RILEY, Sally [AUSTRALIE 1972]

Réalisatrice, scénariste et productrice australienne.

Après une formation à la mise en scène, Sally Riley, aborigène wiradjuri, travaille pour la Melbourne Theatre Company puis pour l’Urban Theatre Projects. Au début des années 1990, elle obtient un séjour en résidence auprès de la Central Australia Aboriginal Media Association, où elle se met à l’écriture de scénarios, la réalisation et la production de films. Son premier court-métrage, Fly Peewee, Fly ! (1995), présenté dans la collection From Sand to Celluloid et produit grâce aux financements de l’Australian Film Commission (AFC), raconte l’histoire d’un enfant qui n’arrive pas à choisir entre l’identité blanche attribuée par sa grand-mère et l’identité aborigène que son père veut lui transmettre. Sans hésiter, S. Riley rejoint l’AFC où elle occupe le poste de directrice de la branche indigène de l’institution. Elle contribue à mettre en place les collections qui succèdent à From Sand to Celluloid : Shifting Sands (1996), Crossing Tracks (1999), On Wheels (2000), Fifty/Fifty (2002) et Loved Up (2005). Grâce à sa position à l’AFC, elle soutient également d’autres créateurs aborigènes en leur trouvant des financements. En 2000, elle revient à la réalisation avec une fiction, Confessions of a Headhunter, basée sur une nouvelle de l’écrivain aborigène Archie Weller à propos duquel elle réalise un documentaire, In Search of Archie. Ses réalisations ont un caractère autobiographique et questionnent la construction de son identité en tant qu’Aborigène à la peau blanche intégrée au sein de réseaux familiaux, identitaires et professionnels plus vastes pour lesquels elle continue d’œuvrer depuis le poste qu’elle occupe depuis mai 2011 sur la chaîne publique ABC, où elle dirige le département aborigène, ou encore ses participations aux comités de direction d’Indigenous Screen Australia et de la télévision nationale indigène (NITV).

Martin PRÉAUD

« Le cinéma australien indigène », in GALLASCH K. (dir.), Explorations, films indigènes d’Australie, Sydney, The Australian Film Commission, 2002.

COLLINS F., DAVIS T., Australian Cinema after Mabo, Cambridge/Port Melbourne, Cambridge University Press, 2004 ; MCCARTHY G., Australian Cinema and the Spectres of Post-Coloniality : Rabbit-Proof Fence, Australian Rules, The Tracker and Beneath Clouds, Londres, Menzies Centre for Australian Studies, 2004.

RIMBERT, Sylvie [1927]

Géographe française.

Diplômée de l’École supérieure de cartographie de Paris en 1949, Sylvie Rimbert a séjourné aux États-Unis avant d’obtenir en France un doctorat de 3e cycle en 1963, puis un doctorat d’État, après quoi elle a fait une carrière au CNRS. Elle a beaucoup contribué à introduire les méthodes de la télédétection spatiale, en particulier pour améliorer la connaissance des villes, et elle a proposé des méthodes intégrées pour approcher un sujet neuf, le paysage urbain. Consciente des limites de la cartographie manuelle, elle est allée chercher au Canada les techniques statistiques et informatiques permettant de les dépasser. Elle fut ainsi pionnière des usages des outils informatiques en géographie, en participant aux premières expériences de cartographie automatisée, par exemple avec le logiciel Symap, ou en suggérant de possibles traductions automatiques. Cofondatrice en 1978 avec l’Anglais Robert Bennett et l’Allemand André Kilchenmann du groupe organisant les colloques européens de géographie théorique et quantitative, elle a présidé le Comité national de cartographie et la commission de géographie théorique de l’Association internationale des cartographes, et a plaidé pour une plus grande formalisation de la géographie et de ses représentations. Elle a ainsi fait évoluer la cartographie et elle a mis en œuvre des outils originaux pour l’analyse et la modélisation des données géographiques, notamment par la simulation.

Denise PUMAIN

Cartes et graphiques, Paris, Sedes, 1964 ; Les Paysages urbains, Paris, A. Colin, 1973 ; avec CICÉRI M.-F., MARCHAND B., Introduction à l’analyse de l’espace, Paris, Masson, 1977 ; avec MOLES A., Carto-graphies, Paris, Hermès, 1990.

« L’Atlas 1984 : cinq kilos de papier ou cinq cents grammes de disquettes ? », in Cahiers de l’Institut de Géographie de Fribourg, UKPIK, no 2, 1984.

RING, Gerda [CHRISTIANIA, AUJ. OSLO 1891 - OSLO 1999]

Metteuse en scène et actrice norvégienne.

Gerda Ring débute à Copenhague, au Det ny Teater (« le théâtre nouveau ») dans une pièce de sa mère, l’écrivaine Barbra Ring, Kongens hjerte (« le cœur du roi »), pièce nourrie d’images et de légendes. De 1912 à 1961, elle travaille au Nationaltheatret d’Oslo. Pendant la guerre et l’occupation allemande, elle s’exile en Suède avec son mari Halfdan Christensen, metteur en scène, où ils dirigent le groupe Fri Norsk Scene (« théâtre libre norvégien ») à Stockholm. C’est avec Gerts have (« le jardin de Gert »), pièce de Gunnar Heiberg, qu’elle débute en 1930 dans la mise en scène, poursuivant ensuite avec d’autres pièces de l’auteur et des pièces d’Ibsen ou de Bjørnstjerne Bjørnson. Ses mises en scène des années 1950, Glassmeansjeriet (La Ménagerie de verre) et Sporvogn til begjær (Un tramway nommé Désir) de Tennessee Williams, sont très appréciées pour leur style naturaliste inspiré par la psychanalyse. G. Ring se fait également connaître à l’étranger où elle dirige plusieurs pièces : en Islande, au Danemark et même en Chine où elle est invitée, en 1956, à mettre en scène Maison de poupée d’Ibsen, au Chinese Youth Art Theatre de Pékin.

Knut Ove ARNTZEN

RINGER, Catherine [SURESNES 1957]

Auteure-compositrice-interprète et musicienne française.

Dès son enfance, Catherine Ringer est dotée d’un caractère rebelle et excentrique. Elle quitte le nid familial à 13 ans, puis finance ses cours de comédie et de chant en apparaissant dans des films pornographiques. En 1979, elle rencontre son alter ego Fred Chichin : ils vont former ensemble un duo inséparable à la scène comme à la ville. Sous le nom des Rita Mitsouko, elle chante de sa voix gouailleuse et puissante un répertoire truffé de dérision amusée et de grains de folie, il compose des airs nourris de jazz, de rock et de rythmes latinos. Leurs trois premiers albums (Rita Mitsouko ; No comprendo ; Marc et Robert) se distinguent avec les tubes Marcia baila, C’est comme ça, Les Histoires d’A, Andy… Dans la vague des années 1980, le duo surprend et séduit grâce à une musique contemporaine intemporelle et des textes travaillés. Parallèlement, C. Ringer participe ponctuellement à d’autres projets : duo avec Marc Lavoine (Qu’est-ce que t’es belle), écriture pour les bandes originales de films (Tatie Danielle ; Reines d’un jour), comédie dans un spectacle d’Alfredo Arias, apparitions aux côtés d’artistes éclectiques (Doc Gynéco, Thomas Fersen, Corneille…). En 2007, le décès brutal de son compagnon en pleine tournée est suivi de peu par son album hommage Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko and More à la Cigale, puis par la réalisation de leur dernier projet commun Rendez-vous chez Nino Rota, un florilège de musiques de films italiennes. En 2009, elle propose son nouveau titre, Je kiffe Raymond, à télécharger gratuitement, en guise d’inauguration de son site Internet. L’année suivante, C. Ringer signe des titres pour les films de Tony Gatlif (Liberté) et Luc Besson (Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec). L’année 2011 voit l’arrivée d’un nouvel album, Ring’n Roll, inespéré : la folie, l’extravagance et la créativité de C. Ringer sont une fois encore au rendez-vous.

Anne-Claire DUGAS

Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko and More à la Cigale, Because, 2008.

RINOFNER, Heidelore [VIENNE 1941]

Architecte autrichienne.

Après son diplôme de l’Université technique de Vienne en 1966, Heidelore Rinofner s’installe à Villach, en Carinthie, où elle ouvre en 1975 une agence qu’elle dirigera jusqu’en 2002. Son activité s’oriente vers les commandes publiques, pour beaucoup des transformations d’édifices existants, souvent réalisées avec d’autres architectes. Elle signe de nombreux projets à Villach : en 1976, elle gagne, avec Hedy et Michael Wachberger, le concours pour la rénovation de la Sparkasse (« caisse d’épargne », 1988-1990). Puis elle travaille avec Gernot Kulterer (1940) à la restauration de la Höheren Bundeslehranstalt (1981-1987), un édifice d’enseignement construit par un élève d’Otto Wagner. Avec G. Kulterer encore, elle réalise l’extension de l’hôtel de ville et la construction de la salle paroissiale de l’église Sainte-Croix, deux éléments de la redéfinition spatiale du centre-ville (1992-1995 et 2000). Il faut aussi mentionner divers travaux en Carinthie : des bureaux et ateliers de réparation pour la Laudonkaserne (Klagenfurt 1984-1990), le centre de formation forestière (Ossiach 1990-1994), le réaménagement du musée du Nötscher Kreis (Nötsch 1994) et l’agencement des espaces extérieurs de l’abbaye bénédictine d’Ossiach, exécuté à la suite d’un concours avec l’artiste Melitta Moschik (1960). De 1998 à 2000, elle est membre du Conseil consultatif d’aménagement artistique de Linz.

Elke KRASNY

HAUENFELS T., « Gebautes Kärnten. Ein architekturgeschichtlicher Aufriss von 1945 bis heute », in AIGNER S. (dir.), Emanzipation und Konfrontation. Architektur aus Kärnten seit 1945 und Kunst im öffentlichen Raum heute, Vienne/New York, Springer, 2008 ; ZACEK P. (dir.), Frauen in der Technik von 1900 bis 2000, Vienne, Eigen, 1999.

RINONAPOLI, Anna [AGORDO, VÉNÉTIE 1924 - PARME 1986]

Écrivaine italienne.

Anna Rinonapoli a été agent de liaison pour la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Après des études de lettres à l’université de Milan, elle a enseigné à Milan et à La Spezia jusqu’en 1979, et a été traductrice du grec ancien. Ses récits de science-fiction satiriques et grotesques ont d’abord été publiés dans des anthologies et des revues entre 1963 et 1967. Elle est l’auteure de romans tels que : La tigre rossa (« le tigre roux », 1967) ; Sfida al pianeta (« défi à la planète », 1973), récit à suspense dramatique ; Il labirinto del mio inferno (« le labyrinthe de mon enfer », 1977), proche du fantastique surréel. En 1985, elle a fait paraître Lungo la trama (« au fil de l’intrigue »), une anthologie de récits fantastiques, et, en 1986, I cavalieri del Tau (« les chevaliers du Tau ») et d’autres récits abordant des thèmes relatifs à l’écologie et aux médias.

Graziella PAGLIANO

RINSER, Luise [LANDSBERG AM LECH 1911 - UNTERHACHING 2002]

Écrivaine allemande.

C’est avec son Gefängnistagebuch (« journal carcéral », 1946), des récits et son fameux roman Histoire d’amour (1950) que Luise Rinser, originaire de Haute-Bavière, s’est bâti une réputation d’écrivaine engagée de l’après-guerre. Histoire d’amour renvoie l’image d’une figure féminine non conventionnelle partagée entre résistance et adaptation au destin. La trentaine de romans et récits qu’elle a publiés ont rencontré un large public, alors qu’ils étaient ignorés par la critique. En revanche, son engagement politique de catholique de gauche dans les années 1970-1980 pour l’émancipation des femmes et des minorités et pour la paix a été ouvertement salué. Ses essais et ses journaux donnent un aperçu de ses engagements éclairés et de ses nombreuses rencontres avec des artistes, des politiciens et des dignitaires religieux.

Sylvia PRITSCH

Les Anneaux transparents (Die gläsernen Ringe, 1941), Paris, Seuil, 1956 ; Histoire d’amour (Mitte des Lebens, 1950), Paris, Calmann-Lévy, 1953 ; Miryam (Mirjam, 1983), Lagrasse, Verdier, 1994.

RIOS, Cassandra (Odette RIOS, dite) [SÃO PAULO 1932 - ID. 2002]

Écrivaine brésilienne.

Cassandra Rios est l’auteure de dizaines de romans érotiques qui scandalisent les milieux les plus conservateurs de la société brésilienne. Avant cela, elle a été l’une des auteures les plus lues et les plus populaires des années 1960-1970 au Brésil, vendant jusqu’à 300 000 exemplaires de ses romans chaque année, notamment : Volúpia do Pecado (« la volupté du péché », 1948), Crime de honra (« crime d’honneur »), Uma mulher diferente (« une femme différente », 1975), Tara (1967) et A paranóica (« la paranoïaque », 1976), roman homo-érotique adapté au cinéma par l’auteure avec John Herbert sous le titre Ariella (1980). Au milieu des années 1960, à 33 ans, sa liberté de mœurs tranche avec son époque. Lesbienne assumée, également propriétaire d’une librairie à São Paulo, elle aborde dans son œuvre, avec une grande liberté d’écriture, l’homosexualité féminine, les liens entre la sexualité, la politique et la religion ou encore les cultes afro-brésiliens comme l’umbanda. En pleine dictature, en 1976, 33 des 36 livres qu’elle a publiés sont saisis et interdits de diffusion dans tout le pays, et elle disparaît complètement du paysage littéraire, victime d’une censure féroce, même si elle continue à éditer ses livres à compte d’auteur. Constamment rééditée depuis, elle est une figure marquante de la littérature brésilienne, même si sa réputation sulfureuse a parfois nui à l’évaluation de son œuvre.

Karim BENMILOUD

RIOS, Edda DE LOS [ASUNCIÓN 1942 - ID. 2007]

Dramaturge et actrice paraguayenne.

Formée au Paraguay à l’École municipale d’art scénique d’Asunción, puis en Argentine, en Uruguay et en Espagne, Edda de los Ríos est l’auteure de ¿Qué hacemos esta noche? (« que faisons-nous ce soir ? », 1975), Esta noche nos quedamos en casa (« ce soir, on reste à la maison », 1977), et Y ahora… ¿qué? (« et maintenant ? », 1998), et est à l’initiative de nombreux événements culturels en tant que coordinatrice de programmes culturels à la radio, à la télévision ou dans des journaux. Parmi ses interprétations remarquées, on peut retenir ses rôles dans Misterio de San Guillén y Santa Felicia, de Manuel Iribarren et Santos Beguiristain, pièce religieuse avec 500 acteurs, et l’adaptation de l’essai de sociologie Pintadas por sí mismas, de Marilyn Godoy : Manuela Peña y Olga Caballero (1995). Elle joue dans des pièces du théâtre occidental contemporain, sous la direction d’Héctor de los Ríos : Le Bel Indifférent, de Jean Cocteau ; Le Journal d’Anne Frank ; La Cantatrice chauve, d’Eugène Ionesco ; Jeune homme en colère, de John Osborne. Pendant une vingtaine d’années, elle enseigne la mise en scène et l’interprétation au Paraguay et en Espagne. De 1991 à 1996, elle assume des mandats politiques comme conseillère municipale d’Asunción, membre du directoire du parti Liberal Radical Auténtico et membre du réseau des Femmes en politique du Paraguay. Elle est une figure centrale du théâtre paraguayen par son parcours international, ses interprétations dans plus d’une soixantaine de pièces et son rôle d’historienne d’un théâtre qu’elle a largement contribué à diffuser.

Stéphanie URDICIAN

RÍOS DE LAMPEREZ, Blanca DE LOS [SÉVILLE 1862 - MADRID 1956]

Écrivaine et critique espagnole.

Sa naissance au sein d’une famille cultivée et son éducation très élitiste marquent, dès sa jeunesse, sa personnalité, mais sa condition de femme ne la destine pas, à l’époque, à devenir une intellectuelle. Après son mariage, son installation à Madrid lui permet de fréquenter le milieu littéraire. Blanca de los Ríos de Lamperez publie très jeune son premier roman, Margarita (1878), sous le pseudonyme de Carolina del Boss. Elle collabore à plusieurs revues littéraires et signe sous son propre nom les livres suivants : Los funerales del César (« les funérailles de César », 1880) ; Esperanza y recuerdos (« espoirs et souvenirs », 1881) ; La novia del marinero (« la fiancée du marin, 1901). Parallèlement à d’autres romans, elle écrit de nombreux contes (El tesoro de Sorbas, « le trésor de Sorbas », 1914), parus dans des journaux et des revues, dont Raza Española, qu’elle fonde et dirige de 1918 à 1930. Elle s’engage dans des associations, fait partie de centres culturels et aussi de l’Assemblée nationale. Elle se distingue dans la recherche littéraire, sous l’influence de Menéndez Pelayo : Del Siglo de Oro (« du siècle d’or », 1910) est un de ses textes les plus remarquables. On lui doit aussi des ouvrages sur Tirso de Molina ainsi que l’édition critique de ses Œuvres complètes, qui lui vaut la reconnaissance de l’Académie royale d’Espagne. Elle publie d’excellentes études sur Calderón de la Barca et sur Francisca Larrea Böhl de Faber (1796-1877), dont elle analyse les apports en tant qu’écrivaine et traductrice, et s’intéresse à la personnalité et aux œuvres de Thérèse d’Avila*. Emilia Pardo Bazán* fut l’un des modèles de l’auteure, qui reçut elle-même de nombreux hommages.

Concepció CANUT

AMBRUZZI L., Una letterata spagnola grande amica dell’Italia, Blanca de los Ríos, in Italia e Spagna, saggi su rapporti storici, filosofici ed artistici tra le due civiltá, Florence, Le Monnier, 1941 ; GONZÁLEZ LÓPEZ M. A., Aproximación a la obra literaria y periodística de Blanca de los Ríos, Madrid, Fundación universitaria española, 2001 ; SÁNCHEZ DUEÑAS B., « Anotaciones en torno a la obra de Blanca de los Rios », in Escritoras y pensadoras europeas, Séville, Arcibel, 2007.

RÍOS Y LOYO, María Lorenza DE LOS (marquise de FUERTE HÍJAR) [CADIX V. 1768 - ID. V. 1817]

Femme de lettres espagnole.

Épouse de Germano de Salcedo y Somodevilla, marquis de Fuerte Híjar, sous-délégué général des théâtres, María Lorenza de los Ríos y Loyo est une femme cultivée, amie de la comtesse Eugénie de Montijo (1826-1920). Présidente de la Société économique des amis du pays, elle est préoccupée par les problèmes sociaux et financiers et conjugue son intérêt pour la réforme sociale avec son goût des arts et de la littérature. Elle écrit Elogio de la reina Nuestra Señora (« éloge de la reine Notre Dame »), qu’elle lit le 15 septembre 1798 devant la reine Marie-Louise (1751-1819), épouse de Charles IV. Le texte commence par un éloge à la reine et se termine par une défense des pauvres. Elle est l’auteure de deux comédies inédites : El Eugenio (« l’Eugène »), pièce en prose en trois actes qui s’apparente à l’Eugénie de Beaumarchais (1767) et met en scène des nobles et des aristocrates, et La sabia indiscreta (« la savante indiscrète »), pièce en un acte de 952 octosyllabes écrite vers 1803 et inspirée de L’Indiscret de Voltaire (1725), dans laquelle des femmes dites « savantes », mais qui ne sont que prétention et manque de discrétion, finissent par récolter ce qu’elles refusent. Ces comédies sans grande valeur littéraire apportent néanmoins la preuve de la participation des femmes à la création théâtrale au début du XIXe siècle, bien qu’elles ne soient pas publiées mais représentées, pour un public choisi, dans des salons aristocratiques. Femme indépendante, la marquise de Fuerte Híjar réunit l’élite éclairée dans son salon de Madrid, fréquenté par Goya, jusqu’à l’invasion napoléonienne. Son mari est alors emprisonné, puis tué à Ortez (France) en 1810. C’est, pour elle, la fin des années de rayonnement culturel et social.

Concepció CANUT

ACEREDA A., La marquesa de Fuerte Híjar, una dramaturga de la Ilustración, estudio y edición de “La Sabia indiscreta”, Cadix, Université de Cadix, 2000 ; BOLUFER M., « Les vêtements de la santé, le discours des apparences dans l’Espagne du XVIIIe siècle », in Les Femmes dans la société européenne, Genève, Société d’histoire et d’archéologie, 2000 ; JAFFE C., « “El Eugenio” de la marquesa de Fuerte Híjar, ilustración y experiencia femenina », in La Época de Carlos IV (1788-1808), Actas del IV Congreso Internacional de la Sociedad Española de Estudios del Siglo XVIII, Gijón, Trea, 2003.

RIOT-SARCEY, Michèle [LYON 1943]

Historienne française.

Engagement et pensée critique, deux mots clés pour l’œuvre de Michèle Riot-Sarcey. Ses premières interventions politiques contre la guerre d’Algérie au temps où elle travaillait encore dans l’administration des hôpitaux tout comme celles publiées plus récemment dans L’Humanité ou dans Libération en tant que professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris 8, sa participation à la création du Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire national sur le genre (Ring) tout comme à celle du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH) sont en effet indissociables de son travail d’historienne. Spécialiste du XIXe siècle, elle questionne le politique et les stéréotypes qu’un discours dominant impose, celui sur les femmes d’abord. En 1988, avec Eleni Varikas et Christine Planté, elle est à l’origine d’un numéro des Cahiers du Grif intitulé « Le genre de l’histoire ». Elle y déborde « l’histoire des femmes » et y déploie le genre qu’elle conçoit comme un concept qui permet de penser les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes et au-delà toutes les discriminations (concept qui sous-tend en 2010 De la différence des sexes, le genre en histoire). Dans son premier livre issu de sa thèse (La Démocratie à l’épreuve des femmes, trois figures critiques du pouvoir, 1830-1848, 1994), elle interroge les discours fondateurs de l’objet femme et écrit une histoire de rapports de pouvoirs. Elle montre alors combien les « utopies sociales », celles du comte de Saint-Simon et de Charles Fourier en particulier, loin des narrations d’une histoire officielle, sont pour ses acteurs contemporains un vrai moyen de transformer l’économie et la société (Le Réel de l’utopie, penser le politique au XIXe siècle, 1998). Cette mise au jour de pensées occultées, cette quête de mouvements politiques et sociaux masqués, cette recherche des sujets oubliés des événements est pour M. Riot-Sarcey essentielle. Son travail souligne les dissonances et les décalages, il permet de soulever les couches successives de narrations pour mettre à nu l’événement premier et retrouver ses acteurs perdus sous les recouvrements d’un discours dominant. Il révèle ainsi le processus de fabrique de l’histoire autant que celui de la démocratie, question récurrente qui donne sens à son action politique au quotidien et à son enseignement à l’université Paris 8. Ce « travail de l’historicité », comme elle le nomme, implique en effet pour l’historienne une double tâche : « à la fois interroger la construction du sens et enquêter sur le sujet qui le porte ». Pour ce faire, sa pensée se nourrit de la lecture de Theodor Adorno, de Michel Foucault et de Walter Benjamin tout comme elle s’enrichit de littérature, de peinture et de musique dont les créateurs font parfois surgir et resurgir des compréhensions perdues ou oubliées par des récits historiques ordinaires. C’est par cette mise à découvert des « possibles de l’histoire » que M. Riot-Sarcey peut relier son engagement politique et son travail d’historienne, celui de l’écriture mais aussi de pédagogue. Son rôle à Paris 8 de 1989 à 2011 comme ATER, maître de conférences puis professeure d’histoire a ainsi largement dépassé celui d’une simple enseignante.

Nicole EDELMAN

AUNOBLE E. (dir.), Les Expériences oubliées du passé, hommages à Michèle Riot-Sarcey, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2013.

RIPA, Yannick [BOULOGNE-BILLANCOURT 1954]

Historienne française.

Consacrer sa thèse, en 1983, aux « femmes, médecins et folie à l’âge d’or de l’aliénisme » est assurément une démarche originale (La Ronde des folles, Femmes, folie et enfermement au XIXe siècle, 1986). L’histoire des femmes est alors en ses débuts et s’attache à des sujets plus classiques. Dans une perspective très foucaldienne, Yannick Ripa s’inscrit dans les marges, parce qu’elles renvoient au centre, aux normes, aux savoirs et aux pouvoirs. Le cas d’Hersilie Rouy, sur lequel elle publie plus tard un ouvrage, le montre avec éclat (L’Affaire Rouy, une femme contre l’asile au XIXe siècle, 2010). Cette affaire d’internement abusif dans les asiles du Second Empire (1854-1868) a ému la France entière et posé la question de l’arbitraire et de la liberté individuelle. La folie, donc. Mais aussi le rêve. Y. Ripa en scrute l’histoire à travers les traités scientifiques et les représentations littéraires, dans un beau livre nocturne (Histoire du rêve, Regards sur l’imaginaire des Français au XIXe siècle, 1988). La guerre civile espagnole est, pour cette hispanisante, désireuse d’Europe, née d’un père napolitain et d’une mère bretonne, un troisième terrain, peu exploré sous l’angle du genre. Pourtant le corps des femmes y fut l’enjeu d’une « brutalisation » extrême ; tontes, viols, violences furent pour les deux camps des armes d’une guerre inexpiable. Soucieuse de la dimension politique de l’histoire des femmes, Y. Ripa l’est aussi de leurs images visuelles et littéraires. À travers des centaines de clichés photographiques, elle tente de décrypter l’évolution de leur « condition » contemporaine (Les Femmes en France de 1880 à nos jours, 2007). Elle préface également des rééditions de romans classiques de Victor Margueritte ou de Stefan Zweig (2013). Attentive à la vulgarisation, elle est l’auteure de manuels destinés aux étudiants et à un large public (dont Les Femmes, actrices de l’histoire : France, de 1789 à nos jours, 1999, réédition 2010) ; elle collabore régulièrement au Libération des Livres, où elle est spécialement attentive à l’histoire des femmes et du genre. Nommée maître de conférences en 1992 à l’université Paris 8-Saint-Denis, après avoir enseigné dans le secondaire, elle est élue professeure en 2010. Elle y enseigne, avec une perspective de genre, l’histoire sociale et politique de l’Europe du XIXe siècle. Elle poursuit actuellement des recherches relatives aux effets de la Grande Guerre sur la vie des couples et sur l’histoire d’un personnage controversé : la belle-mère.

Michelle PERROT

RIPA DI MEANA, Ludovica [ROME 1933]

Écrivaine et journaliste italienne.

Ludovica Ripa Di Meana a réalisé des interviews-portraits à la télévision : Il paradiso è un cavallo bianco che non suda mai (« le paradis est un cheval blanc qui ne transpire jamais », 1982) ; Dietro l’immagine (« par-delà l’image », 1987) ; Diligenza e voluttà (« zèle et volupté », 1989), sur le critique Gianfranco Contini. Sont parus par la suite La sorella dell’Ave (« la sœur de l’Ave », 1992), un roman en vers qui traite des rapports entre deux sœurs ; Rosabianca e la contessa (« Rosabianca et la comtesse », 1994), qui se veut un dialogue entre deux solitudes ; Teodia, quattro monologhi (« Teodia, quatre monologues », 2003).

Graziella PAGLIANO

RIQUELME DE MOLINAS, Yula [ASUNCIÓN 1942 - ID. 2001]

Écrivaine paraguayenne.

Avant d’intégrer le Taller Cuento Breve (« atelier nouvelle brève »), dirigé par Hugo Rodríguez-Alcalá, qui marque ses débuts dans la prose narrative, Yula Riquelme de Molinas a publié un recueil de poésie, Los moradores del vórtice (« les habitants du tourbillon », 1976) et deux romans, Puerta (« porte », 1994), et Los gorriones de la siesta (« les moineaux de la sieste », 1996). Puerta est l’un des meilleurs romans fantastiques du Paraguay. Le ton surnaturel et métaphysique dissimule une revendication concernant la condition féminine, explicitée à la fin de l’ouvrage, quand la narratrice révèle son identité, jusque-là dissimulée. Dans Bazar de cuentos (« bazar de contes », 1995), son style s’affirme. Ce recueil regroupe 20 nouvelles qui confondent réalisme et fantastique pour dénoncer les difficultés rencontrées par les femmes au Paraguay, avec un style unique : un récit continu, sans points ni retours à la ligne, aux phrases courtes pleines d’émotion. Chaque récit apparaît comme un univers autonome, dans lequel l’expression de la voix narrative ne s’interrompt pas, générant des structures qui semblent parfaitement articulées. Y. Riquelme de Molinas fait partie d’une génération d’écrivaines qui ont bénéficié de la lutte de pionnières comme Ercilia López de Blomberg* et Dora Gómez Bueno de Acuña*, ce qui leur a permis de faire des dénonciations plus franches. Dans son travail d’écriture, elle s’est toujours préoccupée de défendre le droit des femmes à la libre expression, comme arme pour faire face à un monde traditionaliste refusant de leur accorder des conditions égalitaires.

Natalia GONZÁLEZ ORTIZ

RIŠE, Indra [LATVIA 1961]

Compositrice lettone.

Ses premières études musicales, menées au Conservatoire de Riga, confortent son désir d’être compositrice. Indra Riše écrit sa première œuvre pour piano, Three Coloured Stories, inspirée par le monde de l’enfance, et obtient son diplôme en 1990 avec Metamorphosis, première œuvre pour orchestre. Elle poursuit ses études au Conservatoire de Copenhague, en composition et en électroacoustique. Si quelques-unes de ses œuvres font appel à un dispositif électronique, telle Up There en 1998, la plupart d’entre elles, d’un caractère plutôt intime, sont enracinées dans la culture lettone et optent pour une instrumentation classique. La nature lui est une source d’inspiration (Autumn ou Three Episodes from Springtime) et peut-être les paysages de son enfance comme ceux du Danemark, son pays d’adoption, en favorisent-ils la prédominance.

Pierrette GERMAIN

RISSET, Jacqueline [BESANÇON 1936 - ROME 2014]

Poétesse et essayiste française.

Normalienne, Jacqueline Risset poursuit une brillante carrière de chercheuse qui la conduit à enseigner à l’université La Sapienza à Rome. Ses travaux scientifiques portent notamment sur l’examen de la poésie. Elle est l’auteure d’une traduction remarquée de La Divine Comédie de Dante. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Tel Quel de 1967 à 1982, et entame parallèlement une œuvre de poétesse qui, avec celle de Denis Roche et de Marcelin Pleynet, compte parmi les plus décisives de sa génération. Inaugurée en 1971 par Jeu et poursuivie par des recueils tels que Mors (1976), sa poésie est travaillée par deux inspirations majeures : la première consiste à mettre en avant les jeux de mots, la puissance du langage à parler seul ; la seconde éclaire la douleur de la parole à ne jamais pouvoir se taire.

Johan FAERBER

Sept passages de la vie d’une femme, Paris, Flammarion, 1985 ; L’Amour de loin, Paris, Flammarion, 1988 ; Petits éléments de physique amoureuse, Paris, Gallimard, 1991 ; Les Instants, Tours, Farrago, 2000.

RIST, Pipilotti [RHEINTAL 1962]

Vidéaste suisse.

Née dans le canton suisse de Saint-Gall, Pipilotti Rist a suivi des études de graphisme et de photographie à la Hochschule für Angewandte Kunst (« l’université des arts appliqués ») de Vienne et des études de création audiovisuelle à la Schule für Gestaltung (« l’école de design ») de Bâle. Elle y découvre les travaux d’Ulrike Rosenbach*, de Joan Jonas* et de Peter Callas ; ils influenceront par la suite son travail de vidéaste, caractérisé par l’utilisation constante de la voix et de la musique, par la mise en scène burlesque du corps féminin et par une esthétique de couleurs saturées. L’artiste commence par réaliser de courts vidéoclips. Dans le fondateur I’m Not the Girl Who Misses Much (« je ne suis pas la fille qui manque beaucoup », 1986), elle chante jusqu’à l’épuisement les célèbres paroles de la chanson Happiness Is a Warm Gun de John Lennon, dans une version parodique féministe ; Pickelporno (1992), vidéo acidulée et sensuelle, connaît un immense succès, lançant l’artiste dans le circuit des expositions internationales. En 1994, elle représente la Suisse à la Biennale de São Paulo, avec les architectes Herzog et de Meuron ainsi que la sculptrice Hannah Villiger*. Trois ans plus tard, la Biennale de Venise consacre son travail en attribuant le Premio 2000 à l’installation Ever Is Over All (« tout n’est jamais fini »), aujourd’hui présente dans les collections du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Depuis 1995, son travail évolue, et ses bandes vidéo font partie d’installations complexes. Ainsi, dans Das Zimmer (« la chambre », 1994, musée Guggenheim, New York), le spectateur se trouve dans une chambre digne de Gulliver, où il doit grimper sur un canapé géant pour voir le film. Véritable personnalité en Suisse, la vidéaste, également musicienne, fait partie du groupe féminin Les Reines prochaines entre 1988 et 1994. Pendant deux ans, elle a aussi été directrice artistique d’Expo 02, l’exposition nationale suisse. En 1997, elle forme, avec sa sœur et quelques amies, le collectif artistique Rist Sisters Corporation. Elle vit et travaille à Zurich.

Teresa CASTRO

Apricots Along the Street, Zurich/Berlin/New York, Scalo, 2001.

BRONFEN E., OBRIST H. U., PHELAN P., Pipilotti Rist, Londres, Phaidon, 2001.

RISTELHUEBER, Sophie [PARIS 1949]

Photographe et vidéaste française.

Dès le début de sa carrière de photographe, au début des années 1980, Sophie Ristelhueber engage une réflexion sur l’image d’information et sa perception. En 1984, sa série Beyrouth présente des images de ruines sans aucune présence humaine. Photographiée par l’artiste, la capitale libanaise, alors synonyme de guerre, offre une description de la réalité très éloignée des images chocs du photoreportage. La reconnaissance critique de ce premier travail artistique accompagne une remise en question des usages de la photographie, problématique culminant dans les années 1990 à l’échelle internationale. L’originalité du travail de la photographe réside en effet dans la mise en forme de la mémoire à travers une esthétique de la trace, de la cicatrice. Bien qu’elle ait toujours nourri son œuvre de techniques diverses, l’artiste diversifie sa pratique durant les années 2000. Le son (1999, bande sonore) et l’image font l’objet de recherches sur les thèmes qui parcourent son œuvre, par le biais de la vidéo : le souvenir, la résistance des éléments et de la nature face aux destructions commises par l’homme (Le Chardon, film vidéo, 2007). Fatigues (film vidéo, 2008) met en scène une réflexion personnelle sur l’ensemble de son œuvre. Avec Stitches (« points », 2005), l’artiste réalise des broderies qui constituent en fait des mots prononcés par G. W. Bush et elle complète le dispositif de l’exposition par une série de photographies des sols palestiniens. L’année 2009 voit la consécration de son travail par une exposition rassemblant une part importante de ses œuvres au musée du Jeu de Paume à Paris, accompagnée d’un ouvrage monographique (Opérations).

Marie GAUTIER

Détails du monde (Details of the World, 2001), Arles, Actes Sud, 2002 ; WB [West Bank] (catalogue d’exposition), Paris/Genève, Thames and Hudson/Cabinet des estampes, 2005 ; Sophie Ristelhueber, Opérations (catalogue d’exposition), Dijon/Paris, Les Presses du Réel/Centre national des arts plastiques, 2009.

RISTORI, Adelaide [CIVIDALE DEL FRIULI 1822 - ROME 1906]

Actrice italienne.

Adelaide Ristori est l’une des premières actrices de son époque qui parvient à concentrer l’attention du public et de la critique, et qui peut imposer sa présence d’actrice au centre du discours créatif. Fille de deux comédiens, elle se fait remarquer déjà à 14 ans dans Francesca da Rimini de Silvio Pellico. Elle fonde ensuite sa propre compagnie, la Compagnia drammatica italiana, avec laquelle elle fait des tournées dans le monde entier. Elle contribue au rayonnement d’auteurs comme Vittorio Alfieri (son triomphe parisien de 1855 avec Myrrha est légendaire) ou d’auteurs associés aux revendications politiques du douloureux processus de l’unification italienne, comme Silvio Pellico ou Carlo Marenco. Cet engagement lui vaut l’expérience pénible de la censure, mais aussi l’amitié et le soutien de Cavour et de la reine Marguerite de Savoie, qui la nomme « dame de compagnie » au moment de sa retraite.

Angelo PAVIA

RITCHIE, Anne Isabella (née THACKERAY) [LONDRES 1837 - FRESHWATER, ÎLE DE WIGHT 1910]

Essayiste et romancière britannique.

Fille aînée du célèbre écrivain William Thackeray, et tante par alliance de la non moins célèbre Virginia Woolf*, qui l’admire et à qui elle inspirera un personnage de roman, Anne Ritchie passe son enfance entre Londres et Paris, où elle est élevée par sa grand-mère paternelle, avant de revenir auprès de son père dont elle soutient les travaux. Elle est avant tout connue pour ses essais très sensibles sur des personnalités littéraires de l’entourage de son père (les Carlyle, les Tennyson, Dickens, Robert et Elizabeth Browning*…) ou des figures féminines comme Mme de Sévigné* ou Jane Austen*, et plus encore sans doute pour l’édition des œuvres de Thackeray, introductions et chapitres au creux desquels elle construit en fin de compte sa propre autobiographie et dévoile son style. Quelques années après la mort de son père, elle épouse, en 1877, son cousin, Richmond Ritchie, avec qui elle a deux enfants. Elle devient dès lors auteure de fiction, livrant des romans qui, tout en défendant la structure familiale victorienne, remettent en cause l’image stéréotypée de la femme incapable et soumise (Mrs Dymond, 1885, en est un des meilleurs exemples), et des contes de fée inspirés de Perrault dont les personnages sont ses contemporains, la narratrice une jeune femme victorienne célibataire et les ogres, des industriels avides et matérialistes.

Geneviève CHEVALLIER

Sur la falaise (The Village on the Cliff, 1871), Paris, Hachette, 1882.

GARNETT H., Anny : A Life of Anne Thackeray Ritchie, Pimlico, 2006.

RIVA, Emmanuelle [CHENIMÉNIL 1927]

Actrice et écrivaine française.

D’abord couturière, Emmanuelle Riva suit les cours du centre de la rue Blanche à Paris. En 1959, Alain Resnais la rend célèbre grâce à Hiroshima mon amour, écrit par Marguerite Duras*. Elle tourne Léon Morin, prêtre (1961), de Jean-Pierre Melville, d’après le roman de Béatrix Beck*, avec Jean-Paul Belmondo, et Thérèse Desqueyroux (1962), de Georges Franju, d’après François Mauriac. Son visage aux traits réguliers, sa voix prenante, son tempérament de tragédienne la vouent aux personnages dramatiques. Dans Le Coup de grâce, Jean Cayrol l’oppose à Danielle Darrieux* et Michel Piccoli. Thomas l’imposteur (1965), de G. Franju, s’inspire de Jean Cocteau*. Jacqueline Audry* la dirige dans Les Fruits amers (1967), et Marco Bellocchio dans Les Yeux, la bouche (1982). Avec légèreté et un humour pince-sans-rire, elle aborde la comédie : Dieu, l’amant de ma mère et le fils du charcutier (1995), d’Aline Issermann* ; Vénus Beauté (institut), de Tonie Marshall*. En 2011, elle tourne Amour, de Michael Haneke, où elle est la femme de Jean-Louis Trintignant et la mère d’Isabelle Huppert*, confrontés à la vieillesse. Le film a reçu un accueil exceptionnel : Palme d’or à Cannes, César et Oscar. Pour l’actrice : César, nomination aux Oscars. Elle fait ensuite son retour à la comédie, incarnant la mère de Nicole Garcia* dans Tu honoreras ta mère et ta mère, de Brigitte Roüan. Au théâtre, elle a joué : Le Dialogue des carmélites, de Georges Bernanos, mis en scène par Marcelle Tassencourt ; L’Épouvantail, de Dominique Rolin, avec Héléna Manson, Martine Sarcey et Yvette Etiévant ; Britannicus, de Jean Racine, avec Marguerite Jamois* ; Jacques Audiberti ; Henry de Montherlant ; Luigi Pirandello. Elle a publié plusieurs recueils de poésie.

Bruno VILLIEN

Tu n’as rien vu à Hiroshima, Paris, Gallimard, 2009.

ALERAMO S., Une Femme, lu par Emmanuelle Riva, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, « Bibliothèque des voix », 1980.

RIVAS, Reyna [CORO 1922 - ID. 2011]

Poétesse vénézuélienne.

Parallèlement à ses études de philosophie et de lettres à Caracas et à la Sorbonne, Reyna Rivas obtient un diplôme à l’École supérieure de musique de Caracas et se perfectionne dans le domaine du chant à Paris et en Italie. Elle pratique et enseigne ces différentes disciplines. Mariée au peintre vénézuélien Armando Barrios, elle fréquente les milieux intellectuels européens, particulièrement à Paris et à Rome, où ils s’installent. Son premier recueil, Seis prosas (« six proses »), illustré par son mari, est publié à Paris en 1951 avec une préface de Roberto Ganzo. En 1956, paraît le recueil Hôtes de la mémoire, traduit en français par l’auteure, préfacé et publié par Pierre Seghers. Elle découvre avec enthousiasme l’œuvre de María Zambrano, alors exilée à Rome, où elle lui rend visite. C’est le début d’une longue amitié dont témoignent les lettres échangées pendant vingt ans entre les deux femmes et réunies dans Epistolario (« épistolaire », 2004). La poésie de R. Rivas est une exploration linguistique de l’être au monde comme être de mémoire. Celle-ci naît dans la conscience du premier être et se prolonge dans l’avenir, comme si toute l’histoire pouvait se concentrer en un seul homme et en un seul instant. Le recueil Palabra y poesía (« parole et poésie », 1968) reprend comme une litanie, tout au long de son développement, le premier et dernier vers du livre : « Fue en futuro anterior » (« c’était au futur antérieur »). À côté de son intense recherche poétique, l’écrivaine rédige des articles de critique pour la presse et publie en Italie des contes pour enfants inspirés du folklore vénézuélien.

Yaël WEISS

Hôtes de la mémoire (Huéspedes de la memoria, 1957), Paris, P. Seghers, 1956.

ZAMBRANO M., « Palabra y poesía en Reyna Rivas », in Anthropos, no 2, mars-avr. 1987.

RIVAS MERCADO, Antonieta [MEXICO 1900 - PARIS 1931]

Écrivaine et mécène mexicaine.

Issue d’une famille bourgeoise, Antonieta Rivas Mercado a fait ses études à Paris, où elle a rencontré André Breton, Jean Cocteau et Jean Anouilh. À Mexico, elle a soutenu de manière créative et financière Los Contemporáneos, groupe de recherche artistique apparu dans les années 1920, qui comptait parmi ses représentants Xavier Villaurrutia, Jorge Cuesta, les frères José et Celestino Gorostiza, Salvador Novo et Gilberto Owen, mais aussi le peintre Miguel Rodríguez Lozano et le chef d’orchestre Carlos Chávez. A. Rivas Mercado a créé le théâtre Ulises et contribué à la fondation de l’Orchestre symphonique national. Elle a aussi participé à la campagne présidentielle de José Vasconcelos, avec lequel elle a eu une relation sentimentale, ce dont témoigne son livre La campaña de Vasconcelos (1981). Elle s’est suicidée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. A. Rivas Mercado a laissé une œuvre variée, composée de courts récits, de romans inachevés et d’une pièce de théâtre, mais elle est surtout connue pour sa correspondance et son journal, publiés après sa mort par Isaac Rojas Rosillo. Accaparée par des activités journalistiques, culturelles et politiques, elle ne s’est pas préoccupée de leur publication de son vivant. Sa vie a inspiré le théâtre et le cinéma, notamment le film hispano-mexicano-français Antonieta (1982), de Carlos Saura, avec Isabelle Adjani*.

Patricia ORTIZ

Antonieta Rivas Mercado Cartas a Miguel Rodríguez Lozano (1927-1930), ROJAS ROSILLO I. (dir.), Mexico, Secretaría de Educación Pública-Setentas, 206, 1975 ; Obras completas de Antonieta Rivas Mercado, SCHNEIDER L. M. (dir.), Mexico, SEP/Editorial Oasis, 1987.

BRADÚ F., Antonieta : 1900-1931, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1991.

RIVAZ, Alice (Alice GOLAY, dite) [ROVRAY 1901 - GENTHOD 1998]

Écrivaine suisse d’expression française.

Après des études de piano au Conservatoire de Lausanne, Alice Rivaz se tourne vers l’écriture. Elle choisit délibérément le célibat et l’autonomie matérielle, et, dès 1925, rejoint le rang des secrétaires, ces incarnations de la « femme moderne » qu’elle dépeint dans son œuvre. Elle adopte pour pseudonyme le nom d’un village du Lavaux, évoquant ses origines maternelles et l’œuvre de Ramuz, qui la soutient lors de la publication de son premier roman, Nuages dans la main (1940). Situé à Genève au moment de la guerre d’Espagne, l’ouvrage dépeint notamment une masculinité mise en crise par la tertiarisation du travail. L’écrivaine est la première auteure à avoir articulé en Suisse romande une réflexion sur les femmes et la littérature. En 1945, elle fait paraître un essai novateur pour le monde francophone, Présence des femmes, repris en 1980 sous le titre Un peuple immense et neuf. Elle y déplore la marginalisation des femmes dans une production symbolique pseudo-universelle et masculine. Hormis La Paix des ruches (1947) qui adopte la forme du journal fictionnel, aucun de ses romans n’est rédigé à la première personne, mais une complicité discrète opère avec certains personnages féminins dans son diptyque Comme le sable (1946) et Le Creux de la vague (1967). Dans la partie autobiographique de son œuvre, elle dresse le bilan poétique d’une vie de femme à l’aube de la vieillesse (Comptez vos jours, 1966) et retrace, dans L’Alphabet du matin (1968), une enfance passée entre les « idées » du père, homme de gauche, fondateur du Parti socialiste vaudois, et les « gestes » de la mère, qui façonnent la petite fille et nourrissent l’idéal d’écriture féminine de l’auteure.

Valérie COSSY

Sans alcool, nouvelles, Neuchâtel, La Baconnière, 1961 ; De mémoire et d’oubli, nouvelles, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1973 ; Jette ton pain (1979), Vevey, Éditions de l’Aire, 1997 ; Traces de vie, Vevey, B. Galland, 1983 ; avec LOSSIER J.-G., Pourquoi serions-nous heureux ?, correspondance 1945-1982, Carouge-Genève, Zoé, 2008.

FORNEROD F., Alice Rivaz pêcheuse et bergère de mots, Carouge-Genève, Zoé, 1998.

FORNEROD F., JAKUBEC D. (dir.), « Autour d’Alice Rivaz », in Études de lettres, Lausanne, no 1, 2002.

RIVERA, Silvia Tomasa [EL HIGO 1956]

Poétesse mexicaine.

Silvia Tomasa Rivera se revendique des ateliers littéraires plus que du monde universitaire ou de la poésie, milieux auxquels elle se sent extérieure. Les poètes Raúl Renán et Carlos Illescas ont été ses professeurs et, aujourd’hui, elle dirige elle-même des ateliers de poésie dans la province mexicaine. Plusieurs de ses recueils ont été salués par la critique : El tiempo tiene miedo (« le temps a peur ») a reçu le prix Paula-de-Allende en 1987 ; Por el camino del mar, camino de piedra (« sur le chemin de la mer, le chemin de pierre ») a été couronné du prix Jaime-Sabines en 1988 ; et Alta montaña (« haute montagne ») s’est vu attribuer les prix Alfonso-Reyes en 1991 et Carlos-Pellicer en 1997. Autodidacte se consacrant exclusivement à la poésie, elle fait exception parmi les poétesses contemporaines. Elle chante d’une même voix, sans détour, le paysage de la région de Veracruz, les seins d’une femme ou l’érotisme du monde. De son œuvre, on peut également citer Duelo de espadas (« duel d’épées », 1984), Cazador (« chasseur », 1993), Vuelo de sombras (« vol d’ombres », 1994) et Como las uvas (« comme les raisins », 2005).

Elsa RODRÍGUEZ BRONDO

RIVERA CUSICANQUI, Silvia [LA PAZ 1949]

Sociologue bolivienne et militante politique.

Professeur de sociologie à l’Université de San Andrés, professeure invitée aux universités de Columbia, d’Austin, de La Rábida (Huelva), et de l’Universidad Andina Simón Bolívar de Quito, Silvia Rivera Cusicanqui est une activiste liée au mouvement indien katariste et à la lutte des producteurs de coca, qui fait porter sa réflexion sur les relations coloniales. Elle a reçu en 1990 la prestigieuse bourse Guggenheim. Après une formation universitaire profondément influencée par le marxisme, elle critique le discours et les pratiques de gauche fondés sur l’idée d’une évolution sociale linéaire et univoque de l’histoire et sur la conception d’un sujet historique de la classe ouvrière. Elle dénonce la réduction du colonialisme et du racisme à une problématique de classe qui ignore les particularités culturelles et l’histoire de la colonisation dans un pays profondément rural et indien. Elle propose un changement radical sur le plan méthodologique et épistémologique pour pouvoir « écouter » les voix subalternes. En 1983, elle inaugure l’Atelier d’histoire orale et en 1984 elle publie « Oprimidos pero no vencidos », luchas del campesinado aymara y qhichwa de Bolivia, 1900-1980 (« “Opprimés mais non vaincus”, luttes de la paysannerie aymara et quechua en Bolivie, 1900-1980 », allusion au livre de Nathan Wachtel, La Vision des vaincus). En s’appuyant sur l’histoire de la Bolivie, elle développe les concepts d’horizons et de cycles historiques, de colonialisme interne, présent également chez d’autres intellectuels comme Pablo Gonzáles Casanova. Au lieu de s’attacher à une succession linéaire entre la période préhispanique, la période de colonisation et la république, elle souligne les décalages et les discontinuités des évolutions sociales. Elle critique également les visions qui opposent la société traditionnelle à la société moderne ou les relations communautaires aux relations féodales ou capitalistes. Elle propose de penser la coexistence de multiples temporalités et l’articulation entre classe et ethnicité (Los artesanos libertarios y la ética del trabajo, 1988). Elle analyse la relation entre l’oppression coloniale, l’exploitation capitaliste et le pouvoir patriarcal (Bircholas, trabajo de mujeres, explotación capitalista y opresión colonial entre las migrantes aymaras de La Paz y el Alto, 2001). En conséquence, elle est loin d’une vision des relations hommes/femmes à l’intérieur des communautés andines comme égalitaires et iréniques. S. Rivera s’est ainsi affirmée comme une intellectuelle des plus exigeantes sur les relations entre le présent et le passé dans des domaines qui relèvent de la sociologie, de l’histoire et de l’analyse de l’image. Sa pensée s’inscrit dans une double critique : celle de l’universalisme abstrait et celle de l’engouement pour les postcolonial studies et du marché qu’il a suscité.

Rossana BARRAGAN

Avec BARRAGAN R. (dir.), Debates Postcoloniales, una introduccion a los estudios de la subalternidad, La Paz, Historias-SEPHIS-Aruwiyiri, 1997 ; Chhixinakax utxiwa, sobre practicas y pensamientos descolonizadores, Buenos Aires, Tinto Limon y Retazos, 2010.

« Secuencias iconograficas en Melchior Maria Mercado », in BARRAGAN R., QUAYUM S., CAJAS M. (dir.), El siglo XIX, Bolivia y América Latina, La Paz, IFEA-Historias, 1997 ; « A quasi-legal commodity in the Andes, coca-leaf consumption in Northwestern Argentina », in COOMBER R. (dir.), Drugs and Social Context : Beyond the West, Londres, Free Association Books, 2004.

RIVERA GARZA, Cristina [MATAMOROS 1964]

Écrivaine et historienne mexicaine.

Cristina Rivera Garza partage sa vie professionnelle entre l’enseignement et la création. Sa formation universitaire en histoire et en sociologie la dote d’un bagage théorique que l’on retrouve dans une œuvre foisonnante, à la fois originale et déconcertante, qui la place parmi les écrivaines majeures de sa génération. En 1987, son livre La guerra no importa (« la guerre n’a pas d’importance ») obtient le prix national de la nouvelle de San Luis Potosí. Le roman Nadie me verá llorar (« personne ne me verra pleurer », 1999), récompensé par le prix ibéroaméricain Sor-Juana-Inés-de-la-Cruz en 2001, est sa première œuvre majeure. Dans le Mexique de Porfirio Díaz, ce roman met en scène un asile d’aliénés, la Castañeda, où ont échoué marginaux, prostituées et autres personnages déviants dont la société, la psychiatrie ainsi que la morale bien-pensante et hygiéniste cherchent à tout prix à se protéger. Son roman La cresta de Ilión (2002) s’inspire de la romancière mexicaine Amparo Dávila*, et La muerte me da (2007), brillant roman conceptuel et expérimental, emprunte son titre à la poétesse argentine Alejandra Pizarnik*. C. Rivera Garza a été récompensée par le prix international Anna-Seghers pour l’ensemble de son œuvre, à Berlin, en 2005. Ses livres ont été traduits en plusieurs langues. Elle a également écrit des essais et des articles parus dans des revues et des journaux.

Elsa RODRÍGUEZ BRONDO

RIVERA MARIN, Ruth [MEXICO 1927 - ID. 1969]

Architecte mexicaine.

Fille du peintre mexicain Diego Rivera et de l’écrivaine Guadalupe Marin, Ruth Rivera Marin a grandi dans un milieu artistique non conventionnel et politiquement marqué à gauche. Son père habillait ses deux filles en garçon et leur donnait des jeux de construction. Jeune femme, elle a travaillé avec lui sur des projets de fresques murales. À sa mort, elle a hérité de la maison et de l’atelier qu’il partageait avec Frida Kahlo*, construits entre 1931 et 1932 par Juan O’Gorman, dont elle fit don à l’Institut des beaux arts (INBA). R. Rivera Marin a suivi les enseignements de l’École supérieure d’ingénierie de l’Institut polytechnique national (IPN), où elle fut la première femme à obtenir une licence d’architecture, tout en étudiant la littérature et l’anthropologie. Dès 1946, elle a commencé à enseigner dans des écoles secondaires publiques, à l’École normale supérieure, à l’IPN et à l’INBA. De 1959 à 1969, elle a dirigé le département d’architecture de l’INBA. Parallèlement, l’architecte a participé à plusieurs projets à Mexico : le musée expérimental El Eco (1953), avec Matías Goeritz (1915), le Centre médical national et le musée d’Art moderne (1964), avec l’architecte Pedro Ramirez Vásquez. Elle a également travaillé avec J. O’Gorman et Heriberto Pagelson à la réalisation du musée Diego Rivera Anahuacalli (Mexico City), destiné à abriter la collection d’art précolombien de son père. De 1957 à sa mort, R. Rivera Marin a travaillé avec le Sous-Comité des musées de l’Unesco et, en 1969, a organisé l’exposition de design El objeto cotidiano en México (« les objets du quotidien au Mexique ») au musée d’Art moderne. Membre de l’Association mexicaine des critiques d’art, du Collège des architectes et de la Société des architectes mexicains, elle a également été présidente de l’Union internationale des femmes architectes et vice-présidente de l’Organisation des femmes architectes du Mexique.

Deborah CAPLOW

Diccionario Porrúa de historia, biografía y geografía de México, vol. 1, Mexico, Ed. Porrúa, 1995.

RIVERO SANTA CRUZ, Giovana [SANTA CRUZ DE LA SIERRA 1972]

Écrivaine bolivienne.

Spécialiste en communication sociale et professeure, Giovana Rivero Santa Cruz est une jeune écrivaine mais son œuvre est déjà abondante, avec plusieurs recueils de nouvelles : El secreto de la vida (« le secret de la vie », 1993) ; Las bestias (« les bêtes », 1997) ; Nombrando el eco (« en nommant l’écho », 1999) ; La dueña de nuestros sueños (« la propriétaire de nos rêves », 2001) ; Contraluna (2005) ; Sangre dulce/sweet blood (« sang doux », bilingue espagnol-anglais, 2006) ; Tukzon : historias colaterales (« Tukzon : histoires collatérales », 2008). Elles ont été couronnées de nombreux prix, dont le Prix national de nouvelle Franz-Tamayo (2005). Son écriture partage la critique alors que son œuvre reste parmi les plus distribuées en Bolivie. En 2001, elle a publié un roman, Las camaleonas (« les caméléones »), qui dévoile, en les démontant, des caractères urbains – principalement féminins – à travers un conflit passionnel. Dans ce roman, elle joue avec différentes voix narratives, dont celle d’un psychanalyste qui met les personnages à nu (tout en se dénudant lui-même) au fil de son discours.

Virginia AYLLÓN

RIVERSDALE, Paule VOIR VIVIEN, Renée

RIVERY, Mme DE VOIR LE GENDRE, Marie

RIVEST, Véronique [OTTAWA 1965]

Sommelière canadienne.

Diplômée en langues étrangères de l’Université d’Ottawa, puis titulaire d’un MBA en commerce international de l’université internationale Schiller de Strasbourg, Véronique Rivest a travaillé dans la restauration dès le début de ses études. Passionnée par le vin, elle se forme à l’œnologie en France et suit plusieurs ateliers de dégustation avec Serge Dubs, Meilleur Sommelier de France, d’Europe et du monde. Après avoir passé quelques années en France, elle retourne au Canada en 1994. À Ottawa, elle travaille comme conseillère en vin pour la société d’État qui régit les alcools, Liquor Control Board of Ontario. Par la suite, elle exerce le métier de sommelière dans plusieurs établissements de renom, dont le restaurant Les Fougères à Chelsea (Québec). En 2006, elle devient la première femme à remporter le concours du meilleur sommelier du Canada, après avoir été reconnue, la même année, Meilleur Sommelier du Québec. En 2007, elle se place en demi-finaliste du concours du meilleur sommelier du monde, compétition dans laquelle, en 2010, elle se place dans les douze premiers. Préoccupée par la transmission de ses connaissances, elle continue d’enseigner et de former les sommeliers. Elle est également chroniqueuse vin pour le journal Le Droit et pour Radio Canada. Depuis 2006, elle entreprend la formation de Master Sommelier, le niveau de formation le plus élevé dans ce métier. En 2012, elle remporte la première place aux concours du meilleur sommelier du Canada et du meilleur sommelier des Amériques.

Gwenaëlle REYT

RIVIERE, Joan (née HODGSON VERRALL) [BRIGHTON 1883 - LONDRES 1962]

Psychanalyste britannique

Tous ceux qui ont connu Joan Riviere ont témoigné de son intelligence vive, de sa distinction et de sa sensibilité. Après ses études de lycée, elle passe à 17 ans une année en Allemagne pour acquérir une bonne connaissance de la langue, ce qui, compte tenu de ses propres qualités littéraires, fera d’elle une traductrice de talent  qui participera, avec James Strachey, à la traduction des œuvres de Freud en anglais. Elle fait partie du groupe de Bloomsbury où se retrouvaient, notamment, l’essayiste Lytton Strachey et son frère James, l’économiste John Maynard Keynes, Virginia Woolf* et le peintre Duncan Grant. Ce groupe d’intellectuels et d’artistes affichait son hostilité envers le capitalisme et ses guerres impérialistes, et ne ménageait pas ses attaques contre les pratiques répressives de la société et l’inégalité sexuelle. Dès sa jeunesse, J. Riviere milita en faveur du vote des femmes et du droit au divorce. Après une première analyse avec Ernest Jones, et sur les conseils de ce dernier qui reconnut ses dons particuliers pour l’analyse, elle se rendit en 1922 à Vienne pour une seconde analyse avec Freud. À son retour à Londres, elle participa à la fondation de la Société britannique et à la formation d’analystes aussi connus que Donald Winnicott, John Bowlby, Susan Isaacs*, Hanna Segal* ou Herbert Rosenfeld. Amie et collaboratrice de Melanie Klein*, elle sut garder son indépendance. Elle écrivit avec elle L’Amour et la Haine, le besoin de réparation en 1937. On lui doit un article resté célèbre – Jacques Lacan y fera référence –, « La féminité en tant que mascarade » (1929). Outre ses vues éclairantes sur « La jalousie comme mécanisme de défense » (1932) et sur la réaction thérapeutique négative  (1936), elle publia, en 1952, une contribution à la compréhension de l’œuvre du dramaturge Henrik Ibsen et de son « monde intérieur ».

René MAJOR

Avec HEIMANN P., ISAACs S., KLEIN M., Développements de la psychanalyse (Developments in Psychoanalysis, 1952), Paris, PUF, 1966 ; avec KLEIN M., L’Amour et la Haine, le besoin de réparation (Love, Hate and Reparation, 1937), Paris, Payot, 1968.

« La féminité en tant que mascarade », in Féminité mascarade, études psychanalytiques réunies par HAMON M.-C., Paris, Seuil, 1994.

RIVOYRE, Christine DE [TARBES 1921]

Romancière et journaliste française.

Férue d’équitation, Christine de Rivoyre a grandi auprès d’un père officier de cavalerie. Son éducation conventuelle, à Bordeaux puis Poitiers, éveille sa vocation littéraire. Après une licence à la Sorbonne, elle part aux États-Unis où elle enseigne la littérature française, tout en poursuivant ses études. De retour en France, elle est attachée de presse, puis journaliste au Monde. En 1955, elle publie son premier roman, L’Alouette au miroir, et devient directrice littéraire de Marie Claire : elle y rencontre les plus grandes figures littéraires de l’époque. Elle admire Colette*, dont on la dit d’ailleurs héritière. Sa production romanesque compte une quinzaine de titres : plusieurs ont été de grands succès, adaptés à l’écran. L’un de ses derniers récits, Archaka (2007), a été écrit à la mémoire d’Alexandre Kalda (Le Seigneur des chevaux, 1969), décédé en Inde en 1996. Membre du jury du prix Médicis depuis 1970, elle a reçu de nombreuses distinctions, notamment le prix Paul-Morand de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre en 1984.

Audrey LASSERRE

La Mandarine, Paris, Plon, 1957 ; Le Petit Matin, Paris, Grasset, 1968 ; Boy, Paris, Grasset, 1973.

RIZK, Amina [TANTA, DELTA DU NIL 1910 - LE CAIRE 2003]

Actrice égyptienne.

Pionnière dans une société encore peu habituée au théâtre, enfant, Amina Rizk apprécie déjà le cirque à Rod el Farag, sur les rives du Nil. Elle découvre le théâtre grâce à sa tante, Amina Mohamed, actrice reconnue, qui l’héberge chez elle au Caire à la mort de son père, en 1918. À 13 ans, elle tient son premier rôle dans Raspoutine, pièce de la troupe Ramsès, dirigée par Youssef Wahbi (1898-1982) et tout juste créée. Elle entame sa carrière dans la troupe d’Ali Kassar, qui monte surtout des comédies reposant sur le rire, le chant et la culture populaire. Elle décide ensuite d’intégrer la troupe de Y. Wahbi, qu’elle ne quitte plus et avec qui elle tisse une forte relation d’amitié. Elle joue dans la plupart des pièces d’A. Kassar (Le Berbère à Paris, L’Avare) et surtout de Y. Wahbi et de la troupe nationale égyptienne : El Mejnoun (« le fou ») ; Echayatin essoud (« les démons noirs ») ; La Dame aux camélias ; Esrar el qousour (« les secrets des châteaux ») ; Ayyam el harb (« jours de guerre ») ; Awlad el foqara (« les enfants des pauvres »), Andromaque, Antigone, etc. Célibataire, elle se considérait comme mariée avec le théâtre, qui lui apporta d’extraordinaires satisfactions. Elle n’a jamais cessé d’évoluer sur les planches, et donna sa dernière représentation deux mois avant sa mort, à 93 ans. Son extraordinaire parcours lui a permis de toucher à tous les genres et d’interpréter de très nombreux rôles dans plus de 300 pièces et dans une centaine de films, en compagnie de grands acteurs qui ont marqué la scène et le cinéma égyptiens : Omar Sharif, Faten Hamama, Farid Chawki, etc. Elle a joué dans les films des grands cinéastes égyptiens comme Salah Abou Seif (Mort parmi les vivants, 1960) et Henry Barakat (Les Rives de l’amour, 1959). Nasser 56 (1996), de Mohamed Fadel, est le dernier film dans lequel elle s’est produite.

Ahmed CHENIKI

RIZO-PATRÓN, Rosemary [LIMA 1948]

Philosophe péruvienne.

Née de père péruvien et de mère états-unienne d’ascendance irlandaise, Rosemary Rizo-Patrón s’est intéressée très jeune à la philosophie, commençant ses études universitaires à Lima à 17 ans pour les compléter à l’Institut supérieur de philosophie de l’Université catholique de Louvain, en Belgique. Elle a obtenu son doctorat avec une thèse sur la philosophie première et les ultimes fondements de la phénoménologie de Husserl. Sous l’égide de la pensée husserlienne, elle s’est spécialisée en phénoménologie de la connaissance, de la science et du langage, à laquelle elle a consacré un très grand nombre d’écrits, d’articles et de conférences en espagnol, en français, en allemand et en anglais. Elle a dirigé la publication des volumes 1, 2, 3 et 4 de l’Acta fenomenológica latinoamericana. Elle a participé à de nombreux organismes internationaux spécialisés en herméneutique et en phénoménologie. Membre du Comité directeur du Center for Advanced Research in Phenomenology et de l’Organization of Phenomenological Organizations, elle est professeure principale à l’Université pontificale catholique du Pérou et corédactrice en chef de la revue Estudios de filosofía.

Madeleine PÉRUSSE

El pensamiento de Husserl en la reflexión filosófica contemporánea, Lima, PUCP/IRA, 1993 ; Interpretando la experiencia de la tolerancia/Interpreting the Experience of Tolerance, Lima, PUCP/Fondo Editorial, 2007.

RIZZO, Helena [PORTO ALEGRE 1978]

Chef cuisinière brésilienne.

Helena Rizzo débute à 16 ans une carrière de mannequin, à Porto Alegre. Deux ans après, elle s’installe à São Paulo pour suivre le cursus de l’école d’architecture de la Pontificia universidade católica de Saõ Paulo (PUC). Passionnée de cuisine, elle ouvre en 1999 son premier restaurant, Namata Café. En 2000, elle gagne l’Europe où elle accomplit des stages en Italie (2000-2001) et en Espagne (2002-2003), notamment dans le célèbre El Celler de Can Roca des frères Roca, ainsi qu’au Moo à Barcelone, tenu par ces mêmes chefs. En 2006, elle retourne au Brésil et décide d’ouvrir à São Paulo avec son mari catalan, le chef de cuisine Daniel Redondo, un nouveau restaurant, Maní, puis un buffet-traiteur appelé Manioca en hommage au manioc, le légume brésilien par excellence. Récompensée à plusieurs reprises pour sa cuisine délicate, féminine, appuyée sur un constant mariage des ingrédients brésiliens et des techniques de la cuisine espagnole contemporaine, H. Rizzo a été élue en 2007 par le magazine Gula Meilleur Chef de l’année. En 2008 et 2009, la revue Veja la désigne comme la Meilleure Cuisinière contemporaine brésilienne. En 2009, elle est sacrée Meilleur Chef de l’année par la revue Comer e Beber, Veja São Paulo, prix attribué pour la première fois à une femme. En 2011, son restaurant est classé par la revue londonienne Restaurants. C’est la première fois qu’un restaurant brésilien dont le chef de cuisine est une femme reçoit une telle distinction au Brésil. Et, consécration suprême, le Guia 4 Rodas, équivalent du Michelin au Brésil, lui décerne trois étoiles, en 2012, pour son restaurant Maní.

Clarissa ALVES-SECONDI

ROBACK, Léa [MONTRÉAL 1903 - ID. 2000]

Féministe et syndicaliste canadienne.

D’origine juive polonaise, communiste sincère, Léa Roback milite une bonne partie de sa vie en faveur de la justice sociale, des droits des femmes et de la paix. Jeune fille, elle termine ses études littéraires en France et voyage beaucoup en Europe et aux États-Unis. En Allemagne au moment de la montée de Hitler au pouvoir, elle combat le nazisme puis, en grand danger, rentre à Montréal et adhère au parti communiste, qu’elle quittera en 1958. En 1935, elle tient la première librairie marxiste de Montréal, puis travaille au service de l’éducation de l’Union internationale des ouvrières du vêtement pour dames (l’Union de la robe). Elle réussit à syndiquer les 5 000 ouvrières à l’Union du vêtement pour dames (UIOVD) et à organiser avec elles une importante grève. Parmi les revendications prioritaires, elle met en avant le respect de l’intégrité du corps des ouvrières, soumises aux abus sexuels des patrons et contremaîtres. En 1943, elle participe à nouveau à la syndicalisation des 4 000 ouvrières de la RCA Victor à Saint-Henri. Dans les années 1960, fidèle à son combat pour les droits des femmes, elle s’investit pour la paix dans le collectif la Voix des femmes, aux côtés de Madeleine Parent*, Thérèse Casgrain* et Simonne Monet-Chartrand*. Elle s’engage également contre la guerre au Vietnam, puis contre l’apartheid en Afrique du Sud, et pour les droits des minorités. Pendant quarante ans encore elle sera de toutes les luttes contre l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie, pour le droit à l’avortement et surtout contre toutes les formes de discrimination et de violence envers les femmes. Jusqu’à sa mort, à 96 ans, elle ne cessa jamais de militer contre « l’inhumanité de l’homme envers son prochain ». Aujourd’hui, la maison Parent-Roback à Montréal et la Fondation Léa-Roback rappellent son engagement pour la cause des femmes.

Manon TREMBLAY

LACELLE N., Entretiens avec Madeleine Parent et Léa Roback, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2005.

ROBBINS, Trina [1938]

Auteure de bandes dessinées et écrivaine américaine.

Trina Robbins est l’une des plus influentes personnalités du mouvement underground féminin dont elle est considérée comme une pionnière. Installée à San Francisco en 1970, et critiquant la misogynie de l’un de ses auteurs favoris, Robert Crumb (le créateur de Fritz the Cat), elle fonde la revue It Ain’t Me, Babe avec Willy Mendes, puis le comic bookIt Ain’t Me, Babe Comix. T. Robbins n’a jamais cessé de promouvoir les femmes artistes, notamment à travers l’anthologie Wimmen’s Comix* qu’elle cofonde en 1972. Elle est très engagée dans l’organisation Friends of Lulu qui soutient les femmes – créatrices et lectrices – de la bande dessinée. Prolifique, elle a conçu le costume du personnage de Vampirella, a dessiné un temps Wonder Woman et, dans les années 1990, a même travaillé sur la version en bande dessinée de Barbie. T. Robbins parle d’elle-même comme d’une « herstorian » – une historienne du genre féminin – en référence à ses nombreux essais sur les femmes dans les bandes dessinées, qu’il s’agisse d’artistes ou de personnages de papier, notamment A Century of Women Cartoonists (1993), The Great Women Superheroes (1996) et From Girls to Grrrlz (1999).

Camilla PATRUNO

ROBERT, Colette [MENTON 1949]

Entrepreneuse française.

Titulaire d’un doctorat en chimie, Colette Robert entra en 1973 au laboratoire vétérinaire Virbac à Nice. Elle y évolua de la recherche-développement au service marketing. Le fondateur du laboratoire, le Dr Max Rombi, passionné de médecine naturelle, décida en 1980 de repartir de zéro et associa la jeune femme à l’aventure : ensemble, ils créèrent Arkopharma, laboratoire pharmaceutique spécialisé dans la phytothérapie, à Carros (Alpes-Maritimes). Les Arkogélules à base de plantes se vendirent partout dans le monde et Arkopharma, leader européen du secteur, devint une entreprise multinationale employant plus de 1 000 personnes. La créatrice assura la gestion de la société avant d’être nommée présidente du directoire (1999-2008). Elle obtint en 2004 le prix Veuve-Clicquot de la femme d’affaires.

Alban WYDOUW

ROBERT, Enif ANGELINI [PRATO 1886 - BOLOGNE 1974]

Écrivaine et comédienne italienne.

Amie intime de l’actrice Eleonora Duse*, Enif Robert fréquente assidûment l’écrivain Filippo Tommaso Marinetti – initiateur du mouvement futuriste – dans les années 1917-1919. Durant cette période, elle collabore aux revues L’Italia Futurista et Roma Futurista en contribuant activement au débat sur la question des femmes. Sa seule œuvre littéraire publiée est Un ventre di donna (« un ventre de femme », 1919), sous-titré « roman chirurgical », ouvrage insolite, signé conjointement avec F. T. Marinetti, mais écrit essentiellement par elle. Dans cette sorte d’autobiographie, susceptible néanmoins d’une lecture métaphorique, E. Robert raconte la maladie grave qui a failli la tuer et qui se résout par une ablation utérine. Elle décrit en fait la métamorphose d’une femme conventionnelle qui, une fois libérée de son appareil génital, dépasse sa condition de femme et se transforme en artiste. Ce procédé de libération et d’émancipation est assimilé à une guerre que la femme mène contre les institutions et les conventions. En même temps, a lieu la guerre des hommes : le texte d’E. Robert est intercalé de lettres que F. T. Marinetti lui envoie des tranchées. Pour vaincre ce double combat, l’homme et la femme font appel à leur foi futuriste : courage et volonté.

Silvia CONTARINI

SALARIS C., Le futuriste, donne e letteratura d’avanguardia in Italia (1909-1944), Milan, Edizioni delle donne, 1982.

CONTARINI S., « Guerre maschili/guerre femminili : corpi e corpus futuristi in azione/trasformazione », in A Century of Futurism : 1909-2009, Annali di italianistica, The University of North Carolina, no 27, 2009 ; ZECCHI B., « Il corpo femminile trampolino tra scrittura e volo, Enif Robert e Biancamaria Frabotta, settant’anni verso il tempo delle donne », in Italica, no 4, 1992.

ROBERT, Lucie [RENNES 1936]

Pianiste et compositrice française.

Lucie Robert fait ses études musicales d’abord au Conservatoire de Rennes puis au Conservatoire de Paris, où elle obtient des premiers prix en harmonie, contrepoint et fugue, piano puis composition en 1963. Elle est lauréate du premier grand prix de Rome en 1965 et séjourne à la Villa Médicis, avant d’être nommée en 1972 professeure au Conservatoire de Paris, fonction qu’elle occupe jusqu’en 1991. Parallèlement, elle mène une carrière de pianiste, jouant en Europe et aux États-Unis, et se produisant souvent aussi dans les radios françaises et étrangères (notamment la BBC et la RAI). Ce parcours n’entrave pas sa production, abondante dans le genre symphonique (deux concertos pour piano et orchestre et plusieurs pour les instruments à vent) ainsi que dans le domaine de la musique de chambre (sonates et suites pour piano, Sonate pour violon et piano, Tétraphonie, pour quatuor de saxophones, 1982). Sur un texte de Jean Cocteau, L. Robert a écrit un mini-opéra, L’épouse injustement soupçonnée (1963), commande de l’ORTF, et sur des poèmes de Maurice Carême une cantate, Tout est si clair ce soir (1968). La clarté de style qui la caractérise se retrouve aussi dans les Sept poèmes d’Alain Suied pour chant et piano, datés de 1983.

Pierrette GERMAIN

ROBERT, Marie-Anne (née DE ROUMIER) [PARIS 1705 - ID. 1771]

Écrivaine française.

Exemple du développement de l’écriture féminine dans les années 1760, Marie-Anne Robert est issue d’une famille bourgeoise parisienne liée à Fontenelle et dotée d’une bonne éducation. Ses talents sont remarqués et encouragés par l’écrivain. Ruinée par la banqueroute de Law, elle se retire dans un couvent avant d’épouser l’avocat Robert, sous le nom duquel elle est connue. Ses romans sont remarquables par l’appropriation du discours philosophique, assumé par des figures féminines : Flore, narratrice de La Paysanne philosophe (1761), Mirka, dans La Voix de la nature (1763), et Nicole. Elle revendique le libre choix d’un époux dans Les Ondins, conte moral (1768), voire l’autonomie hors mariage dans le dénouement de Nicole de Beauvais (1767). Voyage exotique et motif du bon sauvage féminisé (La Voix de la Nature), voyage imaginaire (Voyage de Milord Céton dans les sept planètes, 1765), utopie amazone (Les Ondins, conte moral) : l’auteure s’aventure dans des genres peu fréquentés par les autres romancières. Au final, son œuvre manifeste néanmoins les relations ambiguës entre les femmes et la philosophie des Lumières, laquelle dénonce les préjugés tout en excluant les femmes de la raison. Son dernier roman reflète en particulier « le dilemme central de l’écriture de M.-A. Robert : comment peut-on être à la fois femme et philosophe ? » (E. Harth, 1992).

Laurence VANOFLEN

HARTH E., Cartesian Women, Versions and Subversions of Rational Discourse in the Old Regime, Ithaca, Cornell University Press, 1992.

ROBERT, Marthe [PARIS 1914 - ID. 1996]

Essayiste française.

Née dans une famille d’origine modeste, l’élève talentueuse qu’est Marthe Robert poursuit ses études grâce à une bourse à la Sorbonne, puis en Allemagne, à l’université Goethe de Francfort. Elle y rencontre, dans les années 1930, le peintre français Pierre Germain, formé au Bauhaus, et approfondit sa passion pour la langue et la littérature allemandes. De retour à Paris, dans le milieu des avant-gardes intellectuelle et artistique qu’elle côtoie, elle se lie d’amitié avec Adamov, Artaud et Roger Gilbert-Lecomte, mais c’est la découverte sous l’Occupation de l’œuvre de Kafka qui est décisive. Elle s’impose comme une spécialiste de l’écrivain (elle lui consacre son premier essai en 1946, puis écrit Seul, comme Franz Kafka en 1979) et traduit pour le lecteur français l’intégralité des écrits intimes du Pragois, dont le difficile Journal.

Dès l’après-guerre, elle fait de la prose littéraire européenne sa terre d’élection. Elle entreprend une œuvre de traductrice du domaine allemand, avec, outre Kafka, Goethe, Kleist, Büchner, Walser, mais aussi Lichtenberg et Nietzsche. Sa préférence va vers une langue rigoureuse, simple et forte, celle qu’elle reconnaît chez les frères Grimm, dont elle traduira ensuite les contes. Dans les années 1950, tandis qu’elle vit avec le psychanalyste Michel de M’Uzan et se trouve elle-même en analyse, elle met à la portée du grand public la vie et l’œuvre de Freud dans une série d’émissions radiophoniques, après avoir consacré un essai à Kleist (Un homme inexprimable, 1955, 1981). Après l’exploration de ce qu’elle nomme la « conscience juive » (D’Œdipe à Moïse, 1974), elle choisit Flaubert (En haine du roman, 1982) afin d’augmenter la série de ses « essais émus », ceux qui ont l’admiration pour fondement. En 1994, dans La Traversée littéraire, seront rassemblés ses derniers articles et conférences.

M. Robert refuse à la fois l’érudition et la théorie, pour la traduction comme pour la critique. La psychanalyse irrigue pourtant ses recherches ; en effet, le plus influent de ses ouvrages critiques, Roman des origines et origines du roman (1972), s’appuie sur la théorie freudienne pour définir l’origine psychique du genre romanesque dont elle a revisité l’histoire, dès 1963, avec L’Ancien et le Nouveau, de Don Quichotte à Franz Kafka. Avant d’obtenir en 1995 le Grand prix national des Lettres, l’auteure est la première personnalité non juive à recevoir en 1987 le prix de la Fondation du Judaïsme français.

Florence DE CHALONGE

ROBERTS, Elizabeth MADOX [PERRYVILLE 1881 - ORLANDO 1941]

Écrivaine américaine.

Auteure de recueils de poèmes, de nouvelles et de romans, Elizabeth Madox Roberts, qui s’inspire de son Kentucky natal et rural, est avant tout une écrivaine des humbles et des « petits Blancs ». Toutefois, elle adopte une approche humaine et philosophique qui confère à ses récits une dimension universelle. Née dans une famille aux maigres revenus et victime d’une santé précaire, elle est solitaire et réservée. À 19 ans, elle décide de devenir institutrice et c’est son expérience professionnelle qui l’aide à naître à sa réalité d’écrivain. Pendant une période de convalescence, elle compose le recueil de poèmes In the Great Steep’s Garden (1915), évoquant la beauté de la nature et la liberté d’esprit. Encouragée notamment par Robert Morss Lovett, elle s’inscrit à l’université de Chicago en 1917 et rejoint un club de poésie. Véritable source d’inspiration et d’amitiés pour elle, ce dernier la fait connaître et ses écrits poétiques sont primés. Dans son activité d’écriture tant poétique que romanesque, E. M. Roberts s’attache à explorer la relation entre perception intérieure et expérience tangible ; les écrits du philosophe George Berkeley, qui figuraient dans la bibliothèque familiale, l’ont profondément marquée. Parmi ses auteurs de prédilection, Shakespeare, Hardy, Synge, Hawthorne et Dickinson figurent également en bonne place, de même que des compositeurs comme Beethoven. De retour dans le Kentucky en 1922, elle se consacre à l’écriture, se lançant dans un voyage initiatique et identitaire. En 1926 paraît son premier roman, The Time of Man (« le temps de l’homme »), chronique sociale unanimement reconnue par la critique, présentant une héroïne courageuse, transfigurée par une lumière intérieure, dont la vie pauvre s’égrène au fil des pages. Nantie d’un subtil mélange de délicatesse et de pouvoir, l’artiste a un lien très fort avec ses héroïnes, qui surmontent les difficultés de la vie grâce à une force intérieure noble et passionnée : My Heart and My Flesh (« mon cœur et ma chair », 1927) ; La Grande Prairie (1930) ; He Sent Forth a Raven (« il envoya un corbeau », 1935) ; Noirs sont les cheveux de mon amant (1938). E. M. Roberts s’essaye également au roman satirique (Jingling in the Wind, « carillonnant dans le vent », 1928) et au développement d’une anecdote en roman (A Buried Treasure, « un trésor caché », 1931). Sa « prose poétique » fait d’elle, en 1932, l’un des écrivains majeurs de son temps. Mais sa réputation déclinera rapidement et injustement.

Gisèle SIGAL

Noirs sont les cheveux de mon amant (Black Is My True love’s Hair, 1938), Paris, Corrêa, 1947.

The Great Meadow (La Grande Prairie, trad. française, 1947), Londres, Hesperus, 2012.

STONEBACK H. R., FLORCZYK S. (dir.), Elizabeth Madox Roberts : Essays of Reassessment and Reclamation, Nicholasville, Wind Publications, 2008 ; STONEBACK H. R., FLORCZYK S., CAMASTRA N., Elizabeth Madox Roberts : Essays of Discovery and Recovery, New York, Quincy and Harrod, 2008.

ROBERTS, Julia [ATLANTA 1967]

Actrice américaine.

Les parents de Julia Roberts dirigent un atelier théâtral. Après avoir fait ses débuts à l’écran en 1986, elle rencontre trois ans plus tard le succès pour son rôle dans Potins de femmes (de Herbert Ross, 1989), qui lui vaut de recevoir un Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle. En 1991, c’est la consécration : elle reçoit le Golden Globe de la meilleure actrice pour Pretty Woman, de Garry Marshall. Elle y interprète une prostituée que le personnage joué par Richard Gere transforme en femme du monde. Cette variation sur My Fair Lady vaut à l’actrice une reconnaissance internationale. Elle peut alors se permettre de passer des films à suspense – Les Nuits avec mon ennemi (1991), de Joseph Ruben, ou L’Affaire Pélican (1993), d’Alan Pakula – aux films d’auteur, sous la direction de Robert Altman ou de Stephen Frears (Mary Reilly, 1996). Après Woody Allen (Tout le monde dit I Love You, 1996), elle incarne une militante dans Erin Brockovitch (2000), de Stephen Soderbergh – ce rôle lui permet de remporter l’Oscar. Elle retrouvera le réalisateur par la suite, pour deux autres films. Dans la comédie Mange, prie, aime (2010), elle joue avec un grand succès une femme qui voyage pour se remettre d’une rupture.

Bruno VILLIEN

ROBERTS, Michèle [BUSHLEY 1949]

Romancière britannique.

Fille d’une enseignante française catholique et d’un père protestant, Michèle Roberts est d’abord éduquée dans un couvent avant de poursuivre des études d’anglais à Oxford. Elle fréquente ensuite University College à Londres pour devenir bibliothécaire et travaille pour le British Council en Thaïlande en 1973 et 1974. À son retour, elle s’engage dans de nombreux métiers, femme de ménage, secrétaire intérimaire, enseignante et critique. Très active au sein des mouvements socialistes et féministes aux côtés de Sara Maitland* et Zoë Fairbairns*, elle édite la section poésie du magazine féministe Spare Rib puis de City Limits. En 1978, elle publie son premier roman, A Piece of the Night (« un morceau de la nuit »). Ses convictions républicaines lui font refuser la médaille de l’Ordre de l’Empire britannique. Elle enseigne à l’université d’East Anglia et à Nottingham Trent University. Elle écrit 14 romans, un essai (Food, Sex & God : on Inspiration and Writing, 1988), trois recueils de poésie, quatre recueils de nouvelles et une pièce de théâtre (The Journeyman, 1988). Au cœur de sa réflexion, on trouve l’interrogation sur le lien sous-jacent entre sensualité et religiosité, une exploration du désir féminin et de l’espace entre la construction de la féminité et de la réappropriation patriarcale. Son écriture est pleine d’esprit et de rebondissements comiques, souvent éclatée en plusieurs voix, et dans une tonalité libertaire et subversive permanente.

Michel REMY

Celle qui revient (Daughters of the House, 1992), Paris, Calmann-Lévy, 1999 ; Chair de ma chair (Flesh and Blood, 1994), Paris, Calmann-Lévy, 1996 ; La Double Impasse (Fair Exchange, 1999), Paris, Calmann-Lévy, 2002.

CASTAGNA V., Michèle Roberts’Monstrous Women, Berne, Peter Lang, 2011.

ROBERTS, Sarah [PIETERMARITZBURG 1955]

Scénographe et costumière sud-africaine.

Après un diplôme à Durban en 1976, Sarah Roberts poursuit ses études théâtrales au Pays de Galles. Elle se spécialise comme scénographe et costumière et, dans les années 1980, au plus fort de l’apartheid, elle travaille avec les metteurs en scène les plus connus du théâtre militant sud-africain. Plus tard, elle assure la mise en espace du concert donné aux Union Buidings lors de la cérémonie d’inauguration de Nelson Mandela, ainsi que celle du président Thabo Mbeki (2004). Elle collabore avec William Kentridge sur les décors pour Sophiatown, mis en scène par Malcolm Purkey en 1986, l’année de deux autres productions, mondialement acclamées : Born in the USA dirigée par Barney Simon et You Strike the Woman, You Strike the Rock avec Phyllis Klotz*. Sa mise en espace est tantôt d’un réalisme de détails typiquement sud-africains, tantôt symboliste. Avec Tooth and Nail (« dent et ongle », 1989) et Love, Crime and Johannesburg (1999), S. Roberts fait montre d’une innovation qui renvoie au constructivisme. Ce pouvoir d’adaptation se retrouve également dans la scénographie des comédies musicales de Mbongeni Ngema, notamment Sarafina (1989) et Township Fever (1990). Dans un des plus grands succès du théâtre de l’après-apartheid, Nothing But the Truth de John Kani (2002), elle reprend le style réaliste de Sophiatown. En 2011, elle est nommée Skye Professor à l’université du Witwatersrand, Johannesburg.

Anne FUCHS

ROBERTSON, Ruth Agnes MCCALL [PEORIA, ILLINOIS 1905 - ROSENBERG, TEXAS 1998]

Exploratrice et photoreporter américaine.

Photoreporter pendant la Seconde Guerre mondiale, Ruth Agnes McCall Robertson part après la guerre au Venezuela avec l’intention de prendre en photo les chutes de Churun Meru, dans les hautes terres de Guyane, au sud-est du pays. Un premier survol en avion la convainc de mener une expédition qui la conduirait au pied du site, encore jamais exploré. Elle part le 23 avril 1943, atteint trois semaines plus tard le pied des chutes qu’elle est la première à mesurer, et découvre que ce sont les plus hautes du monde : 970 mètres soit 15 fois les chutes du Niagara.

Christel MOUCHARD

Churun-Meru, the Tallest Angel, Pennsylvanie, Ardmore, 1975.

ROBIC, Marie-Claire [BUBRY 1946]

Géographe française.

Spécialiste de l’épistémologie de la géographie, Marie-Claire Robic a fait carrière au CNRS après un bref passage à l’université de Créteil. Prenant appui sur les nouveaux courants d’histoire des sciences centrés sur la construction des savoirs savants, elle a innové en portant l’accent sur les dynamiques disciplinaires, institutionnelles et sociales, sur les pratiques de la recherche (terrain, texte, iconographie) et sur les pratiques professionnelles. Elle travaille à déconstruire les imaginaires et les mémoires disciplinaires selon deux niveaux structurants, le cadre national et impérial typique de la fin du XIXe siècle et celui des réseaux internationaux, formels ou non. Animatrice depuis 1990 d’une équipe de recherche fondée par Philippe Pinchemel, elle a privilégié les publications collectives. Elle a repris en 2003 la direction de la revue L’Espace géographique.

Denise PUMAIN

(dir.), Du milieu à l’environnement, pratiques et représentations du rapport homme-nature depuis la Renaissance, Paris, Economica, 1992 ; avec BRIEND A.-M., RÖSSLER M. (dir.), Géographes face au monde, l’Union géographique internationale et les congrès internationaux de géographie, Paris, L’Harmattan, 1996 ; (dir.), Le Tableau de la géographie de la France de Paul Vidal de La Blache, Dans le labyrinthe des formes, Paris, CTHS, 2000 ; avec BAUDELLE G., OZOUF-MARIGNIER M.-V. (dir.), Géographes en pratiques (1870-1945), le terrain, le livre, la Cité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001 ; (coord.), Couvrir le monde, un grand XXe siècle de géographie française, Paris, ADPF/Ministère des Affaires étrangères, 2006.

ROBIN, Marie-Monique [GOURGÉ 1960]

Journaliste française.

Investigatrice pugnace et méticuleuse, Marie-Monique Robin a grandi dans une famille d’agriculteurs, ce qui, très tôt, l’a sensibilisée aux conditions d’exploitation des ressources de la terre. Après des études de sciences politiques en Allemagne et un diplôme de journalisme obtenu à l’université de Strasbourg, elle travaille pour la télévision régionale puis pour différentes agences de production audiovisuelle, dont CAPA de 1989 à 1999, avant de devenir journaliste indépendante. À travers son activité, elle entend « informer pour que les citoyens et citoyennes puissent agir sur le monde qui les entoure ». Maintes fois récompensée par des prix internationaux, elle est l’auteure de près de deux cents films documentaires et d’une dizaine de livres d’enquête, où elle dénonce sans relâche les atteintes aux droits humains et met en garde contre les périls des pollutions industrielles et de la surexploitation des ressources naturelles pour la biodiversité. Elle signe en 1989 son premier documentaire, Sida et révolution, sur la prévention du sida à Cuba. En 1995, elle reçoit le prix Albert-Londres pour Voleurs d’yeux, une enquête sur un trafic de cornées en Colombie, touchant les enfants de familles démunies. Certains de ses autres films font date : en 2003, Escadrons de la mort, l’école française met en lumière l’implication des militaires français en Argentine pour former les forces de sécurité de la dictature à l’usage généralisé de la torture, mise en application de 1976 à 1983. Elle obtient d’accablants aveux d’anciens responsables de la junte militaire sur le recours à la torture et l’élimination systématique des opposants politiques, aveux utilisés lors de leur jugement en Argentine. En 2008, son enquête sur les pratiques délétères du leader mondial des OGM, Le Monde selon Monsanto, fait grand bruit et lui vaut le prix Rachel-Carson (Norvège) en 2009, année de la sortie de Torture made in USA, une autre de ses importantes réalisations. Ses livres viennent souvent compléter les films de manière très documentée en détaillant son travail d’investigation. En 2012, après avoir révélé les dangers de l’agriculture intensive, elle propose dans Les Moissons du futur de nouvelles pratiques appuyées sur l’agroécologie pour préserver la planète et nourrir le monde.

Chayma SOLTANI

Avec VARVOGLIS M., Le Sixième Sens, Paris, Éditions du Chêne, 2002 ; L’École du soupçon : les dérives de la lutte contre la pédophilie, Paris, La Découverte, 2005.

Voleurs d’organes, 52 min, 1993 ; La Révolte des femmes battues, enquête sur des femmes ayant subi des violences conjugales, 75 min, 2000.

ROBIN, Muriel [MONTBRISON 1955]

Humoriste et actrice française.

Après avoir travaillé chez ses parents, marchands de chaussures à Saint-Étienne, Muriel Robin s’installe à Paris en 1977. Au Conservatoire, elle a pour professeur Michel Bouquet. En 1981, elle rejoint la troupe Les Baladins en Agenais, dirigée par Roger Louret. Elle y a pour partenaire Annie Grégorio (les deux comédiennes joueront ensemble Les Diablogues, de Roland Dubillard, en 2009). En 1988, M. Robin écrit avec Pierre Palmade un premier spectacle en solo, Les majorettes se cachent pour mourir. Sa force comique, qui ne craint pas les ruptures de tons abruptes, conquiert le public. Tout m’énerve triomphe à l’Olympia en 1990. Après avoir formé un duo à succès avec Guy Bedos, M. Robin coécrit Ils s’aiment (1996), que P. Palmade joue avec Michèle Laroque. Dans Au secours (2004), l’humoriste se livre à des confidences, et en 2013, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, joue Robin revient, tsoin, tsoin. Au cinéma, elle débute par de petits rôles (Après après-demain, 1989, de Gérard Frot-Coutaz), et joue le rôle-titre de Marie-Line (2000), de Mehdi Charef. En 2009, elle apparaît dans Le Bal des actrices, de Maïwenn. La télévision lui vaut de grands succès : son rôle dans Marie Besnard l’empoisonneuse (2006) est récompensé d’un Emmy Award. En 2008, la comédie Fugueuses, avec Line Renaud*, filmée sur scène en direct, attire huit millions de téléspectateurs. M. Robin tourne à quatre reprises avec Josée Dayan*. En 2009, elle s’est pacsée avec la comédienne Anne Le Nen.

Bruno VILLIEN

Autobiographie, Paris, XO, 2013.

ROBIN, Régine (née Rivka AJZERSZTEJN) [PARIS 1939]

Romancière et essayiste canadienne d’expression française.

Écrivaine d’origine juive polonaise, Régine Robin a fait ses études en France, avant de devenir professeure de sociologie à l’université du Québec à Montréal. Sociologue de la littérature, elle entreprend alors une carrière de romancière, avec la parution retentissante de La Québécoite (1983) qui signale l’apparition des « écritures migrantes » au Québec, et d’essayiste féconde. Depuis, elle partage son temps entre Paris, sa ville natale, et Montréal, sa ville d’adoption. Son œuvre protéiforme et provocante, où l’étude savante côtoie la fiction personnelle, allie la rigueur de la pensée à la liberté de l’expression, comme en témoignent Le Réalisme socialiste, une esthétique impossible (1986) et Berlin chantiers (2001).

C’est toutefois dans le domaine métissé de l’essai personnalisé et de l’autofiction théorique, marqué par l’expérience de la Shoah, qu’elle livre le meilleur d’elle-même, avec Le Roman mémoriel, de l’histoire à l’écriture du hors-lieu (1989), Le Deuil de l’origine, une langue de trop, la langue en moins (1993), L’Immense Fatigue des pierres (1996), Le Golem de l’écriture, de l’autofiction au cybersoi (1998) et Cybermigrances, traversées fugitives (2004). Ces œuvres hybrides poursuivent en filigrane le travail de sape sociocritique que l’auteure n’a cessé d’exercer à l’endroit des discours hégémoniques, depuis la parution de ses premiers ouvrages savants qui ont culminé dans la publication remarquée de l’essai-fiction Le Cheval blanc de Lénine, ou l’Histoire autre, jusqu’à ses plus récents livres portant sur l’impossible mémoire et la parole itinérante de l’immigrant. Dans Mégapolis, les derniers pas du flâneur (2009), elle s’intéresse à la problématique des grandes villes « postmodernes ».

Gilles DUPUIS

DÉSY C. et al., Une œuvre indisciplinaire, mémoire, texte et identité chez Régine Robin, Québec, Presses de l’université Laval, 2007 ; HAREL S., Les Passages obligés de l’écriture migrante, Montréal, XYZ, 2005 ; NEPVEU, P., L’Écologie du réel, mort et naissance de la littérature québécoise contemporaine, Montréal, Boréal, 1988.

ROBINSON, Jacqueline [LONDRES 1922 - PARIS 2000]

Danseuse et chorégraphe française.

Après avoir étudié le piano, la danse rythmique et l’histoire de l’art, Jacqueline Robinson commence la danse à Dublin, découvrant l’expressionnisme avec Erina Brady et prend des cours de théâtre à Paris. En 1947, elle danse dans la compagnie de Mila Cirul. En 1948, elle ouvre à Nottingham une école de danse qui rencontre un succès foudroyant. En 1949, elle s’installe à Paris et mène désormais ses activités de danseuse, chorégraphe et pédagogue, tout en se rendant à Berlin où elle suit les ateliers de Mary Wigman*. En 1955, elle fonde L’Atelier de la danse qui devient le creuset de la danse moderne française. C’est la première école de danse moderne avec un programme d’études pluridisciplinaire non dogmatique, qui va former plusieurs générations de danseurs. C’est aussi un lieu de rencontre et de création, un refuge accueillant où se retrouvent nombre de personnalités aux parcours divers, qui partagent une même passion pour la danse, tels Dominique et Françoise Dupuy*, Karin Waehner*, Jerome Andrews, Francine Lancelot*, Laura Sheleen, Susan Buirge* ou Jacqueline Challet-Haas. Collaborations, confrontations, engagements pédagogiques confèrent à ce lieu unique un dynamisme dont tous s’enrichissent. Comme chorégraphe, J. Robinson a composé une œuvre abondante : des solos (Danse hongroise, 1945), des duos (Seuil avec Waehner, 1956) et des pièces de groupe (Chant rituel 1953, Cantique pour la Terre 1959, Rites 1967, Terre d’Exil 1968, Épilogue 1983). Elle y déploie une danse musicale, harmonieuse et puissante avec un grand sens du théâtre. Ses choix musicaux s’étendent de Guillaume de Machaut à Mikis Theodorakis et elle noue une longue et fructueuse collaboration avec le pianiste, percussionniste et compositeur Francisco Semprun. Pédagogue exigeante et respectueuse des individus, elle fait éclore le meilleur de ses élèves dans un engagement total d’eux-mêmes. Elle porte un intérêt particulier à l’enseignement destiné aux enfants. Combattante inlassable, elle s’engage dans la défense des droits des interprètes et des créateurs dans divers organismes professionnels, notamment au Conseil national de la danse et à la Fédération française de danse qu’elle préside de 1978 à 1982. Écrivain, elle publie nombre d’articles pour défendre et faire connaître la danse moderne et rédige plusieurs ouvrages, dont L’Aventure de la danse moderne en France 1920-1970, (Bougé 1990). Elle traduit également les textes de Mary Wigman, Doris Humphrey* et John Martin.

Marie-Françoise BOUCHON

ROBINSON, Jancis [COMTÉ DE CUMBRIE 1950]

Journaliste, écrivaine et critique britannique spécialisée en vin.

À l’issue d’études de mathématiques et de philosophie à l’université d’Oxford, Jancis Robinson travaille quelque temps pour une société d’agents de voyage avant d’intégrer l’équipe du magazine spécialisé Wine & Spirit en 1975. En 1984, elle est la première personne n’appartenant pas au monde du commerce du vin à décrocher le titre envié de Master of Wine. De nombreuses activités vont désormais jalonner son parcours. Elle occupe la fonction de conseillère auprès de la compagnie British Airways et participe au choix des vins servis à bord des avions de la flotte, notamment le Concorde. Ayant acquis le statut d’écrivain du vin, elle dirige pendant cinq années une équipe de rédacteurs qui travaille à l’élaboration d’une encyclopédie, The Oxford Companion to Wine, qu’elle fait éditer en 1994 et qui est encore considérée aujourd’hui comme l’ouvrage le plus accessible au monde pour les amateurs. Chroniqueuse spécialisée au Financial Times, elle crée en 1995 une émission diffusée sur la chaîne de télévision BBC2, Jancis Robinson’s Wine Course ; elle devient conseillère des responsables des caves à vin de la reine Élisabeth II*. Elle est également coauteure – avec Hugh Johnson, auteur, expert mondialement reconnu – du célèbre Atlas mondial du vin. Passionnée par les origines de la vigne, elle s’est tout naturellement penchée sur les cépages, les a soigneusement étudiés et mis à la portée de tous en écrivant le premier livre de vulgarisation sur le sujet. Dotée d’un certain charisme et d’une grande personnalité, elle n’hésite pas à donner son point de vue. Ainsi, en 2003, elle tient tête à Robert Parker, le célèbre critique américain, dont elle ne partage pas l’avis sur un millésime de Château Pavie (saint-émilion grand cru classé). Ses écrits et ses actions (elle fait de nombreuses conférences et anime de prestigieuses dégustations à travers le monde) lui ont valu nombre de récompenses, tant professionnelles – en 1999, elle a été élue Femme de l’année par le prestigieux magazine Decanter – qu’officielles : elle a été élevée au grade d’Officer of the British Empire par la reine Élisabeth d’Angleterre.

Marie-Claude FONDANAUX

ROBINSON, Joan Violet (née MAURICE) [CAMBERLEY 1903 - CAMBRIDGE 1983]

Économiste britannique.

Joan Robinson est l’une des économistes les plus connues car elle a contribué à trois sujets essentiels de l’analyse macro-économique keynésienne : la concurrence imparfaite, la demande effective et la critique du marginalisme. Après avoir étudié l’économie à Cambridge de 1922 à 1925 puis obtenu un master, elle est devenue économiste sous l’influence d’Alfred Marshall, le professeur de référence de son époque, et d’Austin Robinson, son futur mari. Elle a commencé à enseigner l’économie en 1931, mais n’a été nommée professeure en titre qu’en 1965. Elle a passé toute sa carrière à l’université de Cambridge. J. Robinson a fait partie d’un groupe de jeunes économistes, le « Cambridge Circus », qui rêvait de bousculer les idées d’A. Marshall et ont fait de John Meynard Keynes leur héraut puis leur héros. Sa contribution aux travaux du groupe a porté sur trois domaines : la théorie de la concurrence, la théorie de la croissance et l’examen des dévaluations. Elle a longtemps été la seule femme susceptible de recevoir le prix Nobel d’économie, jusqu’à ce qu’Elinor Ostrom* l’obtienne en 2009. Jamais pleinement satisfaite d’une théorie, elle s’est rendue célèbre pour son esprit critique. Très engagée à gauche, elle admirait Marx mais estimait indispensable, pour pouvoir agir en faveur du socialisme, de distinguer dans l’œuvre de ce dernier sa vision scientifique du capitalisme et ses discours haineux d’homme aigri. Outrée par l’opportunisme des travaillistes, elle a mené ses derniers combats hors de toute structure militante. Elle était en particulier très engagée contre la guerre du Vietnam. Incrédule, elle a assisté à la victoire de Margaret Thatcher* et des monétaristes, et l’échec du keynésianisme de sa jeunesse a achevé de lui ôter ses illusions. Dans son premier livre, L’Économie de la concurrence imparfaite, paru en 1933, J. Robinson, critique la théorie néo-classique de la concurrence et explique qu’il faut dépasser le mécanisme de fixation des prix, dans la description du marché, pour s’interroger sur l’impact des stratégies non tarifaires. Ses théories, remettant en cause l’optimisme néo-classique d’une économie concurrentielle trouvant l’équilibre, ont conduit à l’idée que l’économie vit dans une dynamique de déséquilibre, de distorsion permanente entre l’offre et la demande nécessitant une intervention de l’État. J. Robinson a aussi proposé un enchaînement de cause à effet entre le profit et la croissance complètement original. Contrairement à ce que considérait D. Ricardo, elle pense que ce n’est pas le profit qui fait la croissance en servant à financer l’investissement, mais que c’est pour atteindre certains objectifs de profit que les capitalistes suscitent la croissance. Poussant à l’extrême la logique keynésienne de la demande, elle fait de l’investissement une simple composante de la demande et non un moyen d’accumuler du capital. Elle soutient même qu’il est impossible de définir le capital et affronte sur ce point Robert Solow et Paul Samuelson, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge, aux États-Unis. Alors qu’elle enseigne à Cambridge, au Royaume-Uni, leur échange est resté célèbre dans l’histoire sous le titre de « Querelle des deux Cambridge ». Enfin, oubliant ses préventions à l’égard des méthodes quantitatives, J. Robinson a également entrepris de mesurer statistiquement l’efficacité des dévaluations comme moyen de résorber un déficit des paiements courants. Elle a donné son nom au théorème selon lequel une dévaluation réussit quand le pays « dévaluateur » exporte des produits dont la demande réagit fortement à une baisse des prix, en pratique des produits de consommation courante. J. Robinson fait partie de ceux qui, après la mathématisation de la fin du XIXe siècle, ont réintroduit en économie une dimension morale et politique. Elle joint ainsi à la réflexion théorique une analyse historique des faits ainsi que de la personnalité des théoriciens.

Jean-Marc DANIEL

Introduction à la théorie de l’emploi (Introduction to the Theory of Employment, 1938), Paris, Presses universitaires de France, 1948 ; Essai sur l’économie de Marx (An Essay on Marxian Economics, 1942), Paris, Dunod, 1971 ; L’Accumulation du capital (The Accumulation of Capital, 1956), Paris, Dunod, 1972 ; Hérésies économiques (Economic Heresies, 1971), Paris, Calmann-Lévy, 1972 ; L’Économie de la concurrence imparfaite (The Economics of Imperfect Competition, 1933), Paris, Dunod, 1975.

ROBINSON, Julia (née BOWMAN) [SAINT LOUIS 1919 - OAKLAND 1985]

Mathématicienne américaine.

Logicienne, Julia Robinson a travaillé sur les problèmes de calculabilité et les problèmes de décision ainsi que sur les modèles non standards de l’arithmétique. Son œuvre est liée à la réponse par la négative au dixième problème de Hilbert. Très tôt orpheline de mère, elle souffre à 9 ans d’une scarlatine avec complications, qui l’oblige à interrompre sa scolarité et qui aura des répercussions sur sa santé, restée fragile tout au long de sa vie. Elle commence ses études universitaires au San Diego State College et les termine à Berkeley. Le directeur de sa thèse, soutenue en 1948, est le logicien Alfred Tarski. Alors qu’elle est encore jeune étudiante, son père, qui n’a pas supporté le décès de son épouse, se suicide. Elle est épaulée par sa sœur aînée, Constance Reid, plus tard spécialiste des biographies de mathématiciens, qui apportera des témoignages sur sa vie et sur son œuvre. En 1941, elle épouse son professeur, Raphael M. Robinson. La loi de l’époque interdisant à un couple de travailler dans le même département de l’université, elle est amenée à travailler dans le département de statistiques, ce qui ne correspond pas à ses choix scientifiques. Savoir si des équations algébriques ont des solutions est un problème abordé tout au long de l’histoire des mathématiques. En 1900, le mathématicien David Hilbert pose une série de 23 problèmes qu’il considère comme essentiels pour l’avenir des mathématiques du XXe siècle. Le dixième problème posé par D. Hilbert peut se formuler de la façon suivante : étant donné n’importe quelle équation algébrique ne comportant que des polynômes à coefficients entiers, existe-t-il un algorithme (une suite finie d’opérations) pour répondre, positivement ou négativement, à la question de l’existence de solutions en nombres entiers pour cette équation ? Cela s’appelle un problème de décidabilité. À l’époque de D. Hilbert, il n’y avait pas de définition précise de la notion d’algorithme ; elle verra le jour avec la théorie logique de la calculabilité développée à partir des années 1930. Dès sa thèse, Definability and Decision Problems in Arithmetic, J. Robinson s’intéresse à ce type de problème. Elle y prouve un résultat important : l’indécidabilité de l’arithmétique des rationnels. Après sa thèse, elle travaille sur le dixième problème aux côtés de Martin Davis et de Hilary Putnam. Elle n’a pas donné la solution à ce problème, complètement résolu par la négative en 1970 par le mathématicien russe de 22 ans Youri Matiiassevitch. Cependant, tout le monde, et lui-même en particulier, s’accorde aujourd’hui à reconnaître la contribution fondamentale de J. Robinson pour arriver à la résolution du problème. Très impliquée dans la vie politique américaine, elle a aussi des responsabilités académiques. Elle est ainsi la première femme à être élue en 1978 membre de la division mathématique de la National Academy of Sciences, puis présidente en 1980 de l’AMS (American Mathematical Society). À cela s’ajoutent de nombreuses distinctions et récompenses. Après sa mort est créé un prix Julia-Robinson, décerné à une étudiante de mathématiques de la San Diego State University, et R. M. Robinson, son mari, crée une fondation pour attribuer des bourses à des étudiants de Berkeley.

Christine CHARRETTON

Collected Works of Julia Robinson, FEFERMAN S. (dir.), Providence, American Mathematical Society, 1996.

MATIIASSEVITCH Y., Le Dixième Problème de Hilbert, Paris, Masson, 1995.

REID C., « The autobiography of Julia Robinson », in Julia, A life in Mathematics, Washington DC, Mathematical Association of America, 1996.

ROBINSON, Madeleine (Madeleine Yvonne SVOBODA, dite) [PARIS 1916 - MONTREUX, SUISSE 2004]

Comédienne française.

Fille d’immigrés tchèques, elle commence à travailler en usine à 14 ans, est admise comme auditrice libre chez Charles Dullin et, sous le pseudonyme de Madeleine Robinson, fait ses débuts au cinéma en 1934 avec Raymond Bernard. Elle tourne beaucoup (quatre-vingts films), plusieurs films par an (six en 1939, sept en 1962, quatre en 1992). Elle a successivement été mariée avec le comédien Robert Dalban, avec qui elle a eu un fils, avec Guillaume Amestoy et avec l’acteur et écrivain espagnol José Luis de Vilallonga. Elle a eu une fille avec Jean-Louis Jaubert, Compagnon de la chanson. Au théâtre, elle crée Une grande fille toute simple (1942) d’André Roussin, qu’elle reprend en 1944, et cet intitulé décrit sa personnalité. Elle assure, en 1954, le succès d’Adorable Julia (de Marc-Gilbert Sauvageon et Guy Bolton d’après Somerset Maugham), rôle qu’elle tiendra jusqu’en 1966. Actrice populaire, elle est l’interprète de M. Achard, H. Bernstein, G. Arout, F. Billetdoux, J. Orton, J. Cocteau, T. Williams, E. Albee, B. Brecht. En 1994, elle joue encore dans La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux (mise en scène de Jean-Luc Tardieu). Elle reçoit un Molière d’honneur en 2001. Elle a obtenu le prix Réjane (1939), la Victoire de la meilleure actrice française (1951) et la Coupe Volpi à Venise (1959). Elle a été officier de la Légion d’honneur, de l’ordre national du Mérite, commandeur des Arts et Lettres.

Danielle DUMAS

ROBINSON, Mary (née DARBY) [BRISTOL 1756 ou 1758 - ENGLEFIELD GREEN, SURREY 1800]

Actrice et écrivaine britannique.

Ayant épousé un préposé aux écritures qui se fait passer pour plus riche qu’il n’est, Mary Robinson monte sur les planches en 1776 autant par goût que pour subvenir aux besoins de sa famille, encouragée par le grand acteur et directeur de théâtre David Garrick. Elle met fin à sa carrière en 1780 lorsque commence sa liaison avec le prince de Galles, à la suite d’une représentation où il l’a vue dans le rôle de Perdita du Conte d’hiver de Shakespeare. Proche des whigs, favorable à la Révolution française à ses débuts, soutenue par la duchesse de Devonshire*, elle publie des romans et un pamphlet aux accents féministes et radicaux : elle promeut une aristocratie de l’esprit. Sa poésie, publiée à partir de 1788, lui vaut beaucoup d’estime, grâce à sa remarquable liberté métrique. À la fin de sa vie, elle fréquente la féministe Mary Wollstonecraft*, le théoricien et romancier William Godwin et le poète Samuel Taylor Coleridge.

Isabelle BOUR

Walsingham : or, The Pupil of Nature. A Domestic Story (1797), Londres, Routledge/Thoemmes, 1992 ; A Letter to the Women of England, on the Injustice of Mental Subordination (1799), Poole (G.-B.)/Washington DC, Woodstock Books, 1998 ; Selected Poems, Pascoe J. (dir.), Peterborough (Ontario), Broadview, 1999.

ROBINSON, Mary (née BOURKE) [BALLINA, MAYO 1944]

Femme politique irlandaise.

Diplômée de droit au Trinity College de Dublin, Mary Robinson est nommée avant ses 30 ans à la prestigieuse chaire Reid. En 1970, elle se marie et aura trois enfants. Entre 1969 et 1989, elle représente l’université au Sénat et, en 1998, devient présidente (chancellor) de l’université de Dublin. Candidate du Parti travailliste, du parti des ouvriers de l’Irlande, des Verts, soutenue par des sénateurs indépendants, elle est, en 1990, la première femme présidente et la première à se faire élire sans l’appui du parti fondateur de la République, Fianna Fáil. Elle œuvre pour une amélioration des rapports diplomatiques entre la Grande-Bretagne et l’Irlande et entre les chefs unionistes et nationalistes en Irlande du Nord ; elle s’efforce en outre de préserver la mémoire de la diaspora des émigrés irlandais en Australie et aux États-Unis. Elle se prononce en faveur des droits au divorce, de la contraception pour les femmes, des droits des homosexuels. Au niveau international, elle s’élève contre le racisme, cherche à améliorer la reconnaissance des droits des migrants, promeut le commerce équitable, milite pour une réponse plus vigoureuse face au sida en Afrique et cherche à mettre en place les moyens d’une meilleure gouvernance dans les pays en voie de développement. Membre fondateur et présidente du Conseil des femmes leaders mondiales (créé en 1996 par Vigdís Finnbogadóttir*), elle s’implique pour une plus grande participation des femmes aux postes de pouvoir politique. Elle est nommée haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme jusqu’en 2002. Présidente honoraire d’Oxfam International, présidente de l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), membre européen de la Commission trilatérale, membre du Club de Madrid qui milite en faveur de la démocratie, elle a reçu de très nombreux prix et distinctions honorifiques pour son combat inlassable pour les droits humains, en particulier les droits des femmes, menacés par la coalition des pouvoirs conservateurs politiques et religieux dans le monde entier. En septembre 2010, elle crée la Fondation Mary Robinson pour le climat et la justice (MRFCJ), afin d’intervenir dans les politiques concernant le changement climatique et le développement durable, et milite pour un changement dans les rapports de force entre les peuples à travers le monde.

Máire CROSS

Avec BOYLE K., A Voice for Human Rights, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2007.

HORGAN J., Mary Robinson. A Woman of Ireland and the World, Boulder (Colorado), Roberts Rinehart, 1998 ; McQUILLAN D., Mary Robinson. A President in Progress, Dublin, Gill & Macmillan, 1994 ; O’LEARY O., BURKE H., Mary Robinson. The Authorised Biography, Londres, Hodder & Stoughton, 1998.

ROBSKI, Oksana (née POLIANSKAÏA) [MOSCOU 1968]

Écrivaine et chef d’entreprise russe.

Oksana Viktorovna Robski est inscrite à la faculté de journalisme de l’Université d’État de Moscou, mais n’achève pas ses études. Au cours des années 1990, elle devient une femme d’affaires assez connue. En 2001, elle est diplômée de l’École supérieure de scénariste et réalisateur. En 2006, elle fonde sa propre maison d’édition. Elle considère que la littérature est un business comme un autre et débute dans l’écriture avec son best-seller Caviar, vodka et poupées russes. Consacré au « charme discret de la bourgeoisie russe », son sous-titre russe, le livre marque l’apparition d’un nouveau genre littéraire, celui du réalisme mondain. Dans ses romans, elle décrit la dolce vita de l’élite russe. Ses personnages sont de nouveaux riches qui s’habillent en Prada et habitent des hôtels particuliers de la banlieue la plus chic de Moscou. Ce sont surtout les compagnes des oligarques et leur quotidien qui attirent son attention : femmes désœuvrées buvant des cocktails et échangeant des futilités avec leurs amies sur leurs gigolos et leurs maris infidèles, avec pour toile de fond des restaurants à la mode, des clubs de strip-tease, des salons de beauté, des voyages aux Maldives, aux Seychelles ou à Courchevel. En réalité, elle n’utilise ce décor idéal que pour explorer le labyrinthe des relations humaines. Toujours précise et ironique, sa prose est simple, claire, dynamique. À ce jour, elle a signé une dizaine de livres.

Federica VISANI

Caviar, vodka et poupées russes (Casual, skromnoïe oboianie rousskoï bourjouazi, 2005), Paris, Calmann-Lévy, 2008.

ROBVEILLE, Yolande [1949]

Professeure de philosophie, cinéaste et peintre française.

Active en mai 68, alors qu’elle était encore lycéenne, Yolande Robveille s’inscrit à l’université de Vincennes à son ouverture en janvier 1969. Elle y suit des cours de sociologie et de philosophie. Elle participe au grand meeting du MLF* dans cette université en mai 1970, va à des réunions du MLF et de « Psychanalyse et politique ». Elle entre comme enseignante au département de philosophie, en même temps que Marielle Burkhalter, grâce à leur commune appartenance à ce mouvement : à cette époque de recrutements en partie basés sur des critères politiques, elles ont pu faire entendre au responsable qu’il avait choisi 30 hommes et pas encore une seule femme. Elles créent une nouvelle manière d’enseigner la philosophie, selon l’esprit de Vincennes, faisant travailler les étudiants sur le cinéma, l’écriture par l’image, pour penser le monde, la vie quotidienne, le rapport à l’urbain. Y. Robveille fait un film, en 2008, sur l’histoire de cette université : Roman noir d’une vérité rouge. Dans les années 1990, elle vient à la peinture. Elle peint des personnages à partir de photos juxtaposées, rapprochant des personnes qui ne se connaissent pas, et aussi des paysages. En 2009, elle intitule Partag(e)s son exposition à la galerie des femmes. Le partage est son utopie ; elle le rêve universel et en fait le moteur de son art et de sa vie.

Catherine GUYOT

ROCA, Maria Mercè [PORT-BOU 1958]

Écrivaine espagnole d’expression catalane.

Née dans une famille ouvrière, Maria Mercè Roca part à 16 ans suivre ses études à Gérone, où elle s’installe définitivement. Sa formation en philologie catalane lui permet d’enseigner la langue dans la capitale. Elle fait partie du collectif d’écrivains Lletraset et participe aux chroniques quotidiennes de la presse catalane. En 1985, elle obtient le prix Víctor-Català pour son roman, Sort que hi ha l’horitzó (« heureusement qu’il y a l’horizon »), qui lui permet de s’intégrer dans le panorama littéraire catalan et de poursuivre son activité littéraire au travers d’une abondante production de contes, de romans et d’un scénario à succès pour la télévision catalane, Secrets de família (1995). Les prix les plus représentatifs du monde littéraire catalan lui sont décernés : Josep-Pla en 1987 pour El present que m’acull (« le présent qui m’accueille ») ; Sant Jordi en 1992 pour Cames de seda (« jambes de soie ») ; Ramon-Llull en 2000 pour Delictes d’amor (« délits d’amour »). Elle traduit des ouvrages en espagnol, basque, français, portugais, allemand et néerlandais, et, entre 2005 et 2007, publie six contes pour enfants inspirés par un personnage singulier, le loup Pépito. Pour elle, l’écriture est un moyen d’introspection, un refuge pour la solitude, et surtout une passion. Plusieurs personnages de ses romans creusent, dans les entrelacs du texte, une voie d’analyse de soi pour lever le voile de leurs chimères. En 2004, elle fait paraître El món era a fora, l’educació sentimental de les dones durant el franquisme (« le monde était dehors, l’éducation sentimentale des femmes pendant le franquisme »), suivi de Coses que fan que la vida valgui la pena (« les choses qui rendent la vie précieuse », 2005). Membre du parti Esquerra republicana de Catalunya, à partir de 2003, elle siège au Parlement catalan, aux commissions de la politique culturelle, du contrôle des moyens audiovisuels, du droit des femmes, et a soutenu le projet de loi du Mémorial démocratique, une institution créée par le gouvernement catalan afin de promouvoir la lutte historique en faveur de la démocratie et garantir le droit civique de la mémoire en Catalogne. M. M. Roca est membre de l’Association des écrivains de langue catalane.

Amàlia PRAT

Basse saison (Temporada baixa, 1990), Paris, Métailié, 1995 ; Le Dernier Train (L’últim tren, 2003), Paris, Métailié, 2005.

LES ROCHAMBELLES – AMBULANCIÈRES [France Seconde Guerre mondiale]

Faisant partie de la compagnie médicale de la 2e division blindée (2e DB) dirigée par le général Leclerc, pendant la Seconde Guerre mondiale, les Rochambelles sont une quarantaine de conductrices ambulancières baptisées ainsi parce qu’elles composent l’unité Rochambeau, du nom du compagnon de La Fayette lors de la guerre de l’Indépendance américaine (1775-1782).

L’initiative de la formation de cette unité revient à l’Américaine francophile Florence Conrad, qui vit en France à l’époque et a déjà servi comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale. Rentrée à New York, elle rassemble des fonds pour acheter 19 ambulances, recrute des Françaises résidant dans la cité américaine et crée une unité sanitaire de première ligne. Le groupe arrive à Rabat (Maroc) en septembre 1943 et s’installe à bord d’une péniche. D’autres jeunes femmes, françaises pour la plupart, s’engagent ensuite à leurs côtés, non seulement en Afrique du Nord mais aussi en Angleterre et en France. Toutes participent, en première ligne avec les soldats, au débarquement de Normandie puis à la libération de Paris, en 1944. Certaines d’entre elles poursuivront leur engagement jusqu’en Indochine.

Pendant toute la Seconde Guerre mondiale, ces ambulancières seront commandées par Suzanne Torrès (1907-1977), future madame Massu, surnommée Toto. Dans son livre autobiographique Quand j’étais Rochambelle (1969), cette dernière relate leurs aventures à toutes, mais aussi leur difficile intégration dans un milieu masculin. Pourtant, leur rôle fut crucial auprès des hommes blessés qui trouvaient auprès d’elles un grand réconfort. « Ceux qui allaient mourir se cramponnaient à notre main en croyant que c’était une mère ou une épouse », témoigne Rosette Trinquet, future Mme Peschaud, Rochambelle qui terminera la guerre avec quatre citations, dont l’une à l’ordre de l’armée, et qui est aujourd’hui vice-présidente de la fondation Leclerc. La présence de ces ambulancières dans les moments les plus critiques de la Seconde Guerre mondiale montre qu’au XXe siècle, en temps de guerre, les femmes ne sont plus seulement les gardiennes de l’arrière mais peuvent aussi se révéler actrices dans les conflits en conservant toute leur personnalité féminine.

Elisabeth LESIMPLE

ROCHAT DE LA VALLÉE, Élisabeth [PARIS 1949]

Sinologue française.

Après des études de lettres classiques et de philosophie, Élisabeth Rochat de la Vallée approfondit ses connaissances de la langue et de la pensée chinoises en collaborant avec le père Claude Larre et en suivant les cours de Max Kaltenmark, spécialiste de Laozi (Lao-tseu) et du taoïsme, à l’École pratique des hautes études. Au début des années 1970, seules existaient les traductions des textes médicaux chinois par George Soulié de Morand et Albert Chamfrault et, en Occident, la théorie classique de la médecine chinoise était réduite à la piqûre d’aiguilles (d’où le terme « acupuncture »), alors pratiquée comme une réflexologie consistant à piquer certains points situés sur les trajets des méridiens. En 1971, É. Rochat de la Vallée travaille avec le docteur Jean Schatz sur le texte fondateur de la médecine chinoise, le Huangdi Nei Jing (« classique interne de l’empereur Huangdi ») divisé en deux parties, le Su Wen (« traité de médecine interne ») et le Ling Shu (« pivot à l’efficacité merveilleuse »). Après un séjour en Chine, elle enseigne les bases théoriques (philosophiques et cliniques) de la médecine chinoise à l’École européenne d’acupuncture, que Jean Schatz vient de fonder avec Claude Larre, puis la pensée chinoise ancienne à l’institut Ricci et au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris. Elle traduit, avec Claude Larre, des textes philosophiques, en particulier taoïstes (Zhuangzi, Huainanzi). Elle enseigne aujourd’hui les fondements de la médecine traditionnelle chinoise, la pensée et la langue chinoises classiques dans de nombreux pays. Devenue une personnalité incontournable de la médecine et de la pensée chinoises à travers le monde, elle est directrice de l’enseignement de l’École européenne d’acupuncture et enseignante invitée dans les facultés de Nantes et de Bobigny.

Claudine BRELET

ROCHDI, Chafia (Zakia BENT HAJ BOUBAKER MARRAKCHI, dite) [SFAX 1910 - ID. 1989]

Chanteuse et actrice tunisienne.

ROCHE, Anne [1938]

Écrivaine et essayiste française

Entrée à l’École normale supérieure en 1958, puis agrégée de lettres classiques, Anne Roche est assistante en lettres à l’université de Provence dès 1963. Tout en préparant sa thèse d’État à Paris VIII (1985), elle publie d’une part des fictions, d’autre part des ouvrages de critique et de théorie littéraire. Elle est l’une des premières en France à éclairer l’œuvre de Walter Benjamin. En 1999, elle édite avec Jérôme Peignot Laure, une rupture 1934, correspondances croisées de Colette Peignot avec Boris Souvarine, Georges Bataille, Pierre et Jenny Pascal, Simone Weil* ainsi qu’avec sa famille. Ces inédits apportent un nouveau contexte aux Écrits de Laure, dont la publication en 1972 avait suscité une vive polémique avec le père de J. Peignot, ce dernier ayant reçu le soutien de Marguerite Duras* et de Michel Foucault. Dans le cadre de son enseignement, A. Roche publie en 1995, avec Marie-Claude Taranger et des étudiants, un livre d’autobiographies de femmes recueillies par interviews enregistrées : Celles qui n’ont pas écrit, récits de femmes dans la région marseillaise, 1914-1945. Après un séjour aux États-Unis, elle crée des ateliers d’écriture à l’université et son Atelier d’écriture (1989), en collaboration avec Andrée Guiguet et Nicole Voltz, est plusieurs fois réédité.

Christine LAMY

Avec DELFAU G., Histoire et interprétation du fait littéraire, Paris, Seuil, 1977 ; avec MOUILLAUD G., La Cause des oies, Éd. Maurice Nadeau, Paris, 1978 ; La Relative, Paris, Des Femmes, 1980 ; avec LEROY G., Les Écrivains et le Front populaire, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1986 ; Commentaire de W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec, Paris, Gallimard « Foliothèque », 1997 ; Exercices sur le tracé des ombres, Walter Benjamin, Cadenet, Les Éditions Chemin de ronde, 2010.

ROCHE, France [SAINT-TROPEZ 1921 - PARIS 2013]

Journaliste, scénariste, actrice et écrivaine française.

France Roche fait ses débuts comme journaliste de cinéma pendant l’Occupation au sein de la rédaction de Cinévie, avant de travailler à Cinémonde, à France-Soir et à l’ORTF. Elle contribue à Cinq colonnes à la une, à Cinépanorama, puis au journal télévisé d’Antenne 2 de 1969 à 1986. Comme scénariste, elle se spécialise dans la comédie avec Agence matrimoniale, de Jean-Paul Le Chanois (1952), et plusieurs films dont les dialogues sont signés par Michel Audiard : La Française et l’Amour (film à sketchs, 1960) ; Les lions sont lâchés (1961) ; Les Amours célèbres (1961), avec Edwige Feuillère* ; La Chasse à l’homme (1964), avec Catherine Deneuve* et Françoise Dorléac. En tant qu’actrice, on la remarque dans : Adorables créatures (1952), de Christian-Jaque ; French Cancan (1954), de Jean Renoir ; Un amour de poche (1957), de Pierre Kast avec Geneviève Page* et Jean Marais. F. Roche joue également son propre rôle dans Nuit d’ivresse (1986). Elle publie une biographie de Ninon de Lenclos* et des Mémoires : Péché mortel (1990).

Bruno VILLIEN

ROCHE, Juliette (épouse GLEIZES) [PARIS 1884 - ID. 1982]

Peintre et écrivaine française.

Juliette Roche fréquente très jeune la sphère artistique parisienne, grâce à sa marraine, la comtesse Greffulhe, et au filleul de son père, Jean Cocteau. Soutenue par son père, Jules Roche, un homme politique important, elle étudie la peinture à l’académie Ranson. Adoptée très tôt par le groupe des nabis, elle découvre le cubisme en 1912, et rompt alors avec Félix Vallotton et Maurice Denis. En 1913, année phare, elle expose au Salon des indépendants et écrit des poésies, où elle insère, dans le tissu poétique, une phrase toute faite, tel un slogan publicitaire. Elle expérimente également une typographie novatrice qui deviendra encore plus iconoclaste en 1917, avec Brevoort et Pôle tempéré. Sa première exposition personnelle a lieu à la galerie Bernheim-Jeune en 1914. Quand la guerre est déclarée, pacifistes convaincus, l’artiste et son futur mari, le cubiste Albert Gleizes, rejoignent New York, où Duchamp les introduit dans le cercle des collectionneurs animé par Louise et Walter Arensberg. Dès 1915, elle participe aux activités dada, avec Duchamp et Picabia. Après un long séjour à Barcelone, le couple Gleizes, qui expose à la galerie Dalmau, revient à New York ; J. Roche collabore avec Duchamp à la préparation de la première exposition de la Society of Independent Artists (avril 1917), où elle présente quelques œuvres d’inspiration dadaïste. Elle travaille sur le « second degré » : dans Nature morte au hachoir, l’appareil reflète une image décentrée de la guerre. En 1919, de retour à Paris, elle commence la rédaction de son récit, La Minéralisation de Dudley Craving Mac Adam, publié en 1924, évoquant les aventures d’Arthur Cravan et des exilés à New York. En 1921, sa poésie, État… colloïdal, paraît dans Creación, le périodique de Vincente Huidrobro. En 1927, elle fonde avec son mari la résidence d’artistes de Moly-Sabata à Sablons, qui met à disposition des ateliers artisanaux et réunit, entre autres, Anne Dangar (1885-1951), Jacques Plasse Le Caisne. J. Roche est alors une fervente militante de l’éducation artistique populaire. Elle participe épisodiquement à des expositions collectives. Une importante rétrospective lui est consacrée en 1962, à la galerie Miroir à Paris, mais c’est surtout à partir des années 1990 que son rôle dans le mouvement dada est reconsidéré.

Catherine GONNARD

HERCO, Des mots… , Paris, A. Lemerre, 1907 ; Demi-cercle, Paris, La Cible, 1920 ; Juliette Roche (catalogue d’exposition), Paris, Galerie Miroir, 1962.

BURKE C., « Recollecting dada : Juliette Roche », in Women in Dada : Essays on Sex, Gender and Identity, Sawelson Gorse N. (dir.), Cambridge, MIT Press, 1998 ; ERNOULT N., « Juliette Roche », in Dada (catalogue d’exposition), Paris, Centre Pompidou, 2005.

ROCHE, Regina Maria [WATERFORD 1764 - ID. 1845]

Romancière irlandaise.

Regina Maria Roche est l’auteure de romans sentimentaux situés dans un décor gothique, genre initié par Ann Radcliffe* et alors très en vogue. Clermont (1798) fait ainsi partie des « Romans de Northanger », cette collection de « récits d’horreur » mentionnés par Jane Austen* dans sa magistrale satire du roman gothique, Northanger Abbey. Une autre de ses œuvres, Les Enfants de l’abbaye (1796), rivalisa de succès avec Les Mystères d’Udolphe de Radcliffe (1794). Ces deux romans furent traduits en français et en espagnol et connurent plusieurs rééditions. Certains de ses romans – une quinzaine en tout – sont situés en Italie, en Cornouailles ou à Londres, mais vers la fin de sa carrière elle privilégie à nouveau un environnement irlandais dans des romans comme L’Orphelin de la chaumière irlandaise (1820). Dans La Tradition du château, ou Scènes de l’île d’Émeraude (1824), qui débute à la veille de l’acte d’Union et narre les épreuves subies par deux amants éloignés l’un de l’autre, elle exprime des sentiments nationalistes plus affirmés que dans ses précédents ouvrages, et enjoint les propriétaires terriens vivant en Angleterre de rentrer en Irlande.

Sylvie MIKOWSKI

Les Enfants de l’abbaye (Children of the Abbey, 1796), Avignon, Offray, 1841 ; Clermont (Clermont, a Tale, 1798), Paris, Denné jeune, 1799 ; L’Orphelin de la chaumière irlandaise (The Munster Cottage Boy, 1820), Paris, Dentu, 1821 ; La Tradition du château, ou Scènes de l’île d’Émeraude (The Tradition of the Castle, Scenes of the Emerald Isle, 1824), Paris, Tardieu/Bouland et Cie, 1824.

ROCHEFORT, Christiane [PARIS 1917 - LE PRADET 1998]

Romancière et essayiste française.

Étudiante, modèle, attachée de presse du Festival de Cannes (1947-1968), Christiane Rochefort s’accommode mal des institutions, qui le lui rendent bien. Plus gratifiant est son travail avec Henri Langlois à la Cinémathèque de Paris. Après des nouvelles (Le Démon des pinceaux, 1953), un premier roman sous pseudonyme (Une fille mal élevée, 1957), Le Repos du guerrier (1958), publié sur la recommandation de Soupault, choque les membres du jury Femina. Utopiste militante, féministe et écologiste, elle se mêle aux réunions joyeuses et insolentes du Mouvement de libération des femmes (MLF) et soutient en 1971 le Manifeste des 343 pour le droit à l’avortement. Elle enchaîne titres et succès (Les Petits Enfants du siècle, 1961 ; Les Stances à Sophie, 1963 ; Printemps au parking, 1969) avec la volonté obstinée de briser les tabous – sexuels et politiques – d’une société sclérosée. Incisive, rageuse, gouailleuse, son écriture ne désarme devant aucun abus de pouvoir. À 71 ans, elle reçoit le prix Médicis pour La Porte du fond (1988), qui dit à cru les souffrances de l’inceste. Désespoir actif, tendresse pour les fragiles sont les signes distinctifs d’une œuvre populaire et sans concession.

Catherine BRUN

C’est bizarre l’écriture, Paris, Grasset, 1970 ; Ma vie revue et corrigée par l’auteur, Paris, Stock, 1978 ; Œuvre romanesque, M. Sagaert (dir.), Paris, Grasset, 2004.

CONSTANT I., « L’utopie de Christiane Rochefort : le non-principe, une certaine idée du bonheur », in The French Review, vol. 69, no 5, avr. 1996.

ROCHEFORT, Florence [SURESNES 1958]

Historienne française.

Immergée dans le féminisme comme lycéenne puis comme étudiante en histoire à l’université Paris 7 en 1976, Florence Rochefort participe activement à l’émergence de l’histoire des femmes dans le sillage de Michelle Perrot*. Pionnière de l’histoire des féminismes, elle rédige une thèse à quatre mains en collaboration avec Laurence Klejman, publiée en 1989 sous le titre L’Égalité en marche, Le féminisme sous la Troisième République. Tout en mettant en valeur les figures, les actions, les thèmes d’intervention et la rhétorique des premières féministes depuis le Second Empire jusqu’aux années 1930, elle axe ses recherches sur les liens entre féminisme, droits des femmes et République dont elle souligne les paradoxes et les « failles égalitaires ». Elle établit des comparaisons avec les mouvements européens puis internationaux, en particulier dans Le Siècle des féminismes (2004), qu’elle codirige, et dans sa contribution à l’Encyclopédie politique et historique des femmes de Christine Fauré (1997). Devenue en 2001 chargée de recherche au CNRS au sein du groupe Sociétés religions laïcités, elle anime un programme sur la laïcisation des mœurs et le genre, et s’intéresse plus particulièrement, à partir de l’étude des droits des femmes, à la place de la religion et de la laïcisation dans la société française. Suivi d’une publication (Le Pouvoir du genre, Laïcités et religions, 1905-2005, 2007), un colloque novateur ouvre la problématique « genre, politique et religions » à une réflexion pluridisciplinaire et internationale. Dans ses travaux en histoire des femmes et du genre, elle scrute les représentations des femmes dans les photographies et publie trois ouvrages (dont deux à destination du grand public, Hier, les femmes et Femmes du XXIe siècle, 2007 et 2009). Ses contributions au catalogue de l’exposition qu’elle organise en collaboration avec Annie Metz (Photo/Femmes/Féminisme, 1860-2010, Collection de la bibliothèque Marguerite Durand, 2010) témoignent à la fois d’un souci constant de théorisation et de l’attention portée à l’incarnation du féminisme dans des personnalités et des parcours individuels. F. Rochefort est par ailleurs engagée dans l’institutionnalisation, l’animation et la valorisation de la recherche sur l’histoire des femmes et du genre. Membre du comité de rédaction de la revue Clio, Histoire, femmes et sociétés depuis sa création en 1995, elle en devient codirectrice en 2010. Active dans l’association Mnémosyne, elle est depuis 2011 présidente de l’institut Émilie du Châtelet pour le développement et la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre en Île-de-France. À ce titre, par l’organisation et l’animation de conférences, l’attribution d’allocations de recherche aux jeunes étudiantes et étudiants, elle joue un rôle important dans la structuration de la recherche en histoire du genre et des sexualités. Impliquée dans les débats du présent, elle apporte une réflexion renouvelée sur les rapports entre droits des femmes, religions et sécularisation des sociétés au XXIe siècle.

Françoise THÉBAUD

ROCHEFORT, Renée [1924-2012]

Géographe française.

Agrégée d’histoire (1949), influencée par le personnalisme d’Emmanuel Mounier, Renée Rochefort s’est fait connaître par une thèse singulière sur Le Travail en Sicile (1961). Son plaidoyer pour une orientation sociale de la géographie, science humaine à part entière, ne pouvait être reçu que de façon mitigée : les marxistes étant opposés parce qu’elle excluait au fond la géographie physique, ou réticents parce que la dimension socioculturelle l’emportait trop sur le facteur économique, et les autres géographes étant peut-être désarçonnés par l’audace de la proposition et la richesse des références interdisciplinaires de l’auteure. Les promoteurs de la « géographie sociale » des années 1980 ont retenu son mot d’ordre de « renversement des facteurs » (penser d’abord la société, ensuite l’espace), par lequel s’affirmait leur désir de rupture avec les déterminismes écologiques ou spatiaux de la discipline. Elle a poursuivi à l’université de Lyon des recherches sur les immigrés et sur les grands ensembles et elle a animé une école lyonnaise et stéphanoise de géographie sociale. Elle a été pionnière pour l’intégration de la géographie dans les sciences humaines et sociales. Il s’agissait pour elle de constater la prépondérance des faits sociaux « dans le réseau des explications qui rendent compte des paysages terrestres et des interconnexions spatiales qui sont l’objet même de la géographie » (1963).

Sa thèse constitue une sorte de monument, avec une préface du « Gandhi italien », Danilo Dolci, une introduction vive où l’auteure expose ses choix et ses doutes avec une tranquille assurance, et des analyses puissantes et originales, rendant compte sans tabou de ce qu’elle appelle les « pathologies » du travail (elle souligne notamment le poids de la mafia).

Marie-Claire ROBIC

Le Travail en Sicile, étude de géographie sociale, Paris, PUF, 1961 ; « Pourquoi la géographie sociale ? », in COLLECTIF FRANÇAIS DE GÉOGRAPHIE URBAINE ET SOCIALE, Sens et non-sens de l’espace, de la géographie urbaine à la géographie sociale, Caen, Collectif français de géographie urbaine et sociale, 1984.

« Géographie sociale et sciences humaines », in Bulletin de l’Association de géographes français, nos 314-315, 1963.

VANT A., « La géographie sociale lyonnaise en perspective », in Revue de géographie de Lyon, vol. 59, no 3, 1984.

ROCHETTE, Anne [OULLINS 1957]

Sculptrice française.

Cette artiste, qui privilégie particulièrement la sculpture et le dessin, occupe une place singulière dans le champ artistique français. Après avoir étudié et travaillé à New York, Anne Rochette poursuit ses recherches formelles et esthétiques en France. Très vite, l’univers construit par l’ensemble de ses sculptures devient l’occasion d’évoquer un souvenir trouble, et chacune de ses sculptures, lieu d’échos et de dialogues avec l’environnement, en sont autant de réminiscences. Depuis la fin des années 1980, ses voyages en Chine, en Inde ou en Australie jouent un rôle fondateur dans son inspiration : de ces rencontres intuitives naissent alors des œuvres aux résonnances poétiques, invitant le spectateur à contempler une nouvelle réalité et à lier son histoire à celle de la terre et de l’humanité. Après ces périples, elle découvre de nouvelles pratiques artistiques et expérimente différentes techniques de la céramique. Dans cet univers végétal et minéral, ses sculptures d’anneaux et de bulbes se transforment en formes organiques et elliptiques, et ses céramiques se muent en des corps presque informes et inquiétants. Parmi les différentes commandes publiques obtenues figure Comptine (2000), quatre petites sculptures en bronze polychrome, dont une fontaine centrale et un champignon, qui sont placées entre les plates-bandes d’un jardin potager dans le jardin des Tuileries à Paris ; l’ensemble fait écho au récit de Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles. Elle a aussi réalisé pour la Région Picardie un ensemble de six sculptures, Pierres galantes, composé de pierres taillées en calcaire de Mello. Contrastant avec l’inquiétante atmosphère du monde végétal, le blanc des pierres de La Goutte d’eau, Le Banquet ou Le Banc au collier de perles (série Pierres galantes, 2007) apparaît comme une douce réminiscence de l’immuabilité terrestre. A. Rochette enseigne à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris depuis 1993.

Maïa KANTOR

Common Food (catalogue d’exposition), Arthur T., Mundine D. (textes), Amiens, Maison de la culture d’Amiens, 2003 ; Pierres galantes (catalogue d’exposition), Jean C. (dir.), Amiens, Direction régionale des affaires culturelles de Picardie, 2008.

RODAS, Ana María [GUATEMALA 1937]

Écrivaine et journaliste guatémaltèque.

Initiée au métier de journaliste par son père dès l’âge de 12 ans, Ana María Rodas offre au public une série de textes qui surprennent par leur singularité : Teatro de imbéciles (« théâtre d’imbéciles ») et Crónicas irreverentes (« chroniques irrévérentes »). En 1973, paraît son premier recueil de poésie, Poema de la izquierda erótica (« poème de la gauche érotique »). C’est une œuvre clé de la littérature guatémaltèque, qui, dans une langue directe et dépouillée, aborde de façon révolutionnaire la question des femmes dans le milieu littéraire, leur rôle social en Amérique centrale, mais aussi la sexualité, le quotidien, le plaisir, le corps, l’écriture. Ce recueil, auquel s’ajoutent Cuatro esquinas del juego de una muñeca (« les quatre coins du jeu d’une poupée », 1975) et El fin de los mitos y sueños (« la fin des mythes et des rêves », 1984), soulève la question du féminin dans le contexte patriarcal, qui soumet toute chose à la psychologie masculine et réduit la femme à son rôle de mère. Cette partie de son œuvre plaide pour une politique de gauche tenant compte de la question des femmes pour aborder les sujets du pouvoir et de l’injustice sociale. Le recueil La insurrección de Mariana (« l’insurrection de Marianne », 1993) est couronné de nombreux prix en Amérique latine. Dans le contexte d’un dialogue entre le gouvernement du Guatemala et la guérilla de l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque, l’écrivaine aborde le thème de la marginalisation politique et sexuelle, de la violence et des abus dans la réalité sociale du pays. En 1996 paraît Mariana en la tigrera (« Marianne dans la cage aux tigres »), un texte en prose qui développe une perspective critique sur les relations hommes/femmes dans la société. En 2000, A. M. Rodas obtient le Prix national de littérature Miguel-Ángel-Asturias.

Pablo DOMÍNGUEZ GALBRAITH

TOLEDO A. (dir.), Desde la zona abierta, artículos críticos sobre la obra de Ana María Rodas, Guatemala, Editorial Palo de Hormigo, 2004.

RODDICK, Anita [LITTLEHAMPTON 1942 - CHICHESTER 2007]

Entrepreneuse britannique.

Anita Roddick est la fondatrice de The Body Shop, l’une des plus grandes chaînes de magasins de cosmétique au monde. Fille d’immigrés italiens, enseignante de formation, elle s’inspira largement du concept d’une boutique visitée lors d’un voyage en Californie pour ouvrir à Brighton, en 1976, son premier magasin de produits de beauté naturels. Elle voulut fonder la plus éthique des firmes cosmétiques, en s’interdisant les expérimentations sur les animaux, en utilisant des produits recyclés et en ayant recours au commerce équitable. Elle se construisit une image d’idéalisme et d’intégrité à l’aide d’une communication mêlant habilement publicité et militantisme. En 1997, The Body Shop fit ainsi campagne contre l’avilissement de l’image de la femme dans les médias et l’anorexie des mannequins. A. Roddick milita également contre la mondialisation libérale et le réchauffement climatique. En trente ans, The Body Shop s’est développé dans le monde entier, comptant 700 magasins en 1991 et plus de 2 000 à la mort de la fondatrice. La société fut rachetée par L’Oréal en 2006.

Alban WYDOUW

GOETHALS G. R., MACGREGOR BURNS J., SORENSON G., Encyclopedia of Leadership, t. 1, Thousand Oaks, Sage Publications, 2004.

RODIS-LEWIS, Geneviève [LURE 1918 - ID. 2004]

Philosophe française.

Ancienne élève de l’École normale supérieure, agrégée de philosophie et docteure ès lettres (1950), Geneviève Rodis-Lewis a été professeure à Rennes, à Lyon et à Paris 4-Sorbonne, où elle a fondé le Centre d’études cartésiennes en 1981. C’est en tant que spécialiste de Descartes qu’elle est connue, tant en France, où ses travaux lui ont valu le grand prix de l’Académie française, qu’à l’étranger. Elle lui a consacré une étude générale qui a fait date, publiée en 1971, dessinant les grandes lignes du développement de la pensée cartésienne, et une biographie très érudite mais accessible aussi bien aux spécialistes qu’aux novices. La portée et l’originalité de son interprétation du cartésianisme résident dans le fait d’avoir été la première à aborder des questions telles que L’Inconscient et le Cartésianisme (1950) ou L’Individualité selon Descartes (1950). L’influence de ses travaux sur les recherches actuelles est considérable, la plupart de ses ouvrages ont été traduits dans de nombreux pays et sont souvent réédités. On lui doit aussi plusieurs éditions critiques d’auteurs, dont Nicolas Malebranche (1963).

Diana M. MUÑOZ

L’Inconscient et le Cartésianisme, Paris, Presses universitaires de France, 1950 ; L’Individualité selon Descartes, Paris, J. Vrin, 1950 ; Nicolas Malebranche, Paris, Presses universitaires de France, 1963 ; L’Œuvre de Descartes, 2 vol., Paris, J. Vrin, 1971 ; Descartes, biographie (1995), Paris, CNRS éditions, 2010.

RODOREDA, Mercè [BARCELONE 1908 - GÉRONE 1983]

Romancière espagnole d’expression catalane.

Grâce à son grand-père, ami du poète Verdaguer, Mercè Rodoreda éprouve le sentiment profond de son appartenance catalane. Très tôt, elle décide d’être écrivaine et abandonne prématurément ses études, incompatibles avec sa grande intelligence. Elle entretient une correspondance avec son oncle Joan Gurguí, parti faire fortune en Amérique. Elle l’épouse à son retour, au moment où se met en place la dictature de Primo de Rivera. Elle étudie la langue catalane, s’essaie au journalisme, et écrit des contes qu’elle publie dans des journaux tels que La Veu de Catalunya, La Publicitat ou Mirador. Jeune, belle, moderne, mère d’un enfant, elle s’éloigne peu à peu de son mari. Son premier roman paraît en 1932 ; elle le supprimera de sa bibliographie, comme les trois suivants. La guerre d’Espagne éclate alors qu’elle travaille à la Generalitat de Catalogne. En pleine guerre civile, elle se rend à Prague pour représenter la Catalogne à un congrès du Pen Club international, anime des émissions de radio, publie des articles et des contes dans la presse ; mais la situation des écrivains engagés pour la République devient très périlleuse. L’écrivaine doit s’exiler en France en 1939, avec son compagnon Armand Obiols (dit Joan Prat) ; elle est alors incapable d’écrire. Après Paris, l’auteure est à Genève, où elle se remet à l’écriture et publie en 1957 Vint-i-dos contos (« vingt-deux contes »), sans obtenir la reconnaissance escomptée, jusqu’en 1962 où paraît La Place du diamant. Vingt-quatre ans se sont écoulés entre la première publication d’Aloma (1937) et celle de ce roman. Traduit en plus de 20 langues, il a inspiré des cinéastes et des acteurs de théâtre, et connu des adaptations pour la jeunesse. De retour à Barcelone dans les années 1970, elle publie des romans, en particulier Mirall trencat (« miroir brisé »), des contes, et, en 1980, un livre de poèmes en prose, Viatges i flors (« voyages et fleurs ») ainsi que le roman Tant et tant de guerre (1980). Désormais considérée comme l’un des plus grands écrivains catalans de l’après-guerre, nommée membre d’honneur de l’Association des écrivains en langue catalane, elle a fait l’objet d’une reconnaissance tardive. Son œuvre posthume, La Mort et le printemps, a été publiée sous la direction de Núria Folch (1916-2010).

Concepció CANUT

La Mort et le printemps (La mort i la primavera, 1986), Arles, Actes Sud, 1995 ; Tant et tant de guerre (Quanta, quanta guerra, 1980), Paris, Aralia, 1996 ; La Place du diamant (Plaça del diamant, 1962), Paris, Gallimard, 2006.

Obra completa, Barcelone, Edicions 62, 2008.

ARNAU C., Mercè Rodoreda, una biografia, Barcelone, Edicions 62/Proa, 2007.

RODRIGO, Antonina [GRENADE 1939]

Historienne et essayiste espagnole.

Née en Andalousie, Antonina Rodrigo vit à Barcelone. En tant qu’historienne, elle centre ses études sur l’essai et la biographie, bien que ses premiers ouvrages des années 1960 penchent vers l’histoire narrative. L’originalité de son œuvre réside dans son talent pour harmoniser érudition et style littéraire, en créant des contextes marqués et des personnages pleins d’attraits. Parmi ses écrits, indispensables à toute recherche historique rigoureuse, figurent ses importants essais sur García Lorca et Dalí : García Lorca en Cataluña (1975) ; Lorca, Dalí, una amistad traicionada (« Lorca, Dalí, une amitié trahie », 1981) ; García Lorca, el amigo de Catalunya, (« García Lorca, l’ami de Catalogne », 1984) ; Anna María Dalí y Salvador, escenas de infancia y juventud, (« Anna María Dalí et Salvador, scènes d’enfance et de jeunesse », 2008). Outre son ouvrage sur 16 figures féminines de l’Espagne (Mujeres de España, las silenciadas, 1977), elle a aussi écrit une biographie de la légendaire Mariana Pineda*, révolutionnaire sous le régime absolutiste de la monarchie du XIXe siècle, dont les revendications lui valurent la potence (Mariana de Pineda, memoria viva, 1965), puis un livre consacré à l’actrice Margarita Xirgu*, et, à travers elle, au théâtre espagnol jusqu’en 1936, début de la guerre civile (Margarita Xirgu y su teatro, 1974). En 1994, elle publie la biographie de l’auteure dramatique et première femme députée de Grenade, María Lejárraga* (María Lejárraga, una mujer en la sombra, « une femme dans l’ombre »).

Amàlia PRAT

PLUJÀ M., « Les dones de la República van perdre la història », in La Veu del Carrer, juin 1999 ; GARCÍA AV., « Las grandes perdedoras », in El País, 4 avr. 1999.

RODRIGUES, Amália DA PIEDADE REBORDAO [LISBONNE 1920 - ID. 1999]

Chanteuse portugaise.

Issue d’une famille populaire qui compte neuf enfants, Amália Rodrigues, alors âgée de 14 mois, reste à Lisbonne auprès de ses grands-parents lorsque ses parents, des artisans, regagnent leur région d’origine de la Beira Baixa. Dans un Portugal pauvre et dirigé par le dictateur António de Oliveira Salazar, elle quitte l’école à 12 ans et accumule les petits métiers : vendeuse d’oranges, repasseuse et brodeuse. Elle chante également du fado, une musique réprimée par les autorités, car les paroles, vendues dans la rue sous forme d’imprimés ou transmises de bouche à oreille, racontent de manière souvent pessimiste ou licencieuse la vie des petites gens. A. Rodrigues se fait remarquer lors dans un concours de quartier. Sa voix plaît. Sa vocation et son esprit d’indépendance lui valent cependant des relations familiales difficiles, dont un divorce, dans un contexte social très conservateur. À 19 ans, elle se produit au Retiro da Severa, une casa do fado (« maison de fado »), un cabaret spécialisé du quartier du Bairro Alto. Son succès est immédiat et la chanteuse devient rapidement une célébrité des nuits lisboètes, chantant dans les clubs, les théâtres et les revues. En 1944, une tournée au Brésil lui permet d’enregistrer ses premiers 78-tours. En 1949, elle enregistre et chante à Paris. Élevée au rang d’ambassadrice culturelle de son pays, elle devient la première et l’unique vedette internationale portugaise. Car, entre-temps, le fado a été réglementé par le régime salazariste. Expurgé de ses contenus licencieux, il s’avère un formidable outil de propagande culturelle et touristique. A. Rodrigues enregistre et joue dans de nombreux films dont Les Amants du Tage (1955) d’Henri Verneuil. En 1962, la chanteuse rencontre le compositeur Alain Oulman, qui donne à son fado une dimension plus sophistiquée en puisant notamment dans les classiques de la poésie lusophone. Sympathisant d’extrême gauche, il est expulsé du Portugal mais sa collaboration avec la chanteuse se poursuit. En 1974, c’est une chanson qui lance le signal de la révolution des Œillets et symbolise depuis la chute du régime salazariste. Grândola vila morena (« Grândola, ville brune ») n’est cependant ni un fado ni une chanson d’A. Rodrigues. Le fado est alors accusé d’avoir poussé le peuple à la résignation plutôt qu’à l’indignation et son ambassadrice d’avoir entretenu des liens trop complices avec le régime déchu. Cette éclipse au Portugal dure jusqu’en 1985, année de son retour scénique au Coliseu de Lisbonne. A. Rodrigues écrit désormais ses propres textes et reçoit la plus haute distinction portugaise. Sa carrière longue d’un demi-siècle s’achève sur un paradoxe : elle a offert au fado une reconnaissance internationale, mais cette dernière s’est réduite, hors du Portugal, à son seul nom. Ses cendres reposent au Panthéon national.

Thierry SARTORETTI

Abbey Road, EMI Columbia, 1952 ; Fado Portugues, EMI Columbia, 1965 ; Com que voz, EMI Columbia, 1974 ; Gostava de ser quem era, Columbia, 1980 ; Estranha forma da vida, Columbia, 1985.

RODRÍGUEZ, Jesusa [MEXICO 1955]

Metteuse en scène et actrice mexicaine.

Artiste inclassable de la scène mexicaine contemporaine, Jesusa Rodríguez fait le choix de rester loin des circuits institutionnels du théâtre. Dans les années 1980 et 1990, elle ouvre des lieux alternatifs où elle produit plus de 300 spectacles très critiques à l’égard du pouvoir en place. Son travail navigue aisément du cabaret au théâtre grec ou shakespearien, en passant par l’opéra et la performance à caractère militant. Le corps féminin nu est souvent le point de départ de ses mises en scène, qui visent à rendre sensible la tension entre le discours des pouvoirs traditionnels et le corps social et individuel. La place de la femme dans la société mexicaine est au centre de ses créations, qui proposent une histoire alternative du Mexique à partir de personnages féminins emblématiques.

Manuel ULLOA

COSTANTINO R., « Jesusa Rodríguez : An inconvenient woman », in Women and Performance : A Journal of Feminist Theory, vol. 11, no 2, 2000.

RODRÍGUEZ, Marcela [MEXICO 1951]

Compositrice mexicaine.

Marcela Rodríguez étudie la guitare avec Manuel Lopez Ramos et Leo Brouwer. Elle passe ensuite au luth, et interprète la musique mexicaine de la Renaissance et de l’époque baroque. En 1978, elle continue ses études de guitare à la Royal School of Music de Londres, puis s’engage dans la composition sous la direction de Mario Lavista et José Jesùs Estrada au Conservatoire national de Mexico. M. Rodríguez aime particulièrement écrire pour la voix. Elle compose des mélodies, des opéras (La Sunaminta, 1991 ; Sor Juana, 2003, sur un livret de Sandra Belgrade). Elle compose aussi pour le ballet et le théâtre, et affectionne particulièrement la musique de chambre. En 1987, elle reçoit le prix du Chamizal National Memorial pour sa musique de scène de la pièce de Juan Ruiz de Alarcón Examen de mandos, en 1988 le prix Felipe-Villanueva pour son œuvre pour orchestre Noturno, et en 1996 le prix Sor Juana pour Funesta, six arias pour soprano et orchestre de chambre d’après des poèmes de sœur Juana Inés de la Cruz*.

Odile BOURIN

SADIE J. A., SAMUEL R. (dir.), The New Grove Dictionary of Women Composers, Londres, Macmillan, 1994.