BLANQUÉ, Andrea [MONTEVIDEO 1959]
Écrivaine uruguayenne.
Née en Uruguay au sein d’une famille catalane, Andrea Blanqué part étudier la philologie hispanique en Espagne. De retour dans son pays natal en 1987, elle commence sa carrière de professeure à l’université et de journaliste dans plusieurs journaux de la capitale, dont le supplément El País Cultural. Elle entame une intense activité littéraire qui lui vaut d’être considérée comme l’une des meilleures écrivaines de la nouvelle génération. Elle est l’auteure de trois recueils de poèmes : La cola del cometa (« la traîne de la comète », 1988), Canción de cuna para un asesino (« berceuse pour un assassin », 1992) et El cielo sobre Montevideo (« le ciel de Montevideo », 1997), composé de 16 poèmes dans lesquels le moi poétique prend d’assaut la capitale uruguayenne, s’arrêtant dans les rues, les jardins, les parcs, les foires, pour s’incarner en l’un de ces éléments. Dans le recueil Y no fueron felices (« et ils n’ont pas été heureux », 1990), les contes pour enfants sont bouleversés. Au cœur des nouvelles de Querida muerte (« chère mort », 1993) se trouve la rupture d’une mémoire personnelle et féminine dans un univers détruit. Dans La piel dura (« la peau dure », 1999), A. Blanqué continue de se fondre dans des subjectivités atypiques du monde quotidien pour les faire émerger au travers de personnages mémorables comme celui de l’obèse Eunice, dans Inmensamente Eunice (« l’immense Eunice »), une de ses nouvelles les plus connues. Ses préoccupations et sujets de prédilection se développent avec plus de complexité dans les romans La sudestada (« le vent du sud-est », 2001), couronné par le prix de la révélation Bartolomé-Hidalgo, La pasajera (« la passagère », 2003), prix Liberaturpreis 2006 au Salon de Francfort, Atlántico (2006) et Fragilidad (« fragilité », 2008). Ce dernier livre présente une Mme Bovary contemporaine et uruguayenne affrontant ses insatisfactions personnelles dans le cadre de l’histoire récente, marquée par les traumatismes et la violence. A. Blanqué se distingue par sa langue claire et rigoureuse, et par l’universalité de ses histoires.
María Rosa OLIVERA-WILLIAMS
BLASKO, Sarah (Sarah Elizabeth BLASKOW, dite) [SYDNEY 1976]
Auteure-compositrice-interprète australienne.
Sarah Blasko chante à l’église avant d’entreprendre des études de littérature et de collaborer avec plusieurs formations musicales dont Acquiesce. En 2002, elle se lance dans une carrière solo et deux ans plus tard, The Overture & the Underscore, son premier opus, est disponible à la vente. En 2007, son deuxième album lui offre ses premières récompenses et renforce son univers décalé. Dans son troisième album, As Day Follows Night, elle épure ses mélodies de façon à magnifier ses paroles et rendre la chanson exclusive, en marge des classifications académiques. En quête perpétuelle de compositions novatrices, elle recherche la solitude de l’écriture. Admiratrice de Nina Simone*, elle peut tout aussi bien écouter les Talking Heads que les Beatles : un éclectisme qui se lit à travers son œuvre. En 2013, elle présente I awake, un album d’une grande ambition, porté par un orchestre symphonique et des mélodies très travaillées.
Anne-Claire DUGAS
■ As Day Follows Night, Dramatico, 2010.
BLAVATSKAÏA, Elena (ou Elena BLAVATSKY) [IEKATERINOSLAV 1831 - LONDRES 1891]
Écrivaine et théosophe russe.
Fille d’Elena Gan*, Elena Petrovna Blavatskaïa jouit dans sa jeunesse de l’enviable position sociale de sa famille. Elle reçoit une excellente éducation, apprend plusieurs langues et voyage beaucoup. En 1849, elle épouse l’obscur vice-gouverneur d’Erevan, Nikifor Blavatski, qu’elle quitte trois mois plus tard. Pendant près d’un quart de siècle, sa vie demeure alors mystérieuse. Elle semble avoir voyagé, en Égypte, en Turquie, en Grèce, en Angleterre et en France, avoir séjourné à Pskov en 1858-1859, et avoir acquis une réputation de médium. En 1873, elle arriva à New York où, avec Henry Olcott, elle fonde la Société théosophique. Entre 1879 et 1884, elle voyage en Inde et devient bouddhiste avant de rentrer en Europe. À cette occasion, la Société anglaise de recherche psychologique se livre à une investigation sur ses prétendus « pouvoirs », et la considère comme « un des imposteurs les plus accomplis [… ] de l’histoire ». Elle partage la fin de sa vie entre Paris et Londres, tout en se consacrant à l’écriture d’ouvrages occultistes. Les textes qu’elle a écrits en russe sont assez divers. De 1879 à 1884, durant son long séjour indien, elle publie sous différents pseudonymes des récits de voyage dans plusieurs journaux russes, sous forme de lettres, de nouvelles, d’articles et d’essais. Ses lettres ont été rassemblées en livres, comme Au pays des montagnes bleues. Elle y donne à voir des morceaux d’exotisme indien, mêlant description et commentaire du vocabulaire hindou, de la religion bouddhiste, des mythes locaux. Elle s’intéresse à tout ce qui est matière à rêverie fantastique ou occulte. Sa rencontre avec l’écrivain Vsevolod Soloviov, frère du philosophe Vladimir Soloviov, attire l’attention du public russe sur elle et fait un temps sa gloire dans les milieux symbolistes.
Marie DELACROIX
■ Au pays des montagnes bleues (Iz pechtcher i debreï indostana, zagadotchnye plemena na “Goloubykh gorakh”, 1893), Paris, Adyar, 1975.
■ CARLSON M., « Elena Blavatskaia », in TOMEI C. D. (dir.), Russian Women Writers, New York, Garland Publishing, 1999.
BLAY, Eva ALTERMAN [SÃO PAULO 1937]
Sociologue, femme politique et militante féministe brésilienne.
Diplômée en sciences sociales à l´université de São Paulo en 1949, Eva Alterman Blay commence à enseigner la sociologie dans cette même université en 1963. L’année suivante, elle tente d´organiser un cours de mastère sur la condition des femmes. À l’époque, ce sujet n’était pas considéré comme sérieux dans le milieu universitaire et aucun(e) étudiant(e) ne s’y était inscrit. Nullement découragée, en 1965, elle choisit comme thème d’enseignement « la participation sociale de la femme » ; ses élèves entrent en grève. En 1968, son mémoire de master, consacré aux femmes, aux écoles et à la profession, est l’un des premiers sur le genre dans le département de sociologie de l’université de São Paulo. Quatre ans plus tard, elle soutient sa thèse de doctorat sur le travail des femmes dans l’industrie. En 1983, à la fin de la dictature militaire, elle est nommée présidente du premier Conseil régional de la condition féminine de l´État de São Paulo. Dans le cadre de ses fonctions, elle adhère au Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), dont elle organise la section féminine. En vue de l’élection des députés et sénateurs en 1986, celle-ci propose un quota minimum de candidates femmes : 25 postes seront pourvus par des femmes. E. A. Blay est alors désignée première suppléante sur la liste des sénateurs. Lors de son mandat, de 1992 à 1995, elle présente un projet de loi pour légaliser l´avortement, encore interdit au Brésil.
Nadia Véronique JOURDA KOVALESKI
■ Trabalho domesticado, a mulher indústria paulista, São Paulo, Ática, 1978 ; Eu nãotenho onde morar, vilas operarias na cidade de São Paulo, São Paulo, Nobel, 1985 ; Assassinato de mulheres e direitos humanos, São Paulo, Editora 34, 2008.
■ SCHUMAHER S., BRAZIL É. V., Dicionário mulheres do Brasil, de 1500 até atualidade, Rio de Janeiro, J. Zahar, 2000.
BLAŽKOVÁ, Jaroslava [VELKÉ MEZIŘÍČÍ, AUJ. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 1933]
Journaliste et écrivaine slovaque.
Journaliste à la radio slovaque dès 1950, puis rédactrice du journal pour la jeunesse Smena de 1954 à 1956, Jaroslava Blažková en est licenciée pour des raisons politiques et travaille comme ouvrière. Depuis 1968, elle vit au Canada, où elle a travaillé, entre autres, avec plusieurs troupes de théâtre et avec la maison d’édition 68 Publishers, créée en 1971 pour publier des auteurs tchèques exilés ou censurés par le régime. Auteure populaire en Slovaquie dans les années 1960, J. Blažková a su décrire les péripéties journalières des jeunes avec humour et ironie, en oscillant entre un style tantôt soutenu, tantôt plus populaire. Sa nouvelle Nylonový mesiac (« la lune en nylon », 1961), du recueil du même nom, est adaptée au cinéma en 1965. Elle met en scène une jeune femme architecte à l’esprit libre. Son deuxième recueil de nouvelles, Jahniatko a grandi (« l’agneau et les hommes généreux », 1964), relate les désillusions de plusieurs jeunes femmes révoltées contre leur milieu familial. Dans son roman Môj skvelý brat Robinzon (« Robinzon, mon frère formidable », 1968), deux frères sont amoureux d’une même jeune fille. Quant au livre pour enfants Ohňostroj pre deduška (« le feu d’artifice pour le pépé », 1962), il raconte avec humour l’histoire d’un petit garçon à la recherche d’un cadeau d’anniversaire pour son grand-père.
Diana LEMAY
■ COLLECTIF, Slovník slovenských spisovateľov 20, storočia, Bratislava, Literárne informačné centrum, 2008 ; MIKULA V. (dir.), Slovník slovenských spisovateľov, Bratislava, Kalligram & Ústav slovenskej literatúry SAV, 2005.
BLESS – DESIGNERS [Allemagne 1997]
Étudiantes en mode à l’université d’art et de design de Hanovre et à l’université pour l’art appliqué de Vienne, Ines Kaag et Désirée Heis se rencontrent, en 1993, au concours international des jeunes créateurs de la mode à Paris. En 1995, leur premier projet, Sun Top, s’affiche sur les murs de Vienne et de Berlin. En 1997, elles déposent la marque Bless. Elles installent leurs bureaux et leurs boutiques à Paris et à Berlin. En 1998, elles utilisent un espace publicitaire dans i-D magazine pour diffuser Furwig, une perruque en fourrure. Elle est sélectionnée par Martin Margiela pour sa collection hiver 1997-1998. Leurs créations subversives, au confluent de la mode, de l’art et du design, cultivent fonctionnalité, réflexion et fantaisie. Elles présentent une collection à la Fashion Week, à Paris, sans entrer dans le système d’une collection par saison. Leurs produits sont dans une logique de production industrielle tout en ressemblant à des œuvres d’art. Bousculant les conventions, elles se laissent guider par leurs réactions à un besoin, à un nouveau matériau ou à une nouvelle technique tout en travaillant pour de grandes marques de prêt-à-porter, comme Levi’s, Adidas ou Nike. Elles proposent des objets souvent dépendants d’un utilisateur qui devra choisir comment s’en servir. On remarque quelques objets emblématiques : N°02 Disposable T-shirts (tee-shirts jetables, 1997) ; N°06 Customizable Footwear (chaussures customisées, 1998) ; N°07 Living-Room Conquerors (1999) ; N°22 Perpetual Home Motion Machines (2004) ou N°26 Cable Jewellery (câbles recouverts de bijoux et de perles, 2005). En 2004, elles conçoivent un mobile pour l’intérieur de la boutique Addition Adelaide, à Tokyo, ainsi que des mobiles et une rampe pour l’intérieur de la boutique du musée GfzK, à Leipzig. En 2003, les deux créatrices choisissent cinq travaux des Droog tandis que le collectif hollandais sélectionne cinq projets du duo allemand pour l’exposition Bless Meet Droog présentée au Droogshop, à Amsterdam. En 2006, une rétrospective à base de « wallscapes », photographies en 4 m x 3 m, BLESS Nº00 - Nº28, est présentée au Boijmanns Van Beunigen Museum, à Rotterdam. Leurs créations, en 2010, sont également exposées à la Kunsthaus Graz.
Marguerite DAVAULT
■ DIXON T. (dir.), & Fork, Londres, Phaidon, 2007 ; RAEDER M. (dir.), Bless, Celebrating 10 years of Themelessness, N°00-N°29, New York, Sternberg Press, 2006.
■ MOLHO R., « Bless : progettare perplessità », in Abitare n°454, oct. 2005 ; SILIEC Y., « Dames Natures », in Intramuros n° 123, mars-avr. 2006.
BLEY, Carla (Carla BORG, dite) [OAKLAND, CALIFORNIE 1938]
Compositrice, chef d’orchestre et pianiste de jazz américaine.
Carla Bley grandit entre la religion et la musique, enseignée par son père. Elle apprend le piano et, à 15 ans, abandonne les études, obtient un emploi de vendeuse dans une boutique de partitions, joue dans un piano-bar. Engagée comme hôtesse au club de jazz Birdland, elle rencontre le musicien Paul Bley, qui lui propose une collaboration. Elle l’épouse en 1957, commence à écrire, à composer, devient une figure importante dans le New York révolutionnaire du free-jazz, avec Pharoah Sanders, Charlie Haden et un jeune trompettiste viennois, Michael Mantler, auquel elle s’associe pour fonder le label JCOA (Jazz Composer’s Orchestra Association). En 1968, elle s’attaque à la composition d’un monument musical, Escalator Over the Hill, oratorio harmonieux et polyphonique auquel elle travaillera durant quatre ans. Opéra jazz profond où se mêlent valses, envolées éthérées et sons de big band, ce double album s’honore des meilleurs musiciens de rock et de jazz : entre autres le trompettiste Don Cherry, le guitariste John McLaughlin, le bassiste Jack Bruce, la chanteuse Linda Ronstadt*. C. Bley, qui s’est toujours plainte de l’obsession mercantile des maisons de disques, met en place avec Mantler le New Music Distribution Service, se proposant d’offrir aux artistes la liberté d’enregistrer et de distribuer leurs œuvres sans être assujettis aux multinationales. Le critique de jazz Nat Hentoff parlera de « socialisme ingénieux », seul susceptible de préserver l’indépendance créatrice, qui profitera entre autres à Gil Scott-Heron et à son fameux Winter in America en 1974. Pendant les années suivantes, C. Bley témoigne de ses constants projets d’élévation, avec Tropic Appetites, Dinner Music et Musique Mecanique. Elle symbolise l’épanouissement artistique des femmes.
Stéphane KOECHLIN
■ Escalator over the Hill, ECM, 1971 ; Tropic Appetites, ECM, 1974 ; Dinner Music, ECM, 1977 ; Musique Mecanique, Watt, 1979 ; The Ballad of the Fallen, ECM, 1983.
BLIXEN, Karen (baronne VON BLIXEN-FINECKE, née DINESEN) [RUNGSTED 1885 - ID. 1962]
Écrivaine danoise.
Sa vie et son œuvre sont placées sous le signe du double. Double du nom : Karen Blixen/Isak Dinesen (et autres pseudonymes). Double de la langue : elle a rédigé ses livres en danois et en anglais. Double du destin : ingénue un peu snob et femme de lettres éprouvée physiquement et matériellement. Double social : une baronne qui fut l’une des premières Européennes à comprendre que les Africains ont une culture et les dangers que les Blancs font peser sur elle. Double contradictoire d’une femme de colon anticolonialiste marquée par l’image du père, mais grandissant dans un milieu extrêmement féminin, qui pensait se vouer aux arts plastiques et triompha en littérature. Double intellectuel d’une femme de culture passionnée par le primitif. Double d’une inspiration qui allie le fantastique des Sept contes gothiques (1934) au réalisme de La Ferme africaine (1937), qui s’unissent en une magnifique synthèse dans un chef-d’œuvre tel que Le Champ de la douleur (in Contes d’hiver, 1942). Double narratif d’histoires à tiroir, de leurs personnages, du masque qu’ils portent et de la vie qu’ils mènent. Sous sa plume, Farah et Kamante côtoient Babette et Malin Nat-og-Dag. La conteuse jouant les Schéhérazade auprès du destin a aussi laissé des Essais (1965) traduisant son obsession de toujours voir clair dans la vie et les êtres. Un passage étonnant de La Ferme africaine raconte comment les pas d’un homme dessinent, sans qu’il s’en aperçoive, une cigogne : magnifique image du destin qu’on tisse inconsciemment, mais aussi de celui qu’elle se forgeait sans le savoir. Ses Lettres d’Afrique (1978) sont un extraordinaire document pour qui veut assister à la maturation d’une âme. Pour elle, la littérature fut une façon d’affronter la vie. Sa morale fut celle de l’aristocrate véritable : assumer son destin (dût-il s’appeler féminité car, jeune, elle aurait aimé être un garçon). Son œuvre est vouée au tragique et au désir d’être « beaucoup de femmes ». Ses livres ont inspiré les cinéastes : Orson Welles (Une histoire immortelle, 1968), Sidney Pollack (Out of Africa, 1985), Gabriel Axel (Le Festin de Babette, 1987).
Philippe BOUQUET
■ Sept contes gothiques (Seven Gothic Tales, 1934), Paris, Stock, 1955 ; La Ferme africaine (Out of Africa, 1937), Paris, Gallimard, 1942 ; Contes d’hiver (Vinter-Eventyr, 1942), Paris, Gallimard, 1993 ; Essais (Samlede Essays, 1965), Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1987 ; Lettres d’Afrique (Breve fra Afrika, 1978), Paris, Gallimard, 1985.
■ LASSON F., SVENDSEN C., The Life and Destiny of Isak Dinesen, Londres, Michael Joseph, 1970.
BLLOSHMI, Lumturi [TIRANA 1944]
Peintre albanaise.
Diplômée de l’Institut des beaux-arts de Tirana en 1968, Lumturi Blloshmi se cantonne durant vingt ans dans le secteur du dessin à la maison d’édition du livre scolaire (1968-1988), traversant ainsi discrètement la période du réalisme socialiste marquée par les œuvres idéologiques. Elle devra attendre 1989 pour intégrer la galerie nationale d’Art de Tirana en tant que spécialiste, poste qu’elle occupera jusqu’en 1995 et qui ouvrira un vrai chemin à sa carrière d’artiste. Elle multiplie alors les expositions personnelles : Tirana (1990, 1992, 2005), Salonique (1992), Madrid (1993), Budapest et Istanbul (1994), Paris (1997). Parallèlement, elle participe à plusieurs éditions du concours Onufre (concours international des arts visuels), événement artistique albanais majeur. L. Blloshmi s’est imposée par son style vigoureux et convaincant : prenant d’abord ses distances par rapport au réalisme socialiste (contours difformes, transposition du modèle naturel), elle affiche ensuite une volonté de création individuelle en fusionnant les genres et les expressions. Sa peinture passe progressivement de l’image, celle de nus en particulier, à une transposition métaphysique de celle-ci, volontairement éphémère et transcendantale. Elle préfère brouiller les pistes et privilégier des situations eschatologiques, dans une structure hétérogène des moyens d’expression. La nature humaine, celle de la femme en particulier, hante sa création, qui se veut de plus en plus complexe et imagée, soutenue par des couleurs vives et une composition intense.
Josif PAPAGJONI
BLOCH, Pierrette [PARIS 1928]
Peintre et sculptrice française.
Évoluant depuis les années 1950 vers une pratique abstraite, l’œuvre de Pierrette Bloch, en dehors de toute catégorie esthétique, joue sur le rythme, l’ambivalence entre le plein et le vide, le contraste entre le noir et le blanc. Subtile, elle se décline par séries, avec une économie de moyens, à partir de la répétition de formes élémentaires – le point, les entrelacs, l’écriture – et de couleurs quasi absentes. La petite fille éprouve ses premières émotions artistiques en 1939, devant les chefs-d’œuvre du musée du Prado exposés à Genève. C’est justement en Suisse que, fuyant la France occupée, elle se réfugie avec ses parents en 1940. Elle se plonge dans la lecture, source d’inspiration fondamentale, et assiste à des conférences d’histoire de l’art, notamment celle de René Huyghe sur la ligne, qui la conduit à s’interroger sur les relations qu’entretient le dessin avec le temps et l’écriture. À la fin de la guerre, de retour à Paris, elle suit les cours des peintres Jean Souverbie (1891-1981) et André Lhote (1885-1962) ; en 1949, elle est la première élève d’Henri Goetz (1909-1989), qui délaisse alors le surréalisme au profit de l’abstraction. Elle fait la connaissance de Colette et Pierre Soulages (1919), devenus des amis intimes. Influencées par celui-ci et Nicolas de Staël, ses premières peintures abstraites, à la texture épaisse, sont structurées par un système de grille, caractéristique des œuvres picturales d’après-guerre. Les années 1950 correspondent au début de sa reconnaissance : elle participe au Salon des réalités nouvelles (1950), dédié à l’abstraction depuis l’après-guerre ; dès l’année suivante ont lieu ses premières expositions personnelles en France et aux États-Unis, où elle séjourne régulièrement. En 1953, elle réalise ses premiers collages, puis entre dans ce qu’elle nomme ses « années d’errance » : elle se retire dans son atelier, hors de tout circuit artistique. Lorsqu’elle présente à nouveau son travail au début des années 1960, elle se concentre sur les collages et abandonne la peinture en 1965. Ses collages sont constitués de juxtapositions de feuilles encrées, tandis que ses dernières toiles sont recouvertes d’entrelacs et de traces écrites. Après un voyage à New York en 1968, elle entreprend une nouvelle série de collages, travaillant au sol sur la forme, sans plus encrer systématiquement les feuilles, et sur différents types de papier – Canson, kraft ou bristol –, qu’elle juxtapose sur de l’isorel mou. Outre ses dessins, elle conçoit, en 1973, ses premières mailles : des cordages noirs cousus sur un fond de feutrine claire. Son travail sur la répétition des gestes et de formes simples entretient une parenté avec la musique minimaliste qu’elle découvre en 1976. En 1984, elle confectionne ses Fils de crin à partir de mailles travaillées au crochet. Tendus à quelques centimètres du mur, les cordages ou ficelles peuvent atteindre une longueur de 12, 3 m (1992), et croître en volume ; leur ombre est pleinement intégrée à l’ensemble. Suivant le principe d’une écriture qui se développe dans l’espace, P. Bloch boucle son crin autour d’un fil de nylon déroulé à l’horizontale dans l’espace. Dessins et fils de crin s’influencent mutuellement, avec des lignes tantôt ondulées, tantôt bouclées, comme les séries des « grandes boucles » et des « boucles serrées ». Sa propre écriture est, elle aussi, omniprésente, reproduite depuis 1976 dans ses catalogues d’exposition, à côté de ses textes poétiques. Elle inaugure en 1994 ses « dessins de crin », où des fils de crin recouvrent un support en carton mousse présenté verticalement. À la même époque, son travail sur la ligne aboutit aux « lignes de papier », compositions sur de grandes bandes étroites de largeur et de longueur variables, comme les Fils de crin. Privilégiant toujours l’épure, elle y répète, à l’encre de Chine, l’un ou l’autre de ses motifs de prédilection : le point ou le trait. De nouveau, la musicalité ressort et leur présentation en superposition amplifie cet effet rythmique. Internationalement reconnue, P. Bloch a reçu en 1987 le Prix de la sculpture de la Biennale de La-Chaux-de-Fonds, et, en 2005, le prix Maratier, décerné par la fondation Pro-Mahj (musée d’Art et d’Histoire du judaïsme) pour l’ensemble de son œuvre. Elle a fait l’objet de plusieurs rétrospectives et figure dans de nombreuses collections publiques de par le monde.
Fanny DRUGEON
■ Sculptures et dessins de crin, collages, 1968-1998 (catalogue d’exposition), Carjac, Maison des arts Georges-Pompidou, 1998 ; Dessins, encres et collages (catalogue d’exposition), Grenoble/Paris, Musée de Grenoble/RMN, 1999 ; Pierrette Bloch (catalogue d’exposition), Paris, Centre Pompidou, 2002 ; Pierrette Bloch (catalogue d’exposition), Montpellier/Arles, Musée Fabre/Actes Sud, 2009.
BLOCHER, Sylvie [MORSCHWILLER 1953]
Artiste multimédia française.
Après une maîtrise d’arts plastiques et d’histoire de l’art à Strasbourg, Sylvie Blocher produit, au début des années 1980, avec l’écrivain Gérard Haller, des Spectacles pour rendre la vie présentable, entre performance et récits. Le dernier d’entre eux, Figuren (Festival d’Avignon, 1987), évoque l’extermination pendant la Seconde Guerre mondiale et la part imprésentable de la modernité. À la Biennale de Venise de 1988, elle est sélectionnée pour la section Aperto (Le Grand Atlas), et participe en 1991 àl’exposition 14 Contemporary Artists from France à Toronto. Sa dernière pièce construite, Déçue la mariée se rhabilla (1991), est un objet lumineux posé au sol, qu’elle décrit comme « plein d’une énergie électrique limitée, qu’on doit recharger chaque nuit, une œuvre contre toute idée d’éternité ». Voulant repenser « une modernité autoritaire sous l’angle de l’altérité » et opposer aux mécanismes de contrôle social et affectif une pratique de « décolonisation du moi », elle entreprend de rendre la parole « aux visages ». En 1992, elle commence la série des Living Pictures, fondée sur « le partage de l’autorité de l’artiste » avec des personnes rencontrées par annonces, sans casting : les participants doivent s’adresser à un visage absent, de l’autre côté de l’objectif ; l’artiste, à leurs côtés, utilise des questions comme outil de travail, jusqu’à ce que l’une d’elles les arrache à eux-mêmes. Cette « pratique de l’abandon » met à nu des affects, hors contrôle (L’Annonce amoureuse, 1995 ; Men in Gold, 2007). Traquant la singularité des corps et, en particulier, le féminin dans le corps des hommes comme une sortie possible d’une communauté autoritaire (Le Jugement de Pâris, 1995), l’image met l’accent sur le dissensus et la responsabilité éthique et politique de l’art. S. Blocher est également cofondatrice du collectif Campement urbain, avec l’architecte François Daune.
Catherine FRAIXE
■ Living Pictures and Other Human Voices : Vidéos 1992-2002, Kolten S. (dir.), Arles/Luxembourg, Actes Sud/Casino Luxembourg, 2002 ; What is Missing ? (catalogued’exposition), Sydney, MoCA, 2010.
BLOCHER-SAILLENS, Madeleine [MARSEILLE 1881 - ID. 1971]
Pasteure française.
Fille et petite-fille de pasteur, elle seconde son mari pasteur de 1905 à 1929 dans la direction d’une église baptiste, tout en assurant un enseignement à l’Institut biblique de Nogent-sur-Marne. Elle reprend les fonctions pastorales de son mari après sa mort en 1929 au sein de la paroisse qu’il a fondée, l’Église évangélique baptiste indépendante du Tabernacle, à Paris. Elle devient ainsi la première femme pasteure baptiste en France. Elle y exerce son ministère jusqu’en 1952. Très appréciée par les fidèles pour ses prédications et sa ferveur évangélique, elle a beaucoup écrit, en particulier Libérées par Christ pour son service (1961), un « plaidoyer en faveur du ministère féminin », et Témoin des années noires, journal d’une femme pasteur, 1938-1945 (1998).
Lucie VEYRETOUT
■ ENCREVÉ A. (dir.), « Les Protestants », in Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. 5, Paris, Beauchesne, 1993 ; WILLAIME J.-P., « Les Femmes pasteurs en France : socio-histoire d’une conquête », in LAUTMAN F., Ni Ève ni Marie. Luttes et incertitudes des héritières de la Bible, Genève, Labor et Fides, 1998.
■ GOUDINEAU H., NISUS A., « Bref historique sur la question des ministères féminins », in Cahiers de l’école pastorale, hors-série no 3, 2001.
BLOM, Ida [COPENHAGUE 1931]
Historienne norvégienne.
Née dans une famille d’origine huguenote française, Ida Blom travaille en Angleterre et en France comme sténodactylo trilingue, puis s’établit en Norvège après son mariage. Après avoir repris ses études universitaires, elle achève en 1972 un doctorat d’histoire à l’université de Bergen. Pionnière de l’histoire des femmes en Scandinavie, elle est professeure à l’université de Bergen (1985-2001). Elle s’intéresse à l’histoire de la médecine et de maladies comme la tuberculose ou les infections vénériennes, à l’histoire des services sociaux norvégiens et, plus généralement, des États providence scandinaves, mais aussi à la question du contrôle des naissances, des pratiques obstétricales et du statut des veuves. Ainsi, en 1980, elle publie Barnebegrensning – synd eller sunn fornuft ? (« péché ou sens commun ? le Planning familial en Norvège, 1890-1940 »). En 1992-1993 paraît, en trois volumes, Cappelens kvinnehistorie, ouvrage collectif qu’elle dirige et qui trace l’histoire globale des femmes de l’Antiquité aux temps présents. I. Blom s’intéresse également à la construction des États-nations et au rôle des femmes dans ce processus et, sur ce thème novateur, elle codirige, avec Karen Hagemann et Catherine Hall, Gendered Nations : Nationalisms and Gender Order in the Long Nineteenth Century (2000). Parmi ses articles les plus importants – elle en a écrit plus de 100 en diverses langues –, on peut citer : « From family rights to individual rights : national citizenship in Norway, 1888-1950 » (2001) ou « Les féminismes et l’État – une perspective nordique » (2004). Autre témoin d’une approche qui fut précocement transnationale et comparative, son dernier ouvrage s’intitule Medicine, Morality and Political Culture, Legislating on Venereal Disease in Five Northern European Countries, c.1870 - c.1995 (2012). I. Blom est co-fondatrice, en 1987, de la Fédération internationale pour la recherche en histoire des femmes (FIRHF/IFRWH) et devient sa première présidente de 1990 à 1995. Elle est également membre de la Commission nationale norvégienne de l’Unesco (1983-1992) et représente la Norvège au Comité international des sciences historiques. Elle est nommée membre honoraire étranger de l’Académie royale suédoise d’histoire et d’antiquités (1996) et de l’American Historical Association (2006).
Karen OFFEN
■ SOGNER S., HAGEMANN G. (dir.), Women’s Politics and Women in Politics : In Honour of Ida Blom, Oslo, Universitetet i Bergen/Cappelen Akademisk Forlag, 2000.
BLOMSTEDT, Märta (née VON WILLEBRAND) [TURKU 1899 - HELSINKI 1982]
Architecte finlandaise.
Après des études à l’Université de technologie d’Helsinki, Märta Blomstedt travaille dès 1922 dans des agences d’architecture à Turku. En 1924, elle déménage à Helsinki et se marie avec l’architecte Pauli Ernesti Blomstedt avec lequel elle collabore. Ils remportent plusieurs concours et jouent un rôle important dans le succès du Mouvement moderne finlandais. Après la disparition de son mari, elle ouvre son agence avec Matti Lampén puis, après le décès de ce dernier, continue de travailler avec Olli Penttilä jusqu’en 1972. C’est elle qui a achevé la construction de l’hôtel de Pohjanhovi à Rovaniemi, commencée par son mari, ainsi que l’église de Kannonkoski (1938). Son chef-d’œuvre est l’hôtel d’Aulanko, construit la même année, un hôtel de luxe international aux lignes épurées, démonstration d’un style fonctionnaliste. Sa conception est fondée sur une division des chambres et la possibilité d’en varier les dispositions. Elle utilise les dernières technologies, en particulier dans les cuisines, dont elle a dessiné les meubles et la décoration avec M. Lampén. Durant sa carrière, M. Blomstedt a conçu des immeubles et des ensembles de logements, des hôpitaux, des cuisines industrielles, des bureaux et des banques, ainsi que des aménagements intérieurs. La poste de Hämeenlinna (1952) et les bâtiments de la compagnie minière d’Outokumpu Oy (1957-1972), y compris le siège, Kuparitalo (1958), et Kuvalehtitalo (1961), à Helsinki, sont de bons exemples de ses travaux. Membre active de l’Association finlandaise des architectes, elle fut également l’une des créatrices de l’Association des femmes architectes en 1943.
Anna AUTIO
■ « Märta Blomstedt », in Arkkithti Uutiset, Helsinki, mai 1982 ; NIKULA R., « Märta Blomstedt », in NIKULA R., JALLINOJA R., KIVINEN P., Profiles : Pioneering Women Architects from Finland, Helsinki, Suomen Rakennustaiteen Museo, 1983.
BLOW, Sandra [LONDRES 1925 - TRURO, CORNWALL 2006]
Peintre britannique.
Fille d’un producteur de fruits, cette pionnière de l’abstraction en peinture possède un style qui associe formes géométriques et organiques dans une œuvre de coloriste. Sandra Blow quitte l’école à 15 ans pour entrer à la Saint Martins School of Art, où elle est l’élève de Ruskin Spear. Peu après la Seconde Guerre mondiale, elle étudie à la Royal Academy de Londres, puis en 1947, séjourne une année en Italie, où elle découvre l’architecture et les fresques pré-renaissantes. Elle rencontre Alberto Burri, dont elle adapte la manière de travailler avec des matériaux non nobles tels que la toile ou le goudron. À travers l’utilisation d’autres matières de rebut, tels que la sciure ou le plâtre, parallèlement aux matériaux traditionnels de la peinture, elle introduit dans l’art britannique une nouvelle forme d’expression informelle. Ainsi, les surfaces de ses images complexes sont à la fois visuelles et tactiles. L’équilibre des proportions, la tension et l’échelle font partie de ses préoccupations picturales. Elle a enseigné au Royal College of Arts dès 1961. À partir des années 1950, de retour à Londres, S. Blow développe un style calligraphique dans des dessins de paysages, tout en maintenant le geste visible dans ses peintures. Dans Space and Matter (1959) qui évoque un paysage, elle utilise un mélange de ciment liquide et de goudron pour donner des couleurs telles que l’ocre, le brun, le beige, le noir et le blanc. Son approche improvisée de la peinture la lie à ce que Michel Tapié a nommé l’« art informel ». Dans les années 1960, elle crée des collages d’inspiration décorative matissienne. Sa peinture abstraite aux couleurs vives et aux compositions dynamiques se développe alors en grandes dimensions. En 1988 et 1989, deux grands collages picturaux, intitulés Vivace et Glad Ocean, marquent son travail : Vivace est structuré par un grand signe V rouge parsemé d’éclaboussures, tandis que Glad Ocean reprend sensiblement le même élément en bleu, également obtenu en projetant de la couleur sur la toile. « À travers cette technique, elle reprend l’exemple des artistes américains expressionnistes abstraits, en l’adaptant à une forme de lyrisme ouverte et joyeuse », remarque Michael McNay (The Guardian, 23-8-2006).
Marion DANIEL
■ Space and Matter (catalogue d’exposition), St Yves, Tate Publishing, 2001.
■ BIRD M., Sandra Blow, Londres, Lund Humphries, 2005.
BLOWER, Elizabeth [WORCESTER V. 1763 - ID. apr. 1816]
Romancière britannique.
Les renseignements biographiques sont pauvres sur Elizabeth Blower. Sa famille connut des difficultés parce que le père s’était compromis avec un candidat aux élections parlementaires. Pour gagner sa vie, elle se tourna vers l’écriture de romans : The Parsonage House (« le presbytère », 1780), ouvrage épistolaire, est une satire de la littérature populaire contemporaine ; George Bateman (1782), qui présente des liens avec The Wanderer de Fanny Burney*, s’intéresse aux pratiques sexuées de la lecture et fait s’affronter morale et réalisme dans ses dialogues en dialecte ; La Visite d’été (1788) est un récit sentimental où un mariage rural se brise sur les écueils de la vie londonienne. Certains de ces titres annoncent Jane Austen* et ils furent bien reçus. On y ajoutera Poems (1782). On sait encore qu’elle fut actrice en Irlande pendant cinq ans et à Londres de 1787 à 1788.
Françoise LAPRAZ SEVERINO
■ Bateman, Roman nouveau (George Bateman, a Novel, 1782), Paris, Chomél/Marchand/Nepveu, 1804 ; Maria, ou Lettres d’un gentilhomme anglais à une religieuse (Maria, a Novel, 1785), Rome/Paris, Le Tellier, 1787 ; La Visite d’été, ou Portraits modernes (Features from Life, or A Summer Visit, 1788), Paris, Knapen et fils, 1788.
BLUEBIRD WOMAN VOIR DA SILVA-REYNA, Elayne
BLUEHORSE SKELTON, Judy [ÉTATS-UNIS XXe siècle]
Herboriste et éducatrice cherokee américaine.
Amérindienne descendante d’un milieu tribal mixte (tribus des Nez-Percés, des Cherokee et des Chickasaw), Bluehorse Skelton donne des cours sur la nature, l’environnement (Through Nativee American Lenses, « à travers les yeux des natifs ») et le développement durable à l’université de l’État de Portland. Herboriste, elle enseigne l’usage des plantes médicinales traditionnelles au National College of Naturopathic Medicine de Portland (Oregon). Responsable de projets culturels pour le Programme d’éducation indienne des écoles publiques, elle crée et anime de nombreux ateliers axés sur l’utilisation traditionnelle et contemporaine des plantes indigènes pour se nourrir et se soigner. Très sensible, de par ses origines, aux menaces portant sur le patrimoine naturel (disparition des bisons, etc.), elle axe les conférences qu’elle donne dans tout le Nord-Ouest américain sur les liens affectifs que les Indiens entretenaient avec la nature, qu’ils connaissaient et préservaient pour les futures générations, et sur la « sagesse des Anciens » (Wisdom of Elders). Conseillère de l’American Indian Science and Engineering Society, elle a obtenu le Prix du héron vert pour sa contribution à la protection et à la restauration de la rivière Tualatin, affluent du fleuve Columbia, dont les diverses espèces de saumons ont longtemps fourni aux peuples autochtones une nourriture de base. Son site Internet (www.wisdomoftheelders.org) vise à maintenir un lien permanent entre les différentes communautés indiennes, urbaines et rurales, des États de Washington, de l’Oregon et de l’Idaho, ainsi qu’à promouvoir leur culture et leur médecine traditionnelles, notamment par le biais d’émissions et de CD enregistrés par leurs conteurs.
Claudine BRELET
BLUESTOCKINGS – CERCLE LITTÉRAIRE [Grande-Bretagne XVIIIe siècle]
Un premier cercle littéraire de femmes savantes se forme à Bath, puis à Londres, dans les années 1750, autour d’Elizabeth Vesey, Elizabeth Carter*, Elizabeth Montagu*, Catherine Talbot*, Mary Delany* et Hester Chapone*. On les surnomme, de façon réductrice, les « Bas-Bleus » (Bluestockings), car un des nombreux visiteurs masculins de ces salons, Benjamin Stillingfleet, porte des bas bleus en laine plutôt que les bas de soie blanche, de rigueur le soir. Ces femmes, tantôt mariées, tantôt célibataires, voient leurs cercles de « conversation » acceptés car elles allient au savoir la vertu la plus stricte. Certaines d’entre elles ont une activité littéraire : E. Carter traduit Épictète, E. Montagu écrit sur Shakespeare, H. Chapone (qui appartient à une seconde génération) est l’auteure de traités et de récits didactiques. Le degré de reconnaissance de ces femmes savantes va de pair avec le culte de la sensibilité, qui féminise les valeurs morales et sociales dans la seconde partie du XVIIIe siècle. L’ascendant des Bas-Bleus s’estompe avec la montée du conservatisme en réaction à la Révolution française et aux guerres révolutionnaires.
Isabelle BOUR
■ MYERS S. H., The Bluestocking Circle. Women, Friendship, and the Life of the Mind in Eighteenth-Century England, Oxford, Clarendon, 1990.
BLÜH, Irén (ou Irena BLÜHOVA) [VÁGBESZTERCE, AUJ. POVAŽSKÁ BYSTRICA, SLOVAQUIE 1904 - BRATISLAVA 1991]
Photographe hongroise.
Après avoir pris ses premiers clichés en 1922, à Marikova, petit village slovaque, Irén Blüh fait ses études à l’école du Bauhaus, à Dessau, où elle apprend la typographie et le graphisme appliqué avec Walter Peterhans. En 1933, de retour à Bratislava, elle devient directrice d’une maison d’édition et d’une librairie. Elle rejoint très jeune le parti communiste, puis le mouvement de gauche Sarló (« faucille ») et son cercle de photographes d’avant-garde. Elle milite activement en politique, mettant son art de la sociophotographie au service de ses engagements. Elle fonde, avec d’autres artistes, le groupe Socio-photos ; en 1935, ses photos sont choisies pour la couverture de Brachland, un livre de Peter Jilemnický. Elle est organisatrice et collaboratrice de Műhely (« studio »), groupe de théâtre d’avant-garde et de propagande politique. En 1938-1939, elle fréquente l’école cinématographique de Pozsony (auj. Bratislava) dans la classe de Karel Plicka. En 1941, elle rejoint le mouvement clandestin antifasciste. Entre 1945 et 1948, elle dirige la maison d’édition Pravda, puis une bibliothèque jusqu’en 1966. Cette année-là, elle se retire de la vie politique et se consacre ensuite à la photographie.
Csilla CSORBA
■ Irena Blühová fotografic (catalogue d’exposition), Čadca (Slovaquie), Kysucké Múzeum, 1979 ; Magyarok a Bauhausban. A művészettől as életig, Modern Képtár, 2010.
■ GASSNER H. (dir.), Wechselwirkungen. Ungarische Avantgarde in der Weimarer Republik, Marbourg, Jonas, 1986.
■ ALBERTINI B., « Beszélgetés Irene Blühovával », in Fotóművészet, no 1, 1984.
BLUME, Anna (née HELMING) [BORK 1937]
Photographe allemande.
Anna et Bernhard Blume (1937-2011) se rencontrent à l’université d’art Staatliche Kunstakademie de Düsseldorf en 1960, où ils étudient jusqu’en 1965. B. Blume continue des études de philosophie à Cologne, où le couple s’installe et travaille ensemble. La plus grande partie de leur œuvre est composée de séquences photographiques en noir et blanc dans lesquelles ils se mettent en scène au sein d’un intérieur petit-bourgeois, dans des situations domestiques toujours déjantées, qui dessinent une vision loufoque, parfois surnaturelle, voire cartoon, du mode de vie contemporain. Ainsi, dans Kuchenkoller (1985-1986), une ménagère est attaquée par un essaim de pommes de terre ; dans Vasenextase (1987), un homme subit les assauts d’un vase volant. L’objet, quotidien ou plus sophistiqué, comme les éléments abstraits et géométriques des séries Abstrakte-Kunst (2000-2004) ou Trans-Skulptur, semble mener les personnages, totalement dépassés ou empêtrés par leur environnement matériel, ou bien par des éléments naturels, comme les arbres de la série burlesque Im Wald (1987-1990), où le couple en voit de toutes les couleurs dans une forêt, la nuit. Mais sous ses apparences drolatiques, leur œuvre, nourrie des pensées kantienne, hégélienne ou sartrienne, interroge les concepts de normalité et de folie, la perception de la nature et de la vérité, comme le souligne Luc Desbenoit (Télérama). D’un point de vue technique, A. et B. Blume refusent le numérique et prennent en charge la chaîne de production des photos dans son entier : les costumes, les décors, le développement des négatifs, les retouches – directement sur le négatif –, les agrandissements. Par intermittence, ils élaborent, dès 1975, des Polaroid, dont une partie sera exposée à la Maison européenne de la photographie en 2010 (SX 70, Polaroids, 1975-2000). L’ouvrage Das Glück Ist Ohne Pardon, Joy Knows No Mercy (2003) montre certains de ces travaux. Le travail d’A. et B. Blume a été abondamment montré, notamment au MoMA à New York en 1989, au Martin-Gropius-Bau à Berlin en 2010 à l’occasion du 60e anniversaire de la création de la République fédérale d’Allemagne, et plus récemment au musée cantonal des Beaux-arts de Lausanne lors de l’exposition Incongru, quand l’art fait rire (2011-2012). Ils ont gagné plusieurs prix, dont le Berliner Kunstpreise (2000).
Anaïs DE SENNEVILLE
■ Das Glück Ist Ohne Pardon, Joy Knows No Mercy (catalogue d’exposition), Meyer W. (dir.), Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 2003.
BLUSZCZ – HEBDOMADAIRE [Pologne depuis 1865]
Devenu une institution, Bluszcz (« lierre »), magazine pour les femmes fait par des femmes, est extrêmement populaire entre 1865 et 1939. Cet hebdomadaire illustré propose des modèles de robes en vogue et de broderies, des recettes et des conseils concernant la vie du foyer, mais a également pour ambition d’instruire. Très prisé pour les romans-feuilletons et les essais historiques qu’il publie, il tire profit de son prestige pour contribuer à former le goût littéraire de ses lectrices en leur faisant découvrir des écrivaines comme Eliza Orzeszkowa* ou Maria Dąbrowska*, et des écrivains comme Adam Asnyk ou K. I. Gałczyński. Plusieurs générations de Polonaises ont lu ce magazine relancé en 2008 et de nouveau vendu en kiosque avec un contenu littéraire toujours prononcé. Maria Ilnicka, Zofia Seidlerowa, Stefania Podhorska-Okołów et Wanda Pełczyńska en ont été les rédactrices en chef successives.
Justyna ZYCH
BLUWSTEIN, Rahel VOIR RACHEL
BLY, Nellie (Elizabeth Jane COCHRAN, dite) [PENNSYLVANIE 1864 ou 1867 - NEW YORK 1922]
Voyageuse et reporter américaine.
C’est à 18 ans qu’Elizabeth Jane Cochran débute dans le journalisme, embauchée au Pittsbugh Dispatch après avoir adressé au journal une chronique signée l’Orpheline solitaire. Devenue correspondante sous le pseudonyme de Nellie Bly, titre d’une chanson de l’époque, elle se spécialise d’emblée dans les reportages sur les conditions de vie des femmes actives et des ouvriers dans les usines. Quand ses employeurs l’affectent à des rubriques plus traditionnelles – jardinage, cuisine, mode –, elle démissionne et part pour le Mexique, d’où elle envoie des enquêtes sur la corruption et la pauvreté. Après son expulsion par le gouvernement mexicain, elle va à New York et entre au New York World, le journal de Joseph Pulitzer. Cependant, elle n’accèdera pas à la célébrité par le reportage social mais par un pari lancé par J. Pulitzer : faire le tour du monde en moins de quatre-vingts jours. N. Bly part le 14 novembre 1889, et relève le défi sans encombre, de bateau en train, d’omnibus en pousse-pousse. Elle n’a pas vu grand-chose des pays visités, mais son voyage très médiatisé grâce à son talent de conteuse lui assure une liberté de plume dont elle profitera par la suite. En 1895, elle épouse un industriel millionnaire. Veuve en 1905, elle entreprend de réformer l’entreprise de son mari selon des principes sociaux novateurs (suppression du travail à la pièce, construction d’un centre de loisirs pour les ouvriers, d’un club de pêche et de chasse, d’une bibliothèque). Elle fait néanmoins faillite et fuit ses créanciers en se rendant en Angleterre alors même que la Première Guerre mondiale fait rage. Elle y retrouve son métier et exerce comme correspondante de guerre jusqu’en 1919. De retour à New York, elle consacre ses derniers reportages aux enfants abandonnés (pour le New York Evening Journal). Elle est saluée comme une grande figure du journalisme par toute la presse américaine.
Christel MOUCHARD
■ Around the World in Seventy-Two Days, New York, Undialog Publications, 2003.
BLYTON, Enid [LONDRES 1897 - ID. 1968]
Auteure pour enfants britannique.
Enid Blyton est née dans une famille modeste, déchirée par le divorce de ses parents. Après des études de musique, elle suit une formation pour enseigner à des enfants et est nommée institutrice à Ipswich de 1916 à 1918. Elle commence à écrire, publie un livre en vers (Child Whispers, « chuchotements d’enfants », 1922), décidant peu après de se consacrer entièrement à l’écriture. Après un divorce et un remariage, elle publie à partir de 1942 la célèbre série Le Club des cinq (The Famous Five), traduite en 70 langues, puis en 1949 les aventures de Oui-Oui (Noddy), suivies d’autres séries comme Le Clan des sept (The Secret Seven), en tout plus de 700 livres, sans compter des nouvelles, la réécriture de plusieurs épisodes du Nouveau Testament sous forme d’histoires et des dizaines de milliers de pages d’inédits. Les aventures qui s’y déroulent répondent à une formule très précise : vocabulaire limité, personnages fades et stéréotypés, situations conventionnelles, sexistes et antiféministes à souhait, morale traditionnelle et manichéenne. Les décors sont idylliques, les personnages restent sagement à leur place dans la société et les enfants sont bien élevés. En revanche, par un contraste où les péripéties trouvent précisément leur origine, les mères sont négligentes ou despotiques, les familles en général désunies et les femmes, surtout âgées, toujours seules et malheureuses, entourées d’hommes brutaux. Seul, l’enfant réussit à vaincre l’adversité. Admirable est ainsi la capacité d’E. Blyton à se projeter dans l’âme des enfants et à y séjourner, éloignée du quotidien, prise par une inventivité jamais lassante qui défie la stéréotypie des situations livre après livre. Il est aisé d’y voir une occultation des problèmes de chaque jour, une façon d’embellir une vie décevante, mais il n’empêche qu’on lui doit d’avoir suscité et entretenu la passion de la lecture chez des millions d’enfants.
Michel REMY
■ RUDD D., Enid Blyton and the Mystery of Children’s Literature, New York, Saint-Martin’s Press, 2000 ; STONEY B., Enid Blyton, the Biography, Stroud, Tempus, 2006.
BOAL, Aida [RIO DE JANEIRO 1929]
Designer et architecte brésilienne.
Étudiant l’architecture au moment où l’architecture moderne brésilienne est à son apogée, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Aida Boal conçoit plusieurs immeubles résidentiels à Rio de Janeiro. En 1969, elle s’attelle à un projet de grande envergure en mettant au point le design modulaire de 40 hôpitaux en Amazonie à partir de matériaux préfabriqués anglais. Elle est également responsable du projet de restauration d’un ensemble d’architecture coloniale brésilienne à Rio, qui abrite un centre universitaire, la faculté Candido-Mendes. Dès ses premières constructions, A. Boal essaie de concevoir des meubles compatibles avec l’architecture moderne telle qu’elle la pratique. Elle dessine tout d’abord des meubles pour son usage personnel et celui de sa famille, mais ils sont peu à peu fabriqués en petite série pour être vendus. Elle est responsable de la conception de 16 chaises en bois massif, dont la forme correspond à la coupe et à la fabrication les plus économiques possibles. De cette recherche naîtra un équilibre parfait entre la forme (le dessin, le trait) et le matériau, alors que beaucoup de designers de cette époque mettent l’accent uniquement sur le matériau, créant des meubles extrêmement lourds qui gaspillent les bois nobles comme le jacaranda et l’imbuia. A. Boal a conçu sa résidence personnelle comme un modèle mettant en œuvre les principes de l’architecture moderne ; elle en a également créé les lampadaires, toujours avec ce sens de la dématérialisation qui lui est propre.
Ethel LEON
■ LEON E., Design brasileiro, quem fez quem faz, Rio de Janeiro, Viana & Mosley/Senac, 2005 ; LOSCHIAVO DOS SANTOS M. C., O móvel moderno no Brasil, São Paulo, studio Nobel, Fapesp, Edusp, 1995.
BOAS, Franziska [NEW YORK 1902 - SANDISFIELD 1988]
Anthropologue, chorégraphe et danseuse américaine.
Fille cadette de l’anthropologue Franz Boas, diplômée en zoologie et chimie, Franziska Boas se découvre une vocation pour la danse grâce aux cours de Bird Larson, qui lui apprend à associer la danse à la santé corporelle et mentale. Elle s’initie à l’anthropologie en 1930, collaborant avec son père à l’analyse et au catalogage des documents qu’il a recueillis quarante ans auparavant auprès des groupes kwakiutl de l’île de Vancouver. En 1933, elle fonde la Boas School of Dance, à New York. À l’instar de son père, qui a révolutionné l’anthropologie en défiant les préjugés raciaux qui dominaient la discipline, elle a été une des premières enseignantes des États-Unis à faciliter l’accès des Afro-Américains à son école de danse, dans une période de forte ségrégation. Son rôle est fondamental dans l’instauration d’une ethnologie de la danse. En 1942 et 1946, elle organise deux importants séminaires à New York avec plusieurs anthropologues de renom comme Margaret Mead*. The Function of Dance in Human Society (1944), ouvrage de référence, regroupe la somme des travaux du premier séminaire. À partir de 1958, elle maintient une correspondance avec plusieurs spécialistes, en particulier Gertrude Kurath pour établir l’objet, les objectifs et le rôle de la danse à l’intérieur du champ anthropologique. En 1950, nommée chef du département danse et éducation physique du Shorter College, en Géorgie, elle y donne des cours de danse dans une perspective anthropologique. Pendant sa retraite, elle participe au Sandisfield Arts Council(Massachusetts) et maintient ses activités de danseuse et d’éducatrice, tout en luttant contre la maladie.
Vinicius FERREIRA et Miriam GROSSI
■ « Percussion music and its relation to the modern dance », in The Dance Observer, juin 1940 ; « Psychological aspects in the practice and teaching of creative dance », in The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 2, 1943.
■ FOULKES J. L., Modern Bodies : Dance and American Modernism from Martha Graham to Alvin Ailey, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002.
BO BARDI, Lina (née Achillina BO) [ROME 1914 - SÃO PAULO 1992]
Designer et architecte italo-brésilienne.
Ayant quitté l’Italie pour le Brésil en 1947, Lina Bo Bardi est chargée, avec son mari, le marchand et critique d’art Pietro Maria Bardi, de la construction du Musée d’art de São Paulo (Masp). Sa participation est fondamentale, notamment pour les aménagements intérieurs. Ancienne collaboratrice de l’architecte Gio Ponti, elle conçoit la muséographie du Masp, inspirée du plan libre de Le Corbusier, en transformant des plaques de verre en cimaises au sommet desquelles les tableaux semblent flotter. Professeure à l’Institut d’art contemporain, créé au sein du Masp, elle s’inspire pour son cours de l’enseignement dispensé au Bauhaus, à Dessau, et à l’Institut de design de Chicago de Moholy-Nagy. Elle ouvre, avec l’architecte italien Giancarlo Palanti, le Studio Palma, entreprise de fabrication de meubles modernes en bois, contreplaqué et métal. L’institut ayant fermé ses portes en 1954, elle entreprend des recherches sur la culture populaire brésilienne et ses artefacts. L. Bo Bardi conduit plusieurs projets d’architecture d’envergure, comme le SESC-Pompéia, un ancien édifice industriel qu’elle transforme en centre culturel et sportif avec une extension contemporaine, la Maison de verre, sa résidence personnelle construite à São Paulo en 1951, ou la Maison du Benin, à Salvador (Bahia). Renonçant aux principes du design industriel, elle conçoit pour ses réalisations architecturales des meubles inspirés de la culture vernaculaire de l’Amérique latine. Personnalité essentielle du Mouvement moderne brésilien, elle établit des ponts avec d’autres créateurs dans les domaines de la musique, du cinéma et de l’art en général. Son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions monographiques : Prater de Munich (2000) ; Biennale de Venise (2004) ; Masp de São Paulo (2006) ; Henry Moore Institute de Leeds (2009), pour les plus récentes. Elle participe à l’exposition collective When Lives Become Form : Creative Power from Brazil présentée au Museum of Contemporary Art de Tokyo, en 2008, et au City Museum of Contemporary Art de Hiroshima, en 2009.
Ethel LEON
■ Tempos de grossura, o design no impasse, São Paulo, Instituto Pietro et Lina Bardi, 1997.
■ DE OLIVEIRA O., Sutis Substancias da arquitectura de Lina Bo Bardi, Barcelone/São Paulo, Gustavo Gili/Romano Guerra, 2006 ; LEON E., Design brasileiro, quem fez qem faz, Rio de Janeiro, Viana & Mosley/Senac, 2005.
BOBILLIER, Marie (pseud. Michel BRENET) [LUNÉVILLE 1858 - PARIS 1918]
Musicologue française.
Établie à Paris en 1871 et devant renoncer à une carrière d’interprète pour cause de maladie, Marie Bobillier, connue sous le pseudonyme masculin de Michel Brenet, se consacre à la recherche musicologique. Après des travaux sur la symphonie – Grétry, Ockeghem, Sébastien de Brossard ou Goudimel –, elle rédige des études spécialisées dans des revues d’érudition : « Notes sur l’histoire du luth en France » (Rivista Musicale Italiana, 1898-1899) ; « Deux comptes de la chapelle-musique des rois de France » (Sammelbände der Internationalen Musik-Gesellschaft, 1904-1905) ; « La librairie musicale en France de 1653 à 1780 » (Sammelbände der Internationalen Musik-Gesellschaft, 1906-1907). Outre un livre sur Haendel (1913), un sur La Musique militaire (1917) et la publication de 41 pièces pour piano de Boëly (1915), on lui doit trois ouvrages de référence : Les Concerts en France sous l’Ancien Régime (1900), qui sert encore de base aux travaux sur le sujet ; Les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais (1910), fruit d’un long dépouillement de documents inédits ; un Dictionnaire pratique et historique de la musique, terminé par Amédée Gastoué (1926), réunissant les termes du langage musical, travail qui fait encore autorité.
Marcelle BENOIT
■ Notes sur l’histoire du luth en France (1898-1899), Genève, Minkoff, 1973 ; Les Concerts en France sous l’Ancien Régime (1900), New York, Da Capo Press, 1970 ; Les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais (1910), Genève, Minkoff, 1973.
■ LA LAURENCIE L. de, « Michel Brenet, nécrologie » in Revue de musicologie, no 1-4, 1919.
BOBROVA, Lidia (ou LIDIYA) [ZABAÏKALSK, AU-DELÀ DU LAC BAÏKAL 1952]
Réalisatrice russe.
Elle suit à quelques années d’intervalle sa compatriote Kira Mouratova* au VGIK, la très réputée école nationale de cinéma de Moscou, mais son accès à la réalisation est beaucoup moins direct que celui de sa célèbre aînée. En effet, Lidia Bobrova étudie tout d’abord l’histoire à l’université de Leningrad, dont elle sort diplômée en 1975, avant d’occuper un poste à la bibliothèque de l’Institut expérimental de médecine de la même ville. Soucieuse de ne pas soutenir le régime en vigueur par son travail, elle s’inscrit aux cours d’écriture de scénarios au VGIK (1978-1983), puis à ceux de réalisation (1987-1989). Son scénario de film de fin d’études, Oh ! vous, mes oies (Oy, vy, gusi), est rejeté car considéré comme trop en rupture avec l’idéologie officielle, et il lui faudra attendre les effets de la perestroïka pour pouvoir le tourner (1991). Ce premier long-métrage, sélectionné dans de nombreux festivals, reçoit de multiples récompenses en 1992 (Grand Prix du meilleur premier long-métrage européen, Grand Prix SACD du meilleur scénario, Festival premiers plans à Angers, Grand Prix du meilleur premier film du Festival international du film de Moscou). Son second film, le documentaire Dans ce pays-là (V toy strane, 1997) sera également diffusé et primé en France comme à l’étranger en 1998 (Grand Prix du jury au Festival international de films de femmes de Créteil, Grand Prix du public aux Rencontres internationales de cinéma de Paris, Festival de Berlin, entre autres), tout comme son film de fiction suivant : Baboussia (Babusya, 2003). À l’instar de ses autres films, elle en a écrit le scénario. Chroniques personnelles de la Russie contemporaine incarnées par des personnages simples dans des histoires intimistes, le cinéma de L. Bobrova propose une vision tragi-comique d’un pays en mutation.
Brigitte ROLLET
BOCCASSINI, Ilda [NAPLES 1949]
Procureure italienne engagée dans la lutte contre la mafia et la corruption.
Entrée en 1979 dans la magistrature à Brescia puis à Milan, Ilda Boccassini vouera sa vie au rétablissement de la loi en Italie. À la fin des années 1980, elle participe à la Duomo Connection, première grande investigation nationale sur l’infiltration mafieuse en Italie du Nord. Devenue amie du juge Falcone, elle demande, malgré le danger, son transfert en Sicile en 1992 pour traquer les assassins du magistrat. Son enquête, modèle d’efficacité, aboutit l’année suivante à l’arrestation de Toto Riina, parrain de Cosa Nostra. De retour à Milan en 1994, elle succède à Antonio Di Pietro à la tête de la cellule de l’opération Mains propres, qui met au jour un système de corruption généralisée et de collusion de la classe politique et des milieux d’affaires italiens. Ses enquêtes sur le terrorisme conduisent à l’arrestation de suspects des Nouvelles Brigades rouges en 2007. Promue procureure à la cour de Milan, elle contribue en 2010, avec le parquet de Reggio de Calabre, à deux ans d’investigations secrètes et méticuleuses qui révolutionnent la compréhension de la ‘Ndrangheta calabraise et mènent à l’arrestation de l’intouchable parrain Domenico Oppedisano et de 300 mafieux. Durant 15 ans, elle a travaillé aux enquêtes concernant Silvio Berlusconi, qui réussit à échapper à la justice grâce aux « lois de la honte » jusqu’en 2011, lorsque éclate le « Rubygate ». Chargée de l’affaire avec deux autres procureurs, I. Boccassini inculpe le Cavaliere de recours à la prostitution de mineurs et d’abus de pouvoir, accélérant ainsi sa chute. Malgré les nombreuses attaques personnelles, les menaces et l’inquiétude pour ses enfants, cette magistrate courageuse et inflexible n’a pas reculé dans son combat pour l’état de droit. Esprit libre, elle a contribué à la prise de conscience par l’opinion publique des fléaux qui gangrènent la société italienne, et à faire reculer la peur. En témoignent par exemple le mouvement Addiopizzo contre le racket mafieux et les associations de femmes en lutte contre la mafia.
Jacqueline PICOT
BOCH, Anna [SAINT-VAAST 1848 - BRUXELLES 1936]
Peintre belge.
Issue d’une riche famille d’industriels, Anna Boch suit des cours de dessin, comme toute jeune fille de bonne famille, mais le niveau de culture de sa famille la pousse à poursuivre cet enseignement. À partir de 1864, elle fréquente les cours d’Euphrosine Beernaert (1831-1901) et, à l’instar de celle-ci, produit des paysages d’atelier. Sa découverte de la peinture en plein air auprès d’Isidore Verheyden constitue le premier véritable tournant dans son œuvre. Ses tableaux deviennent alors progressivement plus lumineux, prenant des accents impressionnistes. En 1883, son cousin, l’avocat et critique d’art Octave Maus, fonde à Bruxelles le groupe des Vingt (ou les XX), dont l’ambition est de diffuser l’art moderne d’avant-garde en Belgique. A. Boch y adhère et rencontre alors Théo Van Rysselberghe, qui devient son professeur. Sous son influence, elle se convertit au néo-impressionnisme et produit plusieurs œuvres divisionnistes, portraits, paysages et natures mortes. Elle expose alors à Bruxelles mais aussi au Salon des indépendants à Paris (1891 et 1892). En 1893, elle abandonne progressivement le divisionnisme pour travailler par touches et plans plus larges. En 1904, elle adhère au mouvement Vie et Lumière des « luministes » belges. Au tournant du siècle, elle voyage beaucoup, notamment avec son frère, le peintre Eugène Boch. De Bretagne, elle rapporte la série des Côtes bretonnes, qui lui vaut la consécration officielle : l’une de ses œuvres est acquise en 1902 par les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
Marie GISPERT
■ Anna Boch, 1848-1936 (catalogue d’exposition), Thomas T., Dulière C. (dir.), Tournai/Morlanwez, La Renaissance du livre/musée royal de Mariemont, 2000 ; Anna Boch, catalogue raisonné, Thomas T., Lenglez M., Duroisin P. (dir.), Bruxelles, Racine, 2005.
BOCK, Gisela [KARLSRUHE 1942]
Historienne allemande.
Après des études à Fribourg, Paris, Berlin et Rome, Gisela Bock obtient son doctorat en 1971 pour un travail sur Thomas Campanella et passe son habilitation en 1984 avec une thèse sur la stérilisation forcée sous le national-socialisme qui déclenche une mémorable querelle entre historiennes, en particulier avec la chercheuse américaine Claudia Koonz. Elle enseigne d’abord à la Freie Universität de Berlin puis occupe la chaire d’histoire européenne à l’Institut universitaire européen de Florence. Elle est nommée en 1989 à Bielefeld sur la chaire nouvellement créée de Geschlechtergeschichte (« histoire des rapports de sexe ») puis enseigne de 1997 à 2007 comme professeure d’histoire moderne à la Freie Universität de Berlin. Elle assure de nombreux enseignements comme professeure invitée à Zurich, Paris (EHESS) et à la Central European University de Budapest. G. Bock s’intéresse à trois domaines de recherche. Elle se tourne d’abord vers la philosophie et la politique de la Renaissance italienne, publiant Thomas Campanella : politisches Interesse und philosophische Spekulation (1974) puis, avec Q. Skinner et M. Viroli, Machiavelli and Republicanism (1990). Son second champ de recherche est lié à son engagement pour la cause des femmes et touche à l’histoire des femmes saisie dans une perspective comparative, à la fois dans la longue durée (Die europäische Querelle des femmes. Geschlechterdebatten seit dem 15. Jht, avec M. Zimmermann, 1997) et à l’échelle européenne. G. Bock est, en 2000, l’auteure de l’ouvrage consacré aux femmes dans la collection « Faire l’Europe » dirigée par Jacques Le Goff (Frauen in der europäischen Geschichte : vom Mittelalter bis zur Gegenwart). Elle consacre également de nombreux articles à l’histoire du travail domestique et au mouvement syndical des femmes américaines et offre une approche théorique originale de l’histoire du genre dans des revues comme Geschichte und Gesellschaft (1988) ou Gender and History (« Women’s history and Gender history : Aspects of an International Debate », 1989). Son domaine de recherche le plus spécifique concerne le national-socialisme et les femmes, et plus particulièrement la politique antinataliste menée par un régime qui prônait par ailleurs le culte de la mère. Elle s’intéresse aux « femmes ordinaires » et montre la diversité de leurs comportements vis-à-vis du régime nazi et de sa politique en matière de natalité (« Ganz normale Frauen : Täter, Opfer, Mitlaüfer und Zuschauer im Nationalsozialismus », « des femmes très normales : bourreaux, victimes, complices et spectateurs du national-socialisme », 1997). Elle s’attache particulièrement aux femmes qui, considérées comme non conformes à la race, sont stérilisées de force. G. Bock contribue au cinquième volume de L’Histoire des femmes en Occident (1992) et édite avec Karin Hausen et Heide Wunder la série Geschichte und Geschlechter (Campus Verlag). Elle est membre du comité de rédaction de Geschichte und Gesellschaft et publie dans des revues étrangères, telles que Gender and History et Signs (notamment« Racism and sexism in Nazi-Germany : Motherhood, Compulsory Sterilization and the State », 1983). Elle travaille à l’édition de Neue Briefe und Dokumente de Friedrich Meinecke, dixième volume des œuvres complètes de cet historien des idées opposant au régime nazi.
Marie-Claire HOOCK-DEMARLE
BODD, Lisbeth [1958]
Performeuse et artiste de cirque norvégienne.
Lisbeth Bodd est la cofondatrice, avec le peintre Alse Nilsen comme scénographe, du Verdensteatret (« théâtre du monde »), compagnie libre fondée à Bergen en 1986 et basée à Oslo. Elle travaille avec les moyens du cirque, mais peu à peu les techniques de la performance et de l’installation dominent sa production artistique. En 1989, elle dirige Badehuset (« la maison des bains »), spectacle basé sur un texte de Cecilie Løveid* et présenté à l’extérieur d’Oslo avec un jeu sur l’architecture alentour. Par la suite, au sein du Verdensteatret, elle élabore des installations avec des figures animées et des films sonorisés avec de la musique concrète. Ses dernières productions avec le Verdensteatret se rapprochent d’un théâtre de récit, composé de tableaux mécaniques et conceptuels. Elle développe ses projets à partir d’expéditions et de longs voyages pour trouver des matériaux, créant ainsi une dimension nomade dans son art : elle cherche des paysages qui lui fournissent des images-documents qu’elle inclut dans ses productions, en combinaison avec la sonorisation. Elle essaie de créer des espaces dialogiques avec des scènes de méditation et de haute sophistication. Son spectacle Konsert for Grønland (« concert pour le Groenland ») obtient le prix Bessie (New York Dance and Performance Award) en 2006.
Knut Ove ARNTZEN
BODENWIESER, Gertrud (Gertrud BONDI, dite) [VIENNE 1890 - SYDNEY 1959]
Danseuse et chorégraphe australienne.
Issue de la haute bourgeoisie autrichienne juive assimilée, Gertrud Bondi étudie le ballet auprès de Carl Godlewski, puis s’engage dans une formation moderne, suivant l’enseignement des écoles Delsarte, Dalcroze, Mensendieck et Laban. Elle adopte son nom d’artiste en 1917, donne dès 1919 sa première soirée de solos, ouvre un studio, puis crée en 1923 le Bodenwieser Gruppe, compagnie féminine. Elle y développe un style fluide, à l’écoute de la musique qui valorise la personnalité artistique. Ses œuvres, toujours clairement structurées, traitent de thèmes inspirés de la peinture expressionniste, de la psychanalyse, de la vie moderne (Le Démon machine, 1923 ; Les Grandes Heures, vision de l’époque, 1932) ou du contexte politique (Les Masques de Lucifer, 1936). Invitée en 1920 à introduire la danse à l’Académie nationale de musique et d’art dramatique de Vienne, elle y développe un enseignement complet, fondé sur une fine analyse des principes dalcroziens, quelques éléments du système labanien, un travail corporel poussé, l’improvisation et la composition. Elle y établit un cursus professionnel comprenant notamment des cours de gymnastique, de danses traditionnelles, d’histoire de la danse, de théorie de la musique et d’arts plastiques. Parallèlement, elle collabore régulièrement avec le monde du théâtre, en particulier avec Max Reinhardt, enseignant dans son séminaire ou participant à ses mises en scène (Le Miracle, 1927). En 1938, au lendemain de l’annexion de l’Autriche par le IIIe Reich, elle renonce à son poste à l’Académie. Après un passage en France et une tournée en Colombie, elle s’installe en 1939 à Sydney avec une partie de sa troupe – rebaptisée The Bodenwieser Viennese Ballet –, ouvre une école et tourne intensément en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, en Rhodésie et en Inde. Auteure de trois cents chorégraphies, dont une centaine en Australie, elle crée des œuvres donnant toujours une importance centrale à l’expérience humaine, au cœur des tragédies et drames de son temps : Cain and Abel (1941), O World (1945), Life of the Insects (1949), Errand into the Maze (1954). Ayant perdu son mari, assassiné à Auschwitz, elle témoigne d’un rare courage dans la poursuite de ses projets artistiques. Son style et son répertoire ont été transmis par quelques disciples en Angleterre et en Australie.
Laure GUILBERT
■ The New Dance, Vaucluse, Rondo Studies, 1970.
■ WARREN V. et C. (dir.), Gertrud Bondenwieser and Vienna’s Contribution to Ausdruckstanz, Amsterdam, Harwood Academic Publishers, 1999.
BODICHON, Barbara LEIGH SMITH [WHATLINGTON 1827 - ROBERTSBRIDGE 1891]
Peintre et militante féministe britannique.
Fille aînée du député Benjamin Leigh Smith et de la modiste Anne Longden, Barbara Leigh Smith s’inscrit dans une tradition familiale d’amateurs d’art – son grand-père était mécène et collectionneur – et de radicalisme politique. Grâce à l’esprit ouvert de son père, qui traite de manière égale ses filles et ses fils, elle peut choisir sa voie. Tout en fréquentant alors des cours de droit et d’économie, elle apprend la peinture au Ladie’s College Bedford Square de Londres, à partir de 1849, et bénéficie des conseils de la part d’artistes comme Peter De Wint ou David Cox. Assurée d’une rente confortable par son père, elle ne renonce pas pour autant à donner un tour professionnel à sa création. Installée à Hastings, elle expose régulièrement, et ses œuvres se vendent. Jeune femme indépendante, elle voyage aussi, en Europe et en Afrique du Nord. En 1857, lors d’un séjour à Alger, elle fait la connaissance du médecin français Eugène Bodichon et l’épouse. Avant tout peintre de paysage, inspirée par les campagnes et les côtes du Sussex où elle a passé son enfance, elle met en scène la nature qui l’environne, dans une veine romantique. Elle s’inscrit dans la tradition anglaise de l’aquarelle et préfère le plus souvent cette technique à l’huile, accordant un rôle prépondérant à la couleur. Proche des paysagistes français Jean-Baptiste Camille Corot et Charles François Daubigny, elle suit les principes de l’école de Barbizon et peint le plus souvent en plein air. Avec sa découverte de l’Algérie, elle trouve de nouveaux motifs dans la nature d’Afrique du Nord. En 1857, elle compte parmi les membres fondateurs de la Society of Female Artists, qui permet aux professionnelles comme aux amatrices d’exposer leurs œuvres. Se déclarer artiste, profession que la future Madame Bodichon, comme on l’appellera, indiquera dans son contrat de mariage, est, pour elle et le cercle qu’elle fréquente, une manière d’affirmer son indépendance. En 1854, elle écrit son premier texte politique : A Brief Summary of the Most Important Laws of England Concerning Women (« un bref résumé des plus importantes lois d’Angleterre concernant les femmes »), catalogue sous forme de réquisitoire de toutes les lois anglaises affirmant l’inégalité entre les hommes et les femmes. Elle poursuit son œuvre en lançant successivement des campagnes pour les droits équitables du mariage, le droit de travailler des femmes mariées, le vote féminin et l’accès égal à l’éducation. En 1869, elle fonde ce qui deviendra le Girton College de Cambridge, premier collège universitaire féminin. À sa mort, elle lègue à cette institution 10 000 livres sterling, somme en grande partie issue de la vente de ses œuvres.
Marie GISPERT
■ Barbara Bodichon : Victorian Painter and Feminist (catalogue d’exposition), Hull, University of Hull, 1992.
■ HIRSH P., Barbara Leigh Smith Bodichon, 1827-1891 : Feminist, Artist and Rebel, Londres, Pimlico, 1999 ; ORR C. C. (dir.), Women in the Victorian Art World, Manchester/New York, Manchester University Press, 1995.
BÓDIS, Kriszta [BUDAPEST 1967]
Écrivaine et documentariste hongroise.
Diplômée en psychologie et en esthétique de l’université Loránd-Eötvös de Budapest, Kriszta Bódis travaille de 1994 à 2000 comme cinéaste indépendante à l’atelier des films documentaires de la Télévision hongroise. Elle commence sa carrière littéraire avec la publication du recueil de poèmes Mind csak idegenebb úgy (« tous sont ainsi plus étrangers », 2002). Son premier roman, Kemény vaj (« beurre dur », 2003), inspiré par son travail de terrain comme documentariste, présente la situation désespérée des colonies de Tsiganes de Hongrie et expose notamment les mécanismes de la traite des femmes et de la prostitution, dans l’optique des victimes. Le récit met en lumière le rôle des intérêts sociaux patriarcaux dans le maintien de la prostitution ainsi que l’insuffisance des cadres légaux et la faiblesse des institutions quant à la protection des victimes. Le suivant, Artista (« artiste de cirque », 2006), étudie le problème de la marginalisation sociale inévitable des enfants élevés dans des hospices. Tout en relevant du genre de la sociographie littéraire, ce roman met aussi en œuvre des techniques narratives postmodernes par la reconstitution des causes et des circonstances de la mort d’une adolescente de 13 ans au travers de fragments narratifs à multiples perspectives. Les réminiscences subjectives des protagonistes y alternent avec les descriptions ou évocations de la narratrice, omnipotente. En 2004, elle fonde avec Agáta Gordon Irodalmi centrifuga (« centrifugeuse littéraire »), un forum artistique et civil interculturel féministe. Elle a été l’initiatrice d’événements culturels et civiques ainsi que de manifestations politiques organisées à l’échelle nationale pour protester contre la violence, l’exclusion, le sexisme et le racisme. K. Bódis a aussi été corédactrice de la première anthologie féminine et féministe de la littérature hongroise, Éjszakai állatkert. Antológia a női szexualitásról (« zoo de nuit. Anthologie sur la sexualité féminine », 2005).
Andrea P. BALOGH
■ Quatre poèmes, in Action poétique, no 187, mars 2007.
BODNÁROVÁ, Jana [JAKUBOVANY 1950]
Poétesse slovaque.
En 1976, Jana Bodnárová termine des études d’histoire de l’art à l’université Comenius de Bratislava. Archiviste pendant une dizaine d’années, elle se consacre à la création de présentations vidéo à partir des années 1990 et crée sa propre maison d’édition, Baum. Son premier recueil, Aféra rozumu (« l’affaire de la raison », 1990), obtient le prix littéraire Ivan-Krasko. Toute son œuvre est influencée par l’art pictural : la nouvelle Z denníkov Idy V. (« du journal intime d’Ida V. », 1993) se présente sous forme de notes ; le recueil de poésie Še-po-ty (« chu-cho-te-ments », 1995) expérimente ce qu’elle appelle « textes-psychogrammes ». Auteure de plusieurs livres pour enfants, comme Roztrhnuté korálky (« le collier de perles cassé », 1995), Dievčatko z veže (« la petite fille de la tour », 1999) ou Barborkino kino (« le cinéma de Barborka », 2001), elle a aussi écrit des scénarios pour la radio et la télévision.
Diana LEMAY
■ COLLECTIF, Slovník slovenských spisovateľov 20, storočia, Bratislava, Literárne informačné centrum, 2008 ; MIKULA V. (dir.), Slovník slovenských spisovateľov, Bratislava, Kalligram & Ústav slovenskej literatúry SAV, 2005.
BOERI, Cini [MILAN 1924]
Architecte et designer italienne.
Diplômée d’architecture à l’École polytechnique de Milan en 1950, Cini Boeri travaille dans l’agence de Marco Zanuso à partir de 1952. En 1963, elle ouvre sa propre agence à Milan. Ses expérimentations du plastique donnent naissance, en 1966, à des bagages en ABS moulé édités par Franzi. En 1963, elle réalise pour Arflex le fauteuil Borgogna dont les bras peuvent contenir de quoi écrire, un téléphone, etc. Cet objet résume ses préoccupations : confort, modularité, extensibilité et multi-usages. En 1970, le canapé Serpentone (serpent de modules de caoutchouc), devenu un objet symbolique d’Arflex, est présenté à l’exposition Italy : The New Domestic Landscape, au MoMA, avec la chaise longue Boboluego ou les lampes en PVC à têtes rotatives. Elle travaille avec Laura Grizziotti, avec qui elle crée les sièges et canapés Strip en 1979. Cette même année, elle est membre du comité d’organisation de la Triennale de Milan. En 1986, elle participe à l’exposition Progetto domestico pour la XVIIe Triennale. En 1987, elle travaille avec Tomu Katayanagi et crée le fauteuil Ghost, une feuille de verre transparent courbé, pour Fiam. Elle s’illustre aussi dans l’architecture intérieure. De 1975 à 1985, elle crée les salles d’exposition de Knoll International à Los Angeles, Stuttgart, Paris, Milan, et d’Arflex, à Tokyo. En 1983, elle dessine une maison individuelle en préfabriqué pour Misawa Company, à Tokyo. Elle travaille pour Artemide, ICF (table Shadows, 1983), Rosenthal, Venini (lampe Chiara, 1984), Stilnovo (lampe Lucetta, 1973) ou Molteni&C (canapé Meter, 2001). De 1980 à 1983, elle enseigne à l’École polytechnique de Milan, puis en Espagne, au Brésil et aux États-Unis. Plusieurs de ses projets sont présentés dans des expositions internationales et dans des musées. Elle a reçu nombre de prix, dont le Compasso d’Oro (1970 et 1979) ; Stuttgart Design Prize (1985 et 1990) ; Dama d’Argento Prize - Poldi Pezzoli Milano (2006), et a publié de nombreux essais.
Marguerite DAVAULT
■ Le dimensioni umane dell’abitazione, Milan, Franco Angeli, 1980.
■ AMBASZ E. (dir.), Italy : The New Domestic Italian Landscape, New York, The Museum of Modern Art, 1972 ; AVOGADRO C., Cini Boeri, architetto e designer, Milan, Silvana Editoriale, 2004 ; BOERI C., PAGANI C., Tende nella casa, Milan, Domus 1952 ; BYARS M., The Design Encyclopedia, New York, The Museum of Modern Art, 2004.
BOESCH GAJANO, Sofia [ROME 1934]
Historienne italienne.
Née dans une famille cosmopolite et cultivée, Sofia Boesch Gajano fait ses études universitaires à Rome avant d’enseigner dans les universités de Sienne et de L’Aquila, puis de finir sa carrière dans sa ville natale. Spécialiste d’histoire religieuse, elle étudie en particulier l’histoire de la sainteté et du culte des saints (La santità, 1999), qu’elle considère comme un observatoire privilégié de l’histoire des institutions, de la société et de la culture, comme le montre son travail sur Chelidonia, ermite bénédictine du XIIe siècle (2011). Elle a longuement exploré la production hagiographique du haut Moyen Âge, s’intéressant à l’œuvre de Grégoire le Grand et à ses Dialogues (Gregorio Magno, alle origini del Medioevo, 2004). L’histoire des femmes, et notamment la religiosité féminine, a fait également l’objet de plusieurs recherches. S. Boesch Gajano coordonne de nombreuses recherches et enquêtes collectives qui explorent, notamment, les rapports entre hagiographie et géographie : recensement, avec l’École française de Rome, des sanctuaires du territoire italien ou coédition de l’ouvrage Lo spazio del santuario, un osservatorio per la storia di Roma e del Lazio (2008) et des volumes concernant le Latium et Rome de la collection « Santuari d’Italia ». Elles portent également sur les liens entre les recueils de vies de saints et les contextes politiques et territoriaux européens durant la période qui s’étend entre le Moyen Âge et l’époque moderne, objet du livre collectif intitulé Europa sacra (2002). S. Boesch Gajano joue un rôle important dans l’organisation de la recherche et de la diffusion des travaux de recherche. Dans le cadre de l’Associazione italiana per lo studio della santità, dei culti e dell’agiografia (Aissca), qu’elle fonde et préside jusqu’en 2010, elle organise de nombreux colloques et séminaires. Elle est directrice de la revue Sanctorum, membre des comités de rédaction des revues Società e storia et Quaderni storici, presidente du Centro europeo di studi agiografici (Cesa). Elle codirige la collection Sacro/Santo chez Viella et a coordonné le volume II de la Storia della direzione spirituale, consacré au Moyen Âge (2010).
Isabelle CHABOT et Anna SCATTIGNO
BOFFY, Lavinie [AJACCIO 1975]
Réalisatrice et metteuse en scène française.
Appartenant à la dernière génération de la scène culturelle corse, Lavinie Boffy exprime par son travail théâtral et audiovisuel l’identité et le vécu insulaires, et porte un regard critique sur les contradictions de la société locale. Autodidacte, elle débute par le théâtre amateur puis crée sa compagnie, Luna (2001), avec laquelle elle adapte Colomba de Prosper Mérimée, montée pour la première fois sur les planches à Paris, au théâtre Darius-Milhaud, dans une mise en scène de Kim-Michelle Broderick (2005). En 2006, elle met en scène sa pièce, Peep-Show, histoire d’une entreprise touristique familiale s’essayant, dérisoirement, au spectacle culturel identitaire pour rester compétitive. La même année, Être une île dit l’étouffement et l’asservissement de l’être par une économie où le soi devient marchandise, ce qu’elle explore de nouveau dans D’où je suis, je te vois (2010), avec le musicien et plasticien André Porcu. Pour France 3 Corse, elle conjugue théâtre et réalisation audiovisuelle, la télévision ayant régionalement absorbé la création filmique. Son court-métrage Antoine (2003) traite de la violence faite aux enfants. Cresce a voce (« la voix grandit », coréalisé avec François Karol, 2006) est un portrait du musicien Natale Luciani, emblématique d’un lien entre scène culturelle et contestation politique. La création de L. Boffy paraît, pour l’heure, le signe d’une génération qui avance en doutant, qui questionne plus qu’elle ne revendique, qui interroge le rapport à l’identité culturelle tout en sollicitant une transmission intergénérationnelle, et qui désire travailler en région sans pour autant s’y limiter.
Françoise ALBERTINI
■ Avec KAROL F., Natale Luciani, cresce a voce, 52 min, 2006.
BOFILL, Sylvia [PORTO RICO fin des années 1970]
Dramaturge et metteuse en scène portoricaine.
Formée à l’université Columbia de New York et chargée de cours en arts du spectacle à l’université de Porto Rico à Rio Piedras, Sylvia Bofill est l’auteure de pièces qu’elle a elle-même dirigées, comme Tres puntos en un límite (San Juan, 2002), Rosa viejo (Río Piedras, 2004), Windows (York, 2006) et La comida (2008, 2009) ainsi que Muchas palabras (2009), et Insideout (2010). Windows aborde les relations entre trois générations de femmes, grand-mère, mère et petite-fille, en lien avec leur identité portoricaine et leur rapport au monde, alors que Insideout aborde dans un langage théâtral très contemporain les compromis que chacun doit effectuer pour devenir « apte » au « système ». En tant que metteur en scène, elle fait le choix de mixer arts plastiques, jeu et musique.
Christine DOUXAMI
BOGAN, Louise [LIVERMORE FALLS 1897 - NEW YORK 1970]
Poétesse américaine.
Née dans une famille modeste et instable, Louise Bogan bénéficie d’une bourse qui lui permet d’étudier dans une école bostonienne pour jeunes filles. Elle s’y découvre une passion pour la poésie. En 1916, après une année à Boston University, elle épouse un soldat mais se sépare de lui après la naissance d’une fille, qu’elle confie à ses propres parents. Avant de s’installer à New York, où elle réside jusqu’à la fin de sa vie, elle séjourne à Vienne. Rilke y devient l’un de ses auteurs favoris. Germanophone, elle traduit Les Affinités électives de Goethe et un roman d’Ernst Jünger. À New York, elle rencontre notamment les poètes Wystan Hugh Auden, Marianne Moore* et William Carlos Williams. Après un deuxième mariage de dix ans avec le poète Raymond Holden, elle se lie avec Theodore Roethke, lui aussi poète. Elle est hospitalisée pour alcoolisme et lors de périodes de dépression. L’essayiste Edmund Wilson, son ami le plus cher, l’encourage à faire du journalisme littéraire. Pendant trente-huit ans, elle gagne sa vie en écrivant des comptes rendus pour la revue New Yorker et enseigne de manière intermittente à l’université. Ses essais critiques deviennent célèbres : Réflexions sur la poésie américaine (1962) ; A Poet’s Alphabet : Reflections on the Literary Art and Vocation (1970). Ses recueils de poèmes les plus importants paraissent de 1923 à 1937 : Body of This Death (« corps de cette mort ») ; Dark Summer (« sombre été ») ; The Sleeping Fury (« la furie endormie »). L. Bogan suit son propre chemin parmi les modernistes et atteint tardivement une réputation éminente. Si on la compare à M. Moore, qui expérimente avec une métrique originale, on constate qu’elle retient les principes du formalisme poétique et une voix lyrique d’une intelligence réservée, semblable à celle des poètes métaphysiques. Son lyrisme inspire des musiciens, qui composent des chansons à partir de ses textes. W. H. Auden loue sa capacité d’extraire la beauté et la joie des lieux noirs. Titulaire de bourses Guggenheim, L. Bogan occupe la chaire de poésie de la Library of Congress (1944-1946), remporte le prix Bollingen (1955) et obtient des bourses de l’Academy of American Poets (1959) et le National Endowment for the Arts (1967).
Margaret R. HIGONNET
■ Réflexions sur la poésie américaine (Achievement in American Poetry 1900-1950, 1962), Paris, Seghers, 1965.
■ BOWLES G., Louise Bogan’s Aesthetic of Limitation, Bloomington, Indiana University Press, 1987 ; COLLINS M., Critical Essays on Louise Bogan, Boston, G. K. Hall, 1984 ; RIDGEWAY J., Louise Bogan, Boston, Twayne, 1984 ; UPTON L., Obsession and Release : Rereading the Poetry of Louise Bogan, Lewisburg, Bucknell University Press, 1996.
BOGAŠINOVIĆ, Lukrecija [DUBROVNIK V. 1710 - ID. 1784]
Poétesse croate.
Lukrecija Bogašinović est l’auteure de trois poèmes sur des thèmes bibliques – « Posluh Adama Patrijarke » (« l’obéissance du patriarche Adam »), « Život Tobije i njegova sina » (« la vie de Tobias et de son fils ») et « Život Jozefa Patrijarke » (« la vie du patriarche Joseph ») – et de l’églogue de Noël Razgovori pastirski vrhu porođenjenja gospodinova (« conversations pastorales sur la naissance du Seigneur »). Si elle prit pour sujet de ses œuvres les faits et le destin de personnages masculins, elle s’adressait tout particulièrement aux jeunes femmes par ses messages, souvent à caractère moral, écrits en vers octosyllabiques.
Iva GRGIĆ MAROEVIĆ
■ MARKOVIĆ Z., Pjesnikinje starog Dubrovnika : od sredine XVI do svršetka XVIII stoljeća u kulturnoj sredini svoga vremena, Zagreb, Jugoslavenska akademija znanosti i umjetnosti, 1970.
BOGGIO, Natalia IGUIÑIZ [LIMA 1973]
Plasticienne et graphiste péruvienne.
Après des études à la faculté d’art de l’Université catholique du Pérou, Natalia Iguiñiz Boggio enseigne depuis 1990 dans plusieurs universités péruviennes et a participé à de très nombreuses expositions de peinture, de dessin, de gravure et de photographie. Elle a été primée à différentes reprises pour son travail de plasticienne. Elle intervient également depuis une quinzaine d’années comme graphiste pour plusieurs organisations non gouvernementales péruviennes sur le thème des droits humains, de la condition des femmes, de la santé ou de l’accès à la lecture pour les populations les plus défavorisées. C’est à ce titre notamment qu’elle se fit connaître pour la première fois en dehors de son pays avec de grandes affiches aux couleurs lumineuses et fluorescentes, à la typographie simple et originale. Ses sources d’inspiration sont multiples : publicité, Art déco, caractères d’imprimerie datant du XIXe siècle ; elles font aussi appel à la culture folklorique et populaire de l’Amérique latine tant par les couleurs que par les images qui voyagent dans la typographie. Sans oublier le baroque colonial que l’on peut rencontrer sur tout le continent sud-américain et qui l’a fortement imprégnée. Chez N. I. Boggio, quel que soit le sujet ou le support, c’est toujours la force de la lettre qui l’emporte.
Margo ROUARD-SNOWMAN
■ Retrato y Poder, Lima, PUCP-Facultad de Arte, 2001.
BOGUSZEWSKA, Helena [VARSOVIE 1883 - ID. 1978]
Romancière polonaise.
Après des études de sciences naturelles, Helena Boguszewska s’engage dans des activités d’ordre social et pédagogique. Attirée très tôt par les questions éducatives, elle publie des manuels scolaires de sciences naturelles et rédige une revue : Świat, Dom i Szkoła (« le monde, la maison et l’école »). Elle publie son premier roman, Świat po niewidomemu (« le monde vu par les aveugles »), en 1932. Dans ses œuvres, elle aborde la problématique des enfants malheureux, marginaux, infirmes, par exemple dans Dzieci z nikąd (« les enfants de nulle part », 1934), et s’intéresse également à la condition ouvrière (Ci ludzie, « ces gens-là », 1933). Soutenue par son mari, l’écrivain Jerzy Kornacki, et par Zofia Nałkowska*, H. Boguszewska fonde le groupe littéraire Przedmieście (« le faubourg ») en 1933. En 1934 paraît son meilleur roman, Całe życie Sabiny (« toute la vie de Sabine »), monologue intérieur d’une femme à la fin de sa vie. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle participe aux travaux de la Commission d’enquête sur les crimes de guerre commis par les Allemands. Dotée d’un excellent sens de l’observation, elle publie de nombreux récits où elle évoque la vie des maquisards (Las, « la forêt », 1955), celle des banlieues de Varsovie (Ludzie wśród ludzi, « des gens parmi les gens », 1946), des intellectuels varsoviens (Poprzez ulice, « par les rues », 1961) ainsi que sa propre enfance (Nigdy nie zapomnę, « je n’oublierai jamais », 1946 ; Czekamy na życie, « nous attendons la vie », 1947).
Maria DELAPERRIÈRE
■ JAKOWSKA K., « Międzywojenna powieść nowelowa », in Pamiętnik literacki, no 1, 1992.
BÖHLAU, Helene [WEIMAR 1856 - AUGSBOURG 1940]
Romancière allemande.
Depuis la réédition en 2004 de Der Rangierbahnhof (« la gare de triage », 1896) et de Halbtier ! (« demi-bête ! », 1899), l’écrivaine Helene Böhlau a connu un regain d’intérêt, grâce à la critique littéraire axée sur les genres. Ses romans, écrits au tournant des XIXe et XXe siècles, présentent, dans un style proche du naturalisme et de l’expressionnisme, un éventail représentatif des thématiques du genre. Issue d’une famille de grands bourgeois de Weimar, propriétaires des éditions Böhlau, H. Böhlau épouse en 1886 Friedrich Arnd, converti à l’islam. Sa première phase de création, remarquablement productive, adopte des positions clairement féministes : dans Der Rangierbahnhof et Halbtier ! , elle prend pour objet la représentation qu’ont d’elles-mêmes les femmes artistes, et dans Das Recht der Mutter (« le droit des mères », 1896), elle plaide en faveur de l’égalité juridique et sociale des mères non mariées. Après la Première Guerre mondiale, elle se retire progressivement de la vie publique. Sa position à l’égard du nazisme montant reste ambivalente.
Franziska BERGMANN
BOHUNICZKY, Szefi [NAGYPÉCSELY, VESZPRÉM 1894 - BUDAPEST 1969]
Écrivaine hongroise.
Après la chute de la République communiste des Conseils en 1919, Szefi Bohuniczky, née dans une famille de propriétaires de la classe moyenne, et son mari, professeur de lycée, sont contraints de vivre très modestement quand celui-ci est mis à la retraite en raison de ses idées de gauche. Ils changent souvent de résidence, mais tiennent toujours un salon littéraire dans les appartements qu’ils louent successivement, fréquenté notamment par les membres du cercle de la revue moderniste Nyugat (« Occident »). Ses premières nouvelles, dont Rigó (« merle ») et Nők (« femmes »), sont publiées dans cette revue, avant d’être réunies en deux volumes en 1930. Son thème de prédilection est le déclin de la classe seigneuriale moyenne issue du féodalisme, une décadence à l’origine de celle de la culture, selon l’écrivaine de tendance néoconservatrice, comme en témoigne son roman Szegény emberek (« les pauvres gens », 1934). Dans Három év (« trois ans », 1941), elle dépeint la vie tourmentée et la désorientation des femmes de la classe moyenne urbaine. Sa contemporaine Sophie Török a souligné « la dureté hautaine et la lucidité acharnée » avec lesquelles elle a représenté ses héroïnes rusées, cupides et impitoyables. Lázas évek (« années fiévreuses », 1947), récit de sa liaison amoureuse durant quinze ans avec le mathématicien hollandais Luitzen Egbertus Jan Brouwer, clôt sa carrière de romancière, mais elle rédige encore ses Mémoires entre 1964 et 1967. Publiés à titre posthume, ils font revivre la vie littéraire de l’entre-deux-guerres.
Judit KÁDÁR
■ PETRÁNYI I., « Tűnt idők rítusainak, mítoszainak és szerepeinek megörökítője, Bohuniczky Szefi », in Otthonok és vendégek, Budapest, Szépìrodalmi Könyvkiadó, 1989.
BOIGNE, Éléonore Adèle (née D’OSMOND, comtesse DE) [VERSAILLES 1781 - PARIS 1866]
Mémorialiste et romancière française.
Les livres de la comtesse de Boigne nous « donnent l’illusion que l’on continue à faire des visites aux gens à qui on n’avait pas pu en faire parce qu’on n’était pas encore né sous Louis XVI », écrit Marcel Proust dans un article paru dans Le Figaro du 20 mars 1907. Mémorialiste célèbre, la comtesse Adèle de Boigne a été le témoin privilégié de plusieurs régimes politiques, qu’elle a décrits et commentés avec esprit. D’une famille de très vieille noblesse, elle passe sa petite enfance à Versailles, où elle voit briller les derniers feux de l’Ancien Régime, avant de faire partie de l’émigration et de séjourner dans divers pays européens, au gré des missions diplomatiques de son père. Mariée à 17 ans, de son propre chef, à Benoît de Boigne, pour sauver sa famille de la ruine, son union est houleuse. De trente ans son aîné, son mari est un personnage haut en couleur : un bourgeois savoyard ayant vécu en Inde, d’où il revient richissime et couvert de gloire militaire. Elle ne lui pardonnera jamais ses humbles origines, de même qu’elle ne pourra réconcilier sa propre conception du mariage avec celle, bourgeoise, de son mari. Cette mésentente conjugale contribue à faire d’A. de Boigne un personnage très indépendant pour son époque ; elle est d’ailleurs perçue comme un bas-bleu. Elle serait l’inspiration du personnage de Mme de Villeparisis dans La Recherche. Son salon « d’Ancien Régime » à dominante politique, est très prisé sous la Restauration. Elle y manifeste une grande souplesse de vues politiques ; légitimiste, elle est cependant favorable aux réformes et se rallie à la monarchie de Juillet. Cette amie de Mme Récamier, de Sainte-Beuve et de la reine Marie-Amélie, a décrit dans deux romans les tensions auxquelles sont sujettes les femmes de sa condition face aux bouleversements historiques et sociaux. Elle est entrée dans la postérité littéraire grâce à sa verve et à son esprit. « Son amitié est presque aussi redoutable que ses antipathies », écrit Lucien Maury en 1907 : c’est bien là l’essence d’« une mémorialiste parfaite ».
Sarah Juliette SASSON
■ Une passion dans le grand monde, Paris, Michel Lévy Frères, 1867 ; Mémoires de la comtesse de Boigne, Récits d’une tante (1907), 2 vol., Berchet J.-C. (éd.), Paris, Mercure de France, 1999.
■ WAGENER F., La Comtesse de Boigne. Paris, Flammarion, 1997.
■ ROGERS B. G., « Proust and the Memoirs of the Comtesse de Boigne », in English Studies in Africa : A Journal of the Humanities, Johannesburg, 18 (1975).
BOINE, Mari [KARASJOK, FINNMARK 1956]
Chanteuse norvégienne.
Originaire de la communauté lapone saami, Mari Boine grandit dans une famille chrétienne stricte et un environnement qu’elle juge hostile à la langue et à l’identité de ce peuple du Grand Nord arctique, nomade et pastoral. Fascinée par cette culture séculaire, elle chante en langue saami et c’est en habit traditionnel chamanique qu’elle se présente sur la pochette de son deuxième album Gula gula. Également percussionniste, elle exprime dans ses chansons la douleur de l’oppression et du mépris, mais aussi la joie de grandir dans une culture témoignant d’un lien fort avec la nature. Elle devient dès lors l’ambassadrice de cette minorité et entame une collaboration avec le saxophoniste Jan Garbarek, qui se concrétise avec des participations à ses albums Twelve Moons et Visible World. En 1994, M. Boine décline une invitation à se produire aux Jeux olympiques de Lillehammer, refusant d’apparaître comme un quota ethnique, un faire-valoir de sa communauté. Elle sort pas moins de six albums sous son nom dans les années 1990, mêlant folk, pop, jazz et musique traditionnelle, accompagnée de son guitariste et collaborateur Roger Ludvigsen. En 2002, elle publie Eight Seasons, invitant notamment Bugge Wesseltoft, qui nappe sa musique de jazz et d’électronique. Elle reçoit en 2003 le prix musical du Conseil nordique. Sur l’album In the Hand of the Night (2006), elle intègre des instruments africains ou sud-américains comme la kora, la sanza ou le charango. Professeure de musicologie à l’Université de Nesna, depuis 2008, la chanteuse lapone s’est produite à l’Opéra d’Oslo. En 2011, elle a publié Aiggi askkis (« une introduction à… »), une compilation retraçant un quart de siècle de carrière.
Jean BERRY
■ Gula gula, Real World, 1990 ; Eight Seasons, Emarcy, 2002 ; In the Hand of the Night, Universal Jazz, 2006 ; An Introduction to Mari Boine, Hal Leonard, 2011.
BOIO [IIIe siècle aV. J.-C.]
Poétesse grecque.
Auteure d’un hymne dont nous avons un fragment dans l’œuvre de Pausanias (X, 5, 7-8), Boio, qui vécut probablement au IIIe siècle av. J.-C., était peut-être une prêtresse de Delphes, une chresmologos (Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 132, 3). Dans son poème, elle attribuait la fondation de l’oracle de Delphes aux fils des Hyperboréens, peuple légendaire du nord de la Grèce. Elle faisait en outre d’Olen le premier prophète d’Apollon, inventeur de l’hexamètre, alors que, selon la tradition la plus répandue, cette invention revenait plutôt à la poétesse Phénomoé, ce qui est d’autant plus logique que les interprètes des oracles d’Apollon étaient des femmes. Athénée lui attribue également l’Ornithogonie, un ouvrage consacré aux mythes d’hommes changés en oiseaux (IX, 393e). Toutefois beaucoup d’incertitudes demeurent quant à sa biographie, car les sources anciennes la confondent souvent avec un poète nommé Boios.
Marella NAPPI
■ PLANT I. M., Women Writers of Ancient Greece and Rome : an Anthology, Norman, University of Oklahoma Press, 2004.
BOISSIER-BUTINI, Caroline [GENÈVE 1786 - ID. 1836]
Compositrice et pianiste suisse.
Caroline Boissier-Butini est issue de la haute bourgeoisie genevoise. Son père, médecin réputé et mélomane, semble avoir été l’instigateur de son activité musicale, mais ses maîtres ne sont pas encore connus. Lors de voyages à Paris (1818, 1832) et à Londres (1818) avec son mari Auguste, également mélomane, elle s’est mesurée aux plus grands pianistes de son temps dans les salons. C’est sans succès qu’elle a cherché à publier ses œuvres chez Ignace Pleyel. Comptant sans doute parmi les meilleurs pianistes de sa génération en Suisse, cette amateure – au sens de l’époque – a joué dans les salons de Suisse romande, mais aussi dans les concerts semi-publics de la Société de musique de Genève (1825, 1826). Elle interprétait ses propres œuvres, dont certaines sont inspirées de mélodies populaires qu’elle a transcrites sur le terrain dès 1810 et qui sont dans l’esprit de son époque. Dans les 42 pièces conservées, elle aborde tous les genres de la musique de piano, mais pas la musique vocale. Plusieurs de ses pièces ont été éditées récemment par Müller & Schade : Concerto pour piano, flûte obligée et orchestre à cordes (2008) ; Pièce pour l’orgue (2008) et Trois sonates pour piano (2009). C. Boissier-Butini constitue un phénomène d’exception en Suisse au XIXe siècle.
Irène MINDER-JEANNERET
■ MINDER-JEANNERET I., « Caroline Boissier-Butini (1786-1836) », in DEUBER-ZIEGLER E., TIKHONOV N. (dir.), Les Femmes dans la mémoire de Genève, Genève, S. Hurter, 2005 ; ID., Musikpraxis in Genf im frühen 19. Jahrhundert am Beispiel von Caroline Boissier-Butini (1786-1836), Osnabrück, Epos, 2012.
BOISSON, Christine [SALON-DE-PROVENCE 1956]
Actrice française.
Après avoir été élève du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Christine Boisson interprète Racine et Shakespeare sous la direction de Roger Planchon. Elle incarne La Mégère apprivoisée, de Shakespeare, pour Jérôme Savary, avant de jouer dans Ashes to Ashes, mis en scène par l’auteur Harold Pinter, en 1998, à Paris. En 2012, elle devient une héroïne de Tennessee Williams dans Tokyo Bar, mis en scène par Gilbert Désveaux. À l’écran, elle est dès les années 1980 une actrice reconnue du cinéma d’auteur. Elle tourne notamment avec Michelangelo Antonioni (Identification d’une femme, 1982) ; Philippe Garrel (Liberté la nuit, 1983) ; ou encore Miklós Jancsó (L’Aube, 1986). Elle travaille aussi à de nombreuses reprises avec des réalisatrices : Suzanne Schiffman (Le Moine et la Sorcière, 1987) ; Magali Clément (La Maison de Jeanne, 1988) ; Giovanna Gagliardo (Une chaleur étouffante, 1990) ; Tonie Marshall* (Pas très catholique, 1994) ; Laetitia Masson* (Love Me, 1999) ; ou encore Maïwenn (Le Bal des actrices, 2009).
Bruno VILLIEN
BOISSONNAS, Sylvina [TOULOUSE 1942]
Militante des droits des femmes et architecte française.
La famille de Sylvina Boissonnas part vivre aux États-Unis lorsqu’elle a 3 ans. Elle a 17 ans lorsqu’elle revient en France. Avec le mouvement de Mai 1968, elle donne à sa vie une orientation politique et créative. Entre 1968 et 1970, elle participe au mouvement de cinéma expérimental, réalise un film et crée Zanzibar qui produit de jeunes réalisateurs. Elle rejoint en 1970 le groupe mao-spontanéiste Vive la révolution, qu’elle quitte rapidement, avec nombre d’autres militantes, pour le Mouvement de libération des femmes*. Là, elle rencontre le groupe Psychanalyse et Politique* et s’engage aux côtés d’Antoinette Fouque*. Elle participe activement à la création des éditions des femmes* et à leur développement. Elle effectue de nombreuses missions de solidarité, parfois risquées, en Espagne franquiste, en Algérie, en URSS et en Chine, à Zagreb après la guerre en ex-Yougoslavie. À Téhéran, le 8 mars 1979, avec une équipe du MLF, elle coréalise le seul documentaire existant sur la première manifestation contre la théocratie de Khomeiny, organisée par des femmes iraniennes. Devenue en 1995 architecte en Italie, où elle vit et exerce son activité, elle représente l’Alliance des femmes pour la démocratie, au sein de la délégation française, lors des conférences des Nations unies sur l’Habitat de 1996 et de 2001. Elle coanime des séminaires et des rencontres Psychanalyse et Politique, notamment en 2006 à l’université Paris 8. Elle codirige en 2004 un livre-album, Mémoire de femmes, sur trente ans d’édition des femmes, et est l’une des responsables du collectif qui a réalisé Génération MLF 1968-2008. Depuis 2007, elle est impliquée dans l’accueil par la Galerie des femmes* d’artistes de premier plan.
Jacqueline PICOT
■ COLLECTIF, Génération MLF 1968-200, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 2008.
BOIVIN, Marie Anne (née Marie Anne Victoire GILLAIN) [MONTREUIL 1773 - PARIS 1841]
Sage-femme française.
Sage-femme de grande renommée, Marie Anne Boivin fit faire de grands progrès à l’obstétrique. Née en banlieue parisienne, elle est élevée par les sœurs à l’hôpital d’Étampes et mariée en 1797 à Louis Boivin, assistant au Bureau national des domaines. Elle met au monde une petite fille et devient veuve très jeune. Elle suit l’enseignement de la sage-femme Marie-Louise Lachapelle* et devient son assistante, jusqu’à l’obtention de son diplôme en 1800. Elle se retire alors à Versailles et a la douleur de perdre sa fille. Après être revenue un moment auprès de M.-L. Lachapelle à la maternité de Port-Royal, refusant une offre de l’impératrice de Russie, elle accepte un poste, avec un salaire de servante, dans un hôpital pour femmes déchues. En 1827, elle est nommée docteur honoris causa de l’université de Marbourg en Allemagne, ce qui lui permet d’écrire avec fierté sur la première page de son livre : « Madame Boivin, Docteur en Médecine ». Elle est décorée de la médaille de l’Ordre du Mérite civil de Prusse. Elle n’obtient cependant aucune reconnaissance de l’Université en France, et l’Académie de médecine lui reste fermée. La sage-femme invente un nouveau « pelvimètre » et une nouvelle forme de spéculum. Elle est une des premières obstétriciennes à utiliser un stéthoscope pour écouter les bruits du cœur du fœtus. Elle meurt dans la misère. Au dire de Hunter Robb (Johns Hopkins Medical Bulletin, 1891), son œuvre était aussi moderne que possible avant l’ère de la bactériologie. Guillaume Dupuytren dit d’elle qu’elle avait un œil au bout de chaque doigt. Elle fut, d’après son entourage, une femme d’une grande force de caractère et de nature aimable.
Yvette SULTAN
■ Mémorial de l’art des accouchements, Paris, Méquignon Père, 1812 ; Traité pratique des maladies de l’utérus et de ses annexes [illustré de 41 tableaux et de 116 figures mis en couleur par l’auteure], Paris, J.-B. Baillière, 1833.
BOKOVA, Irina [SOFIA 1952]
Diplomate et femme politique bulgare.
Première femme à obtenir le poste de directrice générale de l’Unesco, qu’elle occupe depuis le 15 novembre 2009, Irina Bokova, Européenne convaincue, tire de son pays d’origine, lieu de brassage des peuples grec, ottoman et slave, le goût du rapprochement des civilisations. Polyglotte, elle parle couramment cinq langues (le bulgare, le russe, l’anglais, le français, l’espagnol). Diplômée de l’Institut des relations internationales de Moscou, de l’université du Maryland à Washington et de la John F. Kennedy School of Government (université Harvard), elle rejoint en 1977 le ministère bulgare des Affaires étrangères, où elle prend en charge les questions des droits de l’homme. Nommée responsable des affaires politiques et juridiques à la Mission permanente de l’Onu à New York, elle est également membre de la délégation bulgare aux conférences de l’Onu sur l’égalité des femmes à Copenhague (1980), à Nairobi (1985) et à Pékin (1995). Coordinatrice des relations de la Bulgarie avec l’Union européenne (1995-1997), elle est ambassadrice de Bulgarie (2005-2009) en France, à Monaco et auprès de l’Unesco. Tout au long de sa carrière, elle s’est fortement engagée pour surmonter les divisions du continent européen. Actrice majeure de la transition des pays de l’Est, elle participe à l’élaboration de la nouvelle Constitution de son pays et s’investit activement pour l’entrée de la Bulgarie au sein de l’Union européenne. Réélue en 2013 à la tête de l’Unesco, elle promeut l’idéal d’un nouvel humanisme qui donne à chacun les moyens effectifs de participer à la communauté humaine par le partage des cultures. En 2010, elle reçoit à Rome le prix Minerva pour sa contribution à la paix et à la solidarité, et le titre de docteur honoris causa en philosophie et en sciences politiques de l’université de Séoul, pour son engagement en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette femme d’exception est également membre actif de nombreux réseaux d’experts internationaux.
Claudine BRELET
BOLAND, Eavan [DUBLIN 1944]
Poétesse irlandaise.
Née d’un père diplomate et d’une mère artiste peintre, Eavan Boland passe une partie de son enfance à l’étranger. Après avoir fréquenté l’école de Killiney, elle entre au Trinity College, à Dublin. Lors d’un séjour de huit ans à Londres, elle prend conscience de sa celticité. À partir de 1966, elle enseigne tout en publiant des traductions d’Horace et Maïakovski, des essais très remarqués et surtout une poésie au cœur de laquelle elle place d’abord l’Irlande dans sa dimension historique et mythique de révolte et de quête d’identité, puis la femme, en tant que revendiquant une reconnaissance pleine et entière dans ses activités les plus quotidiennes. Refusant la facile assimilation de l’une et de l’autre, critiquant ainsi la démarche masculine récupératrice, qui voit dans la femme l’incarnation de la nation, une muse nationale éthérée, elle tente de cerner l’identité irlandaise d’un côté et, de l’autre, d’accuser l’oppression sociale et économique que subissent les femmes (New Territory, 1967). Après le recueil In Her Own Image (« à sa propre image », 1980), sa poésie devient plus philosophique, introspective et soulève le problème du désir féminin et du rôle des femmes dans une sorte d’esthétique du quotidien. Dans les années 1990, elle revient à une attitude plus engagée. S’interrogeant également sur l’artificialité de l’écriture qui tente en vain de saisir l’intensité des émotions, elle privilégie les césures, les fins de vers ouvertes et les hiatus entre sonorités et syntaxe, et révèle une quête jamais terminée de la continuité des choses (Outside History, 2000). Depuis 1996, elle enseigne à l’université de Stanford, en Californie.
Michel REMY
BOLDEN, Dorothy [ATLANTA 1924]
Militante américaine.
Petite-fille d’une esclave, Dorothy Bolden commence une longue carrière de domestique dès l’âge de 9 ans. C’est lors d’une bataille pour sauver l’école de ses enfants qu’elle découvre ses dons d’organisatrice. Avec l’avènement du mouvement pour les droits civiques des Noirs, elle devient membre du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) et sert de liaison avec les travailleurs domestiques. En 1968, elle fonde la National Domestic Workers Union (NDWU), association qui a pour but principal de valoriser et de professionnaliser le travail des employées de maison.
Béatrice TURPIN
BOLKESTEIN, Alide MACHTELT [ALKMAAR 1944 - ID. 2001]
Linguiste néerlandaise.
L’une des premières à appliquer au latin les méthodes issues de la pragmatique, Alide Machtelt Bolkestein a obtenu un doctorat à l’université d’Amsterdam (1980). Nommée professeure de linguistique latine, elle dirige, de 1997 à 2001, l’institut de recherches linguistiques de l’université. Appliquant les théories fonctionnelles de Simon Dik à l’étude du latin, elle explore l’interface syntaxe-pragmatique, renouvelant ainsi de nombreuses explications sur l’organisation textuelle des langues classiques.
Thomas VERJANS
■ Problems in the Description of Modal Verbs : An Investigation of Latin (thèse de l’université d’Amsterdam), Assen, 1980.
■ RISSELADA R., « Bolkestein », in STAMMERJOHANN H. (éd.), Lexicon Grammaticorum, New York/Amsterdam/Philadelphie, Mouton de Gruyter, 2009.
BOLLAND, Adrienne [ARCUEIL 1895 - PARIS 1975]
Aviatrice française.
Adrienne Bolland affirme très jeune sa volonté de devenir aviatrice, à une époque où ce métier, principalement masculin, était peu organisé et nécessitait art de l’improvisation et goût du risque. Elle obtient son brevet de pilotage en 1920 et est engagée par la Société des avions Caudron. La même année, elle est la deuxième femme à traverser la Manche. Elle réussit en 1921 la première traversée de la cordillère des Andes, sans cartes ni instruments de navigation, et bat en 1924 le record mondial féminin de loopings. Titulaire d’un brevet civil de transport, elle n’est pas autorisée à entrer dans une compagnie aérienne et mène avec son mari, pilote lui aussi, une vie faite de meetings, de baptêmes de l’air et d’initiation des jeunes à l’aviation. Femme de gauche, esprit libre, elle milite avec d’autres aviatrices comme Maryse Bastié* et Hélène Boucher* pour le droit de vote des femmes. Elle défend la cause des républicains espagnols en 1936 et s’engage ensuite dans la Résistance française. Après la guerre, elle est très active dans les associations de femmes pilotes et léguera tous ses biens à la Fondation de la vocation.
Jacqueline PICOT
BOLLDORF-REITSTÄTTER, Martha [INNSBRUCK 1912 - EISENSTADT 2001]
Architecte autrichienne.
Après sa formation au sein du département d’architecture de l’École nationale des arts et métiers de Vienne (Staatsgewerbeschule), Martha Bolldorf-Reitstätter travaille, en 1930, dans l’agence d’un architecte de renom, Clemens Holzmeister (1886-1983). Un an plus tard, elle est admise dans son atelier des Beaux-Arts de Vienne et devient, en 1934, la première femme en Autriche diplômée de cette institution. Son talent transparaît dans son projet de diplôme, un bain de cure sur une île de Méditerranée, exposé dans le pavillon de la Sécession viennoise. C. Holzmeister, qui réalise la Maison de la radio de Vienne (1935-1939), lui en délègue entièrement l’aménagement intérieur. En 1938, elle crée d’ailleurs sa propre agence qui comptera jusqu’à neuf employées. Après la Seconde Guerre mondiale, elle s’engage pour l’évaluation des dommages de guerre et la sauvegarde de biens culturels. En 1946, elle épouse l’architecte Léo Bolldorf (1910), qu’elle suit en Irak de 1957 à 1962. Elle a essentiellement œuvré à Eisenstadt où elle a conçu de nombreux projets d’urbanisme et d’architecture et remporté trois concours. Elle y réalise, entre 1950 et 1960, le Palais épiscopal, la transformation de la cathédrale et son aménagement intérieur, mais aussi un gratte-ciel (vers 1960). Elle compte également à son actif des chapelles, églises et presbytères. À partir de 1964, elle se consacre à la rénovation du château de Kobersdorf, qu’elle avait acheté.
Elke KRASNY
■ BAUER A., GUMPINGER I., KLEINDIENST E. (dir.), Frauenarchitektouren. Arbeiten von Architektinnen in Österreich, Salzbourg/Munich, A. Pustet, 2004 ; KEINTZEL B., KOROTIN I. E. (dir.), Wissenschafterinnen in und aus Österreich. Leben - Werk - Wirken, Vienne, Böhlau, 2002.
BOLT, Carol [WINNIPEG, MANITOBA 1941 - TORONTO, ONTARIO 2000]
Auteure dramatique canadienne.
Également éducatrice, pionnière des arts du spectacle et défenseure des droits des dramaturges, Carol Bolt joue un rôle capital dans la fondation et la survie d’organisations grâce auxquelles le théâtre authentiquement canadien naît dans les années 1970 : Playwrights Canada Press et Playwrights Guild of Canada, notamment. Ses pièces reflètent les thèmes des années 1960 : la liberté individuelle, le bien-être collectif, la justice sociale, l’objectif nationaliste de révision de la version biaisée de l’historiographie canadienne fournie par les discours dominants à la mémoire collective. Chacune de ses pièces se développe autour du projet de création d’une communauté caractérisée par la justice pour tous et toutes. Les personnages qui collaborent à ce projet sont des membres du groupe adhérant à l’objectif de changements sociaux radicaux. Le leader du groupe est un chef idéaliste et volontaire. L’approche collaboratrice de C. Bolt pour la création dramaturgique, qui se prête sans problème à l’improvisation des comédiens, l’incite à travailler avec les compagnies de théâtre alternatif de Toronto. Sa pièce la plus populaire est One Night Stand (1977), comédie à sensation fulgurante.
Cynthia ZIMMERMAN
■ ZIMMERMAN C. (dir.), Reading Carol Bolt, Toronto, Playwrights Canada Press, 2010.
BOMBAL, María Luisa [VIÑA DEL MAR 1910 - SANTIAGO DU CHILI 1980]
Écrivaine chilienne.
L’œuvre relativement brève de María Luisa Bombal inaugure non seulement la narration d’avant-garde, mais aussi diverses thématiques sur les femmes, telles que le désir et l’enfermement. Après avoir passé son enfance à Paris, puis étudié les lettres à la Sorbonne, de retour au Chili en 1931, elle fait la connaissance d’Eulogio Sanchez, avec qui elle entame une relation amoureuse qui, selon ses propres mots, marquera toute sa vie. Établie à Santiago, elle fréquente le cercle des jeunes et talentueux écrivains de l’époque, rencontre Pablo Neruda et Marta Brunet*, avec laquelle elle crée la Compagnie nationale de tragédies et comédies. En 1933, invitée par P. Neruda, elle part pour Buenos Aires où elle rencontre Jorge Luis Borges, Victoria Ocampo* et d’autres collaborateurs de la revue Sur (« sud »). C’est une période de création intense et de reconnaissance par le public. En 1934, elle publie son premier roman, La última niebla (« le dernier nuage »), célébré par la critique et par les lecteurs, qu’elle adaptera en anglais. En 1938 paraît La Femme au linceul, pour lequel elle obtient le Prix du roman de Santiago, également adapté et traduit en anglais. Dans ces romans, elle se penche sur le monde de la femme, et plus particulièrement sur celui de ses désirs, sous couvert de l’irréalité, du rêve, de l’ambiguïté et du surréalisme. En 1939, toujours à Buenos Aires, elle publie Les Îles nouvelles. En 1940, elle rentre au Chili, où elle est emprisonnée l’année suivante pour avoir tenté d’assassiner son ancien amant. En 1942, fuyant le scandale, elle part vivre aux États-Unis, où elle passe plus de vingt ans, se marie et donne naissance à une fille. Ce long exil va progressivement l’éloigner de l’espagnol, même si c’est dans cette langue qu’elle reprend les thèmes essentiels de son œuvre, comme dans Mar, cielo y tierra (« mer, ciel et terre », 1940), ou La historia de María Griselda (1946). Pendant cette période, elle écrit en anglais House of Mist (1947), une adaptation de La Maison du brouillard. Retenant des motifs d’avant-garde, surréalistes et merveilleux, ses récits abolissent l’opposition entre le réel et l’irréel, le mystère et la logique, à travers une structure rigide et symétrique. C’est probablement la caractéristique la plus singulière de son écriture. La nature constitue, dans ses textes, la partie fondamentale d’une connaissance fondée sur le magique et le mystérieux dont font partie les héroïnes de ses romans et c’est de cette communication avec le mystérieux et le primitif que surgit la scission irrémédiable entre le féminin et le masculin qui marquera toutes ses œuvres. Les femmes communiquent et s’accomplissent dans des mondes mystérieux, mais ne réalisent pas pour autant de rupture dans leur vie réelle. Les héroïnes fuient par moment une réalité organisée en connexion avec le mystérieux et la nature. Ces interstices d’indiscipline sont marqués par des motifs surréalistes et merveilleux. Les transgressions de l’ordre existent, mais couvertes d’un manteau d’irréalité ou d’ambiguïté momentanée. À la mort de son mari, en 1969, elle retourne à Buenos Aires, jusqu’en 1973, année où elle se réinstalle au Chili.
Macarena ORTÚZAR VERGARA
■ La Maison du brouillard, Paris, Gallimard, 1955 ; Les Îles nouvelles (Las islas nuevas, 1939), C. Bourgois, 1984 ; La Femme au linceul (The Shrouded Woman, 1948), Paris, Gallimard, 1956.
■ GUERRA CUNNINGHAM L., La narrativa de María Luisa Bombal, una vision de la existencia femenina, Madrid, Playor, 1980.
BOMBARDIER, Denise [MONTRÉAL 1941]
Journaliste, animatrice et écrivaine canadienne d’expression française.
Après des études supérieures à Montréal et à Paris, Denise Bombardier consacre l’essentiel de sa carrière à l’animation d’émissions télévisées (Noir sur blanc, Point, Trait d’union) où elle reçoit des figures politiques et culturelles importantes. Parallèlement, elle publie romans, essais, écrits biographiques où sont présentés les rapports hommes-femmes, les luttes réelles ou fictives de femmes de tête, et des commentaires sans complaisance sur les cultures française et québécoise (Ouf ! , 2002 ; Propos d’une moraliste, 2003 ; Nos chères amies, 2008). Dans la presse, elle dénonce périodiquement le laxisme linguistique généralisé et la trivialité grandissante de la culture populaire. Sa sortie en règle contre Star Académie puis sa participation à l’émission couronnent ses postures dialectiques qui suscitent des réactions passionnées. Recherchant avant tout le débat d’idées dans une société qu’elle juge sclérosée par le « bonententisme », elle ne craint pas la polémique et prend dans les médias le contre-pied du discours anticlérical pour rappeler l’apport des religieux dans le développement du Québec (Une enfance à l’eau bénite, 1985).
Anne CAUMARTIN
BOMPIANI, Ginevra [MILAN 1939]
Écrivaine italienne.
Licenciée en psychologie de la Sorbonne, Ginevra Bompiani est professeure de littérature anglaise à l’université de Sienne. Après un premier roman, Bàrtelemi all’ombra (« Bàrtelemi à l’ombre », 1967), elle enchaîne avec Les Règnes du sommeil (1975), Mondanità (« mondanités », 1980), L’Étourdi (1987), L’attesa (« l’attente », 1988), Tempora (« le saint temps », 1993), Le Grand Ours (1994), Via terra (« voie terre », 1994), L’amorosa avventura di una pelliccia e di un’armatura (« l’aventure sentimentale d’un manteau de fourrure et d’une armure », 2000) : des narrations où domine çà et là une tonalité métaphorique et surréelle. Elle a été collaboratrice du Monde et de Nuovi Argomenti et a publié des travaux sur Sylvia Plath*, Jane Austen*, Emily Brontë* et Virginia Woolf*, ainsi que des ouvrages théoriques comme Lo spazio narrante (« l’espace narrateur », 1978).
Graziella PAGLIANO
■ Les Règnes du sommeil (La specie del sonno, 1975), Lagrasse, Verdier, 1986 ; L’Étourdi (L’incantato, 1987), Paris, Gallimard, 1989 ; Le Grand Ours (L’orso maggiore, 1994), Paris, Stock, 1995.
BON, Anna [Russie V. 1739]
Chanteuse et compositrice italienne.
Anna Bon est la fille du scénographe et librettiste Girolamo Bon, probablement originaire de Venise, et de la chanteuse Rosa Ruvinetti Bon, de Bologne. En 1743, à l’âge de 4 ans, elle entre à l’Ospedale della Pietà, à Venise, en tant qu’élève. En raison des contrats de ses parents à Saint-Pétersbourg, Potsdam, Ratisbonne et Dresde, elle voyage beaucoup et ne revient probablement au foyer familial qu’en 1754. Un an plus tard, à Bayreuth, Anna et sa famille entrent au service du margrave Frédéric III de Brandebourg-Bayreuth et de sa femme Wilhelmine, la sœur de Frédéric le Grand, roi de Prusse. Après la mort de Wilhelmine en 1758, l’activité musicale à Bayreuth est de moins en moins importante. Dans les années 1759-1760, la famille Bon participe à tous les opéras dirigés par Girolamo Bon à Presbourg. En juillet 1762, la famille se met par contrat au service de la grande famille des Esterhàzy, et plus particulièrement du prince Nicolas à Eisenstadt, où Anna demeure jusqu’en 1765 environ. Joseph Haydn écrit plusieurs rôles pour Rosa Bon durant cette période. En 1767, Anna réside à Hildburghausen, où elle est mariée au chanteur Mongeri. A. Bon, chanteuse au talent immense, laisse également des œuvres pour flûte (traverso), ce qui signifie qu’elle en jouait peut-être elle-même. Ses sonates sont surtout éditées à Nuremberg entre les années 1756-1759, période où la famille se trouve entre Bayreuth et Presbourg (auj. Bratislava) : Six sonates de chambre, pour flûte et basse continue, opus 1(Nuremberg, 1756), Six sonates pour violoncelle, opus 2 (Nuremberg, 1757), Six divertissements, 2 flûtes et basse continue, opus 3 (Nuremberg, 1759). Elles sont sûrement destinées à être jouées dans le cadre familial. Dans le style galant, empreintes de l’Empfindsamkeit naissant, les sonates montrent également des caractéristiques techniques notables.
Clémence GRÉGOIRE
■ COHEN A. I. (dir.), International Encyclopedia of Women Composers, New York/Londres, Bowker, 1981.
BONA, Dominique [PERPIGNAN 1953]
Écrivaine française.
Issue d’une famille catalane dont le père, Arthur Conte, fut président de L’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) et écrivain, Dominique Bona obtient l’agrégation de lettres modernes en 1975. Dès l’année suivante, elle travaille comme assistante à France Culture et France Inter avant de devenir journaliste et critique littéraire au Quotidien de Paris jusqu’en 1985, puis au Figaro littéraire jusqu’en 2002, et enfin au Journal du Dimanche. En parallèle, elle poursuit une carrière d’écrivaine et de biographe. Son premier roman, Les Heures volées (1981), est un hommage aux paysages de sa Catalogne natale. D’autres romans suivent, comme Malika (1992) qui lui vaut le prix Interallié, et Le Manuscrit de Port-Ebène, prix Renaudot en 1998. Elle devient par ailleurs le seul membre féminin du jury de ce dernier prix en 1999. Après une première biographie consacrée à Romain Gary en 1987 et récompensée par le Grand Prix de la biographie de l’Académie française, D. Bona s’intéresse à des figures littéraires, artistiques, et à leur entourage, et met toute sa sensibilité au service de leur histoire. Elle retrace ainsi la vie de Stefan Zweig (1996), celle de l’impressionniste Berthe Morisot* (2000), de Clara Malraux* (2010), ou encore de l’avocate et éditrice Jeanne Voilier, le dernier amour de Paul Valéry, dans Je suis fou de toi (2014). Le 18 avril 2013, D. Bona est élue à l’Académie française, devenant la huitième femme à siéger sous la Coupole.
Chayma SOLTANI
BONAL, Denise [ALGÉRIE 1921 - ID. 2011]
Actrice, auteure dramatique, metteuse en scène et professeure française.
Denise Bonal signe sa première mise en scène en 1940. Après avoir suivi les cours de Charles Dullin, elle participe comme actrice aux spectacles de la décentralisation, à Rennes puis à Strasbourg, des années 1950 aux années 1970. Elle fait jouer sa première pièce en 1974, mise en scène par Viviane Théophilidès* : Légère en août dénonce une clinique qui procure des nouveau-nés à des personnes ne pouvant avoir d’enfants. Les histoires de famille sont le thème favori de l’auteure, qui procède par dialogues incisifs. Dans Portrait de famille, mis en scène par Philippe Mercier en 1986, Loleh Bellon* incarne une mère aux prises avec sa fille. On retrouve les rapports mère-fille dans Entre passions et prairie, mis en scène par Guy Rétoré en 1987 : trois couples transforment un déjeuner sur l’herbe en règlements de comptes. En 2000, dans Les Pas perdus, elle entrelace les destins de voyageurs qui se croisent sans jamais se rencontrer. En avril 2011, elle meurt quelques jours avant la première de sa nouvelle pièce : Jean-Louis Martin-Barbaz met en scène, avec Yveline Hamon et Chantal Deruaz dans la distribution, Les tortues viennent toutes seules, montrant un mariage sur fond de guerres d’Indochine et d’Algérie. En 1983, elle a été nommée professeure au Conservatoire de Paris.
Les pièces de D. Bonal sont publiées aux Éditions théâtrales.
Bruno VILLIEN
BONAN, Carina [CRÉTEIL 1961]
Clown française.
Après des débuts à Paris dans les années 1970 et une formation à l’École internationale de théâtre Jacques-Lecoq, Carina Bonan fonde en 1988, avec Gordon Wilson et Pierre Pilatte, la Compagnie extrêmement prétentieuse. Ils produisent Les Serveurs, Le Dîner-Spectacle et Tokyo, joués en France, en Angleterre et en Espagne. En 1993, le Cirque du Docteur Paradi l’invite à participer au spectacle Hop ma non Troppo où elle découvre le plaisir d’être le grain de sable au cœur d’un mécanisme d’horlogerie et donne jour à son personnage d’auguste de reprise, Léonie. En 1995, C. Bonan crée avec Christian Hecq le duo Achille et Léonie. Ils participent au Festival mondial du Cirque de demain et se produisent notamment lors d’une représentation de l’opéra Pagliacci à Caen, en 1996. En 1997, elle fonde la compagnie Batchata et crée plusieurs numéros destinés à la rue, en Afrique et en Europe, jusqu’en 2007 où elle conçoit le solo Tigra Winston live, mis en scène par Pierre Richards et accompagné par le pianiste Julien Bosuma. Parallèlement à son expérience de la scène, elle développe depuis 1988 l’enseignement du jeu clownesque autour du thème Le Clown ou l’éloge de la bêtise, et dirige des stages d’exploration des mécanismes clownesques : Le Clown et l’objet, La Parodie clownesque, Le Clown et la hiérarchie. Elle est notamment formatrice pour la compagnie Jo Bithume, le Cirque Plume, le Théâtre du Prato, l’Espace catastrophe de Bruxelles, l’École de cirque de Lomme.
Pascal JACOB
BONANNI, Laudomia [L’AQUILA 1907 - ROME 2002]
Écrivaine italienne.
Aînée des quatre enfants d’une professeure des écoles et d’un musicien et commerçant, Laudomia Bonnani enseigne dans les écoles primaires de petits villages de montagne. C’est dans ce contexte très difficile que naissent ses premiers écrits tels que le recueil Storie tragiche della montagna (« histoires tragiques de la montagne ») et Novelle d’Abruzzo (« nouvelles des Abruzzes ») qu’elle fera publier à compte d’auteur et grâce à l’aide financière de sa famille, en 1925. En 1948, son recueil de récits Il fosso (« le fossé ») obtient le prix Amici della domenica, décerné à une œuvre inédite par le salon littéraire Bellonci. Cette œuvre lui permet d’entrer en contact avec plusieurs intellectuels de l’époque. Durant une vingtaine d’années, L. Bonanni mène son activité d’écrivaine parallèlement à son travail de consultante au tribunal pour enfants. Elle obtient la médaille d’argent du mérite pour son engagement dans des projets de réhabilitation sociale et la médaille d’or du travail. Cette expérience lui fournit la matière de son premier roman, L’Inculpée (1960). Par la suite, son livre L’Adultère (1964) obtient le prix Selezione Campiello. Les dix années suivantes sont marquées par un silence littéraire dû à une forme grave de névrose. Vers la fin des années 1960, elle quitte l’enseignement et emménage à Rome. Les années qui suivent défilent au rythme de ses publications : Vietato ai minori (« interdit aux mineurs », 1974) ; Città del tabacco (« la ville du tabac », 1977) ; Il bambino di pietra (« l’enfant de pierre », 1979) ; Le droghe (« les drogues », 1982). À partir de 1985, L. Bonanni se mure dans le silence et interrompt toutes ses collaborations aux revues et journaux pour lesquels elle travaillait depuis près de quarante ans. Son dernier roman, La rappresaglia (« la représaille »), est publié à titre posthume en 2003.
Giorgio NISINI
■ L’Adultère (L’adultera, 1964), Paris, Albin Michel, 1965 ; L’Inculpée (L’imputata, 1960), Paris, Albin Michel, 1968.
■ LOMBARDI O., « Laudomia Bonanni », in Letteratura italiana, i contemporanei, vol. IV, Milan, Marzorati, 1974 ; ZULLINO P., La vita e l’opera di Laudomia Bonanni, édition privée, Rome, 2002.
BONAPARTE, Marie [SAINT-CLOUD 1882 - SAINT-TROPEZ 1962]
Femme de lettres et psychanalyste française.
Fille unique de Roland Bonaparte, petit-neveu de l’Empereur, que le métier d’anthropologue et de géographe éloignait souvent de Paris, Marie Bonaparte perdit sa mère à la naissance et connut une enfance et une adolescence particulièrement difficiles. Son mariage avec le prince Georges de Grèce, en 1907, avec qui elle aura deux enfants, lui apporte les honneurs et la célébrité mais ne fait pas d’elle une femme heureuse ni comblée. Familiarisée avec les idées de Gustave Le Bon sur la Psychologie des foules (1895), elle découvre, dès 1923, l’Introduction à la psychanalyse de Sigmund Freud, publié à Paris, en 1916, dans la traduction du Dr. S. Jankélévitch, et rencontre, la même année, René Laforgue, médecin alsacien qui venait d’ouvrir à l’hôpital Sainte-Anne la première consultation psychanalytique. C’est par son intermédiaire qu’elle entre en contact avec S. Freud avec qui elle entreprend, dès 1925, une analyse qui se poursuivra plusieurs années à raison de plus ou moins longs séjours à Vienne. Forte de cette expérience et de l’amitié et de la confiance que S. Freud lui porte, elle devient, dès son retour à Paris, en 1926, l’un des membres fondateurs de la Société psychanalytique de Paris. Ambassadrice passionnée des idées freudiennes, elle contribuera à la fois à l’implantation institutionnelle de la psychanalyse en France mais aussi à la traduction de l’œuvre du maître de Vienne. Elle n’hésite pas à racheter, en 1936, la correspondance de S. Freud avec Wilhelm Fliess – correspondance qui témoigne de l’autoanalyse de l’inventeur de la psychanalyse ; elle fera jouer ses relations dans le monde diplomatique et avancera l’argent de la rançon pour permettre à S. Freud, avec l’aide de l’ambassadeur américain, William Bullitt, de quitter l’Autriche nazie en juin 1938 et de s’installer avec une partie de sa famille à Londres. C’est au Cap, en Afrique du Sud, que Marie Bonaparte passe les années de guerre qui virent la dissolution de la Société psychanalytique de Paris et l’exil de presque tous ses membres. Dans les années 1950, elle devient vice-présidente de l’Association psychanalytique internationale. Elle se bat en faveur de l’analyse pratiquée par les non-médecins, en prenant courageusement la défense de Margaret Clark Williams*, accusée par le Conseil de l’Ordre d’exercice illégal de la médecine. Elle mène un combat acharné contre la peine de mort en tentant de sauver Caryl Chessman, condamné aux États-Unis. Elle finance aussi en grande partie la création d’une bibliothèque et d’un Institut de psychanalyse qui voient le jour à Paris, en 1954, et soutient dès 1927 la publication de la Revue française de psychanalyse. Avant même sa rencontre avec S. Freud, elle avait publié Guerres militaires et guerres sociales, (1920), des livres de contes, dont Le Printemps sur mon jardin (1924), et, sous le pseudonyme de A. E. Narjani, dans une revue médicale belge ses « Considérations sur les causes anatomiques de la frigidité chez la femme », article préfigurant ses recherches ultérieures parues sous le titre : Sexualité de la femme (1951). Mais c’est peut-être son Edgar Poe. Étude psychanalytique, en 1933, avec un avant-propos de S. Freud, traduit depuis en plusieurs langues, qui aura laissé la marque de son talent d’écrivain et d’analyste. Elle fait paraître en 1953 les deux premiers volumes de ses Mémoires, réédités en 1958, sous le titre L’Appel de sèves : les souvenirs de jeunesse de Marie Bonaparte. Cette femme qui aura consacré une grande part de sa vie à l’écriture et à la psychanalyse en y trouvant une raison de vivre, et en y puisant l’énergie dont elle fera toujours preuve, s’éteindra cinq ans après son « vieux compagnon », le prince de Grèce.
Chantal TALAGRAND
■ Guerres militaires et guerres sociales, Paris, Flammarion, 1920 ; Le Printemps sur mon jardin, Paris, Flammarion, 1924 ; Edgar Poe, étude psychanalytique, Paris, Denoël, 1933 ; Sexualité de la femme, Paris, Presses universitaires de France, 1951 ; L’Appel de Sèves : les souvenirs de jeunesse de Marie Bonaparte, Paris, Presses universitaires de France, 1958.
BONDIEK DE GUZMÁN, Erika [OSTROWO 1911 - ID. 2001]
Psychiatre et psychanalyste chilienne.
Née en Prusse, Erika Bondiek de Guzmán fait ses études de médecine à Munich où elle soutient sa thèse en 1936. Elle entreprend ensuite une formation en psychiatrie à Berlin, puis en Suisse. Elle émigre en 1939 à Quillota au Chili. À Antofagasta, elle rencontre un médecin, Leonardo Guzmán Cortés, qu’elle épousera. Après la reconnaissance de son diplôme en 1947, elle continue sa formation en psychiatrie à la clinique psychiatrique universitaire de Santiago et poursuit en parallèle une analyse avec Matte Blanco. Elle effectue plusieurs voyages à Londres pour poursuivre sa formation de psychanalyste d’enfants à la Société britannique de psychanalyse avec Melanie Klein* et Hanna Segal*. Au Chili, elle a dirigé le premier groupe psychanalytique pour enfants avec Ximena Artaza, Ruth Reisenberg et Enrique Rosenblat. Ce sont les premières études et analyses d’enfants dans ce pays. En 1955, elle devient membre de l’Association chilienne de psychanalyse dont, en 1960, elle sera la présidente.
Nicole PETON
BONHEUR, Rosa [BORDEAUX 1822 - THOMERY 1899]
Peintre française.
L’une des plus célèbres peintres de son temps est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants qui deviendront tous artistes, et la fille de Raymond Oscar, peintre et professeur de dessin. Marie-Rosalie Bonheur réalise des copies au Louvre et à l’École des beaux-arts et fait des animaux domestiques l’objet de ses études, les modèles vivants étant interdits aux artistes femmes. En 1837, son père reçoit la commande du portrait d’une jeune fille, Nathalie Micas, à qui elle lie désormais son destin amoureux. En 1841, sous le nom de Rosalie Bonheur, elle expose pour la première fois au Salon deux tableaux animaliers : Deux lapins (no 185) et Chèvres et moutons (no 186). Présente les années suivantes, elle se fait remarquer par ses envois de 1844 : un compte-rendu critique mentionne sa participation dans Le Moniteur universel. Dorénavant, commentées par les journalistes les plus célèbres, ses œuvres figurent chaque année sur les cimaises officielles. En 1846, d’un séjour dans le Cantal, elle rapporte de nombreux croquis et études qui lui servent à préparer sa participation au Salon de 1847. Sa toile représentant des Bœufs du Cantal (no 167) remporte un grand succès, séduit les critiques et le marchand, Benjamin Tedesco, qui lui propose ses services. Ainsi encouragée, elle explore le Nivernais, mais ce sont les modèles rapportés de son précédent voyage qui lui valent une nouvelle récompense à l’issue de l’exposition de 1948. Bientôt, elle reçoit une commande de l’État : Labourage nivernais, le sombrage (no 204) triomphe au Salon de 1849, même si d’aucuns lui reprochent son aspect trop « peigné ». La même année, son père décède. En 1850, elle achète une ferme à Chevilly-Larue, où elle installe toutes sortes d’animaux qu’elle observe, puis elle fait construire une maison et une étable dans la rue d’Assas à Paris, qu’elle remplit d’animaux domestiques, ses modèles. Au Salon de 1853, son Marché aux chevaux est reçu par une critique enthousiaste et sera finalement acquis par le marchand londonien, Ernest Gambart, qui vendra ses tableaux à Londres et aux États-Unis, tandis que les Tedesco père et fils fournissent le marché parisien et français. Lors de l’Exposition universelle de 1855 au palais des Beaux-Arts, elle gagne la médaille d’or avec La Fenaison en Auvergne (no 2587), commande de l’État, passée par l’intermédiaire du duc de Morny (1811-1865). Par la suite, R. Bonheur n’exposera plus à Paris jusqu’à l’Exposition universelle de 1867, mais voyagera beaucoup, récoltant les lauriers de la gloire. En 1856, elle est invitée en Angleterre par E. Gambart et présentée à la reine Victoria. L’idée d’une concentration d’animaux autour d’elle ne la quitte guère : en 1859, elle achète la propriété de By, qui lui offre l’espace nécessaire et les conditions de calme dans lesquelles elle souhaite poursuivre son œuvre. Isolée du monde artistique, elle s’éloigne de la spontanéité de ses débuts – son art évoluant vers un souci d’exactitude nouveau que certains commentateurs réprouveront. Elle n’en reçoit pas moins la Légion d’honneur des mains de l’impératrice Eugénie en 1865, première femme peintre à être ainsi récompensée. Lorsqu’elle expose à nouveau en 1867, les critiques seront plus réservés et gloseront sur l’influence anglaise qui marque ses nouvelles productions. Ces blâmes accentuent son désir de ne plus exposer et de se tenir en dehors des cercles artistiques. Après 1870, R. Bonheur se passionne pour un nouveau répertoire, notamment les fauves, et accueille des modèles inattendus à By ; en 1889, le président de la République, Sadi Carnot, s’y déplace pour lui remettre la grand-croix de la Légion d’honneur. Cette année-là, elle rencontre les membres du Buffalo Bill’s Wild West Show, présents pour l’Exposition universelle ; grâce aux Tedesco et au marchand Roland Knoedler, elle aura tout le loisir de réaliser des études, inspirées par les Indiens et leur spectacle. Après la mort de N. Micas en 1889, elle fait la connaissance d’Anna Klumpke, peintre américaine, qui, dès 1894, réside auprès d’elle à Nice. Sous son influence, R. Bonheur accepte de réapparaître au Salon en 1899, avec Vache et taureau d’Auvergne, race du Cantal.
Dominique LOBSTEIN
■ Selected Works from American Collection (catalogue d’exposition), Hendersen A. (textes), Dallas, Meadows Museum/National Museum of Women in the Arts, 1989 ; Rosa Bonheur, 1822-1899 (catalogue d’exposition), Bordeaux, Musée des Beaux-Arts, 1997.
■ ASHTON D., HARE D. B., Rosa Bonheur : A Life and a Legend, New York, Viking, 1991.
■ RADYCKI D., « Rosa Bonheur : All Nature’s Children », in Woman’s Art Journal, vol. 21, no 2, 2000-2001.
BONI, Tanella [ABIDJAN 1954]
Philosophe et écrivaine ivoirienne.
Titulaire d’un doctorat de troisième cycle en philosophie (1979), puis d’un doctorat ès lettres obtenu en 1987 à l’université de la Sorbonne, Suzanne Tanella Boni a longtemps enseigné la philosophie à l’université de Cocody à Abidjan, où elle occupe plusieurs fonctions administratives, notamment celles de chef du département de philosophie (1982-1984) et de vice-doyenne de la faculté des lettres, arts et sciences humaines (1993-1997). Auteure d’une quinzaine d’ouvrages – poésie, roman, essai –, elle est rédactrice en chef des Annales de lettres de 1986 à 1993 et présidente de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire de 1991 à 1997. Elle participe à différentes revues comme Diogène, Mots pluriels (1996-2003) et Africultures. Membre de l’Académie mondiale de poésie, elle a également publié plusieurs livres pour enfants. Femme de lettres et citoyenne engagée, elle s’illustre par des articles pluridisciplinaires sur les droits humains, la question de l’insécurité et du pouvoir, la condition des femmes en Afrique, le partage des savoirs, la liberté d’expression et la tolérance. Elle doit quitter la Côte d’Ivoire en 2005, et vit depuis à Paris.
Patricia CÉLÉRIER
■ Les Baigneurs du lac Rose, Abidjan, NEI, 1995 ; Chaque jour l’espérance, Paris, L’Harmattan, 2002 ; Matins de couvre-feu, Paris, Le Serpent à plumes, 2005 ; Les Nègres n’iront jamais au paradis, Paris, Éditions du Rocher/Le Serpent à plumes, 2006 ; Que vivent les femmes d’Afrique ?, Paris, Éditions du Panama, 2008.
BONIFANT, Cube (ou Luz ALBA) [SINALOA 1904 - MEXICO 1993]
Journaliste et critique de cinéma mexicaine.
Connue sous le pseudonyme de Cube Bonifant – qu’elle conservera jusqu’à sa mort –, elle fait ses débuts à seulement 17 ans à la rédaction de l’Universal ilustrado (« l’universel illustré ») comme chroniqueuse, et son style excentrique séduit le directeur de la publication. Elle tient ensuite dans El mundo une rubrique quotidienne (Sólo para mujeres, « seulement pour les femmes »), où elle adopte son pseudonyme. En 1926, dans El ilustrado, elle publie Confidencias femeninas (« confidences féminines »). D’une manière directe, alors inhabituelle, elle interpelle les femmes mexicaines, va au cinéma, fréquente les corridas et les stades de foot, fume, conduit des voitures et suit la mode comme les femmes nord-américaines. Témoin des changements politiques et sociaux, elle incarne la femme moderne, avec une voix critique à l’égard de l’ordre culturel dominant, qui fixe alors les normes du bon et du mauvais goût pour les femmes. Si la chronique écrite est son espace d’énonciation privilégié, elle anime, au cours de la décennie 1930, sous le pseudonyme de Luz Alba, une émission de radio comme critique de cinéma (El cine visto a través de una mujer, « le cinéma regardé par une femme »), qui lui permet d’entrer dans le cercle des journalistes spécialisés. Soutenant le nouveau cinéma mexicain, qui reflète la réalité du pays, C. Bonnifant illustre la modernisation culturelle mexicaine.
Ana Lía REY et Mirta VARELA
■ MAHIEUX V., « Cube Bonifant : una escritora profesional en el México post-revolucionario », in Revista de Crítica Literaria Latinoamericana, Año 33, no 66, 2007.
BONIN, Cosima VON [MOMBASA, KENYA 1962]
Plasticienne allemande.
Issue de la génération post-(Martin) Kippenberger, Cosima von Bonin compte aujourd’hui parmi les artistes les plus prolifiques et influentes en Allemagne, et emprunte à son prestigieux prédécesseur ses stratégies d’hyperproductivité, de perturbation, de transgression, d’ironie vis-à-vis des conventions de l’art, comme de celles des combats idéologiques des années 1970 – le féminisme en premier lieu. Elle s’est d’abord distinguée par ses multiples collaborations avec d’autres créateurs, musiciens ou théoriciens, cherchant ainsi à étendre le domaine réservé de l’artiste à celui de producteur, curateur, critique ou disc-jockey. Il n’est pas rare qu’elle se serve de l’invitation d’une galerie ou d’un musée pour déléguer sa présence, comme au Kunstverein Braunschweig, où elle profite de l’occasion pour exposer l’œuvre de l’artiste new-yorkais Nils Norman. Usant, dès le début des années 1990, de sources et de références variées comme de tous les médiums possibles, son travail investit des écarts, des interrelations alors peu explorées entre les formes, les outils de communication, les moyens de diffusion et de promotion de l’art. Les textes, les catalogues et autres instruments de médiation deviennent chez elle de véritables supports de création, de production de discours, une manière de subvertir le goût bourgeois en matière d’art, le fétichisme de l’objet. À l’instar de Rosemarie Trockel*, C. von Bonin travaille la laine, le textile, à partir de principes de recouvrement, transferts et collages. Les peintures en tissus, International Wool Exchange (2003) et Crude Cuisine (Loop # 1) (2003), sont issues de photographies de tabloïds du prince Charles et de Camilla Parker Bowles. Proche de Blinky Palermo ou Sigmar Polke, C. von Bonin joue, à différents niveaux de ces déplacements d’images et de sens, des stéréotypes des beaux-arts, comme de ceux du décoratif. Après sa contribution remarquable à la Documenta 12 de Kassel en 2007, elle bénéficie d’une grande exposition personnelle, en collaboration avec le musicien Moritz von Oswald, au Kunsthaus Bregenz en 2010, qui donne la mesure de son œuvre, emblématique de l’époque. Sous le titre mélancolique The Fatigue Empire, l’espace est peuplé par une armée de peluches, créatures traversées par des sensations de paresse, de détente, des moments de loisir et de mort.
Stéphanie MOISDON
■ Bruder Poul sticht in See (catalogue d’exposition), Dziewior Y. (dir.), Cologne, DuMont, 2001 ; Roger & Out (catalogue d’exposition), Goldstein A. (textes), Los Angeles/Cologne, MoCA/König, 2007 ; Cosima von Bonin (catalogue d’exposition), Schafhausen N., Gray Z. (dir.), Rotterdam/New York, Witte de With/DAP, 2010 ; The Fatigue Empire (catalogue d’exposition), Dziewior Y (dir.), Bregenz/New York, Kunsthaus Bregenz/DAP, 2010.
BONIN, Liselotte VON [MÜHLHEIM, RUHR 1904 - TÜBINGEN-KREßBACH 1997]
Architecte allemande.
Après un semestre d’architecture à l’École supérieure technique (TH) de Charlottenburg, à Berlin, Liselotte von Bonin commença ses études à Munich, puis devint stagiaire chez Emil Fahrenkamp, à Düsseldorf. En 1928, elle retourna finir ses études à Berlin, auprès d’Heinrich Tessenow et réalisa une maison de campagne à Bad Oeynhausen. Son diplôme obtenu en 1931, elle épousa son condisciple, Wilhelm von Gumbertz-Rhonthal, et créa avec lui une agence. Après un lotissement pour fonctionnaires à Henningsdorf, ils eurent, entre 1932 et 1935, de plus importantes commandes à Berlin-Charlottenburg pour la Société Heimwohl A.G. Mivremia de Cologne : 50 petits appartements dans un ensemble entourant une cour, ainsi que deux immeubles de 16 appartements et l’aménagement de logements sous combles. Parallèlement, l’agence transforma un bâtiment de bureaux à Berlin-Mitte et réalisa cinq petites maisons de campagne dans les environs de Berlin, dont trois firent l’objet d’une publication : Grunewald, Dahlem et Kladow. En 1934, L. von Bonin devint membre de l’Union des architectes allemands (BDA), puis construisit la maison Rathje (1936), une grande demeure de campagne à l’ouest de Berlin-Charlottenburg. L’architecture de l’agence se caractérisait par des plans ramassés et clairs, et un style sobre et fonctionnel, le tout reflétant l’enseignement de H. Tessenow. Après son divorce en 1936, L. von Bonin épousa le banquier Robert von Mendelssohn, avec lequel elle s’installa dans une villa qu’elle avait dessinée à Berlin-Grunewald. Son inscription à la Reichskulturkammer, la Chambre de la culture du Reich, condition indispensable à l’exercice du métier, lui fut refusée, son mari étant déclaré « non aryen ». La famille passa les années de guerre retirée dans le Jura souabe, tandis qu’à Berlin leur maison fut touchée par une mine en 1943. Dans les années 1950, elle transforma la bibliothèque Gerhard-Hauptmann d’Ascona et construisit plusieurs maisons à Ascona, à Locarno et sur l’île de Thassos. Après son deuxième divorce, elle épousa en 1972 le banquier Just Boedecker et s’installa avec lui dans une maison individuelle qu’elle avait construite à Kreßbach, près de Tübingen.
Christiane BORGELT
■ BAUER C. I., Bauhaus-und Tessenow-Schülerinnen. Genderaspekte im Spannungsverhältnis von Tradition und Moderne (thèse), Cassel, université de Cassel, 2003 ; DÖRHÖFER K., Pionierinnen in der Architektur. Eine Baugeschichte der Moderne, Tübingen, Wasmuth, 2004.
BONINO, Emma [BRA 1948]
Femme politique italienne.
Diplômée en études littéraires, Emma Bonino s’engage très jeune dans le Parti radical italien, parti minoritaire non gouvernemental qui prône la non-violence et la désobéissance civile – c’est ainsi qu’elle sera arrêtée à plusieurs reprises. Les années 1970 sont celles des grandes batailles des femmes. La loi italienne autorise le divorce en 1974. Avec le Centro d’informazione sulla sterilizzazione e sull’aborto, cofondé avec Adele Faccio, elle se lance l’année suivante dans la campagne de référendum d’initiative populaire pour abroger l’interdiction de l’avortement en vigueur depuis 1930. Il sera autorisé en 1978 par la loi Fortuna. En 1976, elle est élue députée au Parlement italien, pratiquement sans interruption jusqu’en 2006, et sera également députée européenne durant dix ans. Hostile à toute prohibition, dont celle concernant les drogues, elle se met en grève de la faim pour le droit à l’euthanasie. En 1986, elle promeut le référendum sur l’abandon du programme nucléaire civil italien. Elle s’est engagée dans de nombreux combats pour les droits civiques et humains : campagnes contre la faim dans le monde, les mines antipersonnel, la peine de mort, et pour le désarmement ainsi que la défense des droits civiques en Europe avant la chute du mur de Berlin. Elle remet en 1993 un appel à l’Organisation des Nations unies pour que soit créé un tribunal jugeant les crimes de guerre en ex-Yougoslavie. Commissaire européenne de 1994 à 1999, elle plaide pour une aide humanitaire et financière de l’Union européenne (UE) aux réfugiés du Rwanda et de la région des Grands Lacs en Afrique. En 1997, elle lance, avec le soutien de Médecins sans frontières et du Parlement européen, une campagne « Une fleur pour les femmes de Kaboul ». Elle se mobilise en 2002 avec l’UE pour l’éradication des mutilations génitales féminines et plaide pour l’octroi du droit d’asile aux femmes qui fuient cette pratique. Elle représente le gouvernement italien aux conférences intergouvernementales de la Communauté des démocraties à Séoul puis à Sanaa. Ministre du Commerce international et des Affaires européennes sous le deuxième gouvernement Prodi, elle est depuis 2008 vice-présidente du Sénat italien. Elle est nommée, le 27 avril 2013, ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement d’Enrico Letta. Elle a reçu de nombreuses distinctions pour ses actions et engagements.
Jacqueline PICOT
BONIS, Mel (Mélanie BONIS, dite) [PARIS 1858 - SARCELLES 1937]
Compositrice française.
Mel Bonis grandit dans un milieu de la petite bourgeoisie modeste qui ne comprend pas sa passion pour la musique. Elle apprend le piano en autodidacte jusqu’à l’âge de 12 ans. À 17 ans, elle entre au Conservatoire de Paris où elle suit les cours de piano, d’orgue et d’écriture avec Auguste Bazille, Ernest Guiraud et César Franck, partageant les mêmes bancs que Debussy et Gabriel Pierné. Elle obtient un premier prix d’harmonie et suit avec succès la classe de composition, quand ses parents l’obligent à démissionner du Conservatoire pour contrecarrer ses projets de fiançailles avec le chanteur Amédée Hettich. Ils organisent un mariage de convenance avec un riche bourgeois, Albert Domange, hermétique à son art. Après une longue interruption du fait de ses devoirs de maîtresse d’une « maison » considérable, M. Bonis reprend contact avec la musique et les musiciens. C’est dans l’incompréhension la plus totale de son entourage qu’elle accomplira sa vocation, écrivant malgré tout plus de 300 œuvres, pour piano, orgue, orchestre, de la musique de chambre, ainsi que des mélodies et des chœurs. Dans la veine post-romantique, c’est une œuvre variée et originale, foisonnante d’inspiration, richement harmonisée avec une intéressante recherche rythmique, reflétant la grande sensibilité de son auteure. En témoignent notamment ses deux quatuors pour piano et cordes qui soutiennent aisément la comparaison avec les grandes œuvres de compositeurs tels que Brahms ou Fauré. Entre 1900 et 1910, M. Bonis connaît une certaine notoriété dans le milieu musical parisien : lauréate de deux concours de la Société des compositeurs, sa musique est jouée dans le cadre de la Société nationale de musique, et, fait unique pour une femme, elle devient secrétaire de la Société des compositeurs. Elle est jouée dans des salons, aux Concerts du Conservatoire, au Châtelet. Mais dans la dernière partie de sa vie, elle est physiquement et psychologiquement déprimée. Elle continue à composer, dans l’ombre. Elle écrit dans ses mémoires : « Mon grand chagrin : ne jamais entendre ma musique. » Cet injuste destin pour une musique d’une qualité exceptionnelle se répare aujourd’hui, où des interprètes de plus en plus nombreux lui redonnent vie.
Christine GÉLIOT
■ GÉLIOT C., Mel Bonis, femme et « compositeur » (1998), Paris, L’Harmattan, 2009 ; SCHENK D., « Très douée, bonne musicienne », Die Französische Komponistin Mel Bonis (1858 - 1937), Oldenbourg, BIS, 2007.
BONNAIRE, Sandrine [GANNAT, ALLIER 1967]
Actrice, cinéaste et écrivaine française.
Issue d’une famille ouvrière de 11 enfants, Sandrine Bonnaire grandit à Grigny, dans la banlieue parisienne. Après quelques figurations, elle débute à 16 ans dans un film de Maurice Pialat dont elle tient le rôle principal, À nos amours. Elle y incarne avec un naturel confondant une jeune fille révoltée, et s’impose immédiatement auprès de grands metteurs en scène français. Proche de l’héroïne d’À nos amours, elle est, à 18 ans, une jeune SDF en errance dans Sans toit ni loi, d’Agnès Varda*. Dans Quelques jours avec moi, de Claude Sautet (1988), elle trouble par son insolence et son goût de vivre le calme trompeur de la bourgeoisie provinciale. Sous la direction de Jacques Rivette, elle est une Jeanne d’Arc* lumineuse et combative dans Jeanne la Pucelle (1994). De ce tournage, elle tire la matière de son premier livre. La même année, elle donne naissance à sa fille aînée, Jeanne, dont le père est l’acteur américain William Hurt. Elle tourne ensuite avec Claude Chabrol des films noirs, La Cérémonie, avec Isabelle Huppert* (1995), grand succès public, puis Au cœur du mensonge (1999). Elle aborde la comédie avec Confidences trop intimes de Patrice Leconte, face à Fabrice Luchini (2004), et explore le travail de la télévision avec des séries d’Aline Issermann* : Une femme en blanc (1997) et La Maison des enfants (2003). Elle incarne aussi la mère de la jeune Marie-Claire dans Le Procès de Bobigny (téléfilm de François Luciani, 2006), l’occasion d’affirmer sa solidarité avec les combats des femmes pour l’avortement et pour leurs droits. Elle est la servante inspirée de Flaubert dans Un cœur simple, de Marion Laine, et interprète en 2009 Joueuse, de Caroline Bottaro. S. Bonnaire se marie en 2005 avec le réalisateur Guillaume Laurant, père de sa deuxième fille, Adèle. Elle ajoute ensuite une nouvelle dimension à sa créativité en devenant également réalisatrice. Elle consacre d’abord un documentaire à sa sœur autiste : Elle s’appelle Sabine (2007), portrait passé et actuel, intime, d’une jeune femme à la fois brillante et souffrante, et sorte de manifeste contre l’inadaptation des soins proposés à ces malades. En 2012, elle écrit et réalise J’enrage de son absence, avec l’acteur américain W. Hurt, son ex-compagnon. Au théâtre, elle n’a joué qu’une seule pièce : La Bonne Âme du Se-Tchouan, de Bertolt Brecht (1990).
Bruno VILLIEN
■ Le Roman d’un tournage : « Jeanne la Pucelle », Paris, J.-C. Lattès, 1994 ; avec GAILLAC J.-Y., MORGUE T., Le soleil me trace la route, Paris, Stock, 2010.
BONNAMOUR, Jacqueline [1924]
Géographe française.
Parmi les premières agrégées de géographie (1949), docteure en géographie en 1966, Jacqueline Bonnamour est directrice de l’École normale supérieure (ENS) de Fontenay (1975-1990) et mène à bien la fusion de cette école avec l’ENS de Saint-Cloud. Dans le domaine scientifique, elle s’est imposée comme spécialiste de géographie rurale, après un doctorat d’État consacré au Morvan. Elle a mené des analyses pionnières sur le rôle des femmes dans l’agriculture. Elle innove en menant une recherche de géographie agricole globale, avec des collaborations pluridisciplinaires, là où la tradition était celle d’études agraires, paysagères et rétrospectives. Elle innove aussi par la promotion d’une géographie rurale ouverte aux mutations des campagnes, à la multifonctionnalité de l’espace rural, à la montée des préoccupations environnementales. Ces travaux lui valent un fort rayonnement au sein de la Commission de géographie rurale du Comité national de géographie, puis de l’Union géographique internationale (typologie mondiale de l’agriculture, typologie des espaces ruraux). Son autorité scientifique l’a conduite à l’Académie d’agriculture. Spécialiste, elle l’est au fond à contrecœur, comme le suggère son titre, Du bonheur d’être géographe (2000), car elle a la nostalgie d’une géographie sans épithète. Soucieuse de méthodologie et de rigueur notionnelle, elle est restée critique en revanche sur la modélisation, qui mettrait en cause les valeurs de la géographie « classique » et réduirait indûment la complexité du réel.
Marie-Claire ROBIC
■ Le Morvan, la terre et les hommes, essai de géographie agricole, Paris, PUF, 1966 ; Géographie rurale, méthodes et perspectives, Paris, Masson, 1973 ; Du bonheur d’être géographe, Fontenay-aux-Roses, ENS Éditions, 2000.
■ REY V. (coord.), Géographies et campagnes, mélanges Jacqueline Bonnamour, Fontenay-aux-Roses, ENS Fontenay/Saint-Cloud, 1993.
BONNER, Elena [MERV, AUJ. MARY, TURKMÉNISTAN 1923 - BOSTON 2011]
Dissidente soviétique et militante des droits de l’homme.
Figure respectée de la défense des droits de l’homme en Union soviétique, Elena Bonner était également l’épouse du physicien dissident Andreï Sakharov, Prix Nobel de la paix en 1975. En 1937, ses parents, activistes du Parti communiste, sont arrêtés lors des grandes purges staliniennes : son père, arménien, est exécuté et sa mère, juive, est condamnée à huit ans de travaux forcés dans un camp du Kazakhstan. Tous deux ne seront réhabilités qu’en 1954, après la mort de Staline. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s’engage comme infirmière volontaire et manque de perdre la vue. Puis elle devient pédiatre et se marie avec un médecin de Leningrad dont elle aura deux enfants. Après la timide déstalinisation lancée par Nikita Khrouchtchev en 1956, elle entre au Parti communiste. Mais l’invasion de la Tchécoslovaquie par les chars soviétiques, en 1968, met fin à ses espoirs de libéralisation du régime communiste et la fait quitter le parti, geste sacrilège, alors, en Union soviétique. En 1972, elle rencontre celui qui deviendra son deuxième mari, le célèbre physicien atomiste Andreï Sakharov, au sein du comité pour la défense des droits de l’homme et des victimes politiques que celui-ci avait créé. Pendant les vingt années de leur vie conjugale, elle sera l’assistante, la collaboratrice la plus proche et le porte-parole du dissident. Elle le représente ainsi lors de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix, en 1975, puisqu’il n’a pas l’autorisation du Kremlin de se rendre à Oslo. Elle le rejoint en exil, en 1984, à Gorki (auj. Nijni-Novgorod), condamnée pour avoir « systématiquement diffusé des informations calomniant l’Union soviétique ». À son retour à Moscou avec son époux, en 1986, le couple ayant été gracié par Mikhaïl Gorbatchev en pleine Perestroïka, elle continue à lutter pour les droits de l’homme. Elle ne ménage pas ses critiques à l’égard du président Vladimir Poutine, qu’elle considère comme une menace pour les libertés en Russie. Cette combattante aura ainsi passé toute sa vie entre les procès, les grèves de la faim et les camps de détention où elle visitait les prisonniers politiques. Malade dans les dernières années de sa vie, elle fut l’une des dernières personnalités phares de la dissidence soviétique à disparaître.
Elisabeth LESIMPLE
■ FIGES O., Les Chuchoteurs, vivre et survivre sous Staline, Paris, Denoël, 2009 ; LOPEZ J. et OTKHMEZURI L., Grandeur et misère de l’Armée rouge, Paris, Seuil, 2011.