (1857-1941), violoniste, chef d’orchestre et compositeur, et de Louise Héritte-Viardot (1841-1918), contralto, pédagogue et compositrice, qui a fait l’essentiel de sa carrière en Russie et en Allemagne, a composé un opéra-comique, Lindoro, une cantate, un quatuor pour cordes et de nombreuses mélodies.

Michèle FRIANG

FISCHER-DIESKAU D., Quand la musique nourrit l’amour, études biographiques du XIXe siècle (Wenn Musik der Liebe Nahrung ist, 1990), Paris, Buschet-Chastel, 1995 ; FRIANG M., Pauline Viardot au miroir de sa correspondance, Paris, Hermann, 2008.

VIATCHORKA, Aryna (Iryna POLZIK, dite) [MINSK 1961 - VILNIUS 2012]

Productrice bélarussienne.

Née dans une famille d’enseignants-chercheurs, Aryna Viatchorka étudie les mathématiques à l’université d’État de Minsk et soutient une thèse en histoire de la pédagogie en 1990. Durant trois ans, elle travaille à l’Institut national de l’éducation et participe à la rédaction de différentes encyclopédies. Quel que soit le champ de son activité, sa recherche vise à retrouver les racines bélarussiennes. Avec son mari Vintsouk Viatchorka, dirigeant du Front populaire bélarussien, en opposition au régime d’Alexandre Loukachenko jusqu’en 2007, elle fonde, dans les années 1980, deux organisations non gouvernementales historico-culturelles, dont l’apport dans l’éveil de la conscience nationale a été inestimable pour la préparation à l’indépendance de l’État du Bélarus en 1991. Au début des années 1990, A. Viatchorka est à l’origine du renouveau du Mouvement chevaleresque, qui organise tournois de chevalerie et festivals de musique médiévale, et l’inspiratrice de dizaines de clubs de reconstitution historique. Elle vient à la musique pour démentir l’idée répandue que le Bélarus n’a pas de musique médiévale. Dès 1995, elle devient chercheuse et productrice de musique ancienne du grand-duché de Lithuanie (dont l’actuel État du Bélarus est issu). Elle lance Stary Olsa, groupe de musique ethno-folk, et remet au goût du jour les instruments anciens, comme la douda (cornemuse) ou encore le luth. De 2000 à 2012, année de sa mort, elle a produit près de 12 projets musicaux à succès, et, en 2006, un film sur les instruments de musique anciens de son pays. Pilier du renouveau national, elle a compulsé inlassablement les archives en vue de reconstituer un répertoire authentique qui sera publié sous forme d’albums musicaux.

Jeanne VASSILIOUTCHEK

VICENS, Josefina [TABASCO 1911 - MEXICO 1988]

Écrivaine, journaliste et scénariste mexicaine.

Bien qu’elle se soit toujours considérée comme une autodidacte, Josefina Vicens a étudié la philosophie, la littérature et l’histoire à l’Université nationale autonome du Mexique. Elle consacre une grande partie de son travail d’écriture à l’élaboration de scénarios, dont les plus connus sont Los perros de Dios (« les chiens de Dieu », 1974) et Renuncia por motivos de salud (« démission pour des raisons de santé », 1976). En tant que journaliste, elle utilise les pseudonymes de Diogenes Garcia et Pepe Faroles pour publier ses articles politiques ou sur les corridas, à une époque où il est inimaginable qu’une femme traite ces deux sujets « masculins ». Avec seulement deux romans, Le Cahier clandestin (1958) et Los años falsos (« les années fausses », 1983), elle est considérée comme l’un des piliers de la littérature mexicaine du XXe siècle. Son premier roman raconte la difficulté de l’écriture : confronté au paradoxe de vouloir écrire ce qu’il est interdit d’écrire, le héros affronte le néant, la solitude et l’ennui. Très marqué par la philosophie de Jean-Paul Sartre, d’Albert Camus, de Friedrich Nietzsche et de José Ortega y Gasset, l’ouvrage a influencé la littérature mexicaine. Son deuxième roman explore le dilemme de l’identité à travers la figure du père mort.

María GARCÍA VELASCO

Le Cahier clandestin (El libro vacio, 1958), Paris, Julliard, 1963.

CASTRO M., PETTERSON A. (dir.), Josefina Vicens, un vacío siempre lleno, Toluca/Mexico, Instituto tecnológico y de estudios superiores/Fondo nacional para la cultura y las artes, 2006.

VICHNEVETSKAÏA, Marina [KHARKOV, AUJ. KHARKIV 1955]

Écrivaine et scénariste russe.

Marina Arturovna Vichnevetskaïa, née en Ukraine, part à Moscou poursuivre des études de scénariste à l’Institut national du cinéma, tout en travaillant dans un journal étudiant. Elle écrit de nombreux scénarios pour des films d’animation, des émissions pour enfants et des films documentaires. Dès 1972, elle commence à écrire des récits humoristiques pour la revue Iounost’(« la jeunesse »). C’est après vingt ans de cinéma d’animation et de documentaire que son premier livre, Vychel mesiats iz toumana (« la Lune sortit du brouillard », 1999), la consacre parmi les meilleures représentantes de la nouvelle littérature russe.

La condition humaine est au centre de son univers littéraire et ses héros sont surtout des jeunes aux prises avec les problèmes et les choix critiques qui se cachent dans la routine quotidienne. Empreinte de psychologisme, précise et sans pathos, sa prose décrit toujours des situations extrêmes. Ses héros quittent un bonheur acquis pour aller à la recherche de quelque chose qui leur échappe toujours. Le thème principal de son œuvre est l’impossibilité pour l’homme d’être heureux et son incapacité à rendre heureux les autres. Elle essaie de pénétrer et de comprendre les drames et la douleur des autres. Elle a reçu les prix littéraires Ivan-Bielkine et Apollon-Grigoriev.

Federica VISANI

Y a-t-il du café après la mort ? , suivi de Les Moineaux, Arles, Actes Sud, 2005.

« L’Architecte et le sourd-muet », in CHOUBINA E. (éd.), La Prose russe contemporaine, nouvelles choisies, Paris, Fayard, 2005.

VICHNIEVSKAIA, Galina [LENINGRAD 1926 - MOSCOU 2012]

Soprano suisse d’origine russe.

Légende de l’opéra russe, Galina Vichnievskaia a commencé sa carrière au théâtre d’opérette de Leningrad. Soliste du Théâtre Bolchoï de Moscou de 1952 à 1974, elle y interprètera plus de 30 rôles. Son sens de la tradition du chant, sa rigueur, une force dramatique très sûre font d’elle une immense Tatiana d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski et une impressionnante Katerina Ismaïlova de Lady Macbeth du district de Mzensk de Dimitri Chostakovitch, dont elle est l’amie avec son mari, le violoncelliste chef d’orchestre Mstislav Rostropovitch, qu’elle a épousé en 1955. Le couple est également proche de Serge Prokofiev, dont elle a créé l’opéra Guerre et Paix, et d’Alexandre Soljenitsyne, qu’ils hébergent dans leur datcha, ce qui leur vaut la déchéance de leur nationalité en 1978, tandis qu’ils se trouvent tous deux en Occident depuis quatre ans. Élevée par sa grand-mère maternelle après la mort de ses parents durant le siège de Leningrad, G. Vichnievskaia a appris le chant sur le tas, directement sur scène, dans des opérettes, avant de suivre des cours. En 1953, elle passe une audition au Bolchoï, où elle est immédiatement engagée pour chanter Tatiana. En 1962, elle est invitée par la Scala de Milan, et en 1963-1964 par le Covent Garden. À Londres, elle crée le War Requiem de Benjamin Britten. Pendant vingt ans, au Bolchoï, elle fait revivre le grand répertoire russe, italien, allemand et français. Parmi les créations auxquelles elle a participé, la Symphonie no 14, les Satires et les Sept Romances sur des poèmes d’Alexandre Block de Chostakovitch, L’Écho du poète de Britten, Un enfant appelle et La Prison de Marcel Landowski, qui tirera de ses mémoires l’opéra Galina, le Requiem polonais de Krzysztof Penderecki. Elle termine sa carrière à l’Opéra de Paris en 1982, en Tatiana, trente ans après ses débuts sur la scène du Théâtre Bolchoï dans ce même rôle. En 2002, elle ouvre, à Moscou, le Centre de chant d’opéra où elle enseigne le chant.

Bruno SERROU

Galina, Paris, Fayard, 1985.

VICIOSO, Chiqui (Sherezada VICIOSO, dite) [SAINT-DOMINGUE 1948]

Écrivaine dominicaine.

L’œuvre de Chiqui Vicioso est étroitement liée à son engagement pour les droits des femmes. Elle a participé à plusieurs programmes d’éducation portant sur la discrimination liée au genre, créés par le gouvernement de son pays et par des organismes internationaux, et a organisé le premier Cercle des femmes poètes (aujourd’hui Cercle des femmes créatrices). Elle a vécu longtemps aux États-Unis, où elle a suivi des études de sociologie, d’histoire et de sciences de l’éducation. À son retour à Saint-Domingue, au début des années 1980, elle écrit de la poésie et publie Viaje desde el agua (« voyage depuis l’eau », 1981). Ce recueil témoigne d’une recherche créative constante ; en quête d’une voix singulière, la poétesse expérimente les formes poétiques : « j’ai décidé de détacher mes voiles/et de construire une mer à ma mesure », écrit-elle (« L’heure des oiseaux »). Elle publie par la suite Un extraño ulular traía el viento (« un étrange hurlement portait le vent », 1985), Volver a vivir, imágenes de Nicaragua (« revivre, images du Nicaragua », 1986) et Internamiento (« internement », 1992). Dans les années 1990, elle s’intéresse au théâtre et écrit Wish-ky Sour (1996) et Salomé U., cartas a una ausencia (« Salomé U., lettres à une absence », 1997), un monologue écrit à partir de la correspondance de la poétesse Salomé Ureña de Henríquez* avec son mari absent, qui révèle le drame intime provoqué par l’abandon et la solitude. Parallèlement à son écriture poétique, C. Vicioso tente dans ses essais de donner une nouvelle dimension au rôle des femmes dans la culture des Caraïbes. Elle a ainsi écrit des monographies sur les poétesses dominicaines S. Ureña de Henríquez (1997) et Aída Cartagena Portalatín*, et sur la poète portoricaine Julia de Burgos* (1987), de même qu’un recueil d’essais sur la littérature féminine, Algo que decir, ensayos sobre la literatura femenina 1981-1991 (« quelque chose à dire, essais sur la littérature féminine 1981-1991 », 1991).

Melina BALCÁZAR MORENO

RUEDA M., Antología mayor de la literatura dominicana (siglos XIX-XX), poesía, Saint-Domingue, Corripio, 1999.

VICTORIA (née Alexandrine Victoire DE HANOVRE) [LONDRES 1819 - ÎLE DE WIGHT 1901]

Reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande.

Victoria nous a légué plus de 100 volumes de lettres et journaux intimes qu’elle commença à écrire dès l’âge de 13 ans et dans lesquels elle laisse éclater ses sentiments personnels, dont sa passion amoureuse pour Albert, son époux. Écrites dans un style emphatique, souvent d’un seul jet et avec d’abondants soulignages, ces pages réservent bien des surprises et font apparaître une femme aux facettes multiples, loin de l’image traditionnelle de la souveraine puritaine et prude que son règne nous a donnée. Ainsi les conseils prodigués à sa fille aînée Vicky révèlent parfois des vues peu conventionnelles sur la maternité et le mariage, et de nombreuses remarques sur les affaires politiques de son temps nous font comprendre une relation au pouvoir plus gourmande qu’on ne le croit. Seules ses Letters from a Journal of our Life in the Highlands 1848-61 (1868) et More Leaves (1883) furent publiées de son vivant. La mort prématurée d’Albert la brisa émotionnellement, mais une fois retirée en Écosse, elle porta un intérêt si vif à son serviteur écossais John Brown qu’ils furent soupçonnés d’entretenir une liaison, rumeur alimentée par la disparition d’une partie des journaux de cette époque. Son enthousiasme non dissimulé pour la littérature romanesque (Marie Corelli* était sa grande favorite) ou la poésie lyrique de Tennyson (pour lequel elle éprouva une affection particulière) montrent qu’elle réprima finalement très peu ses émotions.

Martine MONACELLI

VIDOVIĆ, Ana IBENIK 1800 - ZADAR 1879]

Poétesse croate.

À ses débuts littéraires, Ana Vidović écrivit des poèmes et des tragédies en italien. Elle publia un recueil de nouvelles épiques et lyriques en vers. Dans son œuvre la plus importante, Anka i Stanko (« Anka et Stanko », 1841), écrite en croate et en vers décasyllabiques propres à la poésie populaire, elle réinterpréta la légende des amoureux malheureux dans une ambiance pastorale, en mettant l’accent sur les traditions. A. Vidović embrassa les idées du réveil national croate et collabora aux revues de ce mouvement.

Iva GRGIĆ MAROEVIĆ

ZORIĆ M., Književna prožimanja hrvatsko-talijanska, Split, Književni krug, 1992.

VIEBIG, Clara [TRÈVES 1860 - BERLIN 1952]

Romancière et nouvelliste allemande.

Fille d’un haut fonctionnaire originaire de Prusse polonaise, Clara Viebig passe son enfance à Trèves et son adolescence à Düsseldorf. Après le décès de son père, elle s’installe en 1883 à Berlin où elle étudie le chant. À partir de 1894, elle écrit des récits pour des revues. Elle épouse en 1896 l’éditeur Fritz Theodor Cohn qui publiera à partir de 1897 la plupart de ses ouvrages. Elle se réclame du naturalisme et dit s’inspirer de Zola (elle a été qualifiée de « Zolaïde allemande ») et de Maupassant. L’action de ses livres (26 romans, six recueils de nouvelles, huit pièces de théâtre) se déroule dans les lieux où elle a vécu, Moselle, Eifel, Rhénanie, Posnanie et surtout Berlin. Elle accède à la célébrité en 1900 avec deux romans : Das Weiberdorf (« le village des femmes ») et Le Pain quotidien, et les œuvres suivantes connaissent des tirages importants pour l’époque. Veuve en 1936, elle se réfugie de 1942 à 1946 en Silésie. Elle regagne alors Berlin où elle subsiste grâce à une pension de la RDA, dont les dirigeants voient en elle une auteure qui a contribué à la prise de conscience des problèmes sociaux.

Michel DURAND

Le Pain quotidien (Das tägliche Brot, 1900), Paris, Tallandier, 1904 ; La Garde au Rhin (Die Wacht am Rhein), Paris, Juven, 1906.

DURAND M., Les Romans berlinois de Clara Viebig (1860-1952), Berne, P. Lang, 1993 ; NEUHAUS V., DURAND M. (dir.), Die Provinz des Weiblichen, Zum erzählerischen Werk von Clara Viebig, Berne, P. Lang, 2004.

VIEBROCK, Anna [FRANCFORT 1951]

Scénographe, plasticienne et costumière allemande.

Après des études en lettres, philosophie et histoire de l’art, Anna Viebrock étudie la scénographie, de 1971 à 1977, aux Beaux-Arts de Düsseldorf auprès de Karl Kneidl, avec qui elle entame sa carrière comme assistante à la scénographie et aux costumes. Engagée au théâtre de Bâle de 1988 à 1993, elle commence à travailler en étroite collaboration avec Christoph Marthaler. Elle dirige la section scénographie, costumes et accessoires au Deutsche Schauspielhaus de Hambourg entre 1993 et 1999. Elle déconstruit des espaces réels et les reconstruit en y introduisant des éléments hétéroclites : garage, église, cabine d’avion, salle de fête deviennent des lieux hyper-réels qui font naître des figures stéréotypées, « porteuses de fonction » dans des espaces clos et qui font « partie du décor ». Ainsi, ses costumes s’inventent dans la cohérence de l’espace scénique. Elle codirige le Schauspielhaus de Zurich de 2000 à 2004 avec C. Marthaler et Stefanie Carp. Theater heute lui décerne le Prix de la scénographe de l’année et le Prix de la costumière de l’année à plusieurs reprises entre 1994 et 1998. En tant que metteur en scène de théâtre et d’opéra, elle présente des créations à Zurich, Cologne et Bâle (Die Bügelfalte des Himmels hält für immer, Eine Reinigung, « le pli du ciel tient toujours, un pressing »), et s’impose sur la scène internationale comme à l’Opéra national de Paris.

Angela KONRAD

MASUCH B. (dir.), Anna Viebrock, Bühnen/Räume, Damit die Zeit nicht stehen bleibt. Berlin, Theater der Zeit, 2000.

VIEILLE, Barbara [LIBAN V. 1950]

Trapéziste, fondatrice et directrice de cirque française.

Arrivée en France à l’âge de 17 ans, Barbara Vieille étudie à la fois les langues orientales, le mime à l’École de mime corporel dramatique de Paris d’Étienne Decroux, l’acrobatie à l’École nationale d’Annie Fratellini* et le trapèze à l’école de Pierre Bergam. Dans la mouvance du Nouveau Cirque, elle fonde, en 1982, le Cirque de Barbarie-Cirque de Femmes, et présente un spectacle uniquement composé de numéros et de personnages créés par des femmes. Le Cirque de Barbarie est révélé la même année par le Festival de la Manche, où se côtoient des compagnies qui contribuent à renouveler les arts de la piste, comme Le Cirque du Docteur Paradi, de Jean-Christophe Hervé et Régine Hamelin, avec lesquels elle engage une forme de partenariat. Le Cirque de Femmes met en scène des thématiques propres aux femmes et à leur rôle social, puisant ses arguments dramaturgiques dans la pratique quotidienne d’une vie collective, itinérante, des artistes de la troupe, femmes et mères, et dans l’observation des coutumes et des problématiques des pays traversés : Barbarie, Cosima Barbès (1990-1992) ; Femmes de cirque, Une journée singulière (1994). Sa démarche artistique, qui s’appuie sur les disciplines constitutives du spectacle de cirque, acrobatie, jeu clownesque, musique, s’inscrit résolument dans celle du Nouveau Cirque mais sa quête et son parti pris lui confèrent un statut unique. De nombreuses artistes féminines font une mention particulière, dans leur parcours, à leur appartenance, plus ou moins longue, à la communauté du Cirque des Femmes de B. Vieille.

Marika MAYMARD

MALEVAL M., L’Émergence d’un nouveau cirque, 1968-1998, Paris, L’Harmattan, 2010.

VIEIRA DA SILVA, Maria Helena [LISBONNE 1908 - PARIS 1992]

Peintre française.

La ville règne sans partage sur la vie et l’œuvre de Maria Helena Vieira da Silva : Lisbonne, le berceau des origines, où, enfant, elle apprend la solitude, l’observation, la contemplation ; Paris, la capitale d’élection, où elle s’établit en 1928 et rencontre la galeriste Jeanne Bucher* qui fait connaître son œuvre, et le peintre hongrois Árpád Szenes, compagnon d’une vie ; Rio de Janeiro enfin, la ville de l’exil, que tous deux rejoignent en 1940 – pour retrouver Paris sept ans plus tard. À cette topographie se joignent, dans sa peinture, les villes de passage et les cités imaginaires. Lieux et objets de son enfance influencent un monde intérieur dont sa création picturale rendra témoignage : des bibliothèques et des théâtres, des partitions de musique et des jeux d’échecs, des passages pavés d’azulejos et les dentelles de fer de quelque architecture parisienne. Que son motif premier soit une nature morte, une chambre déserte ou une capitale bruyante, sa peinture adopte volontiers la forme du dédale : un réseau en toile d’araignée, un damier distordu, où l’œil erre, se perd, s’assombrit ou s’éclaire. Ce réseau, que l’on peut comprendre comme une métaphore de la réflexion, demeure fondamentalement une exploration de la perception. L’artiste est, ici, tout autant sœur des peintres de la Renaissance, qui échafaudaient des théâtres de perspective, que des cubistes, en prise avec les mêmes questions. Cependant, il est difficile d’évoquer Dédale sans songer à Jorge Luis Borges et à Franz Kafka. Ses « labyrinthes » convoquent les mêmes sentiments de peur et de perte, ou d’illumination et de rêve. Ces résilles de peinture peuvent aussi être perçues comme des images de filets, de cages – on rejoint ici Alberto Giacometti ; de toute évidence, conçues au cours de ses années d’exil au Brésil, elles sont avant tout des réflexions autour de la folie, de la violence et de l’oppression, comme en attestent leurs titres : Le Désastre ou la Guerre (1942) ; L’Incendie ou le Feu (1944) ; La Bataille des couteaux (1948). Par la suite, la résille se distend, s’évanouit doucement. Ce sont des trouées de lumière, des échappées libres, un appel du vide, le néant essentiel, immense. Après la mort d’Á. Szenes, tout sujet est effacé. Dans des toiles comme Mémoire seconde (1985), Silence (1984-1988) ou Courants d’éternité (1990), la primauté est désormais au dépouillement, à la vibration, à l’émotion seule.

Anne LEMONNIER

Vieira da Silva (catalogue d’exposition), Genève, Skira, 1988 ; Catalogue raisonné, Genève, Skira, 1994 ; Maria Helena Vieira da Silva (catalogue d’exposition), Paris, Fondation Dina Vierny/Musée Maillol/RMN, 1999.

LASSAIGNE J., WEELEN G., Vieira da Silva, Paris, Cercle d’art, 1978.

VIEN, Marie-Thérèse (née REBOUL) [PARIS 1735 - ID. 1805]

Peintre française.

Plus connue sous le nom de Madame Vien, Marie-Thérèse Vien est l’une de ces femmes peintres du XVIIIe siècle spécialisée dans le genre de la nature morte. De son existence personnelle, on sait seulement qu’elle épousa Joseph-Marie Vien, peintre et dessinateur, ancien pensionnaire puis puissant directeur de l’Académie de France à Rome, peintre du roi Louis XVI, devenu ensuite sénateur et comte de l’Empire. La formation comme la carrière de la peintre demeurent à ce jour pratiquement inconnues. Sans doute influencée par le néoclassicisme de son époux, elle fréquente aussi les élèves que ce dernier reçoit et forme dans son atelier de l’Académie, parmi lesquels Louis David, Jean-Baptiste Regnault ou François-André Vincent. Leur fils, Joseph-Marie Vien, devient également peintre. En 1757 vraisemblablement, elle apparaît parmi les membres féminins de l’Académie royale de peinture et de sculpture. En dépit de la rareté des sources, les catalogues de vente mentionnent de temps à autre son nom, attaché à des compositions de fruits, de fleurs, parfois d’animaux – papillons, oiseaux, insectes. Une aquarelle conservée au musée du Louvre montre ainsi Deux pigeons sur une branche d’arbre (musée du Louvre, département des arts graphiques, non daté). Un Panier de fruits, anémones et plumes de paon sur un entablement peint à la gouache (collection particulière, 1798) peut être considéré comme emblématique de ses tableaux. Le trait est fin, le rendu des textures minutieux ; l’artiste joue sur les contrastes entre la paille tressée d’un support, le velouté d’un pétale ou d’une peau de pêche, la légèreté des plumes ou la transparence de flacons de verre. L’équilibre et le sage ordonnancement des éléments sont étudiés avec soin. Le résultat produit conserve toutefois un aspect assez lisse, d’où ressort une certaine froideur.

Anne-Sophie MOLINIÉ

VIENNE, Gisèle [CHARLEVILLE-MÉZIÈRES 1976]

Chorégraphe et metteuse en scène française.

Après des études de philosophie et une formation au conservatoire de Grenoble puis à l’École nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières, Gisèle Vienne crée en 1999 avec Étienne Bideau-Rey la compagnie DACM qui, dès ses premiers spectacles (Splendid’s d’après Jean Genet, 2000 ; Showroomdummies, 2001-2009), s’impose par un imaginaire dérangeant, énigmatique et souvent fortement érotisé, entre danse, théâtre et installations plastiques. À partir de 2004, elle crée en collaboration avec l’écrivain américain Dennis Cooper I apologize (« je m’excuse », 2004), Une belle enfant blonde (2005), Kindertotenlieder (2007), Jerk (2008), Éternelle idole (pour une patineuse artistique et un comédien, 2009), jouant de manière plus accentuée encore sur les glissements entre simulacre et corps réel, fantasme et réalité. Depuis 2005, elle expose aussi photographies et installations.

Didier PLASSARD

VIENTÓS GASTÓN, Nilita [SAN SEBASTIÁN 1908 - SAN JUAN 1989]

Journaliste et critique littéraire portoricaine.

Peu après la naissance de Nilita Vientós Gastón, ses parents s’installent d’abord à Cuba, puis à New York. Ces migrations sont un bagage culturel d’importance pour comprendre le drame que connaît Porto Rico, île hispanophone alignée de force sur la culture américaine. Diplômée en droit de l’université de Porto Rico et en lettres anglaises de l’université de Kenyon (aux États-Unis), elle donne des cours de littérature comparée à l’université de Porto Rico. En 1945, elle fonde la revue littéraire Asomante (1945-1970) et, plus tard, la revue Sin Nombre (« sans nom », 1969). Première femme avocate de Porto Rico, elle défend avec succès l’espagnol comme langue nationale à la Cour suprême et fait partie des fondatrices de l’Académie portoricaine de la langue (1955). Première femme présidente de l’Athénée portoricaine, de 1945 à 1961, elle préside aussi le PEN club portoricain en 1966. L’ampleur et la qualité de son travail de critique littéraire et culturelle peuvent être appréciées à la lecture de ses chroniques, publiées dans une rubrique hebdomadaire du journal El Mundo, où elle invite ses lecteurs à la curiosité et à la réflexion sur la littérature mondiale et sur les penseurs de son temps. Elle défend la culture et le passé portoricains, mais aussi le droit à la différence. Ce n’est qu’en apparence que sa vie et son œuvre littéraire sont éloignées du droit, qu’elle juge indissociable des lettres. Jamais nationaliste, dogmatique ou féministe à outrance dans ses prises de position, elle montre un esprit universel des plus fins, guidé par l’humanisme et le sens de la justice. Une fondation Nilita-Vientós-Gastón a été créée en 1995, et sa maison a été transformée en musée-librairie. L’ordre des avocats portoricains attribue tous les ans une médaille en son nom.

Yaël WEISS

VIEU, Jane (née Jeanne FABRE) [1871 - PARIS 1955]

Compositrice et cantatrice française.

Initiée à la musique par sa mère, Marie-Elodie Fabre, pianiste de talent, Jane Vieu commence à composer dès l’âge de 11 ans. À Paris, ses maîtres sont Jules Massenet pour la composition, Marie-Caroline Miolan-Carvalho pour le chant, puis André Gedalge, professeur de contrepoint et de fugue. J. Vieu écrit une centaine de mélodies à connotation sentimentale et de chansons enfantines, mais elle se distingue particulièrement dans le domaine de l’opérette. Renouant avec la tradition de la compositrice-cantatrice, elle en interprète parfois le rôle principal. Sa première prestation au théâtre est, en 1902, une musique de scène pour une pièce historique créée au théâtre des Arts de Bordeaux : Madame Tallien. Suivent, la même année, La Belle au bois dormant, féerie chantée en 19 tableaux, donnée au théâtre des Mathurins, et Au bal de Flore, ballet-pantomime en un acte, Il était une fois, conte en vers, Marie de Magdala, évangile en vers (1903), et Aladin, ombres chinoises (1904). En 1911, Bruxelles accueille triomphalement Les Petites Entravées dont le librettiste est Albert Willemetz, puis Arlette, opérette en trois actes sur un livret de Claude Roland et Louis Bouvet, triomphe au Shaftesbury Theatre de Londres. Conforme aux goûts de l’époque, l’intrigue se situe dans un royaume princier de fantaisie, dans lequel la vertu et l’amour véritable triomphent. Le deuxième pôle d’intérêt de J. Vieu est le monde des enfants. Pour eux, elle compose des pièces faciles pour piano, des contes et des chansons dont le grand mérite tient à une présentation attrayante : Les Images en musique, morceaux très faciles à deux et quatre mains, illustrés par des scènes animalières, Le Bonhomme de neige, Historiettes chantées. En 1908, elle crée avec son frère Maurice une maison d’édition. Elle fait appel aux meilleurs illustrateurs : Benjamin Rabier pour Le Bonhomme de neige et Les Images en musique, Lucien Métivet pour Les Aventures d’Aladin.

Michèle FRIANG

VIEUX, Marie VOIR CHAUVET, Marie

VIGANÒ, Renata [BOLOGNE 1900 - ID. 1976]

Écrivaine italienne.

Poétesse précoce, Renata Viganò publie un premier recueil de poèmes à l’âge de 12 ans, Ginestra in fiore (« genêts en fleur », 1912), suivi de Piccola fiamma (« petite flamme », 1915). Mais les difficultés économiques de sa famille la contraignent à interrompre sa scolarité. Elle exerce pendant quelques années la profession d’infirmière, tout en continuant à étudier en autodidacte, et réussit à devenir journaliste. Avec son mari, commandant d’un groupe de partisans, elle entre dans la Résistance. Après la guerre, elle abandonne la poésie de ses débuts, d’inspiration substantiellement décadente, et embrasse la poétique néoréaliste. Elle écrit des nouvelles et des romans qui ont pour thème récurrent la lutte partisane et la résistance contre le nazisme et le fascisme. C’est en 1949 que paraît son roman le plus abouti, Agnès va mourir, auquel est attribué le prix Viareggio. Basé sur l’expérience directe de l’auteure parmi les partisans des vallées de Comacchio, il évoque la participation à la Résistance d’une femme du peuple. Derrière la prise de conscience éthique et idéologique de la protagoniste, le récit représente la foule anonyme des ouvriers agricoles et des paysans, héros d’une lutte pour la justice. Le succès et la large diffusion du roman sont liés au choix d’identifier comme actrices de la lutte partisane les classes subalternes, et au recours à une langue mimétique et documentaire, à un style sobre, sans fioritures et antirhétorique. Ces caractéristiques en font l’un des romans les plus significatifs de la littérature sur la Résistance. Parmi ses autres écrits narratifs, se trouvent les nouvelles Arriva la cicogna (« la cigogne arrive », 1954) ; les romans Una storia di ragazze (« une histoire de filles », 1962) et Matrimonio in brigata (« mariage dans la brigade », 1976). R. Vigano a collaboré comme journaliste à des revues et à des quotidiens (Il Ponte, Il Progresso d’Italia, Noi Donne, Rinascita, L’Unità) et est également l’auteure des essais Mondine (« les repiqueuses de riz », 1952) et Donne della Resistenza (« femmes de la Résistance », 1955).

Francesco GNERRE

Agnès va mourir (L’Agnese va a morire, 1949), Paris, Phébus, 2009.

BENVENUTI RIVA G., Letteratura e resistenza, Milan, Principato, 1977 ; FALASCHI G., La resistenza armata nella narrativa italiana, Turin, Einaudi 1976.

VIGANÒ, Valeria [MILAN 1955]

Écrivaine italienne.

Valeria Viganò vit à Rome où elle collabore comme journaliste aux quotidiens L’Unità et La Repubblica. Ses débuts en littérature remontent à 1989 avec Il tennis nel bosco (« le tennis dans le bois »), suivi de Prove di vite separate (« essais de vies séparées », 1992) et L’ora preferita della sera (« l’heure préférée du soir », 1995). Son roman Il piroscafo olandese (« le pyroscaphe hollandais », 1999) est particulièrement intéressant. Il met en scène une femme à la recherche d’une authenticité lui permettant d’être fidèle à elle-même. Abandonnée par sa compagne qui, sceptique quant au devenir d’une histoire d’amour entre femmes, a choisi le mariage avec un homme, l’héroïne part pour la Hollande afin de fuir un monde qui n’arrive pas à saisir sa diversité autrement que comme une inadaptation, une valeur négative, un manque de stabilité et de sécurité. De retour en Italie, guérie de son chagrin, elle commence à rendre régulièrement visite à la grand-mère de 80 ans de son ex-compagne. La vieille femme, en lui racontant sa vie, lui fait comprendre qu’il est possible que son rêve se réalise et que l’on peut aimer une femme, comme cela a été son cas, sans abandon, sans fin, jusqu’à la mort. Le thème central du roman est ainsi le décentrement du sujet lesbien et la recherche d’une conscience plus mature de soi. Le thème de l’amour entre femmes est également présent dans les nouvelles insérées dans la collection d’anthologies de Delia Vaccarello* Principesse azzurre, « amours et histoires de femmes entre femmes », et dans La Giraglia, publié dans le recueil de nouvelles érotiques Nella città proibita (« dans la ville interdite », 1997) dirigé par Maria Rosa Cutrufelli*. En 2002, V. Viganò a organisé le premier colloque en Italie consacré à la littérature lesbienne.

Francesco GNERRE

GIACOBINO M., Orgoglio e privilegio, viaggio eroico nella letteratura lesbica, Milan, Il Dito e la luna, 2003.

VIGDOROVA, Frida [ORCHA, AUJ. EN BIÉLORUSSIE 1915 - MOSCOU 1965]

Écrivaine et journaliste russe.

À la fin de ses études, en 1932, Frida Abramovna Vigdorova devient enseignante et commence à tenir des carnets où elle note des remarques de pédagogie et des récits de voyage. Elle poursuit ces carnets toute sa vie et peut ainsi publier le journal des premières années de ses deux filles. Sa carrière dans l’éducation a fourni la matière à ses romans. En 1948, elle publie Dvenadtsat’otvajnykh (« les douze braves »), histoire d’un groupe d’adolescents résistant à l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Son deuxième roman, Moï klass (« ma classe ») est basé sur son expérience de jeune professeur qui constate une fois face à sa classe l’inefficacité de la préparation pédagogique et qui apprend sur le tas les qualités du bon enseignant. Elle écrit ensuite une trilogie sur le même sujet : Doroga v jizn’(« la route de la vie », 1954), Eto moï dom (« c’est ma maison », 1957) et Tchernikovka (1959).

Plus que son œuvre littéraire, c’est son activité de journaliste et d’actrice de la culture non officielle et du samizdat qui est aujourd’hui reconnue. À partir de 1938, elle publie régulièrement, entre autres, dans de grands journaux tels que la Pravda, les Izvestia, ou la Literatournaïa Gazeta, des articles consacrés à des victimes de l’injustice, rassemblés en un recueil Dorogaïa redaktsiia (« chère rédaction », 1963). Son leitmotiv est de mettre fin à l’indifférence et de résoudre les problèmes. En 1964, elle obtient le droit d’assister au procès de Joseph Brodsky où, en dépit des réprimandes, elle prend des notes, dont la diffusion par le samizdat est considérée comme le premier pas vers la glasnost. Lydia Tchoukovskaïa*, qui lui a consacré un livre de souvenirs inachevé, se souvient d’elle « comme d’une héroïne de Dickens [qui] transformait les malheurs des autres en belle histoire qui finit bien ».

Marie DELACROIX

POLOWY T., « Frida Vigdorova », in TOMEI C. D. (dir.), Russian Women Writers, New York, Garland Publishing, 1999.

VIGÉE-LEBRUN, Louise Élisabeth [PARIS 1755 - ID. 1842]

Peintre française.

Fille de Louis Vigée, portraitiste et pastelliste parisien, professeur à l’Académie de Saint-Luc, Louise Élisabeth Vigée apprend de son père les premiers rudiments du dessin. Elle reçoit aussi des encouragements et des leçons d’un ami de son père, Gabriel François Doyen, ainsi que de Pierre Davesne. Après quelques années passées comme pensionnaire au couvent de la Trinité, rue de Charonne, où elle s’amuse à dessiner, elle fréquente l’atelier de Gabriel Briard au Louvre. Avec sa mère, Jeanne Maissin, coiffeuse, elle parcourt les collections de la capitale, notamment celles du Palais-Royal et du palais du Luxembourg, et copie les maîtres anciens. Elle rencontre le peintre de marines Joseph Vernet et Jean-Baptiste Greuze qui lui prodiguent des conseils. Artiste précoce, elle acquiert avant l’âge de 20 ans un statut de peintre professionnel comme portraitiste. La vente de ses œuvres lui rapporte suffisamment d’argent pour gagner son indépendance et subvenir aux besoins de sa famille. En 1776, elle épouse le marchand d’art réputé et peintre lui-même Jean-Baptiste Pierre Lebrun. Parmi ses commanditaires, la jeune artiste compte en particulier la duchesse de Chartres, Louise Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, qui la prend sous sa protection, la comtesse de Brionne, la princesse de Lorraine ou encore le comte russe Ivan Ivanovitch Chouvalov (huile sur toile, North Carolina Museum of Art, Raleigh, 1775), l’un des premiers mécènes importants de l’artiste. Sa rencontre avec la reine Marie-Antoinette à Versailles et le premier des nombreux portraits qu’elle va en réaliser (Kunsthistorisches Museum, Vienne) datent de 1778, point de départ d’une longue carrière de portraitiste de cour auprès de l’aristocratie et de la société cultivée de l’Ancien Régime finissant. La protection et l’appui de la reine lui valent d’être admise à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1783, en même temps qu’Adélaïde Labille-Guiard*, où elle présente une allégorie comme tableau de réception, La Paix ramenant l’Abondance (musée du Louvre, Paris, 1780). Son succès est désormais bien établi, et elle expose régulièrement aux Salons. Les événements révolutionnaires mettent fin à cette période dorée et l’amènent à fuir Paris. Au cours d’un long exil, elle voyage en Italie et en Europe, dans l’esprit du « grand tour » que pratiquent traditionnellement les artistes. Pendant six années, l’artiste séjourne à Saint-Pétersbourg, à la cour de Catherine II* et d’Alexandre Ier. Elle vit à Londres entre 1803 et 1805, où elle suscite la jalousie de ses confrères britanniques. Puis elle s’installe définitivement près de Paris, dans une maison de campagne achetée à Louveciennes en 1809. Si sa production est moindre à partir de 1810, elle expose toutefois aux Salons jusqu’en 1824. Les dernières années de sa vie sont occupées par l’écriture de ses Souvenirs, dont les trois volumes sont publiés entre 1835 et 1837, avec l’aide de ses neveux. Ils font écho aux célèbres autoportraits qu’elle a laissés, dans lesquels, pinceau en main, face à une toile, vêtue avec un habit simple mais ravissant, elle se présente à son travail, coiffée d’un bonnet de dentelles (galerie des Offices, Florence, 1789). Douée d’une capacité de travail impressionnante, elle peint sans relâche les familiers de la cour, plus tard les aristocrates rencontrés au cours de ses pérégrinations à travers l’Europe, en particulier en Russie. On peut citer le portrait de La Comtesse Catherine Vassilievna Skavronskaia (musée du Louvre, Paris, 1796). Ses portraits saisissent le modèle dans l’instantanéité d’un regard, d’un geste ou d’une parole. Ils tendent à gommer les éventuels défauts pour délivrer une image sans doute moins personnelle et individuelle qu’embellie et idéalisée. Dans les conseils qu’elle promulgue aux artistes, la peintre recommande d’ailleurs de flatter ses modèles, ce qui relève aussi de la stratégie et de l’invention raffinée. Face aux tableaux de l’artiste, le regard est charmé par le sens de la composition, l’éventail des couleurs manié avec une véritable virtuosité, la grâce des personnages, vêtus le plus souvent avec autant de simplicité que leur rang le leur permettait, d’étoffes légères et seyantes.

Anne-Sophie MOLINIÉ

Souvenirs, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1984 ; Élisabeth Vigée-Lebrun, mémoires d’une portraitiste (1989), Paris, Scala, 2003.

KERTANGUY I. de, Madame Vigée-Lebrun (1994), Paris, Perrin, 2000 ; SHERIFF MD., The Exceptional Woman : Élisabeth Vigée-Lebrun and the Cultural Politics of Art, Chicago, University of Chicago Press, 1997 ; WALCZAK G. (dir.), Élisabeth Vigée-Lebrun : eine Künstlerin in der Emigration 1789-1802, Munich, Deutscher Kunstverlag, 2004.

VIGNELLI, Lella (née VALLE) [UDINE 1931]

Designer italienne.

Diplômée de l’Institut universitaire d’architecture à Venise, Lella Vignelli se spécialise au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge, en 1958. En 1960, elle et son mari, Massimo Vignelli, fondent leur agence à Milan, The Vignelli Office of Design and Architecture. En 1964, ils fondent, avec Ralph Eckerstrom, Unimark International Corporation. Elle prend en charge le département architecture d’intérieur à Milan et à New York, où ils créent, en 1971, l’agence Vignelli Associates. D’abord vice-présidente, elle devient chef de direction, puis prend la tête de Vignelli Designs, branche spécialisée dans le design de produits industriels et de mobilier. Connus pour leur travail graphique, notamment pour la signalétique du musée Guggenheim, à Bilbao, pour les maquettes des magazines American Ceramics et Architectural Record, pour l’identité visuelle de Knoll International (1966), de Bloomingdale’s (1972), du métro de New York (réactualisé en 2008), d’American Airlines, de Lancia (1977) ou de l’International Design Center (1984), ils sont aussi designers d’objets. Leurs créations sont éditées, entre autres, par Poltronova (chaise et canapé Saratoga, 1964), Knoll (chaise Handkerchief, 1990) ou Formica (assise d’appoint The Cube en 2008). Ils s’illustrent aussi en architecture d’intérieur (Saint Peter’s Church à New York, en 1977 ; boutiques Poltrona Frau en Italie, en 1979, et Artemide, de 1972 à 1987) et par la scénographie d’exposition. Elle donne des conférences dans de nombreuses universités et organisations internationales, et ses réalisations figurent dans les collections permanentes du MoMA, à New York, du musée des Arts décoratifs, à Montréal, ou du Neue Sammlung à Munich. Une rétrospective de l’œuvre est présentée dans le monde entier. Elle reçoit de nombreuses distinctions, dont la médaille d’or Aiga (1983), la médaille d’or pour le design du National Arts Club (1991), le prix d’architecture de l’American Academy of Arts and Letters de New York (2005). Qu’il s’agisse de design d’objet, de graphisme ou d’architecture d’intérieur, les créations du couple Vignelli se construisent suivant leurs préoccupations partagées d’élégance, de clarté et de synthèse. Leur volonté de créer au-delà des modes, en tenant compte d’une histoire culturelle, favorise l’approche intemporelle de leur production.

Marguerite DAVAULT

VIGNELLI ASSOCIATES, Design : Vignelli, New York, Rizzoli, 1990.

COLLECTIF, The AZ of Modern Design, Londres, Merrell, 2006 ; HUFNAGL F., Design, Vignelli, New York, Munich, Die Neue Sammlung Staatliches Museum für angewandte Kunst, 1992 ; NEUMANN C., Dictionnaire du design, Italie, Paris, Seuil, 1999.

VIGNON, Claude (Marie-Noémi CADIOT, dite) [PARIS 1828 - SAINT-JEAN-CAP-FERRAT 1888]

Femme de lettres, sculptrice et critique d’art française.

Claude Vignon fréquente les milieux socialistes dans les années qui précédèrent la révolution de 1848 en compagnie de son premier mari, A.-L. Constant (le futur Éliphas Lévi). Elle écrit dans La Voix des femmes et dans Le Tribun du peuple, organe des travailleurs, avant de se tourner vers des publications moins radicales sous le Second Empire auquel elle se rallie. Ses comptes rendus de Salons paraissent dans la revue influente L’Artiste, et dans le journal Le Correspondant, de 1850 à 1863. Élève de James Pradier, elle expose à partir de 1852 ses sculptures, notamment des bustes, dans les Salons officiels. C’est l’une des rares femmes admise à travailler aux sites monumentaux (décoration du Louvre, fontaine Saint-Michel, église Saint-Denis). Sous le pseudonyme de Claude Vignon, adopté en 1864 et qui reprend à la fois le nom du peintre baroque français (1593-1670) et celui d’un critique d’art fictif de La Comédie humaine de Honoré de Balzac, elle publie de nombreux récits dont certains paraissent d’abord en feuilleton. De 1869 à 1880 elle est correspondante parlementaire pour L’Indépendance belge. Sous la IIIe République, son mariage avec Maurice Rouvier, député, sénateur, ministre, et finalement président du Conseil en 1887, consolide son influence politique.

Wendelin GUENTNER

Salon de 1852, Paris, Dentu, 1852 ; Un naufrage parisien, Paris, Michel Lévy frères, 1869 ; Révoltée !, Paris, Calmann-Lévy, 1879 ; Une étrangère, étude de femme, Paris, Calmann-Lévy, 1886.

GUENTNER W. (éd.), Women Art Critics in Nineteenth-Century France : Vanishing Acts, Lanham, University of Delaware Press, 2013.

GUENTNER W., « The Rhetoric of Art Criticism : Claude Vignon’s Exposition universelle de 1855, Beaux-Arts », in Nineteenth-Century Prose, vol. 32, n° 1, 2005.

VIGO, Nanda [MILAN 1940]

Artiste, designer et architecte italienne.

Diplômée de l’Institut polytechnique de Lausanne, Nanda Vigo ouvre son propre atelier à Milan en 1959. Elle aborde à la fois l’architecture, les installations, la décoration, le design et l’art. Sa conception éclectique combine l’art conceptuel et le pop art, les cultures primitives et le post-modernisme. Néon, tulle, miroirs sont associés pour créer des environnements magiques où elle définit la lumière comme structure portant la philosophie du projet. N. Vigo développe une théorie de l’espace/temps par une immersion dans la lumière, de la lampe à l’installation, avec du verre gravé ou sérigraphié, en utilisant très tôt l’halogène (lampe Osiris) ou le LED (lampe Golden Gate). Depuis 1969, elle collabore avec des entreprises comme Kartell, Driade et Glass, pour lesquelles elle conçoit des miroirs ornés de néons colorés. Elle a fait partie des groupes artistiques tels que Zero, Aktuel et Light und Bewegung, à Berne. Elle a collaboré avec Giò Ponti, Lucio Fontana et Piero Manzoni. À partir des années 1970, son travail est influencé par des voyages en Inde, en Algérie et au Moyen-Orient. À la recherche d’un alphabet universel et cosmogonique, elle utilise les formes triangulaires et carrées qu’elle relie aux éléments naturels. Elle se partage entre Milan, où elle travaille, et l’Afrique, où elle vit très régulièrement. Elle a enseigné à l’Institut polytechnique de Lausanne, à l’Académie de Macerata, à l’Institut européen de design de Milan et à l’Académie de Brera. Outre de nombreuses expositions personnelles et collectives en Italie et en Europe, elle participe à plusieurs Triennales (1964, 1973, 2006) et à la Biennale de Venise en 1982. Une rétrospective de ses travaux de 1996 à 2005 est présentée à Paris en 2005. La lampe Totem et l’installation Genesis Light au palais Grivelli sont produites à Milan en 2007. En 1971, elle reçoit le New York Award of Industrial Design pour la lampe Golden Gate, et, en 1976, le premier prix Saint Gobain pour le design.

Jeanne QUÉHEILLARD

PASTOR B., Interni ‘60/’70, Milan, Abitare Segesta, 2006 ; STELLA D., Nanda Vigo : Light is Life, Milan, Johan & Levi, 2006.

VIK, Bjørg [OSLO 1935]

Écrivaine norvégienne.

Après son mariage, en 1957, Bjørg Vik quitte Oslo pour Porsgrunn, une petite ville en bord de mer au sud de la Norvège, puis prend une part active au mouvement féministe de la fin des années 1960. Ses recueils de nouvelles Søndag ettermiddag (« dimanche après-midi, 1963) et Nødrop fra en myk sofa (« appels désespérés du creux d’un canapé », 1966) font sensation en raison de la manière osée dont sont décrits l’érotisme et la sexualité, dans le mariage et en dehors. Au cœur de ces récits se trouvent des femmes au foyer, impuissantes et frustrées dans la sécurité de leur milieu petit-bourgeois. Dans le roman Gråt, elskede mann (« pleure, bien-aimé », 1970), l’écrivaine évoque aussi des hommes qui se sentent déconcertés par les femmes. Son engagement est clairement perceptible dans ses ouvrages des années 1970, notamment dans sa pièce de théâtre la plus connue : To akter for fem kvinner (« deux actes pour cinq femmes », 1974). Dans les recueils de nouvelles Kvinneakvariet (« l’aquarium de femmes », 1972), Fortellinger om frihet (« histoires de liberté », 1975) et En håndfull lengsler (« une poignée de rêves », 1979, Prix de la critique), il est question de bouleversements et de révoltes, et la perspective s’élargit pour inclure les femmes qui travaillent dans l’industrie. Sa trilogie autobiographique : Små nøkler, store rom (« petites clés, grandes pièces », 1988), Poplene på St. Hanshaugen (« les peupliers de la butte Saint-Jean », 1991) et Elsie Lund (1994), est constituée de souvenirs ponctuels qui dévoilent des familles traditionnelles au sein desquelles bien des choses sont tues, dans une Oslo où les classes sociales vivent séparées. À partir de 2000, B. Vik traite surtout la question de la mort et de la perte des proches, ou les tentatives d’établir une nouvelle relation d’amour à l’âge mûr. Forholdene tatt i betraktning (« étant donné les circonstances », 2002) est écrit avec une distance amusée mêlée de mélancolie. Traduits dans une trentaine de langues, ses romans et nouvelles lui ont valu nombre de prix littéraires.

Irene IVERSEN

GARTON J. (dir.), New Norwegian Plays, Norwich, Norvik Press, 1989.